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La Dernière Mission Du 7ème De Cavalerie
“Hé, les mecs,” dit Karina, “visez un peu ça.” Elle désignait une femme en train d’acheter de la viande.
“C’est notre cuivre,” dit Sparks.
“Sans blague, Dick Tracy,” dit Sharakova.
La femme comptait des étuis de cartouches laissées sur le sol par la section après la bataille.
“Elle utilise ça comme de l’argent,” dit Karina.
“Trois,” dit Joaquin. “Qu’est-ce qu’elle a eu pour trois étuis?”
“On dirait que ça fait dans les cinq livres de viande,” dit Karina.
Ils continuèrent à avancer, recherchant encore d’autre cuivre.
“Regardez là.”
Sparks montra du doigt un homme qui marchandait avec une femme qui avait du fromage et des oeufs étalés sur une nappe blanche. Il lui proposa une cartouche pour une grosse part de fromage. La femme secoua la tête puis se servit de son couteau pour mesurer environ la moitié du fromage. L’homme dit quelque chose et elle mesura une part un peu plus grande. Il jeta une cartouche sur la nappe blanche. Elle découpa le morceau de fromage et le lui tendit avec un sourire.
“Ces gens sont une bande d’idiots, dit Lojab, “qui essaient de transformer notre cuivre en argent.”
“On dirait que ça marche plutôt bien,” dit Karina.
“Hé.” dit Lojab en reniflant. “Vous sentez un peu ce que je sens?”
“Je sens de la fumée,” dit Sharakova.
“Oauis, c’est ça,” dit Lojab. “Y a quelqu’un qui fume de la beuh.”
“Ah ça, si quelqu’un s’y connaît pour détecter de la marijuana dans l’air, c’est bien toi.”
“Venez, c’est par ici.”
“Laisse tomber, Lojab,” dit Sharakova. “On n’est pas obligés de s’attirer des ennuis.”
“Je veux juste voir si je peux en acheter.”
“On est en service, tête de noeud.”
“Il peut pas nous imposer de rester en service 24 heures sur 24.”
“Non, mais là on est en service.”
“Ce que Mon adj’ ignore ne fera du tort à personne.”
Lojab descendit une pente vers un petit cours d’eau. Les quatre autres soldats restèrent sur place à le regarder pendant un moment.
“Je n’aime pas ça,” dit Joaquin.
“Laisse le filer,” dit Sparks. “Ca lui donnera peut-être une bonne leçon.”
Lojab longea le cours d’eau, puis il prit un tournant et ils le perdirent de vue.
“Venez,” dit Sharakova, “si on n’est pas derrière lui, il va se faire servir ses couilles sur un plateau.”
Chapitre Neuf
Lorsqu’ils rattrapèrent Lojab, il était au contact d’un groupe de trente fantassins disposés en cercle à regarder un combat entre deux hommes. Ils riaient et criaient en encourageant les combattants.
“La fumée par ici est suffisamment épaisse pour faire planer un éléphant,” dit Joaquin.
Les hommes faisaient circuler de petits bols entre eux. Chacun inhalait profondément dans le bol, puis le faisait passer au suivant. Les bols d’argile étaient remplis de feuilles de cannabis qui se consumaient lentement.
“Ca vous dérange pas si j’essaie?” dit Lojab à l’un des fantassins.
Le soldat le dévisagea, marmonna quelque chose, puis le repoussa en arrière contre Sparks.
Karina appuya sur l’interrupteur de sa radio. “Hé, Mon adj’. Vous êtes là?”
“Ouais, qu’est-ce qui se passe?”
“On pourrait bien avoir une petite explication ici.”
“Où est-ce que vous êtes?”
“Dans les bois, en contrebas du marché.”
“Mais qu’est-ce que vous fichez là-bas?”
Lojab enleva son fusil, mais avant qu’il ait eu temps de le ramener devant lui, deux des fantasssins se saisirent de lui, tandis qu’un autre homme s’emparait de son fusil.
“On en reparle plus tard,” dit Karina. “On va avoir besoin d’un coup de main.”
“Bon, d’accord. Combien d’hommes est-ce que je dois prendre avec moi?”
Karina embrassa du regard le groupe des fantassins ; les hommes avaient l’air d’être d’humeur pour une bonne bagarre. “Et si vous rameniez tout le monde.”
“On y sera dans dix minutes.”
Les deux fantassins entrainèrent Lojab au centre du cercle et le maintenirent tandis qu’un grand homme chevelu sortit de la foule et lui donna un coup de poing dans le ventre.
“Hé toi, sale fils de pute,” dit Sharakova, “arrête ça.”
Elle pénétra dans le cercle, en tenant son fusil entre ses bras. L’homme regarda pendant un moment la jeune femme, puis se moqua d’elle.
Elle s’avança vers lui. “C’est moi qui te fais marrer, tronche de cake?”
“Bon sang,” dit Sparks, c’est parti.”
Tronche de Cake dégaina une épée d’un mètre de long et regarda Sharakova avec un grand sourire en l’agitant dans tous les sens.
“Ouais, je vois ton petit couteau. T’as vu mon fusil?” Elle le fit tourner en plaçant la crosse par terre près de sa botte droite. “A toi d’jouer, Gomer.”
Lojab essaya de s’échapper mais les deux hommes le retenaient fermement en lui tordant les bras derrière le dos.
Tronche de Cake balança son épée sur le cou de Sharakova. Elle fléchit un genou et leva son fusil pour arrêter le coup. Au moment où l’épée frappa le bloc de culasse de son fusil, elle se leva d’un bond, tenant le fusil devant elle.
L’homme retira ensuite son épée et voulut la lui enfoncer dans le coeur. Sharakova envoya valdinguer l’épée et avança pour le frapper à la poitrine de la crosse de son fusil. Tandis que l’homme reculait en chancelant, Sparks saisit sa baïonnette et la fixa sur le canon de son fusil. Karina et Koaquin en firent autant. Certains des hommes les regardèrent faire et tirèrent leur épée.
Tronche de Cake tourna autour de Sharakova en agitant son épée. Elle ne le quittait pas des yeux. Soudain, l’un des fantassins dans la foule s’agenouilla derrière elle et tira d’un coup sec en dérobant ses pieds sous elle, l’envoyant mordre la poussière.
Sparks s’élança en courant et posa sa baïonnette sur l’avant-bras de l’homme. “Arrière!”
L’homme laissa Sharakova s’échapper et fit marche arrière en rampant. Elle fit une roulade et bondit sur ses pieds. Elle jeta alors un coup d’oeil à son fusil, qui traînait par terre, à trois mètres de là. Tronche de Cake aussi regardait son fusil, et avec un grand sourire il s’élança vers elle.
“Tiens!” dit Karina en lançant son fusil à Sharakova, qui attrapa le fusil et agita la pointe de la baïonnette sous le nez de l’homme.
“Tu veux goûter à ça?” lança-t-elle.
Karina s’agenouilla pour ramasser le fusil de Sharakova, tout en fixant toujours Tronche de Cake.
Joaquin entra dans le cercle pour se mettre à côté de Karina, son fusil armé. Sparks fit un pas pour se placer à côté de Lojab. Désormais les cinq soldats du 7ème étaient tous dans le cercle des trente fantassins.
Tronche de Cake regarda Sharakova pendant un instant, dit quelque chose et lança son épée par terre. Il se tapait sur la poitrine en braillant comme un gorille.
“Oh, tu veux un combat d’homme à homme, hein? D’accord.” Sharakova jeta son fusil à terre et s’en éloigna. “Alors allons-y.”
Il courut vers elle, l’attrapant par le cou des deux mains. Elle remonta ses bras entre les siens et abaissa les épaules pour le faire lâcher prise, puis en enchaînant son mouvement avec souplesse, elle saisit son poignet, plaça son pied derrière le sien, et le poussa pour lui faire perdre l’équilibre.
Il tomba lourdement au sol mais se remit debout d’un bond, en balaçant son poing vers sa tête. Elle accompagna son mouvement de balancement, lui saisit le bras et l’envoya à nouveau au sol.
Il se releva, rugissant de colère, et se jeta sur elle. Elle fit volte-face, lançant son pied droit en l’air pour lui mettre sa botte dans les côtes. Mais le coup n’eut aucun effet sur lui. Il attrapa ensuite son pied, le tordit, et l’envoya à terre.
Les hommes hurlaient et applaudissaient pour encourager les combattants.
Sharakova se remit sur pieds d’un bond et l’attaqua en lui assénant un coup de poing rapide au visage en une-deux, qui lui mit le nez en sang. Il s’essuya le nez et regarda le sang sur ses doigts, puis fonça sur elle. Sharakova lui mit un coup de poing dans le ventre, mais il fit un écart, lui prit le bras et lui fit faire un demi-tour. Il entoura sa taille de ses bras en la soulevant du sol. Elle avait les bras bloqués contre les côtes tandis qu’il commençait à la serrer pour la tuer. Elle se tortilla et dégagea son bras droit, puis attrapa son pistolet, l’arma et l’appuya par-derrière contre son flanc.
Un coup de feu puissant fit sursauter tout le monde.
Alexander tenait son pistolet fumant en l’air. Il abaissa le pistolet et le pointa sur Tronche de cake.
“Lâche-la.”
Tous les fantassins savaient ce que le pistolet pouvait faire – ils l’avaient vu en action sur les chiens de bisons. Tronche de Cake relâcha Kady, puis regarda fixement Alexander.
“L’apache,” dit Alexander.
“Ouais, je suis là, juste derrière vous.”
“Vois si tu peux communiquer avec ce gros balourd et calmer le jeu.”
Autumn avança et balança son fusil en bandoulière. Elle fixa Tronche de Cake un moment puis se mit à parler. “Je suis Autumn Eaglemoon. Mes gens sont le 7ième de Cavalerie. On est arrivés ici du ciel.” Elle utilisait la langue des signes, en espérant qu’il comprendrait un peu ce qu’elle disait. “Nous ne vous voulons aucun mal, mais si vous n’arrêtez pas de vous battre, on va tous vous descendre jusqu’au dernier, bande de salauds.” Elle arma son pouce et son index comme un pistolet, puis les pointa sur chaque homme autour du cercle. “Pan, pan, pan, pan.”
“Euh, Eaglemoon,” dit Alexander, “J’avais plutôt imaginé de recourir à un peu de diplomatie.”
“Vous savez comment on dit ‘diplomatie’ en langue des signes, Mon adj’?”
“Non, mais—”
Tronche de Cake arma sa main et la pointa vers Autumn. “Pan, pan?”
“C’est ça,” dit Autumn. “Pan, pan.”
Il éclata de rire et s’approcha d’Autumn. Elle recula, mais il étendit la main d’un geste amical. Elle hésita, puis tendit la main vers lui.
Il lui prit la main et prononça une suite de mots qui se terminait par “Hagar.”
“Hagar?”
Tronche de Cake acquiésca. Il essuya le sang de son nez, puis se tapa du poing sur la poitrine. “Hagar.”
“D’accord, Hagar.” Elle retira sa main de la sienne. “Apache.” dit-elle en se donnant une tape sur la poitrine.
“Apache,” dit-il, puis fit signe à l’un de ses hommes.
L’homme s’avança, et Hagar prit un bol fumant dans ses mains. Il le proposa à Autumn. Elle regarda le bol et secoua la tête.
“Je préférerais boire quelque chose.” dit-elle en faisant le geste de boire.
Hagar cria un ordre. Une femme arriva bientôt avec une cruche d’argile et deux bols pour boire. Elle tendit un bol à chacun d’entre eux puis versa un liquide foncé de la cruche.
Autumn but une gorgée du bol puis claqua des lèvres et sourit.
“Du vin.” Elle tendit le bol à Hagar.
Il trinqua en cognant son bol contre le sien, puis avala son vin. Elle but une autre gorgée, puis but tout le reste. Ils rendirent leurs bols vides à la femme, qui les remplit à nouveau.
Autumn montra Lojab, qui était toujours retenu par les deux fantassins. “Et s’ils le lâchaient?”
Hagar regarda vers l’endroit qu’elle montrait et fit un geste d’impatience vers les deux hommes. Ils relâchèrent Lojab. Il trébucha vers l’avant, reprit son équilibre, puis secoua la poussière de ses vêtements.
Autumn porta un toast avec Hagar. “A la diplomatie!”
“A l’apache!”
Ils vidèrent tous deux leurs bols.
“Vas-y mollo,” dit Alexander, “tu sais bien que tu tiens pas ton eau-de-feu.”
Lojab ramassa son fusil et se dirigea vers Sharakova. “Tu peux donc jamais te mêler de ce qui te regarde?” J’avais la situation sous contrôle jusqu’à ce que tu pètes les plombs.”
“Ah ouais, c’est sûr que tu l’avais son contrôle. J’ai vu comment tu attaquais le poing de ce gars avec ton ventre.”
“Si Mon adj’ s’était pas pointé pour sauver tes fesses,” dit Lojab, “t’aurais été refroidie.”
“Ah Ah. Eh bien, la prochaine fois que tu veux t’envoyer en l’air, monte plutôt dans un arbre,” dit-elle en échangeant son fusil avec celui de Karina.
* * * * *Le jour suivant, en fin d’après-midi, Liada et Tin Tin vinrent rendre visite à la section. Mais elles avaient perdu leurs sourires habituels et leurs commentaires enjoués.
“Nous trouver Rocrainium vous,” dit Liada.
Chapitre dix
Il faisait presque nuit lorsqu’ils pénétrèrent dans la petite clairière, à trois kilomètres et quelque de leur camp au bord de la rivière.
“Mon Dieu,” dit Sharakova, “qu’est-ce qui lui est arrivé?”
“Il a été torturé,” dit Alexander. “Une mort lente et douloureuse.”
Six membres de la section, plus Tin Tin Ban Sunia et Liada, se tenaient près du corps et le regardaient. Le reste de la section était resté au camp avec Kawalski.
Une dizaine de fantassins attendaient à proximité, surveillant les bois environnants.
Autumn prit un foulard jaune et bleu pour couvrir les parties du capitaine, du moins ce qui en restait.
“Des bêtes enragées,” murmura-t-elle en le recouvrant du foulard.
“Est-ce qu’ils ont fait ça parce qu’on en a tué un paquet d’entre eux sur la piste? Demanda Sharakova.
“Non,” dit Alexander. “Il est mort depuis plusieurs jours. Je pense qu’ils l’ont tué dès qu’il a atterri.”
“Ils ont dû le voir descendre et l’ont capturé quand il a touché le sol,” dit Autumn. “Mais est-ce qu’ils avaient besoin de le torturer comme ça?” Son corps était couvert de blessures et contusions.
“Je ne sais pas,” dit Alexander, “mais il faut qu’on le fasse enterrer. On n’est pas assez nombreux pour repousser une attaque d’envergure.” Il jeta un coup d’oeil aux bois environnants qui disparaissaient dans l’obscurité. “Pas ici.”
“On ne peut pas l’enterrer tout nu.” dit Sharakova.
“Pourquoi pas?” suggéra Lojab. “C’est comme ça qu’il est venu au monde.”
“J’ai une couverture Mylar dans mon sac à dos,” dit Joaquin en tournant le dos à Sharakova. “Elle est dans ma poche de côté.”
Lorsqu’elle retira la couverture pliée très serrée, un long objet tomba de son sac. “Oh, désolé, Joaquin.” dit-elle en s’agenouillant pour le ramasser.
Tin Tin Ban Sunia remarqua l’instrument brillant, et ses yeux s’agrandirent. Elle donna un petit coup de coude à Liada. Liada le vit aussi, et de toute évidence elles voulaient toutes les deux demander ce que c’était, mais elles décidèrent que le moment était mal choisi.
Sharakova tendit l’instrument à Joaquin, et il dépoussiéra le métal poli, puis lui sourit. “Pas de souci.”
Elle étendit la couverture argentée au sol, tandis que les autres commençaient à rendre la terre plus malléable avec leurs couteaux pointus. Ils commencèrent à creuser la tombe à la main. Tin Tin and Liada prêtèrent main forte, et bientôt le trou atteignit un mètre de profondeur par deux mètres de longueur.
“Ca suffira.” dit Alexander.
Ils placèrent le corps du capitaine sur la couverture et la replièrent sur lui. Après l’avoir délicatement déposé dans la tombe, Autumn se mit au pied de la tombe et ôta son casque.
“Notre Père, qui êtes au cieux…”
Les autres ôtèrent leurs casques et inclinèrent la tête. Liada et Tin Tin se tenaient près d’eux, les yeux baissés vers le corps.
Autumn termina le Notre Père, puis elle dit, “Nous remettons notre ami et commandant entre Tes mains, Seigneur. Amen.”
“Amen,” dirent les autres.
“Mon adj’,” murmura Joaquin en levant la flûte brillante qui s’était échappée de son sac à dos.
Alexander fit oui de la tête, puis Joaquin porta la flute à ses lèvres et commença à jouer le Bolero de Ravel. Tandis que les notes sombres de la musique s’élevaient dans la clairière au crépuscule, les autres soldats s’agenouillèrent pour commencer à combler la tombe avec des poignées de terre.
Liada aussi s’agenouilla pour aider à ensevelir le capitaine mort.
Seuls Tin Tin Ban Sunia et Joaquin restèrent debout. Tandis que Tin Tin regardait Joaquin jouer la musique bouche-bée d’émerveillement, sa main droite bougeait comme si elle était mue par sa propre volonté, comme une créature qui s’enroulait et cherchait quelque chose à l’aveuglette dans la bourse de cuir qu’il portait à la hanche. Elle leva la vieille flûte en bois qu’elle avait fabriquée à Carthage, onze ans plus tôt.
Joaquin remarqua le mouvement et la regarda prendre la flûte du bout des doigts. Ses doigts à lui, bien que massifs et couverts de cicatrices, exécutaient un ballet délicat sur les touches argentées. Tin Tin attendit qu’il eût terminé, puis elle porta sa flûte à la bouche et commença à jouer.
Les autres ne semblèrent pas prêter attention aux notes de musique tandis qu’ils s’affairaient à combler la tombe, mais Joaquin lui s’en aperçut forcément – elle jouait le Boléro, note à note, exactement comme il l’avait joué quelques instants plus tôt. Il reprit la musique qu’elle était en train de jouer, en la rejoignant au passage où elle était arrivée, mais en jouant une octave plus bas qu’elle.
Autumn regarda Tin Tin, puis Joaquin. Elle sourit tandis que des larmes coulaient le long de ses joues, puis elle lissa la terre sur la tombe du capitaine Sanders.
Il était plus de neuf heures du soir lorsqu’ils s’en retournèrent au campement.
“Nous aller chercher Cateri,” dit Liada en se détournant avec Tin Tin pour prendre congé des soldats du 7ième.
“OK,” dit Karina. “A plus tard.”
* * * * *Ce soir-là la veillée fut lugubre près du feu de camp. Kawalski s’était réveillé pendant que les autres s’occupaient du capitaine Sanders. Il souffrait beaucoup mais il secoua la tête lorsqu’Autumn lui demanda s’il souhaitait une autre injection de morphine.
“Ce truc me met dans les vappes. Je peux m’en passer.”
Karina raconta à Kawalski comment le capitaine avait été torturé à mort.
“Nom de Dieu,” dit Kawalski. “Du coup, je suis bien content qu’on ait tué vingt de ces maudits fils de pute.”
“Plutôt deux cents, tu veux dire.” dit Karina.
“Je parle de Liada et moi. Faut voir comment elle assure avec son arc. Et quand elle s’est retrouvée à court de flèches, elle a attrapé mon fusil par terre et s’en est servi comme d’une crosse.”
“Oui,” dit Karina, “après la bataille, je l’ai aidée à récupérer ses flèches. Elle a été mortelle.”
Fusilier prit des rations toutes prêtes dans le conteneur d’armement. “Qui est-ce qui veut le menu 7?”
Lojab leva la main, et elle le lui jeta.
Ils étaient tous assis sur des troncs autour du feu.
“Le menu 12?”
“Je prends,” dit Sharakova.
“Le menu 20?”
Personne n’était très chaud pour un repas froid, mais quelques-uns essayèrent de manger.
“Hé, Mon adj’.”
“Ouais, Sparks.”
“Regardez qui s’amène.”
Alexander vit un chariot s’approcher d’eux. “On dirait Cateri.” Il se mit debout en dépoussiérant son pantalon.
“Et y a quelqu’un avec elle,” dit Fusilier.
“C’est Tin Tin et Liada.”
Autumn les salua tandis que leur chariot poursuivait sa course jusqu’à l’arrêt. “Bonjour.”
“Bonjour,” dit Tin Tin.
Liada sauta à terre et se dirigea vers Kawalski, qui avait du mal à se lever.
“Donne ton bras.” Liada prit son bras et le mit autour de ses épaules.
“Oui, j’ai vraiment besoin d’aide.” Il la tenait serrée tout en faisant quelques pas mal assurés.
“Viens voir.” Elle le conduisit à l’arrière du chariot.
“Waouh,” fit Kawalski. “Hé, les mecs, venez donc mater un peu ça.”
Sur le plancher du chariot se trouvait une grande marmite de fonte remplie de céréales fumantes et de morceaux de viande. A côté de celle-ci se trouvaient une dizaine de pains ronds ainsi que plusieurs écuelles en bois.
Cateri tendit la main pour tirer la marmite jusqu’au bord du plancher du chariot, puis glissa deux longs manches en bois dans les anneaux métalliques des deux côtés de la marmite.
“Attendez,” dit Alexander, “laissez-moi vous aider.”
Elle dit quelque chose qui ressemblait davantage à “si vous voulez” qu’à “merci” tandis qu’ils la soulevaient ensemble pour l’apporter jusqu’au feu.
“Ca sent vraiment bon, Cateri,” dit Alexander tandis qu’ils déposaient la marmite au sol près du feu.
Cateri haussa les épaules et écarta une mèche de cheveux auburn qui lui tombait sur le visage, en enlevant les manches en bois de la marmite pour les amener au chariot.
Alexander la regarda retourner au feu de camp, où elle détacha la lanière en cuir qu’elle avait sur la nuque pour laisser retomber ses cheveux dans son dos. Longs, épais et brillants, ils lui tombaient plus bas que les épaules. Elle garda la lanière entre les dents le temps de rassembler les mèches libres, puis attacha ses cheveux en arrière. Elle passa près d’Alexander en le frôlant pour aller aider Liada et Tin Tin qui découpaient des morceaux de pain et les faisaient passer avec les bols qu’elles avaient remplis à la marmite.
“Nous sommes désolées,” dit Tin Tin avec les mains, “pour perte de votre Sanders.”
“Merci à vous,” dit Autumn en faisant le signe de la main. “Nous vous sommes tous reconn.” aissants, à vous et votre peuple, de nous avoir aidés. Comment avez-vous su que c’était notre homme?”
“Hum, lui pas avoir de…” Elle se frotta la joue, puis se toucha les cheveux.
“Ah, oui. Il n’avait pas de barbe. La plupart de vos hommes en ont une.”
Tin Tin remplit son propre bol et prit place sur une bûche aux côtés de Sharakova. Tin Tin regarda Joaquin, attira son regard et sourit. Il fit un grand sourire et prit une bouchée.
“Qu’est-ce que c’est comme viande?” demanda Autumn à Liada.
Liada dit quelque chose et fit un signe de la main.
Autumn secoua la tête. “Je ne comprends pas.”
“Tin Tin,” dit Liada et lui posa une question.
Tin Tin réfléchit un instant, puis fit meuh comme une vache. Tout le monde se mit à rire.
“Ah, on mange de la viande de meuh,” dit Autumn. “Ca doit être du boeuf, ou peut-être du taureau. C’est très bon.”
“Dommage,” dit Kawalski. “Je croyais que c’était peut-être du…” et il fit le son d’un hennissement, puis le geste de piaffer.
Tin Tin and Liada rirent avec les autres.
“Moi je pensais au ‘ouaf ouaf’” dit Zorba Spiros.
“Ou alors ‘miaaaaaou,’” dit Kady .
Kawalski faillit s’étouffer avec une bouchée, ce qui fit redoubler les rires. Cateri, qui souriait pourtant rarement, rit de Kawalski.
Karina toucha la joue de Liada. “Pourquoi est-ce qu’on t’a marquée au fer rouge?”
Liada secoua la tête. “Pas savoir ce que tu dis.”
“Marquage, pourquoi?” Karina se toucha la joue et leva les épaules.
Tin Tin, assise non loin d’eux, entendit la conversation. Elle s’adressa à Liada, qui demanda en grec quelle était la question. Il expliqua que Karina voulait savoir comment elle avait eu ce marquage au visage.
“J’ai fait marquage,” dit Liada, en touchant la cicatrice.
“Toi?” dit Karina en montrant Liada. “Tu t’es fait ça toi-même?”
Liada fit signe que oui de la tête.
Tin Tin vint s’asseoir près de Liada. “C’est…hum…” Elle se toucha la joue où elle avait un marquage identique à celui de Liada, mais de l’autre côté du visage. “Pas pouvoir dire ce mot.” Elle fit le geste de travailler à l’aide d’une houe, puis se leva et fit le geste de frapper quelqu’un avec un fouet.
“Esclave?” demanda Kawalski. “Est-ce qu’elle essaie de dire ‘esclave’?”
“Impossible qu’elles soient esclaves,” dit Karina. “Elles ont la gestion du camp et sont pratiquement libres d’aller et venir.”
Cateri, assise par terre au bout d’une des bûches, s’adressa à Tin Tin, qui leva les épaules.
“Elles essaient de trouver comment nous dire quelque chose,” dit Karina.
Joaquin se leva et fit le geste de biner la terre, puis de porter un lourd fardeau. Il s’arrêta pour s’essuyer le front puis fit mine d’avoir peur de quelqu’un à proximité. Il s’empara de sa houe imaginaire et se remit au travail.
“Esclave,” dit Karina en montrant Joaquin.
“Oui, esclave,” dit Tin Tin.
“Toi et Liada vous êtes des esclaves?” demanda Karina.
Tin Tin secoua la tête. “J’ai été l’esclave de Sulobo…”
“Kusbeyaw,” dit Liada. “Sulobo, kusbeyaw.”
“Tin Tin a été esclave, et son maître c’était Sulobo?” demanda Joaquin.
Tin Tin et Liada paraissaient être d’accord.
“Oui,” dit Karina. “Et on sait tous ce qu’est un kusbeyaw.”
“Yzebel,” Liada fit le geste de prendre des pièces dans sa bourse et de les donner à quelqu’un.
“Yzebel a acheté Tin Tin.” dit Karina. “Continue.”
“Sulobo.”
“Ah, Yzebel a acheté Tin Tin à Sulobo.”
“Oui,” dit Liada.
“Quel âge avait Tin Tin?” demanda Karina. “Est-ce qu’elle était bébé?” Elle fit semblant de bercer un bébé dans ses bras, puis montra Tin Tin du doigt.