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Henri IV en Gascogne (1553-1589)
Henri IV en Gascogne (1553-1589)

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Henri IV en Gascogne (1553-1589)

Язык: Французский
Год издания: 2017
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Dessille un peu les yeux, sang illustre de France;Prince brave et vaillant, reconnais ton erreur.Qui ne fault qu'une fois excuse son offense,Qui persévère au mal se plaît en son malheur.

Une chose plus authentique que ce quatrain, c'est la lettre adressée, le 12 juillet, au duc d'Anjou, par le prince de Navarre, et dont voici un passage caractéristique: «Je ne puis bonnement penser avec quelle apparence de vérité on vous peut faire croire que nous veuillions ruiner et renverser cet Etat!.. Cela se pourrait beaucoup mieux adresser à ceux qui ont tant de fois, avec si justes occasions, été notés et remarqués d'affecter cet Etat et jusqu'à faire faire une recherche de leur généalogie, par le moyen de laquelle ils ont bien osé mettre en avant que cette couronne avait été usurpée sur leurs prédécesseurs par nos ancêtres… Ce sont ceux-là qui désirent et pourchassent la subversion et ruine de ce royaume… Ce sont ceux-là qu'il faut craindre qu'ils veuillent introduire une autre puissance et autorité en ce royaume qui y est maintenant et que Dieu y a légitimement établie, et qui ont des communications et intelligences si étroites avec les étrangers, ennemis naturels et conjurés de cet Etat…»

Coligny, poursuivant ses succès, s'empara de Lusignan et de Châtellerault, et commit la grave faute d'aller mettre le siège devant Poitiers, dont la possession, au dire des gentilshommes du pays, lui était indispensable pour donner de la consistance à ses opérations. Henri fut, sur ce point, en désaccord avec l'amiral. Il représenta, dans le conseil, qu'à peine arrivée devant Poitiers, fortement défendu, l'armée calviniste pourrait avoir l'armée royale sur les bras; que le succès était douteux, et que, ne le fût-il pas, il ne saurait être acheté que par le sacrifice de beaucoup d'hommes et une perte de temps considérable. L'amiral, s'entêtant, perdit trois mille hommes en deux mois devant Poitiers. L'investissement de Châtellerault par l'armée royale, venant faire diversion, sauva les réformés du ridicule: ils levèrent le siège et se dirigèrent sur Châtellerault; mais le duc d'Anjou ne les attendit pas. Il manœuvrait de façon à profiter de la faute de Poitiers, cause d'affaiblissement et même de découragement pour les calvinistes. Le 30 septembre, saisissant une occasion favorable de prendre l'offensive, il offrit inopinément la bataille à Coligny, dont il culbuta l'arrière-garde à Saint-Clair, près de Moncontour. L'amiral aurait pu temporiser: il ne voulut pas s'y résoudre, de peur que sa retraite, après un échec, ne fût interprétée, par ses troupes elles-mêmes, comme le signe d'une irrémédiable faiblesse. Il se prépara de son mieux à la lutte; mais il avait devant lui, outre une armée supérieure en nombre et pleine de confiance dans le succès, des chefs tels que Montpensier et Tavannes, dont la bravoure éclairée n'abandonnait rien au hasard.

Peut-être l'amiral, en prenant la résolution de combattre, céda-t-il à quelque passion personnelle, au ressentiment légitime des mesures de proscription que la cour venait d'ordonner contre lui. «Après la levée du siège de Poitiers, dit Castelnau, le parlement de Paris, à la requête du Procureur général Bourdin, donna arrêt de mort contre l'amiral, le comte de Montgomery et le vidame de Chartres, comme rebelles, atteints et convaincus du crime de lèse-majesté, et le même jour furent mis en effigie (exécutés). L'arrêt aussi portait promesse de cinquante mille écus à celui qui livrerait l'amiral au roi et à la justice, soit étranger ou son domestique, avec abolition du crime par lui commis, s'il était adhérent ou complice de sa rébellion…» Plus tard, un autre arrêt, interprétatif du premier, portait que l'amiral pourrait être livré «mort ou vif.» «Arrêts, conclut Castelnau, que quelques politiques estimaient être donnés à contre-temps et qui servaient plutôt d'allumettes pour augmenter le feu des guerres civiles que pour l'éteindre, étant leur parti trop fort pour donner de la terreur, par de l'encre et de la peinture, à ceux qui n'en prenaient point devant des armées de trente mille hommes et aux plus furieuses charges des combats…» A ces rigueurs barbares il avait été question d'en ajouter d'autres de même nature contre Jeanne d'Albret, le prince de Navarre et le prince de Condé; mais Charles IX, tout en ordonnant de saisir leurs Etats et leurs domaines, ne voulut pas que les procédures dirigées contre la Maison de Châtillon s'étendissent à leurs personnes.

Coligny n'affronta la dangereuse partie qui lui était offerte que quarante-huit heures après l'escarmouche de Saint-Clair. La veille de ce grand jour, un avertissement, qui aurait pu être salutaire, lui fut donné dans des circonstances que La Noue raconte en ces termes: «Il advint que deux gentilshommes du côté des catholiques étant écartés, vinrent à parler à aucuns de la religion, y ayant quelque fossé entre deux: « – Messieurs, leur dirent-ils, nous portons marque d'ennemis, mais nous ne vous haïssons nullement, ni votre parti. Avertissez monsieur l'amiral qu'il se donne bien garde de combattre, car notre armée est merveilleusement puissante, pour les renforts qui y sont survenus, et est avec cela bien délibérée; mais qu'il temporise un mois seulement, car toute la noblesse a juré et dit à Monseigneur (le duc d'Anjou) qu'elle ne demourera davantage… S'ils n'ont promptement victoire, ils seront contraints de venir à la paix, et la vous donneront avantageuse. Dites-lui que nous savons ceci de bon lieu et désirions grandement l'en avertir.» D'autres Mémoires, qui n'ont pu s'inspirer de ceux de La Noue, rapportent le même fait avec des variantes de peu d'importance: il n'est donc pas douteux. L'amiral ne voulut pas tenir compte de cet avis, ou peut-être n'en eut-il pas le temps, sous le coup de quelques menaces de mutinerie des reîtres.

Le 3 octobre, dans l'après-midi, la bataille commença. Quarante-cinq ou cinquante mille hommes, parmi lesquels les Français étaient presque en minorité, se heurtèrent pendant une heure dans la plaine de Moncontour. Tous les corps furent engagés de part et d'autre et luttèrent avec un acharnement où se marquait un surcroît d'animosité. Dès le commencement de l'action, l'amiral fut grièvement blessé au visage par le Rhingrave, au service de la France depuis les dernières années du règne de Charles-Quint. Il y eut entre eux comme un combat singulier, dans lequel l'amiral tua son adversaire. Beaucoup de vaillants officiers de l'un et de l'autre parti périrent dans cette rencontre ou furent faits prisonniers; le duc d'Anjou eut un cheval tué sous lui. Parmi les prisonniers se trouva La Noue, qui dut la vie au frère du roi, empressé d'ailleurs, disent tous les historiens, à arrêter le massacre des calvinistes français. Leurs auxiliaires allemands furent écrasés. Quand l'armée de Coligny eut plié sous les dernières charges des catholiques, la cavalerie, un instant dispersée, parvint à se rallier et à se retirer en bon ordre; mais l'infanterie, rompue, traversée, cernée de tous côtés, en pleine débandade, fut à moitié anéantie; trois ou quatre mille reîtres restèrent sur la place. On n'évalue pas à moins de six mille morts la perte des calvinistes, tandis que les catholiques n'en laissèrent pas plus de cinq cents sur le champ de bataille. Le soir, on présenta cent quarante enseignes protestantes au duc d'Anjou.

Un mauvais génie semblait dicter à l'amiral ses résolutions. Avant l'action, incertain du succès, il prit des mesures pour soustraire aux chances funestes du combat le prince de Navarre et le prince de Condé. Ils furent tenus à l'écart, sous la garde du comte de Nassau et d'un fort détachement, et virent cependant le commencement de la bataille. A ce moment, Coligny venait de renverser l'avant-garde du duc d'Anjou. Henri, frémissant d'impatience et voyant la trouée faite par l'amiral: « – Donnons, donnons, mes amis, s'écria-t-il: voilà le point de la victoire!» Ce qui était vrai, dit un contemporain; car «si le comte eût fait une charge avec sa cavalerie, il eût merveilleusement ébranlé l'armée de Monseigneur et certainement déterminé la victoire». Les jeunes princes, forcés d'obéir au général en chef, tournèrent le dos à la bataille avant d'en connaître l'issue, et devancèrent l'amiral à Parthenay, où se rassemblèrent péniblement les débris de l'armée des calvinistes. Jeanne d'Albret, incapable de s'abandonner au désespoir, accourt au milieu des vaincus, relève leur courage, leur promet de meilleurs jours et leur fait, encore une fois, le sacrifice de sa fortune et de son fils. «Une femme qui n'avait de la femme que le nom et le visage», ont dit Quinte-Curce et d'Aubigné.

CHAPITRE VII

Les lenteurs du duc d'Anjou. – Les desseins des réformés. – Siège de Saint-Jean-d'Angély. – Commencement de la grande retraite de Coligny. – Le passage de la Dordogne. – Le pont et le moulin du Port-Sainte-Marie. – Jonction avec l'armée de Montgomery. – L'armée des princes en Languedoc. – «Justice de Rapin.» – Négociations pour la paix. – La «pelote de neige». – Passage du Rhône. – Arrivée à Saint-Etienne. – Maladie de l'amiral. – Combat d'Arnay-le-Duc. – Première victoire de Henri. – Ce qu'il apprit dans la retraite de Coligny. – Les affaires en Saintonge et en Poitou. – Bataille de Sainte-Gemme. – La Noue Bras-de-fer. – Montluc à Rabastens. – Coligny à La Charité. – La trêve. – Paix de Saint-Germain.

Si, après le désastre de Moncontour, le duc d'Anjou eût toujours marché droit à l'ennemi, c'en était fait peut-être de l'organisation militaire du calvinisme en France. Il en fut tout autrement. Le duc se laissa mener, par ses conseillers, de siège en siège, à Parthenay, abandonné, à Niort, qui ne résista pas, à Châtellerault, à Lusignan, dont les garnisons s'acheminaient vers la Saintonge et le Berry, pendant que, conformément aux résolutions prises à Parthenay par les calvinistes, leurs divers corps opéraient un mouvement de concentration à travers le Bas-Poitou et l'Angoumois, tirant vers les frontières de Guienne. On donnait à Coligny non seulement le temps d'agir, mais encore celui de réfléchir mûrement. Il fut arrêté, dans son conseil, que les réformés laisseraient de fortes garnisons à La Rochelle, à Angoulême et à Saint-Jean-d'Angély; que ce qui restait de «l'armée des princes», comme on appelait celle de Coligny, depuis la mort de Condé, battrait en retraite dans le midi, pour y prendre ses quartiers d'hiver, après avoir fait sa jonction avec l'armée de Montgomery; que Jeanne d'Albret s'enfermerait dans La Rochelle avec La Noue et La Rochefoucauld, chargés d'organiser la défense ou l'attaque, selon les cas; et, enfin, que le prince de Navarre et le prince de Condé marcheraient aux côtés de l'amiral, pour s'instruire à son école et montrer au pays que les princes du sang, quelle que fût la fortune, étaient toujours les chefs du parti calviniste.

L'exécution de ces desseins fut singulièrement facilitée par le temps que perdit le duc d'Anjou à faire le siège de Saint-Jean-d'Angély. «Comme l'assiégement de Poitiers, dit La Noue, fut le commencement du malheur des huguenots, aussi fut celui de Saint-Jean-d'Angély l'arrêt de la bonne fortune des catholiques.» Piles, gouverneur de cette place et un des plus vaillants capitaines calvinistes, arrêta, pendant près de deux mois, l'armée royale sous ses murs, malgré la présence de Charles IX, qui, jaloux des succès de son frère, avait voulu jouer au généralissime, ce qu'il fit, du reste, avec ardeur et bravoure. Saint-Jean-d'Angély se rendit, au mois de décembre, au moment où l'amiral, toutes choses réglées au mieux, commençait avec une armée disloquée, sans bagages et sans argent, la retraite la plus extraordinaire sur le sol français dont nos annales aient gardé le souvenir. «En neuf mois,» selon la remarque de La Noue, «l'armée de messieurs les princes fit près de trois cents lieues, tournoyant quasi le royaume de France.»

Jusque sur les bords de la Dordogne, l'armée n'eut guère à souffrir que du mauvais temps et des privations. Le passage de la rivière était une question capitale. Il s'effectua sans encombre, grâce à la prévoyance et à la vigueur de deux capitaines, La Loue et Chouppes. La Dordogne franchie, l'armée des princes remonte le cours de la Garonne sans être inquiétée, prend Aiguillon et diverses petites places, et s'ingénie à construire un pont de bateaux au Port-Sainte-Marie, pour favoriser sa jonction avec l'armée de Montgomery, qui, après sa foudroyante campagne d'Armagnac et de Béarn, hivernait à Condom. «Le pont, qui avait attendu le comte plus de quinze jours, dit d'Aubigné, fut rompu par quelque moulin qu'on laissa dériver la nuit; l'eau étant grande, les pièces en furent emportées jusques à Saint-Macaire; et ainsi il fallut que les troupes de Béarn passassent dans des bateaux, non sans grande longueur et incommodité. A ce terme, acheva l'année (1569).» Montluc se vante, dans ses Commentaires, d'avoir imaginé ce bélier flottant, bien digne, en effet, de son esprit inventif.

L'armée séjourna tout un mois à Montauban, côtoya le Tarn, le franchit et s'empara d'un fort, près de Toulouse, où l'amiral s'établit, comme un oiseau de proie dans son aire. Toulouse était à l'abri de ses entreprises, mais la campagne fut ravagée; on brûla presque toutes les maisons de plaisance, surtout celles des «justiciers». On vengeait, de la sorte, le meurtre judiciaire de Rapin. «Justice de Rapin!» lisait-on sur toutes les ruines que l'armée semait sur son passage. Après avoir vécu dans ces contrées, à la façon d'Annibal, les réformés, laissant de côté Carcassonne, qui avait brûlé ses faubourgs pour donner moins de prise à l'ennemi, entrent, sans coup férir, à Montréal. Là, ils sont rejoints par des négociateurs chargés de proposer la paix. On dispute avec courtoisie sur l'objet du message, mais on ne peut s'entendre sur la question de la liberté du culte, et de belles paroles sont envoyées au roi, en échange des siennes. Puis la marche en avant est reprise, l'armée se dirige du côté de Narbonne, tirant vers Montpellier. A Montpellier, Coligny se renforce de douze cents hommes commandés par Baudiné. On marche toujours: de petits sièges, chaque semaine; des escarmouches, chaque jour; quelquefois, des échecs; le plus souvent des succès; mais, en somme, des accroissements: la «pelote de neige» est déjà «devenue grosse comme une maison», au jugement de La Noue. Coligny possède une véritable armée, à l'artillerie près. A Aubenas, on trouve deux canons: cela suffit pour décider que l'armée des princes passera le Rhône. Et, en effet, on le passe, après une épopée de petits combats, de stratagèmes, de chances et de mésaventures que d'Aubigné, dans son style de bataille, décrit en moins de mots qu'il n'y eut d'affaires.

L'armée a parcouru deux cents lieues de pays, trois cents et plus, si l'on compte les circuits de rigueur; elle traverse les montagnes du Forez, comme elle avait escaladé quelques contreforts des Cévennes, et elle arrive à Saint-Étienne. Là, tout parut à la veille d'être perdu: l'amiral fut à la mort. Debout encore une fois, cet homme de fer retrouve toute son énergie. Beaucoup de soldats l'ont quitté: il ramasse quelques détachements qui viennent de parcourir une partie de la Bourgogne, et ordonne la marche vers la Loire. C'est alors que la cour, voyant les réformés près d'entrer au cœur de la France, songe, mais un peu tard, à leur opposer une armée. Le maréchal de Cossé la réunit en toute hâte: dix-sept mille hommes, parmi lesquels quatre mille Suisses, douze cents reîtres et six cents Italiens, forment une barrière vivante à Arnay-le-Duc, à cinq lieues d'Autun; il faut la tourner ou la renverser. L'amiral, qui se défiait d'une action générale, parvint à gagner le passage qu'il convoitait, après une escarmouche brillante, où les princes firent leurs premières armes. L'armée calviniste se présenta sur six lignes: Ludovic de Nassau commandait la première, sous le prince de Navarre; le marquis de Resnel, la deuxième, sous Condé; Coligny menait la troisième; Montgomery, Genlis, François de Briquemaut avaient charge des trois autres; le comte de Mansfeld commandait la cavalerie allemande. Il n'y eut point de mêlée générale, mais une série de combats meurtriers, où le prince de Navarre fit bravement son devoir, comme il aimait à le rappeler lui-même. «Je n'avais retraite, racontait-il, qu'à plus de quarante lieues de là, et je demeurais à la discrétion des paysans. En combattant, aussi je courais risque d'être pris ou tué, parce que je n'avais point de canon et les gens du roi en avaient. A dix pas de moi, fut tué un cavalier d'un coup de coulevrine; mais, recommandant à Dieu le succès de cette journée, il la rendit heureuse et favorable.»

A la suite de ces combats, l'armée du maréchal, troublée plutôt que défaite, laissa l'amiral s'acheminer vers la Charité, où il arriva avec des troupes fatiguées, mais encore en état de soutenir la lutte.

Si cette campagne de Coligny n'eût pas été un épisode de guerre civile, la France l'aurait inscrite avec orgueil au rang de ses glorieux exploits militaires. Elle fut une mémorable leçon pour le prince de Navarre. Vivre au jour le jour, sans cesse sur le qui-vive, souffrir et voir souffrir, manquer de tout, résister à tout, garder partout le sang-froid et la bonne humeur: voilà ce qu'il apprit, et de façon à ne l'oublier jamais. Pendant cette marche terrible, il suivit d'héroïques exemples et sut en donner à son tour. Mêlé à tous les accidents de cette existence nomade, il encourageait les faibles et doublait l'énergie des forts. Parfois on le vit, au milieu des troupes, portant en croupe un soldat blessé ou malade. Il préludait ainsi à sa mission de «vainqueur» et de «père».

Pendant que l'armée des princes poursuivait son odyssée, la guerre avait continué en Saintonge et en Poitou. Avant de quitter Saint-Jean-d'Angély, Catherine de Médicis, inquiète de l'étrange campagne entreprise par Coligny, avait essayé de conclure la paix avec Jeanne d'Albret, à qui elle envoya Castelnau, un des habiles négociateurs de cette époque. La reine de Navarre ne s'humilia point: elle voulait la paix, sans doute, mais une paix dont son parti n'eût pas à souffrir, et qui lui offrît de fortes garanties. Castelnau ne put la gagner, et les négociations tentées à l'armée des princes, pendant sa course à travers les provinces du midi, étaient restées pendantes. Au printemps de 1570, il y eut une reprise des hostilités. Un coup de main des catholiques sur La Rochelle échoua. Soubise et La Rochefoucauld s'emparèrent de Saintes, après une vive résistance. La Noue prit Marans et les Sables-d'Olonne, plusieurs autres villes, châteaux ou bicoques; il regagna la plupart des places perdues jusqu'à Niort. Déjà haut placé dans l'estime des gens de guerre, il se révéla grand capitaine par ses nombreux succès, mais surtout par la victoire de Sainte-Gemme, en Poitou, remportée, le 15 juin 1570, sur Puygaillard, avec des forces médiocres. Cette journée coûta aux catholiques seize drapeaux, deux étendards, les cornettes blanches de France, trois mille hommes de pied et deux cent cinquante chevaux. A la fin du mois de juin, La Noue assiégeait Fontenay-le-Comte, qui se rendit, lorsqu'il eut le bras emporté d'une mousquetade. Transporté à La Rochelle, il avait le choix entre l'amputation et la mort, et préférait celle-ci; mais Jeanne d'Albret obtint de lui qu'il subît l'opération. Quelques jours après, La Noue remontait à cheval, avec ce bras de fer auquel il doit son glorieux surnom12.

Vers le même temps, par un retour offensif dans les États de Jeanne d'Albret, Montluc essaya de contrebalancer les succès des huguenots, et il eût fait, sans doute, une sanglante besogne dans ces pays, si l'on en juge par le siège et la destruction de Rabastens; mais la blessure qu'il y reçut, le 23 juillet, vint paralyser les mouvements de son armée. On touchait, du reste, à une suspension des hostilités. Coligny, toujours suivi des négociateurs de Catherine de Médicis, avait signé, à La Charité, une trêve qui amena la paix de Saint-Germain, dite la «paix du roi Charles», conclue le 8 août. Ce traité reproduit plusieurs articles des traités précédents, mais, dans l'ensemble, il est comme l'ébauche du célèbre édit de Nantes.

Le roi accorde aux «confédérés» une amnistie entière, la liberté de conscience, le libre exercice du culte dissident par toute la France, excepté dans Paris et à la cour; un cimetière protestant dans toutes les villes; l'admission, sans distinction de culte, des pauvres et des malades dans les écoles et dans les hôpitaux.

Il ordonne à tous ses sujets de vivre en bonne intelligence; rétablit l'exercice de la religion catholique dans toutes les parties du royaume; déclare qu'il regarde la reine de Navarre, les princes de Navarre et de Condé, comme ses bons et fidèles parents, et comme amis tous ceux qui ont suivi leur parti, même les princes étrangers.

Il approuve et ratifie tout ce qui a été fait, pendant la guerre, par les ordres des chefs confédérés, même la levée des deniers du roi, ordonnée par Jeanne, et défend toute recherche à ce sujet; reconnaît que les protestants, supportant les charges de l'Etat, en doivent partager les honneurs et les dignités; entend qu'on rende les biens et les meubles enlevés aux protestants; à certaines villes, le droit en vertu duquel elles étaient exemptes de garnisons; au prince d'Orange et à ses frères, les riches possessions acquises en France, depuis les traités conclus entre François Ier et la Maison de Nassau; à la reine de Navarre, toutes ses terres, villes et places fortes.

Charles IX ordonne que la justice soit égale pour tous; que les jugements, même criminels, rendus pendant les troubles, soient révoqués, annulés; que les protestants soient tenus d'observer toutes les lois et coutumes de l'Etat. Toutefois, comme le parlement de Toulouse leur est suspect, ils pourront appeler de ses jugements devant les maîtres des requêtes, qui en décideront en dernier ressort. On leur concède même le droit de récuser jusqu'à six juges, un président et un certain nombre de conseillers, dans les parlements de Dijon, de Rouen, d'Aix, de Grenoble, de Bordeaux et de Rennes, où ils comptaient beaucoup d'ennemis.

Comme garanties, le roi laisse aux calvinistes, pour places de sûreté, La Rochelle, Montauban, Cognac et La Charité, que les princes de Navarre et de Condé et quarante des principaux seigneurs du parti s'obligent de rendre deux ans après la publication de l'édit. Enfin, la peine de mort est prononcée contre quiconque oserait enfreindre le traité ou refuserait de le publier.

Enregistré au parlement de Paris, le 10 août 1570, l'édit de paix fut publié, le 11, au camp des princes, et, le 26, à La Rochelle.

CHAPITRE VIII

Le piège manifeste. – Aveuglement des calvinistes. – Coligny séduit. – Résistance de Jeanne d'Albret et de Henri. – Jeanne cède enfin. – La reine de Navarre à Blois. – Ses tribulations. – Sa lettre au prince de Navarre. – Signature du contrat de mariage de Henri avec Marguerite de Valois. – Jeanne d'Albret à Paris. – Sa maladie et sa mort. – Elle ne fut pas empoisonnée. – Son testament. – Jugement sur la vie de cette reine.

En présence de ce traité, si favorable aux vaincus de Jarnac et de Moncontour, une réflexion vient forcément à l'esprit. Comment les calvinistes ne gardèrent-ils pas, jusqu'à la fin, les sentiments de défiance qu'ils montrèrent, sitôt la paix conclue, et longtemps après? Terrassés deux fois, capables encore de troubler le royaume, mais impuissants à le subjuguer, on accueille toutes leurs revendications; on les amnistie; on leur rouvre toutes les voies qu'on avait voulu leur barrer, et qu'on leur avait barrées en effet; ils obtiennent, non après une victoire, mais au cours d'une campagne dont l'issue était au moins incertaine, plus d'avantages et plus de garanties qu'ils n'en eussent osé espérer; pour tout dire, on les restaure, agrandis, dans l'Etat, et leurs yeux ne s'ouvrent pas, et ils ne touchent pas du doigt le piège, ils n'entrevoient pas l'abîme! Ils le pressentirent; mais Coligny fut accablé par la cour de tant de caresses, jusqu'à ce point que le roi voulut favoriser le second mariage du nouveau Caton avec une nouvelle Porcia; on accueillit avec tant de déférence sa personne, ses amis, ses avis, ses projets de guerre contre l'Espagne, qu'il finit par ressentir et prêcher la plus entière confiance. L'amiral séduit, la cour espéra gagner aussi Jeanne d'Albret par le projet de mariage de Marguerite de Valois avec son fils. Mais la reine de Navarre résista plus longtemps que l'amiral, et, jusqu'aux derniers jours, elle fut méfiante, tout en se laissant aller, elle et les siens et leur fortune, sur la pente fatale où glissait tout un parti: plus clairvoyante, mais moins logique, il faut l'avouer, que l'amiral, qui niait encore le péril, la veille de sa mort.

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