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Fantômes, Femmes, Et Autres Fantasmes
« Est-ce qu’un quelconque danger est apparu ? » fut la réponse.
« Pas encore. Il n’y a toujours aucun signe de vie, hormis l’apparition de cette porte. »
« Alors tu dois prendre le risque d’y entrer et de l’explorer, » dit froidement Java-10.
Bien, pensa Ryan, qu’en as-tu à faire ? Ce n’est pas ta peau. « Bien reçu. »
Il avait une lampe-torche sur lui, mais un seul coup d’œil lui montra qu’il n’aurait pas à s’en servir. L’intérieur du bâtiment était brillamment éclairé, la lueur semblait jaillir des murs. Entrant, Ryan regarda avec stupéfaction autour de lui.
Le bâtiment était presque complètement dénudé de meubles. Le seul détail était un large escalier en colimaçon qui montait le long des murs cylindriques, haut, plus haut, et encore plus haut. L’éclaireur renversa son cou pour suivre la volée de marche, mais elle semblait continuer jusqu’à l’infini. Toutes les vingt-cinq marches, il y avait un grand palier avec une petite fenêtre pour regarder la cité. Une rampe de plastique transparent courait le long du bord intérieur de l’escalier.
Ryan avança lentement, toujours en alerte au cas où quelque chose se produirait. L’écho de ses bottes grattant le dur sol de pierre était presque assourdissant par rapport au silence total qui couvrait le reste de la ville. Il atteignit l’escalier et mit sa main sur la rampe. Le plastique semblait frais et réconfortant, comme s’il avait croisé un vieil ami au milieu de toute cette étrangeté. Il commença à monter l’escalier avec précaution, un pied après l’autre, sa main tenant fermement la rampe. Ses yeux scannèrent d’un coté à l’autre, cherchant pour quelque concevable danger. Mais aucun n’apparut. Alors l’impatience le gagna, et il commença à courir dans l’escalier.
Il s’arrêta pour respirer, enfin, au quatrième palier. Maintenant, il était à peu près seize mètres au-dessus du niveau du sol. La porte était toujours là, attendant patiemment son retour, mais elle semblait plus petite depuis sa hauteur. Il alla vers la fenêtre, regarda dehors, et vit
New York City à midi, ses trottoirs grouillant d’hommes d’affaires sur leur chemin pour déjeuner, des clients en transit entre deux magasins avec des paquets sous leurs bras.
Il clignât des yeux et regarda de nouveau. Il y avait seulement la ville extra-terrestre, recroquevillée et silencieuse, attendant, toujours attendant. Silence. Pas de mouvements, pas de son, pas d’ombres,
Tremblant des mains, Ryan arrache le communicateur de sa poche. Il laissa des doigts tremblant caresser sa forme rectangulaire pendant un moment, puis appela à nouveau le vaisseau. « Ryan appelle Java-10. Je viens juste d’avoir une hallucination. » Il décrivit brièvement ce qui lui était apparu juste une seconde à travers la vitre.
« Intéressant, » médita l’ordinateur. « Ceci est en corrélation avec les rapports d’autres hallucinations observées par vos prédécesseurs. Quoiqu’il soit arrivé aux autres, cela commence aussi à vous arriver. Vous devez être doublement prudent à partir de maintenant.
Ryan s’assit sur une marche pour se recomposer. Il souhaita que son partenaire, Bill Tremain, ait été autorisé à l’accompagner dans cette mission. Bill et Lui ont formé une équipe depuis le centre de formation. Ensemble, ils ont exploré plus de trente mondes, faisant face à l’inconnu. Il ne se sentirait pas aussi seul à l’heure actuelle, si Bill était avec lui. Mais l’ordinateur ne voulait pas risquer plus de personnes que ce qui était absolument nécessaire. En outre, toutes les opérations précédentes ont été réalisées par des équipes de deux ou plus, et elles ont toutes échouées ; peut-être un homme seul aura plus de chance.
Un mouvement saisit le coin de l’œil de Ryan. Il tourna la tête vivement pour voir ce qui ressemblait à un être humain courir sous les escaliers en dessous de lui et s’évanouir. Un roux. Bill Tremain. Et c’était manifestement ridicule, puisque Bill Tremain était de retour à bord du vaisseau.
Néanmoins, Ryan redescendit doucement les escaliers pour enquêter. Il n’y avait, bien entendu, personne là ; les parois de escaliers étaient lisses et dures, sans aucunes places pour qu’une personne en fuite puisse se cacher. Non, le bâtiment était désert à l’exception de lui. Le silence en attesta.
« Tu cherches quelque-chose, Jeff ? » lui parvint d’une voix au-dessus de lui.
***
L’homme qui se tenait sur le troisième pallier n’était pas le partenaire de Ryan. Au lieu de cela, c’était Richard Bael, une vieille connaissance du temps de l’Académie. « Oh ! ne t’inquiètes pas, » lui dit Bael en souriant. « Je suis presque réel. »
Cela tenait debout. Bael fut l’un des seize premiers à pénétrer dans la cité. « Comment es-tu venu ? » balbutia Ryan.
« Oh, » Bael haussa les épaules, « il y a des chemins. » Il commença à descendre aisément les marches. « Tu apprendras après une semaine ou deux. »
« Je n’ai pas l’intention de rester aussi longtemps, » répondit Ryan sur la défensive. Il essaya doucement de prendre le communicateur dans sa poche, mais Bael vit le mouvement.
« Oh ! tu as l’intention d’appeler le vaisseau ? Puis-je leurs dire quelques mots ? »
« Ils vont être content d’avoir de vos nouvelles, » dit Ryan. « Qu’est-il arrivé à ton com' ? »
« J’ai dû le poser quelque-part puis j’ai oublié, » dit Bael avec une vague de la main. « Je n’ai pas pensé que c’était si important. » Il arriva à coté de Ryan et tendit sa main. Ryan lui donna le communicateur.
« Bonjour là-haut, c’est Richard Bael à l’appareil. Pouvez-vous m’entendre ? »
« Oui » répondit la voix sans émotion de Java-10.
« J’ai un rapport différé à faire relatif à mon exploration de cette ville. Je suppose que vous avez vos bandes en route, prêtes à enregistrer chaque mot de cela. »
« Correct. »
« D’accord, alors, voilà : Allez-vous-faire-foutre... » Il éteignit l’appareil et le rendit à Ryan. « J’ai toujours voulu faire ça, j’ai je n’ai jamais eu le cran de le faire avant, » fit — il avec bonhommie.
Ryan arracha le communicateur de sa main, légèrement horrifié par l’action de Bael « Ryan appelle Java-10. Vous m’entendez ? »
« Affirmatif. Est-ce que Bael est vraiment avec vous ? » La question était plus qu’incrédule.
« Il semblait l’être. »
« Je suis vraiment Peter Pan, » Lança Bael de manière fantasque.
« Tais-toi ! » cria Ryan.
« Pas besoin d’être aussi susceptible, Jeff. J’essayai juste d’aider. »
« Demandez-lui pourquoi il ne quitte pas la cité, » insista Java-10.
« Oh, ne réponds pas, Jeff. Je suis fatigué de jouer ce petit god-game de l’ordinateur. » Il partit vers la porte. « Pose ce fichu combiné. Le jour est trop beau pour le passer à parler à une boite. »
Ryan hésita.
« Regarde, tu es venu ici pour explorer la cité, n’est-ce pas ? » continua Bael. « Eh bien, je te propose un tour guidé. Qu’attends-tu … un carton d’invitation gravé ? Ok, tu en auras. »
Il tira une petite carte de sa poche et d’une chiquenaude l’envoya aux pieds de Ryan. Ryan se baissa et la ramassa. Gravé, en lettres d’or, il y avait les mots :
MR. RICHARD BAEL DEMANDE GRACIEUSEMENT LA PRESENCE DE MR. JEFFREY RYAN POUR UNE VISITE GUIDEE DE LA CITE.
« C’est assez bien pour toi ? » demanda Bael conventionnellement.
Ryan rangea avec prudence la carte dans sa pochette à échantillon pour de plus amples analyses ultérieurement. « D’accord, Bael, fais comme tu veux. » Le communicateur retourna dans sa poche. « En avant. »
Avec panache, Bael franchit la porte, avec Ryan deux pas derrière lui. Une fois que Ryan fut passé, l’ouverture s’évanouit et le mur était solide une fois de plus. Il refusa de s’inquiéter pour un détail aussi mineur. Il se doutait un peu que cette cité lui révélerait de bien plus grandes surprises d’ici peu.
Et il avait tout à fait raison.
***
Les deux hommes marchèrent à travers la ville, Bael à un rythme tranquille et Ryan bouillant d’impatience d’avoir à composer avec cette lente promenade exaspérante... Il n’y avait de rues réelles à suivre, car la ville ne semblait pas être disposée suivant un plan discernable et il n’y avait pas de longues étendues de terrain ouvert assez large pour quelque type de véhicule. Des bâtiments de toutes formes, de toutes tailles et de toutes couleurs surgissaient partout ; Ici un cylindre, là un cône, un peu plus loin sur un hémisphère... il y en avait même deux qui avaient changé leurs formes pendant que Ryan les observait.
« Qui a bâti cette cité ? » demanda Bael. « Pourquoi l’ont-ils faite ? « Où sont-ils aller ? »
« C’est un charmant endroit, n’est-ce pas ? » Bael ignora la question et montra d’un geste la cité autour d’eux.
« Ce n’est pas une réponse. »
« Bien sûr que non. Je n’en ai pas. Les questions sont sans importance ici, aussi les réponses sont inutiles. »
« Elles ne le sont pas. Je dois savoir … »
« Correction : Java-10 doit savoir. Tu n’as rien d’autre à faire que de t’amuser. » asséna Bael avec sympathie. « Vous êtes un pauvre bougre muet, vous avez eu un tel lavage de cerveau que vous ne reconnaissez même plus la Liberté quand elle vient vous prendre la main. Asseyons-nous et parlons un moment. »
Deux chaises d’allure confortable apparurent derrière eux. Bael en pris une et fit signe à Ryan de prendre l’autre. L’éclaireur la testa inquiet avant de mettre tout son poids dessus. « De quoi veux-tu me parler » demanda-t-il après s’être installé.
« Commençons avec pourquoi êtes-vous ici ? »
« La même raison que toi : explorer la cité. »
« Pourquoi ? »
« La technologie, principalement. Quiconque peut bâtir un tel endroit doit être si avancé sur nous, que nous sommes prêts à apprendre quelque chose juste en examinant leurs artefacts. Nous devons trouver … »
« Nous ?» interrompit Bael. « Est-ce que tu t’inclus réellement là-dedans ? »
L’interruption fit perdre à Ryan le fil de ses pensées, et il ne put que cligner des yeux avec incompréhension.
« Sois honnête. Étais-tu personnellement si curieux de savoir ce qui se trouvait dans cette ville pour risquer de perdre ta santé mentale en venant ici ? » Les yeux de Bael étaient remplis de vie alors qu’il faisait mouche. « T’es-tu porter volontaire pour cette mission, ou Java-10 te l’a ordonné ? Ah, remarques qu’il se fâche. Ce n’était pas ton idée, n’est-ce pas ? »
« Cela n’a rien à voir avec ça … »
« Cela a tout à voir avec. Jeff, tu es une marionnette, un esclave pour ce vaisseau là-haut. Fais un bon travail, effectue ta mission bien, et tu obtiendras une tape sur le dos, une recommandation, peut-être même une médaille. Est-ce que toute ta vie en vaut la peine ? »
« J’ai une responsabilité envers le Corps, sur Terre. »
« Envoie-les balader ! Qu’en est-il de votre responsabilité envers le bon vieux numéro un ? Que diriez-vous d’apprendre à vous amuser ? »
« La terre a besoin de moi … »
« Bien sûr, tout comme le président Ferguson a besoin d’un nouveau trou au cul. » Bael regarda autour de lui. « Hé, venez par ici, les potes, rejoignez la fête. »
Quinze autres hommes se promenaient dans l’espace ouvert où Ryan et Bael étaient assis. Ils venaient de toutes les directions, et leurs allures étaient aussi paisible que celle de Bael. Il s’agissait du reste des explorateurs qui étaient venus dans cette cité lors des expéditions précédentes. Ryan connaissait la plupart d’entre eux, si ce n’était pas personnellement, du moins par leur réputation. Ils avaient été durs, des hommes expérimentés avant de venir dans cette cité. Maintenant ils avaient l’air, mous, relaxés, et très satisfaits. Ils saluèrent Bael et sourirent chaleureusement à Ryan
« Sans aucun doute, » dit Bael, « tu veux sortir ton communicateur et dire à Java-10 la bonne nouvelle, comme quoi tout le monde est en vie et rassemblé ici au même endroit. »
En fait, c’était exactement ce que Ryan voulait faire. En dépit de l’expression amicale sur leurs visages, Il se sentait vraiment mal à l’aise entourés par seize déserteurs. Il voulait plus que tout maintenant tenir cette boîte de métal froid dans ses mains, lui donnant le réconfort chaleureux qu’il y avait quelqu’un là-haut qui s’intéressait à son bien-être. Mais cette conversation semble virer au duel personnel entre Bael et lui-même, et il refusait de donner à son adversaire la satisfaction d’avoir raison. Aussi, il dit à la place, « Je peux faire mon rapport plus tard. »
« Bravo garçon ! » murmura Bael. « Tu commences à apprendre. D’ici deux trois jours, tu seras aussi libre que nous. »
Ryan avait la sensation désagréable d’être tombé dans le piège de l’autre. « Mais je n’ai pas deux jours, » répondit-il avec méchanceté. « Si je ne pars pas d’ici demain midi, je serais considéré comme perdu, tout comme vous. Et si je le suis, Java-10 va bombarder cette cité et la réduire en particules subatomiques. »
Les autres hommes arrêtèrent de sourire. Tous à l’exception de Bael, dont la bonne humeur semblait inébranlable. « Je ne pense pas, » dit-il calmement, « que la cité le permettra. »
C’était le tour de Ryan d’être silencieux un moment. « Tu parles comme si c’était un être vivant. »
« Je n’ai pas la moindre idée si elle l’est ou non. Mais après un moment passé ici, tu commenceras à te le demander. Elle sait certainement ce qui se passe dans ta tête. Elle agit sur nos pensées et moule nos rêves. Elle nous aime, Jeff, et ne laissera rien nous blesser. »
Un frisson remonta le long de la colonne vertébrale de Ryan. Bael était sérieux, comme seul un fou aurait pu l’être. Il déglutit et dit, « Néanmoins, je n’aimerai être là pour tester son amour lorsque les bombes vont commencer à tomber. »
« Tu es libre de partir quand tu veux, » remarqua Bael. « Personne ne t’arrêteras. »
Ryan réalisa avec surprise que Bael avait raison. Il était certain qu’il trouverait quelque force diabolique se cachant quelque part dans la ville qui essayerait de le retenir ici contre sa volonté. Au lieu de cela, tout ce qu’il avait trouvé était une merveilleuse technologie et seize fous amicaux. Il n’avait pas-encore succombé à la folie des autres, et il ne ressentait aucune pulsion l’empêchant de partir. Il était libre de partir quand il voulait.
« Bien sûr, » dit Tashiro Surakami, un des explorateurs que Ryan connaissait vaguement, « Java-10 pourrait ne pas être tout à fait heureux avec vous si vous le faisiez. ».
C’était le couac. S’il partait maintenant, il n’aurait rien de signifiant à rapporter. Il avait été envoyé pour découvrir pourquoi ces hommes ne sont pas retournés sur leur vaisseau. Jusque-là, mis à part quelques considérations hédonistes que Bael avait émises, il n’avait toujours aucune idée quant aux raisons. S’il quittait la cité maintenant et retournait sur le vaisseau, il aurait mieux fait de ne pas venir.
« J’ai toujours mon travail à faire, » insista Ryan obstinément. « Je ne vais pas partir en plein milieu. Je dois trouver pourquoi... » et il s’arrêta.
« Pourquoi sommes-nous devenus fous ? » Bael finit la phrase pour lui. « De notre côté de la barrière, c’est pourquoi sommes-nous devenus sain d’esprit. La réponse est tout autour de toi, si tu t’arrêtes pour la regarder. Les autres gars et moi-même sommes probablement en train de te distraire. Cela t’aiderait peut-être d’être seul un moment. Les gars, laissons Jeff ici un peu. Souviens - toi, Jeff, si tu veux parler à quelqu’un tu n’as qu’à appeler. Quelqu’un t’entendra.
Bael et les autres commencèrent à partir tranquillement, parlant et riant ensemble. C’était comme si Ryan avait subitement cessé d’exister pour eux. En moins d’une minute, ils étaient tous partis. Le silence suffocant revint, laissant Ryan assit au milieu d’une cité paraissant déserte.
L’éclaireur atteint rapidement son communicateur et déblatéra un rapport désespéré au vaisseau au-dessus. Il espérait un conseil, mais le vaisseau confirma la réception du message laconiquement, lui disant de rester prudent, puis coupa.
Ce n’est que lorsqu’il se releva qu’il vit la jeune fille.
***
Il la fixa pendant un bon moment, incapable de dire quoique ce soit.
La fille ne semblait pas aussi incommodée. “Hello, Jeff,” dit-elle sur un ton doux. “Tu te rappelles de moi ?”
Se rappeler d’elle. Comment aurait-il pu oublier Dorothy, la première fille avec qui il avait couché ? Dorothy, avec sa petite poitrine féminine, son rire cristallin, son désir brulant de faire plaisir...
« Tu n’existes pas, » constata platement Ryan. « Tu n’es pas réelle. »
Dorothy pencha sa tête de cette drôle de manière qu’elle avait toujours eue lorsqu’il disait quelque chose qu’elle ne comprenait pas. « Ne le suis-je pas ? »
« Je ne suis pas d’humeur à jouer à questions-réponses. En premier Bael, maintenant toi. Quoique tu sois, tu n’es pas Dorothy. Elle est à des centaines d’années lumières, elle est mariée, et a trois enfants. Tu n’es rien d’autre qu’une imposture. Va-t’en. »
Dorothy fixait ses pieds et ne bougeait pas. « Tu ne m’aimes plus. »
« Regarde, » dit Ryan, « J’admets que tu es une astucieuse illusion. C’est juste que je sais que tu n’es pas réelle. Ce n’est pas ta faute... tu as essayé. »
« Pas réelle ? » Dorothy leva ses yeux rougis et plein de larmes, la voix tremblante. « Tu peux me voir et m’entendre, n’est-ce-pas ? Si tu te rapprochais, tu pourrais sentir mon parfum. Si tu tends la main, tu pourrais me toucher. Si tu me mords, tu me goûteras. Comment pourrai-je être plus réelle ? » Son plaidoyer frôlait l’hystérie.
Ryan hésita. Elle devait être une hallucination. Il n’y avait aucun doute à ce sujet. L’officier bien entrainé qui était en lui essaya d’atteindre le communicateur dans sa poche. Mais l’homme en lui dît non. Et une troisième partie de son cerveau ne cessait de répéter, « tu es un imbécile ». Mais quelle partie était l’imbécile ? » Il ne pouvait vraiment pas aimer un produit de son imagination qui s’était matérialisé devant lui. Cette Dorothy était froide, irréelle, un sombre produit d’une mystérieuse cité.
Soudainement elle était dans ses bras, sensation très réelle, très vivante. Son visage se leva vers lui, cherchant le sien. Sa petite poitrine écrasée contre lui, ses cuisses serrées contre les siennes avec de petites ondulations franchement sexuelles. Ryan essaya de résister, essaya de se dire que ceci n’était pas en train d’arriver. Il avait son choix de mensonge, mais la Dorothy entre ses bras semblait être le plus convaincant. Sa main gauche caressait ses cheveux sur le côté droit de sa tête. Sa main droite tâtonna goulûment les boutons du col de sa tunique. Sa bouche se pressa contre la sienne, s’ouvrit, et sortit sa petite et ferme langue pour courir le long des pointes de ses dents.
Il n’y avait plus, ne pouvait plus avoir, aucun doute. Au diable, la logique ! Ceci était réel. Ceci n’était pas un délire de son esprit, mais l’original en chair et en os. Il nageait dans une mer de sensation. Ils tombèrent sur le sol, qui en quelque sorte semblait devenir caoutchouteux et élastique. Mais son esprit n’eut aucune chance de s’interroger à ce sujet, son corps ne le laissant pas faire. La raison s’effaça devant la passion, comme il l’avait toujours fait depuis des siècles.
Il était tellement absorbé qu’il ne remarqua même pas le bourdonnement insistant de son communicateur.
***
Plus tard, Dorothy se releva. « Je dois partir, » dit-elle.
« Tu dois ? »
Elle acquiesça de la tête. « Mais je reviendrai à chaque fois que tu auras besoin de moi. Appelle-moi. Je le saurai. » Et elle était partie.
Ryan était étendu sur le dos, fixant le ciel. C’était beaucoup plus sombre que cela ne l’avait été auparavant, et cela ne lui faisait pas mal aux yeux. Il devait être tard dans l’après-midi. Dans quelques minutes, il se lèverait et continuera son inspection, mais à cet instant il était trop pour se mouvoir. Même cligner des yeux lui semblait être un effort gargantuesque...
« Tu t’amuses ? » lui demanda une voix familière.
Ryan tourna brusquement la tête pour voir Bael debout à quelques mètres de là, lui souriant. Une bouffée de culpabilité, de honte et de colère indignée l’amena à se relever. « Tu m’espionnes ? »
« Non, » dit Bael, et son sourire s’élargit. « J’étais juste dans le voisinage et j’ai pensé faire un saut ici. En outre, je pourrai vous poser la même question, excepter que je connais la réponse. »
Ryan n’était pas sûr de ce qui l’exaspérait davantage : la gêne de Bael ou son incapacité à faire face à ce déserteur. Avant qu’il ne puisse penser à quelque chose à dire, Bael continua, « Je suppose que c’était du sexe. »
L’expression de Ryan le trahi. « J’y avais penser, » Bael hocha la tête sagement. Il semblerait que ce soit ce dont la plupart d’entre nous, éclaireurs masculins solitaires, ont le plus besoin. C’est la seule chose que l’ordinateur du vaisseau ne puisse pas nous fournir. La cité sait, Jeff. Peu importe combien vous essayez de cacher quelque chose dans votre esprit, la cité le sait. »
« Tu crois que c’est vivant. Ce n’était pas une question. »
« Je ne sais pas. Cela dépend ce que tu appelles vivant. Si tu veux dire vivante et respirant, j’en doute. Si tu veux dire conscient et au courant de ce qui se passe, oui, définitivement. »
« Mais comment … »
« Dois-tu continuer à poser ces questions infernales ? » Juste pour un instant, le masque de Bael se fendit et permit à Ryan d’apercevoir l’insécurité dessous. Puis la douceur revint, et Bael était de nouveaux décontracté et nonchalant. « Accepte-le juste pour ce que c’est, Jeff. Cette cité peut réaliser tes rêves. Elle veut vous aider. Je ne sais pas comment elle le fait, je m’en moque. Ses bâtisseurs l’ont faite ainsi, c’est assez pour moi. »
« Et où sont-ils maintenant ? Les bâtisseurs. Que leurs est-il arrivé ? »
Il essayait de voir s’il pouvait briser le calme de Bael une nouvelle fois, mais cette fois il échoua. « Je ne sais pas. Ils sont probablement partis pour des choses plus grandes et meilleures. C’est dommage dans un sens, j’aurai vraiment aimer les remercier. »
« Les remercier pour quoi ? demanda Ryan Cyniquement. « Pour avoir fait de toi un légume ? Tu restes juste assis et laisses la cité tout faire pour toi, vrai ? Tu oublies d’être un homme et tu commences à devenir une loque … »
« Es-tu plus un homme, Jeff ? » répliqua Bale, et quel que soit l’influence sous laquelle il était, elle commençait à remonter à la surface. « Qui au juste est le pantin ici ? Qui saute quand Java-10 tire les ficelles ? Qui ne supporte pas d’être d’éloigner de son moyen de communication plus d’une seconde ? Lequel de nous est dans cette cité en service commandé, et lequel marche librement comme il l’entend ? »
« Tu étais un bon officier, Bael, dit calmement Ryan. Pour un moment, au moins, leurs rôles étaient inversés, Bael était sur le grill, Ryan était déconcertant. »
« Certainement, je l’étais. » cracha Bael. « J’ai reçu des ordres et risquer ma vie pour cette chère vieille Terre. Et qu’ai-je obtenu ? Une poignée de médailles, un petit bonus dans mon enveloppe de salaire à chaque Noël, et un fond de pension croissant rapidement. Tout cela n’a plus de signification après un moment, Jeff. Mais, pas ici. La cité me veut, elle a besoin de moi. Elle a été bâtie pour servir les gens, pour leur donner ce dont ils ont besoin. Elle veut seulement aider. Est-ce si terrible ? »
« Oui, ça l’est … si elle peut faire ce qu’elle vous à fait. »
Bael avait du mal à récupérer la maîtrise de lui. « Ne la combat pas, Jeff. C’est juste un conseil amical. La cité peut se protéger de toi, assez facilement. Elle peut réaliser tes rêves, c’est certain ; mais, les cauchemars sont aussi des rêves. Ne pense pas que tu peux combattre tous tes cauchemars en même temps. » Bael se tourna puis parti.
Ryan resta debout et le regarda partir. Même après que le déserteur a disparu derrière un des bâtiments, Ryan se tenait debout, immobile. Est-ce que Bael était juste menaçant, ou la cité pouvait-elle faire remonter les cauchemars aussi bien que les rêves ? Il était enclin à croire cette dernière. Un fois de plus, il pensa combien Dorothy avait été réelle, et il frissonna. Il n’avait pas eu de cauchemars depuis longtemps, Mais même si... même si.