
Полная версия
Les protestants à Nimes au temps de l'édit de Nantes
Pour ses gages, Maître Guillaume Guiraud reçoit 72 l. par an217. De plus, le consistoire s’est engagé à lui laisser prélever des droits sur divers de ses revenus. Il touche, par exemple, une certaine somme sur les «legatz pies» faits à l’église218, et un écu pour son «droit de leveure de l’argent deub par la ville pour l’entretenement des escolliers proposans219». Enfin, il est à croire qu’il sait se créer par ailleurs d’autres sources de revenu, car on voit le consistoire lui défendre de louer plus d’un sol le drap mortuaire pour les enterrements220, et lui enjoindre de le bailler gratis aux pauvres221.
Pour rédiger les délibérations de l’assemblée, il y a un greffier. A Nîmes, c’est un des notaires de la ville, et il change tous les ans222. A Montdardier223, c’est le maître d’école224. A La Salle225, un des anciens remplit les fonctions de secrétaire226. Il est en tout cas défendu aux greffiers de prendre aucun argent pour les extraits d’actes du consistoire que des particuliers peuvent leur demander; s’ils sont pauvres, l’église doit avoir soin «de pourvoir à iceux227».
Le maître d’école dépend du consistoire et il faut qu’il ait été approuvé par lui228, qu’il serve ou non de greffier. Le «magister» du Vigan touche 100 l. que lui paye la ville229.
Quant au chantre, il reçoit à Nîmes 2 écus230. Il doit entonner et diriger le chant des psaumes, car il n’y a pas d’orgue231; et ce n’est peut-être pas une sinécure.
Le règlement de 1566, dont j’ai parlé, porte qu’à Nîmes les séances consistoriales devaient se tenir chaque mercredi à midi232. Parfois, néanmoins, il se passait un assez long intervalle sans qu’il y en eût233. Inversement, on se réunissait en cas de besoin, plusieurs fois dans la semaine, le mercredi et le vendredi ou un autre jour234. L’assemblée avait lieu dans le temple235, «à l’yssue du presche236».
Qui présidait? La Discipline veut que ce soit un pasteur, et, dans les églises où il s’en trouve plusieurs, pour ne pas créer de compétitions et de jalousies, elle ordonne sagement qu’ils présideront tour à tour237. Ce dernier point n’était pas observé rigoureusement: à Nîmes, tantôt chaque séance a comme «modérateur» un ministre différent, mais sans que le tour de chacun revienne à des intervalles réguliers, tantôt le même ministre préside sans interruption un certain nombre de fois238. Je n’ai d’ailleurs relevé aucune contestation à ce sujet.
Pour que les décisions prises soient valables, il faut que les deux tiers des membres soient présents à l’assemblée239. On doit y arriver «à midy précézément», à temps «pour mettre le genoul en terre et fere la prière», sous peine d’une amende de 5 sols240. Le pasteur présidant prononce la prière241. Puis, on règle les affaires courantes: censures, «réceptions à la paix de l’église», abjurations, finances du consistoire, et «charges» diverses données aux anciens.
Outre ces séances ordinaires, le règlement adopté par l’église en 1566 porte que, la veille de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, le consistoire se réunit pour censurer impartialement, s’il y a lieu, la conduite de tous ses membres, y compris les pasteurs et les employés, et pour désigner les anciens qui donneront la coupe, les diacres qui tiendront les bassins aux portes, et celui qui recevra les «méreaux242». Ces séances «de censure» ont lieu en 1560 et 1561: on en trouve des traces dans le registre243. Mais à l’époque qui nous occupe on n’en rencontre plus aucune mention. Il est difficile de dire si c’est qu’elles ont disparu ou qu’on néglige simplement de les inscrire: M. de Felice constate d’ailleurs que, d’une façon générale, il est très rare qu’elles soient relatées dans les livres des consistoires244.
Le règlement de 1566 porte encore que, pour procéder à l’élection des pasteurs, on doit envoyer une députation aux magistrats et aux consuls, afin de les réunir en «assemblée mixte des trois corps» avec les deux consistoires «vieux» et «nouveau245». Au temps de l’édit de Nantes, on convoque aussi ces assemblées, ou «consistoires extraordinaires246», pour décider l’imposition des deniers du ministère247. Le consistoire ne trouve sans doute pas inutile de s’adjoindre les notables de la ville pour sanctionner une décision aussi désagréable aux habitants que celle-là248. D’ailleurs, il réunit des assemblées mixtes au sujet du «logement des pouvres249», du collège et «rectorat d’icelluy250», et de tous les événements importants.
D’autres personnes que les consuls, les magistrats et les anciens vieux et nouveaux y prennent part: des «docteurs et advocatz251» généralement, mais aussi des «bourgeois et marchans252». Le nombre des assistants varie beaucoup. L’assemblée la plus nombreuse que j’aie trouvé comprend le juge criminel Daniel de Calvière, quatre conseillers, le lieutenant particulier de viguier, le lieutenant de juge ordinaire, les quatre consuls, deux ministres, huit avocats, dont quelques-uns membres du consistoire, un noble, et six bourgeois, anciens ou non253. Elle se tient au temple, comme presque tous les consistoires extraordinaires254; j’en note un, cependant, qui a lieu «en la maison de M. le Juge Criminel255». C’est ce magistrat qui préside toujours quand il est présent256; en son absence, c’est l’un des pasteurs257.
Les délibérations des assemblées mixtes ne devaient pas être inscrites dans le livre du consistoire, ou tout au moins n’avaient pas la valeur officielle d’«actes consistoriaux». C’est ce que montre un intéressant jugement du synode provincial de Nîmes par députés, en 1599, rendu au sujet d’un incident grave survenu entre le célèbre jurisconsulte Julius Pacius de Beriga et un professeur de logique du collège de Nîmes, Robert de Vismes258. Pacius avait fait extraire du registre du consistoire, avec le consentement des anciens, puis imprimer et publier, le procès-verbal d’une assemblée mixte tenue en avril 1598. Cette affaire fut portée au synode qui censura «griefvement» le consistoire de Nîmes «d’avoir faict coucher» dans son livre «la conclusion d’une assemblée mixte259», et envoya même deux ministres inscrire en marge du procès-verbal en question la note suivante: «Déclairons ce présent acte… estre d’une assemblée mixte et non consistoriale, et pourtant n’en pouvoir estre despêché aucun extraict portant tiltre des actes consistoriaulx260». Ainsi s’établit bien nettement la différence entre les assemblées régulières, faites suivant la Discipline, et ces assemblées mixtes qui sont parfaitement autorisées, mais non reconnues officiellement. A Nîmes, on continue d’ailleurs, après l’incident soulevé par Pacius, à inscrire dans le registre les procès-verbaux d’assemblées mixtes261, comme on l’a toujours fait, mais, sans doute, on ne leur donne plus la valeur d’actes consistoriaux.
Le «Livre» du consistoire devait, selon la Discipline, conserver la mémoire des fautes qui, «étant conjointes avec rebellion, auroient esté censurées de la suspension de la Cène ou excommunication»; et les autres devaient théoriquement en être effacées262. En outre, on y inscrivait les «décharges» des receveurs des deniers lorsque leurs comptes avaient été arrêtés263, les «accords» faits par l’église avec les pasteurs264, etc. C’était donc un témoin officiel pour l’église, comme les registres de baptêmes et de décès. On pouvait en certains cas délivrer copie d’actes consistoriaux265 pour servir de témoignages, d’attestations. Ceci explique pourquoi le synode prov. de Nîmes tenait à maintenir bien nette la différence entre un acte consistorial, procès-verbal d’une séance tenue selon les prescriptions de la Discipline, et une simple relation authentique d’assemblée mixte.
Il était utile d’exposer en détail la composition et le fonctionnement du consistoire, car il faut bien connaître cette assemblée, pour saisir comment elle remplit les deux fonctions si importantes qui lui reviennent et qu’elle partagea à l’origine entre ses diacres et ses anciens: 1o obtenir des subsides, 2o diriger la vie «de ceux qui sont du corps de l’église266».
C’est par le consistoire, en effet, que le protestantisme officiel communique avec la foule des fidèles. Les Nîmois entendent bien parler du synode, mais cette assemblée est pour eux solennelle et lointaine, au lieu qu’ils voient, qu’ils connaissent leurs anciens. Or, la popularité des consistoires est nécessaire à la force du parti: si leur influence périclite, les assemblées supérieures vont se trouver «en l’air», si je puis dire. Je montrerai plus loin qu’à Nîmes, il n’en est rien, et que le pouvoir du consistoire sur les fidèles fait de ceux-ci des soldats disciplinés, et tout prêts à suivre les instructions que les chefs du parti leur donneront.
III
LES FINANCES DU CONSISTOIRE
Les comptes du «receveur des deniers de l’église» et du «receveur des deniers des pauvres».
Deniers des pauvres: Recettes. Qui on assiste. Secours en nature. Tableau des secours délivrés par le consistoire de Nîmes entre janvier et mars 1596. Visites de charité. Surveillance de l’hôpital des pauvres.
Deniers de l’église: Dépenses. Recettes: les imposés; la levée des rôles. Églises «ingrates». Pension payée à l’église par la ville.
Il reste maintenant à étudier les finances du consistoire de Nîmes et à montrer quels étaient ses revenus. Il lui en fallait d’importants pour subvenir aux dépenses qui lui étaient imposées: entretien des pasteurs et des proposants, gages de l’avertisseur et des autres fonctionnaires, aumônes, pensions aux nouveaux convertis, enfin dépenses des synodes et colloques, car chaque église doit solder les frais de ses députations aux assemblées ecclésiastiques. En matière de finances, comme en tout le reste, ce sont les consistoires qui forment la base de l’édifice protestant: sans leur argent, pas d’assemblées, et toute la hiérarchie du parti se trouve désagrégée.
A Nîmes, le budget de l’église se divise en deux parts distinctes: les «deniers de l’église» et les «deniers des pauvres».
Chacune a son «receveur», son banquier, choisi chaque année parmi les membres du consistoire, le plus souvent un ancien267. Une délibération du 31 janvier 1601 montre que le receveur des deniers du ministère touchait à cette époque des gages de 100 l.; mais c’est le seul renseignement que j’aie trouvé sur ce point268.
Les receveurs ne devaient délivrer aucune somme que sur la présentation de «mandements», tirés sur eux par les anciens269. Et à l’expiration de leur charge, chaque année, il fallait qu’ils rendissent compte de leur gestion devant une commission nommée par le consistoire270.
Le «receveur des deniers de l’église» à Nîmes présentait: 1o les pièces justificatives de ses comptes, comprenant, d’une part, les mandements tirés sur lui, et d’autre part, les quittances de ses payements, avec leur bordereau271; 2o le «livre des quitances des paiements de nos pasteurs…», comprenant les quittances des pasteurs, proposants et autres salariés du consistoire, qui était en quelque sorte la mise au net des pièces précédentes, dont il ne comprenait pas le détail272; 3o un registre contenant les noms des imposés pour l’entretien des ministres, avec le chiffre de leurs taxes, et une liasse renfermant toutes les pièces relatives au recouvrement de ces impositions273.
Le receveur des deniers des pauvres avait des comptes moins compliqués: il ne présentait que les mandements tirés sur lui et les quittances de ses paiements avec leur bordereau274. La commission déléguée par le consistoire vérifiait tous ces comptes et en donnait aux deux receveurs une «décharge» qu’elle inscrivait sur un autre registre spécial275, et qu’on mentionnait souvent dans le livre du consistoire276. Puis les comptes étaient renfermés dans un coffre et formaient les archives de l’église277.
J’ai dit que les deniers des pauvres étaient tout à fait distincts des deniers de l’église. Il arrive, en effet, qu’on fasse procès aux «povres de l’église278», dont les revenus provenaient soit de legs testamentaires, soit de quêtes faites par les diacres.
Les legs étaient assez fréquents et variaient beaucoup; je n’en ai pas trouvé, néanmoins, de considérables: en 1598, un conseiller au présidial, Antoine de Malmont, lègue 20 l., et le baile de Saint-Jean de Valeriscle 25 l. aux pauvres de Nîmes279. En revanche, il y en a un grand nombre de peu d’importance: voici, par exemple, à Congeniès, un laboureur qui laisse 30 sols280; l’hôte du logis des Arènes à Nîmes, Armand Gaubin, ne destine aux indigents que 10 sols281, et, même, un certain Jacques Malafosse, de Congeniès, ne leur en donne pas plus de 5282. Ce ne sont pas d’ailleurs ces «légatz pies» qui forment la plus grosse part du revenu des pauvres, et heureusement, car ils ne doivent pas être fort exactement payés, s’il arrive fréquemment, comme en 1597, que les magistrats se permettent d’en disposer283. Au reste, une partie des legs est consacrée à l’entretien des pasteurs, et ainsi les pauvres n’ont pas le bénéfice de toute la charité des testateurs284.
Les quêtes faites par les anciens et les diacres formaient leur principale ressource. Il n’y a que fort peu de renseignements sur ce point. On faisait la quête au temple dans un «bassin285». En outre, on plaçait des troncs «aux» boutiques des marchands, et on les visitait, ce semble, au commencement de chaque année286. Enfin, tous les ans, on réunissait les objets perdus dans le temple et non réclamés, on les vendait, et l’on en versait le produit au bassin: en 1596, on retire ainsi 2 l. 14 sols, et en 1601, 2 l. 16 sols287.
Ces quêtes étaient les vraies ressources des pauvres. Elles devaient fournir parfois des sommes importantes. Le synode national de Montauban, en 1594, décide que, lorsqu’il se trouvera une somme notable des deniers des pauvres «que l’urgente nécessité n’obligera pas d’emploier pour leur subvention, les diacres, par l’avis du consistoire, pourront en faire quelque prêt à des gens solvables pour faire valoir cet argent à la plus grande utilité des pauvres… à la charge qu’on le puisse retirer promptement en cas de nécessité288». C’était là une permission assez dangereuse, mais ces spéculations paraissaient si séduisantes que, le synode national de Saumur les ayant interdites en 1596289, celui de Montpellier les autorisa de nouveau en 1598290. Il est peu probable que le consistoire de Nîmes ait pu user de la permission à l’époque qui nous occupe, car il avait grand mal à entretenir ses très nombreux indigents291 et, l’«urgente nécessité» ne devait pas lui permettre d’amasser un capital pour le placer.
Il secourait non seulement les pauvres de la ville, mais encore ceux des autres provinces. Ainsi, en 1597, l’église de Grenoble ayant fait parvenir aux Nîmois une lettre réclamant secours, le consistoire décide que «tout ce qui sera levé au bassin» lui sera envoyé, et que l’on communiquera la lettre aux autres églises du colloque292. On faisait également l’aumône aux pauvres étrangers à la cité qui se présentaient avec des attestations de leur église d’origine. Cette coutume, nommée la «passade293», prêtait à de nombreux abus.
Des vagabonds exploitaient les églises en exhibant de fausses lettres de leurs prétendus consistoires. C’est en vain que, pour y remédier, le synode national de Montpellier (1598) décide que l’on ne devra accorder aucune attestation avant d’avoir examiné en consistoire si les raisons données par l’intéressé pour partir au loin sont plausibles; que ses «âge, poil, stature» devront être spécifiés; et que les ministres auxquels il s’adressera en chemin devront garder ou détruire l’attestation qu’il présentera et lui en donner une autre, s’il y a lieu, «pour la prochaine église294». L’abus subsiste, et le consistoire de Nîmes se voit forcé d’ordonner que, dorénavant, les pasteurs comme les anciens ne pourront délivrer à ceux qui «demandent la passade… aucungz bilhetz de 5 solz… qui n’aye esté délibéré au consistoire, ou à l’yssue du presche, et signé par quatre pour le moingz295».
Il ne leur enlevait point, ce semble, le droit de distribuer des «bilhetz» de moins de 5 sols, payables par le receveur des deniers des pauvres. Celui-ci, comme nous l’avons vu, conservait précieusement tous ces mandements comme pièces justificatives de ses dépenses. Ils pouvaient monter à des sommes variables. Par exemple, du 1er janvier au 27 mai 1601, sire Dalbiac, à Nîmes, a reçu des billets pour 52 l. 19 sols296, ce qui donne environ une moyenne de 125 l. d’aumônes par an. Cela ne me paraît pas très considérable, si l’on songe que chaque pasteur reçoit 600 l. de traitement annuel297.
D’ailleurs, ces sommes, pour minimes qu’elles soient, semblent distribuées avec équité. Marque d’une tolérance rare à cette époque, on fait la charité même à des catholiques, et sans leur demander la plus petite abjuration en retour. «Jane Varlède, papiste, sera assistée de 10 souls pour une fois, atandu sa pouvretté298», décide le consistoire. «La femme de Pierre Michel… estant en extrême pouvreté… bien que soit papiste, luy sera assisté de 10 sols sans conséquance299.»
Les nouveaux convertis sont entretenus pendant un certain temps, quand ils sont incapables de gagner leur vie, comme il arrive aux défroqués. On paye leur apprentissage: Pierre, fustier, réclame au consistoire la dépense «que le novisse moyne a faict à sa maison à raison de 5 sols chascung jour300». Si l’église ne peut placer son converti, elle écrit à ses voisines et le leur adresse301. Le synode provincial et le colloque en prennent «soing» et cherchent «si quelque église le voudra entretenir302». D’ailleurs, ils se trouvent souvent mal de leur bonté. Le colloque de Nîmes, par exemple, se voit réclamer 400 l. par Mre Mathieu Guilien, apothicaire, «qu’un jadis moine, nommé François Hon», mis en apprentissage chez lui pour trois ans par le colloque, «auroit dérobé303». Ailleurs, c’est un ancien moine de Tournon, nommé Denys Enard, que le consistoire de Nîmes envoie comme apprenti chez Mre Noguier, chirurgien, au prix de 8 l. par mois: «lequel apprenti s’en seroit allé sans luy rien dire» au bout de onze jours, en emportant «deux couvre chefz de valleur de 24 solz tous deux»; il faut donc payer les 24 sols et 3 l. pour les onze jours d’apprentissage, plus 4 l. 10 sols pour deux chemises que le consistoire avait fait acheter «pour bailher au susd. Denys Enard304».
Car il remettait souvent les secours en nature. Je vois, en effet, qu’il fait délivrer pour 20 l. de «cadis à la vefve de Parant pour lui fere une robbe305»; qu’il assiste d’une «eymine de bled», valant 15 sols, Jean St-Huict, serrurier306, etc. En tout cas, pour le principe, lorsqu’il donne une somme d’argent, il spécifie presque toujours l’emploi qu’en doit faire l’assisté: si Estienne Audiballe reçoit un écu, c’est «pour achepter une robbe à la fripperye307».
Certains pauvres étaient en quelque sorte abonnés et touchaient une certaine somme chaque semaine, tandis que d’autres étaient secourus une fois pour toutes. Parmi les premiers se trouvaient les malades, dont le consistoire prenait grand soin. Une pauvre femme, Claude Deleuse, étant tombée «malade à l’extrémité», il décide que l’ancien du quartier devra avertir ses parents tout d’abord, mais «en cas de nécessité luy adressera avec son diacre308». Souvent, il ordonne que certains pauvres recevront une somme remise à la discrétion «du diacre et surveillant de leur cartier309». Le tableau suivant renferme les noms des indigents assistés entre janvier et mars 1596, avec la mention de ce qu’on leur a donné310.

Le consistoire avait donc, en l’espace de trois mois, fourni à 26 personnes différentes des secours variant entre 10 l. et 5 sols. Il est juste de constater que ce tableau ne comprend que les aumônes énumérées dans le livre du consistoire, et que les anciens et les pasteurs avaient le droit de distribuer des bons pour des sommes peu importantes.
Ce qu’il faut retenir, c’est le soin avec lequel l’église s’occupe des indigents. Il ne se passe pas une séance sans qu’un des anciens propose une infortune à soulager, et sans que le consistoire fasse la charité suivant ses moyens, assez faibles à la vérité. En janvier 1602, il décide de reprendre une ancienne coutume qui lui semble propre à ranimer le zèle des dames de la ville: elle consiste à faire visiter les pauvres chaque semaine, par des «damoiselles et autres honnorables personnes311». Il fait donc dresser un rôle des demoiselles «honnorables», et, tous les mercredis, il désigne deux d’entre elles à cet effet. Ce sont les plus hautes dames de la ville: Mme d’Aubais et Mme de Rochemore312, Mlle la Criminelle et Mlle la lieutenante de Rozel313, Mlles de la Rouvière314, de la Croix315, etc. Elles sont chargées, notamment, d’aller voir les pensionnaires de l’hôpital. Le consistoire semble avoir toujours exercé une surveillance efficace sur cet hôpital. En 1597, il rappelle sévèrement à l’avocat des pauvres que c’est son devoir de s’en occuper316. Il prie les consuls de veiller à ce que «les serviteurs et servantes de l’hospital traictent bien les povres317». Il leur recommande encore d’y recevoir une malheureuse «femme boiteuse318». Enfin, il s’assemble avec les consuls et les magistrats pour pourvoir au logement des indigents319.
Voilà comment on employait les deniers des pauvres. Ce n’était pas une grosse somme, et l’on en retenait encore un cinquième pour l’entretien des proposants320. Mais tout au moins les aumônes étaient distribuées équitablement.
La part la plus importante des revenus du consistoire était comprise sous la dénomination: «deniers de l’église» ou encore «deniers du ministère», parce qu’elle était surtout destinée aux pasteurs.
Le «receveur des deniers de l’église» avait bien des dépenses à couvrir: d’abord, les frais qu’entraînaient les longues négociations auxquelles il fallait se livrer pour obtenir un pasteur «perpétuel», quand l’église s’en trouvait dépourvue; puis les gages des pasteurs en exercice; en leur absence l’entretien des ministres «prêtés», et après leur mort, la pension de leurs veuves321; enfin, il payait l’avertisseur, les employés du consistoire322 et les députations aux colloques et aux synodes.
Celles-ci devaient être, autant que possible, nombreuses, «afin de resserrer l’union des églises». Un synode national recommande aux localités qui ont plusieurs pasteurs d’en envoyer «alternativement… le plus grand nombre qu’elles pourront323». Mais de telles délégations coûtaient cher, et d’autant plus cher qu’elles étaient composées d’un plus grand nombre de personnes. Certaines églises n’étaient pas assez riches pour les supporter; aussi elles s’entendaient pour choisir le même représentant au synode national et s’unissaient pour payer son entretien324.
Lorsqu’il s’agissait seulement d’un synode provincial, les frais de voyage et de séjour des députés étaient moins élevés. C’est pourquoi Nîmes y envoyait assez souvent, outre ses représentants réguliers, des députations extraordinaires325.
La note présentée par Isaac Roux, ancien d’Aimargues, délégué par son église au synode de Saint-Germain de Calberte, peut nous donner une idée de ce que devaient dépenser les députés de Nîmes: «Pour la disnée à Calvisson», on lui doit 1 l. 6 sols; «pour avoir refferré la cavale à Canes», 2 sols; «pour la souppée et couchée à Enduse», 1 l. 6 sols; «pour avoir fait raccoutrer la celle de la cavale,» 5 sols; pour la ferrure «du petit bidet,» 1 sol 6 deniers; «pour une guide de Saint-Étienne jusques à Saint-Jan», 1 sol; «item 1 sol en pain [sic] pour la cavalle326», etc. On rembourse aux députés le prix de la location de leurs chevaux, et, pour aller au colloque de Montpellier, un cheval loué par le pasteur, avec sa selle et sa bride, se paye 30 sols327.
Généralement les délégations aux synodes coûtent plus cher que les délégations aux colloques, car le voyage qu’ont à faire les envoyés est plus long. Ainsi la députation de l’église de Nîmes au synode de Sauve (1597) lui revient à 39 l. 12 s. tournois328; au lieu que le consistoire ne débourse que 4 écus, soit 12 l., pour les frais du pasteur Chambrun et de l’ancien De Vieulx au colloque d’Aiguesmortes en novembre 1598329, et un seul écu pour les dépenses de Falguerolles à celui de Vauvert, au mois d’août de la même année330. – Jusqu’en 1599, la ville où se tenait le synode était très favorisée puisque ses députés n’avaient pas à se déplacer; mais à cette date on décida qu’elle aurait à «loger les pasteurs et anciens [des autres localités], avec les montures, en maison bourgeoise» et à ses dépens331. Malgré cette mesure, les frais de délégation paraissaient encore trop lourds aux petites églises réunies sous un seul pasteur: contrairement à la Discipline, elles n’envoyaient qu’un ancien avec leur ministre pour les représenter332 et payaient chacune leur part des frais333.