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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12
Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12

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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12

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Язык: Французский
Год издания: 2017
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»Je songe quelquefois (si les Italiens ne se soulèvent pas) à retourner en Angleterre dans l'automne, après le couronnement (où je ne voudrais point paraître, à cause du schisme de ma famille); mais je ne puis rien décider encore. Le pays doit être considérablement changé depuis que je l'ai quitté, il y a déjà plus de quatre ans.»

LETTRE CCCLXXII

A M. MURRAY

Ravenne, 20 mars 1820.

«Mon cher Murray, mes respects à Thomas Campbell, et indiquez-lui de ma part, avec bonne-foi et amitié, trois erreurs qu'il doit rectifier dans ses Poètes. Premièrement, il dit que les personnages du Guide de Bath d'Anstey sont pris de Smollett; c'est impossible: -le Guide fut publié en 1766 et Humphrey Clinker en 1771; -dunque, c'est Smollett qui est redevable à Anstey. Secondement, il ne sait pas à qui Cowper fait allusion quand il dit «qu'il y eut un homme qui bâtit une église à Dieu, puis blasphéma son nom.» C'était Voltaire dont veut parler ce calviniste maniaque et poète manqué. Troisièmement, il cite de travers et gâte un passage de Shakspeare.

«Dorer l'or fin, et peindre le lis, etc.34.»

Note 34: (retour) To gild refined gold and paint lily.

»Pour lis, il met rose, et manque en plus d'un mot toute la citation.

»Or, Tom est un bon garçon, mais il doit être correct: car la première faute est une injustice (envers Anstey), la seconde un manque de savoir, la troisième une bévue. Dites-lui tout cela, et qu'il le prenne en bonne part; car j'aurais pu recourir à une Revue et le frotter; – au lieu que j'agis en chrétien.

»Votre, etc.»

LETTRE CCCLXXIII

A M. MURRAY

Ravenne, 20 mars 1820.

»D'abord, et avant tout, vous deviez vous hâter de remettre à Moore ma lettre du 2 janvier, que je vous donnais le pouvoir d'ouvrir, mais que je désirais être remise en hâte. Vous ne devriez réellement pas oublier ces petites choses, parce que de ces oublis naissent les désagrémens entre amis. Vous êtes un homme excellent, un grand homme, et vous vivez parmi les grands hommes, mais songez, je vous prie, à vos amis et auteurs absens.

»En premier lieu, j'ai reçu vos paquets; puis une lettre de Kinnaird, sur la plus urgente affaire: une autre de Moore, concernant une importante communication à lady Byron; une quatrième de la mère d'Allegra; et cinquièmement, à Ravenne, la comtesse G- est à la veille du divorce. – Mais le public italien est de notre côté, particulièrement les femmes, – et les hommes aussi, parce qu'ils disent qu'il n'avait que faire de prendre la chose à coeur après un an de tolérance. Tous les parens de la comtesse (qui sont nombreux, haut placés et puissans) sont furieux contre lui à cause de sa conduite. Je suis prévenu de me tenir sur mes gardes, parce qu'il est fort capable d'employer les sicarii. – Ce mot est aussi latin qu'italien, ainsi vous pouvez le comprendre; mais j'ai des armes, et je ne songe point à ses gueux, persuadé que je pourrai les poivrer s'ils ne viennent pas à l'improviste, et que, dans le cas contraire, on peut finir aussi bien de cette façon qu'autrement; et cela d'ailleurs vous servirait d'avertissement.

«On peut échapper à la corde ou au fusil,Mais celui qui prend femme, femme, femme, etc.»

»P. S. J'ai jeté les yeux sur les épreuves, mais Dieu sait comment. Songez à ce que j'ai en main, et que le courrier part demain. – Vous souvenez-vous de l'épitaphe de Voltaire?

«Ci-git l'enfant gâté, etc.

»L'original est dans la correspondance de Grimm et Diderot, etc., etc.»

LETTRE CCCLXXIV

A M. MOORE

Ravenne, 24 mars 1820.

«Je vous ai écrit il y a peu de jours. Il y a aussi pour vous une lettre de janvier dernier chez Murray; elle vous expliquera pourquoi je suis ici. Murray aurait dû vous la remettre depuis long-tems. Je vous envoie ci-joint une lettre d'une de vos compatriotes résidant à Paris, qui a ému mes entrailles. Vous aurez, si vous pouvez, la bonté de vous enquérir si cette femme m'a dit vrai, et je l'aiderai autant qu'il me sera possible, – mais non pas suivant l'inutile mode qu'elle propose. Sa lettre est évidemment non étudiée, et si naturelle, que l'orthographe même est aussi dans l'état de nature. C'est une pauvre créature, malade et isolée, qui songe pour dernière ressource à nous traduire, vous ou moi, en français! A-t-on jamais eu pareille idée? Cela me semble le comble du désespoir. Prenez, je vous prie, des informations, et faites-les moi connaître; et si vous pouvez tirer ici sur moi un billet de quelques centaines de francs, chez votre banquier, j'y ferai honneur comme de raison, – c'est-à-dire, si cette femme n'en impose pas35. En ce cas, faites-le moi savoir, afin que je puisse vous faire rembourser par mon banquier Longhi de Bologne, car je n'ai pas moi-même de correspondant à Paris; mais dites à cette femme qu'elle ne nous traduise pas; – si elle le fait, ce sera la plus noire ingratitude.

Note 35: (retour) Suivant le désir de Byron, j'allai chez la jeune dame, avec un rouleau de quinze ou vingt napoléons, pour le lui présenter de la part de sa seigneurie; mais, avec une fierté honorable, ma jeune compatriote refusa le présent, en disant que Lord Byron s'était mépris sur l'objet de sa demande, qui avait pour but d'obtenir qu'il lui donnât quelques pages de ses ouvrages avant leur publication, la mît ainsi à même de préparer de nouvelles traductions pour les libraires français, et lui fournît le moyen de gagner sa vie. (Note de Moore.)

»J'ai reçu une lettre (non pas du même genre, mais en français et dans un sens de flatterie), de Mme Sophie Gail, de Paris, que je prends pour l'épouse d'un Gallo-Grec36 de ce nom. Qui est-elle? et qu'est-elle? et comment a-t-elle pris intérêt à ma poésie et à l'auteur? Si vous la connaissez, offrez-lui mes complimens, et dites-lui que, ne faisant que lire le français, je n'ai pas répondu à sa lettre, mais que je l'aurais fait en italien, si je n'eusse craint qu'on n'y trouvât quelque affectation. Je viens de gronder mon singe d'avoir déchiré le cachet de la lettre de Mme Gail, et d'avoir abîmé un livre où je mets des feuilles de rose. J'avais aussi une civette ces jours derniers; mais elle s'est enfuie après avoir égratigné la joue de mon singe, et je suis encore à sa recherche. C'était le plus farouche animal que j'eusse jamais vu, et semblable à- en mine et en manières.

Note 36: (retour) Plaisanterie de Lord Byron pour désigner l'helléniste français. (Note du Trad.)

»J'ai un monde de choses à vous dire; mais comme elles ne sont pas encore parvenues au dénouement je ne me soucie pas d'en commencer l'histoire avant qu'elle ne soit achevée. Après votre départ, j'eus la fièvre; mais je recouvrai la santé sans quinquina. Sir Humphrey Davy était ici dernièrement, et il a beaucoup goûté Ravenne. Il vous dira tout ce que vous pourrez désirer savoir sur ce lieu et sur votre humble serviteur.

»Vos appréhensions (dont Scott est la cause) ne sont pas fondées. Il n'y a point de dommages-intérêts dans ce pays, mais il y aura probablement une séparation, comme la famille de la dame, puissante par ses relations, est fort déclarée contre le mari à cause de toute sa conduite; – lui est vieux et obstiné; – elle est jeune, elle est femme, et déterminée à tout sacrifier à ses affections. Je lui ai donné le meilleur avis; savoir, de rester avec lui; – je lui ai représenté l'état d'une femme séparée (car les prêtres ne laissent les amans vivre ouvertement ensemble qu'avec la sanction du mari), et je lui ai fait les réflexions morales les plus exquises, – mais sans résultat. Elle dit: «Je resterai avec lui, s'il vous laisse près de moi. Il est dur que je doive être la seule femme de la Romagne qui n'ait pas son amico; mais, s'il ne veut pas, je ne vivrai point avec lui, et quant aux conséquences, l'amour, etc., etc., etc.» Vous savez comme les femmes raisonnent en ces occasions. Le mari dit qu'il a laissé aller la chose jusqu'à ce qu'il ne pût plus se taire. Mais il a besoin de la garder et de me renvoyer; car il ne se soucie pas de rendre la dot et de payer une pension alimentaire. Les parens de la dame sont pour la séparation; parce qu'ils le détestent, – à la vérité comme tout le monde. La populace et les femmes sont, comme d'ordinaire, pour ceux qui sont dans leur tort, savoir, la dame et son amant. Je devrais me retirer; mais l'honneur, et un érysipèle qui l'a prise, m'en empêchent, – pour ne point parler de l'amour, car je l'aime complètement, toutefois pas assez pour lui conseiller de tout sacrifier à une frénésie. Je vois comment cela finira; elle sera la seizième Mrs. Shuffleton.

»Mon papier est fini, et ma lettre doit l'être.

»Tout à vous pour toujours.

B.

»P. S. Je regrette que vous n'ayez pas complété les Italian Fudges. Dites-moi, je vous prie, comment êtes-vous encore à Paris? Murray a quatre ou cinq de mes compositions entre les mains: – le nouveau Don Juan, que son synode d'arrière-boutique n'admire pas; – une traduction excellente du premier chant de Morgante Maggiore de Pulci; – une dito fort brève de Dante, moins approuvée; – la Prophétie de Dante, grand et digne poème, etc.; – une furieuse Réponse en prose aux Observations de Blackwood sur Don Juan, avec une rude défense de Pope, – propre à faire un remue-ménage. Les opinions ci-dessus signalées sont de Murray et de son stoïque sénat; – vous formerez la vôtre, quand vous verrez les pièces.

»Vous n'avez pas grande chance de me voir, car je commence à croire que je dois finir en Italie. – Mais si vous venez dans ma route, vous aurez un plat de macaronis. Parlez-moi; je vous prie, de vous et de vos intentions.

»Mes fondés de pouvoir vont prêter au comte Blessington soixante mille livres sterling (à six pour cent), sur une hypothèque à Dublin. Songez seulement que je vais devenir légalement un absentee d'Irlande.»

LETTRE CCCLXXV

A M. HOPPNER

«Un Allemand nommé Ruppsecht m'a envoyé, Dieu sait pourquoi, plusieurs gazettes allemandes dont je ne déchiffre pas un mot ni une lettre. Je vous les envoie ci-jointes pour vous prier de m'en traduire quelques remarques, qui paraissent être de Goëthe, sur Manfred; – et si j'en puis juger par deux points d'admiration (que nous plaçons généralement après quelque chose de ridicule), et par le mot hypochondrisch, elles ne sont rien moins que favorables. J'en serais fâché, car j'eusse été fier d'un mot d'éloge de Goëthe; mais je ne changerai pas d'opinion à son égard, si rude qu'il puisse être. Me pardonnerez-vous la peine que je vous donne, et aurez-vous cette bonté? – Ne songez pas à rien adoucir. – Je suis un littérateur à l'épreuve, – ayant entendu dire du bien et du mal de moi dans la plupart des langues modernes.

»Croyez-moi, etc.»

LETTRE CCCLXXVI

A M. MOORE

Ravenne, 1er juin 1820.

«J'ai reçu une lettre parisienne de W. W. à laquelle j'aime mieux répondre par votre entremise, si ce digne personnage est encore à Paris, et un de vos visiteurs, comme il le dit. En novembre dernier il m'écrivit une lettre bienveillante, où, d'après des raisons à lui propres, il établissait sa croyance à la possibilité d'un rapprochement entre lady Byron et moi. J'y ai répondu comme j'ai coutume; et il m'a écrit une seconde lettre, où il répète son dire, à laquelle lettre je n'ai jamais répondu, ayant mille autres choses en tête. Il m'écrit maintenant comme s'il croyait qu'il m'eût offensé en touchant ce sujet; et je désire que vous l'assuriez que je ne le suis pas du tout, – mais qu'au contraire je suis reconnaissant de sa bonne disposition. En même tems montrez-lui que la chose est impossible. Vous savez cela aussi bien que moi, – et finissons-en.

»Je crois que je vous montrai son épître l'automne dernier. Il me demande si j'ai entendu parler de mon lauréat37 à Paris, – de quelqu'un qui a écrit une «épître sanglante» contre moi; mais est-ce en français ou en allemand? sur quel sujet? je n'en sais rien, et il ne me le dit pas, – hors cette remarque (pour ma propre satisfaction) que c'est la meilleure pièce du volume de l'individu. Je suppose que c'est quelque chose dans le genre accoutumé; – il dit qu'il ne se rappelle pas le nom de l'auteur.

Note 37: (retour) Lamartine.

»Je vous ai écrit il y a environ dix jours, et j'attends une réponse de vous quand il vous plaira.

»L'affaire de la séparation continue encore, et tout le monde y est mêlé, y compris prêtres et cardinaux. L'opinion publique est furieuse contre lui, parce qu'il aurait dû couper court à la chose dès l'abord, et ne pas attendre douze mois pour commencer. Il a essayé d'arriver à l'évidence, mais il ne peut rien produire de suffisant; car ce qui ferait cinquante divorces en Angleterre, ne suffit pas ici, – il faut les preuves les plus décisives… .........

»C'est la première cause de ce genre soulevée à Ravenne depuis deux cents ans; car, quoiqu'on se sépare souvent, on déclare un motif différent. Vous savez que les incontinens du continent sont plus délicats que les Anglais, et n'aiment pas à proclamer leurs couronnes en plein tribunal, même quand il n'y a pas de doute.

»Tous les parens de la dame sont furieux contre lui. Le père l'a provoqué en duel, – valeur superflue, car cet homme ne se bat pas, quoique soupçonné, de deux assassinats, – dont l'un est celui du fameux Monzoni de Forli. Avis m'a été donné de ne pas faire de si longues promenades à cheval dans la forêt des Pins, sans me tenir sur mes gardes; aussi je prends mon stiletto38 et une paire de pistolets dans ma poche durant mes courses quotidiennes.

Note 38: (retour)38 Poignard italien.

»Je ne bougerai pas du pays jusqu'à ce que le procès soit terminé de manière ou d'autre. Quant à elle, elle a autant de fermeté féminine que possible, et l'opinion est à tel point contre l'homme, que les avocats refusent de se charger de sa cause, en disant qu'il est bête ou coquin; – bête s'il n'a pas reconnu la liaison jusqu'à présent; coquin s'il la connaissait, et qu'il ait, dans une mauvaise intention, retardé de la divulguer. Bref, il n'y a rien eu de pareil dans ces lieux, depuis les jours de la famille de Guido di Polenta.

»Si l'homme m'escofie, comme Polonius, dites qu'il a fait une bonne fin de mélodrame. Ma principale sécurité est qu'il n'a pas le courage de dépenser vingt scudi39, – prix courant d'un bravo à la main preste; – autrement il n'y a pas faute d'occasions, car je me promène à cheval dans les bois chaque soir, avec un seul domestique, et quelquefois un homme de connaissance qui depuis peu fait une mine un peu drôle dans les endroits solitaires et garnis de buissons.

»Bonjour. – Écrivez à votre dévoué, etc.»

Note 39: (retour)Footnote 39: Écus.

LETTRE CCCLXXVII

À M. MURRAY

Ravenne, 7 juin 1820.

«Vous trouverez ci-joint quelque chose qui vous intéressera, l'opinion du plus grand homme de l'Allemagne-peut-être de l'Europe-sur un des grands hommes de vos prospectus (tous fameux fiers-à-bras, comme Jacob Tonson avait coutume de nommer ses salariés); – bref, une critique de Goëthe sur Manfred. Vous avez à-la-fois l'original et deux traductions, l'une anglaise, l'autre italienne; gardez tout dans vos archives, car les opinions d'un homme tel que Goëthe, favorables ou non, sont toujours intéressantes, – et le sont beaucoup plus quand elles sont favorables. Je n'ai jamais lu son Faust, car je ne sais pas l'allemand; mais Mathieu Lewis-le-Moine, en 1816, à Coligny, en a traduit la plus grande partie viva voce40, et naturellement j'en fus très-frappé: mais c'est le Steinbach, la Yungfrau et autres choses pareilles qui me firent écrire Manfred. La première scène, néanmoins, et celle de Faust, se ressemblent beaucoup. Accusez réception de cette lettre.

»Tout à vous à jamais.

»P. S. J'ai reçu Ivanhoe; – c'est bon. Envoyez-moi, je vous prie, de la poudre pour les dents et de la teinture de myrrhe de Waite, etc. Ricciardetto41 aurait dû être traduit littéralement, ou ne pas l'être du tout. Quant au succès de Whistlecraft, il n'est pas possible; je vous dirai quelque jour pourquoi. Cornwall est un poète, mais gâté par les détestables écoles du siècle. Mrs. Hemans est poète aussi, – mais trop guindée et trop amie de l'apostrophe, – et dans un genre tout à-fait mauvais. Des hommes sont morts avec calme avant et après l'ère chrétienne, sans l'aide du christianisme; témoins les Romains, et récemment Thistlewood, Sand et Louvel: – «hommes qui auraient dû succomber sous le poids de leurs crimes, même s'ils avaient cru.» Le lit de mort est une affaire de nerfs et de constitution, et non pas de religion. Voltaire s'effraya, et non Frédéric de Prusse: les chrétiens pareillement sont calmes ou tremblans, plutôt selon leur force que selon leur croyance. Que veut dire H*** par sa stance! qui est une octave faite dans l'ivresse ou dans la folie. Il devrait avoir les oreilles frappées par le marteau de Thor pour rimer si drôlement.»

Note 40: (retour) De vive voix.

Note 41: (retour) Poème de Fortiguerra.

Ce qui suit est l'article tiré du Kunst und Altertum42 de Goëthe, renfermé dans la lettre précédente. La confiance sérieuse avec laquelle le vénérable critique rapporte les créations de son confrère en poésie à des personnes et à des événemens réels, sans faire même la moindre difficulté pour admettre un double meurtre à Florence, et donner ainsi des bases à sa théorie, offre un exemple plaisant de la disposition, prédominante en Europe, à peindre Byron comme un homme de merveilles et de mystères, aussi bien dans sa vie que dans sa poésie. Ce qui a sans doute considérablement contribué à donner de lui ces idées exagérées et complètement fausses, ce sont les nombreuses fictions qui ont dupé le monde sur le compte de ses voyages romanesques et de ses miraculeuses aventures dans des lieux qu'il n'avait jamais vus43; et les relations de sa vie et de son caractère, répandues sur tout le continent, sont à un tel point hors de la vérité et de la nature, que l'on peut mettre en question si le héros réel de ces pages, l'homme de chair et de sang, – l'esprit sociable et pratique, enfin le Lord Byron Anglais, avec toutes ses fautes et ses actes excentriques, – ne risque pas de ne paraître, aux imaginations exaltées de la plupart de ses admirateurs étrangers, qu'un personnage ordinaire, non romantique, mais prosaïque.

Note 42: (retour) L'art et l'antiquité.

Note 43: (retour) De ce genre sont les relations pleines de toute sorte de circonstances merveilleuses touchant sa résidence dans l'île de Mitylène, ses voyages en Sicile et à Ithaque avec la comtesse Guiccioli, etc., etc. Mais le plus absurde, peut-être, de tous ces mensonges, c'est l'histoire racontée par Fouqueville sur les religieuses conférences du poète dans la cellule du père Paul à Athènes; c'est la fiction encore plus déraisonnable que Rizo s'est permise, en donnant les détails d'une prétendue scène théâtrale qui eut lieu (suivant ce poétique historien) entre Lord Byron et l'archevêque d'Arta, à la tombe de Botzaris, à Missolonghi. (Note de Moore.)

OPINION DE GOETHE SUR MANFRED

«La tragédie de Byron, intitulée Manfred, a été pour moi un phénomène surprenant, qui m'a très-vivement intéressé. Ce poète, d'un caractère intellectuel si extraordinaire, s'est approprié mon Faust, et en a tiré le plus vif aliment pour son humeur hypocondriaque. Il a fait usage des principaux ressorts suivant son propre système, pour ses propres desseins, en sorte qu'aucun d'eux n'est resté le même, et c'est particulièrement sous ce rapport que je ne puis assez admirer son génie. Le tout a, de cette manière, pris une forme si nouvelle, que ce serait une tâche intéressante pour la critique que de remarquer, non-seulement les changemens que l'auteur a faits, mais leur degré de ressemblance ou de dissemblance avec le modèle original: à propos de quoi je ne puis nier que la sombre ardeur d'un désespoir illimité et excessif finit par nous fatiguer. Cependant le mécontentement que nous ressentons est toujours lié à l'estime et à l'admiration.

»Nous trouvons ainsi dans cette tragédie la quintessence du plus merveilleux génie né pour être son propre bourreau. Lord Byron, dans sa vie et dans sa poésie, se laisse difficilement apprécier avec justice et équité. Il a assez souvent avoué ce qui le tourmente. Il en a fait plusieurs fois le tableau; et à peine éprouve-t-on quelque compassion pour cette intolérable souffrance, que sans cesse il rumine laborieusement. Ce sont, à proprement parler, deux femmes dont les fantômes l'obsèdent à jamais, et qui, dans cette pièce encore, jouent les principaux rôles, – l'une sous le nom d'Astarté, l'autre sans forme ou plutôt absente, et réduite à une simple voix. Voici l'horrible aventure qu'il eut avec la première. Lorsqu'il était un jeune homme hardi et entreprenant, il gagna le coeur d'une dame florentine. Le mari découvrit cet amour, et assassina sa femme; mais le meurtrier fut la même nuit trouvé mort dans la rue, et il n'y eut personne sur qui le soupçon put se fixer. Lord Byron s'éloigna de Florence, et ces spectres l'obsédèrent désormais toute sa vie.

»Cet événement romanesque est rendu fort probable par les innombrables allusions que le poète y fait dans ses oeuvres; comme, par exemple, lorsque tournant sur lui-même ses sombres méditations, il s'applique la fatale histoire du roi de Sparte. Or voici cette histoire: – Pausanias, général lacédémonien, acquiert beaucoup de gloire par l'importante victoire de Platée, mais ensuite perd la confiance de ses concitoyens par son arrogance, par son obstination, et par de secrètes intrigues avec les ennemis de son pays. Cet homme porte avec lui un crime qui pèse sur lui jusqu'à la dernière heure: il a versé le sang innocent; car, lorsqu'il commandait dans la mer Noire la flotte des Grecs confédérés, il s'est épris d'une violente passion pour une jeune fille byzantine. Après avoir éprouvé une longue résistance, il l'obtient enfin de ses parens, et la jeune fille doit lui être livrée le soir même; elle désire par modestie que l'esclave éteigne la lampe, et tandis qu'elle marche à tâtons dans les ténèbres, elle la renverse. Pausanias se réveille en sursaut, dans la crainte d'être attaqué par des assassins, – il saisit son épée, et tue sa maîtresse. Cet horrible spectacle ne le quitte plus. L'ombre de cette vierge le poursuit sans cesse, et il appelle en vain à son aide les dieux et les exorcismes des prêtres.

»Certes, un poète a le coeur déchiré quand il choisit une telle scène dans l'antiquité, qu'il se l'approprie, et en charge son tragique portrait. Le monologue suivant, qui est surchargé de tristesse et d'horreur pour la vie, devient intelligible à l'aide de cette remarque. Nous le recommandons comme un excellent exercice à tous les amis de la déclamation. Le monologue d'Hamlet semble là s'être encore perfectionné44.»

Note 44: (retour) Suit la citation de ce monologue.

LETTRE CCCLXXVIII

A M. MOORE

Ravenne, 9 juin 1820.

«Galignani vient de m'envoyer l'édition parisienne de vos oeuvres (que je lui avais demandée), et je suis content de voir mes vieux amis avec un visage français. J'en ai tantôt effleuré la surface ou pénétré les profondeurs comme l'hirondelle, et j'ai été aussi charmé que possible. C'est la première fois que je voyais les Mélodies sans musique; et, je ne sais pourquoi, je ne puis lire dans un livre de musique: – les notes confondent les mots dans ma tête, quoique je me les rappelle parfaitement pour les chanter. La musique assiste ma mémoire par l'oreille et non par les yeux; je veux dire que ses croches m'embarrassent sur le papier, mais sont des auxiliaires quand on les entend. Ainsi j'ai été content de voir les mots sans les robes d'emprunt; – à mon sens, ils n'ont pas plus mauvaise mine dans leur nudité.

»Le biographe a gâché votre vie; il appelle votre père un vénérable et vieux gentilhomme, et parle d'Addison et des comtesses douairières. Si ce diable d'homme devait écrire ma vie, certainement je lui ôterais la sienne. Puis, au dîner de Dublin, vous avez fait un discours (vous en souvenez-vous, chez Douglas K***? «monsieur, il me fit un discours»), – trop complimenteur pour les poètes vivans, et sentant quelque peu l'intention de louer tout le monde. Je n'y suis que trop bien traité, mais ..................

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