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Exhumation Du Roi Fae
En tant que Fae, Ryker n’était pas étranger au sexe, mais Maurelle avait précipité son esprit directement dans la chambre. Il s’interrogeait sur la douceur de ses lèvres, pincées et aucunement accueillantes à ce moment même, mais cela n’estompait pas son attirance.
Ryker retomba sur son tabouret. Il l’observa serrer les poings tout en fixant la directrice du regard.
Elle resta là pendant un instant avant de se diriger vers une table. Son regard fixait maintenant Ryker. Ses ailes voletaient nerveusement dans son dos. Les couleurs turquoise et rose vif correspondaient à ce qu’il décelait dans sa personnalité. Il avait devant lui l’une des femelles les plus fortes qu’il ait jamais vues.
Elle ne s’était pas retournée. Elle avait traversé la salle comme une poupée placide. Sa prestance le séduisait autant que sa silhouette. Son feu l’attira vers elle avant même qu’il ne la regarde. Après avoir reçu du pain et d’autres produits, elle jeta un coup d’œil tout autour de la pièce.
Son cœur se mit à battre à toute vitesse. Il voulait se lever et aller vers elle lorsqu’elle se dirigea vers lui. Avec ses crampes d’estomac et son front trempé de sueur, il avait du mal à rester assis. Elle se dirigeait en effet vers sa table, alors qu’au moins dix autres tables libres attendaient autour de lui. Il n’avait vraiment aucun besoin de créer une amitié avec cette femelle fauteuse de trouble. Il avait déjà suffisamment énervé les forces de l’Académie en essayant d’échapper à la collecte.
Ryker força son regard vers sa propre nourriture, il ramassa sa fourchette et commença à manger. Il ne put se retenir de lever les yeux pour voir où elle avait décidé de s’asseoir. Quand une main délicate atterrit à côté de lui, sa tête se leva comme une fusée.
Maurelle tirait précisément la chaise à côté de lui. Quand elle rencontra son regard, il ne put s’empêcher de remarquer les cernes sous ses yeux. Cela lui fit penser qu’elle se battait aussi durement que lui.
« Salut toi ! » dit Brokk de l’autre côté de la table avec un petit geste. Maurelle le regarda et lui adressa un signe.
« Je suis Brokk. J’ai entendu Gullvieg t’appeler Maurelle, c’est ça ?
— Oui, répondit-elle avant de tourner la tête vers Ryker.
— Tu es nouveau, n’est-ce pas ? Comment va ton aile ? »
Abasourdi, il dissimula le choc en fourrant un gros morceau de nourriture dans sa bouche. Il hocha la tête pendant qu’il mâchait et déglutissait. « Je suis Ryker. Et l’aile s’améliore. Les guérisseurs de l’Académie ont déployé des efforts considérables pour la remettre en état de marche. » Il fléchit le muscle de son aile, pour la faire passer par-dessus son épaule avant de l’abaisser à nouveau. Il ne voulait pas paraître impertinent, alors il lui parla, mais il ne voulait pas approfondir non plus.
Sa tentative d’évasion avait déjà suffisamment attiré l’attention. Il ne ressentait aucun besoin d’ajouter Maurelle à sa liste d’amis proches et de provoquer un examen minutieux de la part de Gullvieg. Il espérait avoir dissipé les craintes de la vile directrice à son sujet.
Maurelle se pencha en arrière sur son siège, elle leva sa main vers l’aile et la tendit comme pour la toucher. Instinctivement, Ryker l’abaissa. Elle comprit probablement la raison de ce geste brusque et elle laissa retomber sa main. Malgré son attirance flamboyante pour elle, il pensait qu’ils feraient mieux de garder leurs distances.
« Tu es vivant, c’est déjà ça. Je craignais que tu ne sois mort aussi », avoua-t-elle.
Une grimace s’esquissa sur son visage alors qu’elle poussait la nourriture dans son assiette.
La directrice se leva et posa ses mains sur ses hanches. « Je voudrais souhaiter la bienvenue à tout le monde pour cette nouvelle année à l’Académie de Bramble’s Edge. Je dirige avec fierté cette institution depuis trois siècles. Vous ne recevrez nulle part une meilleure éducation pour apprendre à contrôler vos capacités. Nous venons d’accueillir plusieurs nouveaux étudiants qui seront évalués après-demain. »
Gullvieg expliqua où se trouvaient les salles de classe ainsi que les différents champs d’entraînement. Ryker écoutait ou plutôt il feignait de prêter attention au discours. Il était concentré sur Maurelle. Comment cette femelle avait-elle découvert sa tentative d’évasion ? L’avait-elle vu essayer de voler alors qu’il était enchaîné ? Ses colocataires s’étaient retirés dès l’instant où le discours de bienvenue avait commencé, car ils n’avaient pas besoin de l’écouter.
En rapprochant son tabouret de Maurelle, il se pencha vers elle et murmura : « Comment sais-tu ce qui m’est arrivé ? »
Ses yeux gris étaient bordés de rouge lorsqu’elle se concentrait sur lui et la sueur perlait sur son front.
« Oh. Le collecteur qui est venu me chercher a utilisé ces bandes magiques…
— Les entraves, l’interrompit-il en expliquant le nom du brassard.
— Peu importe, dès qu’elles m’ont touchée, je t’ai vu essayer de t’échapper et tomber après avoir heurté la barrière, répondit-elle en agitant sa main.
— Tu possèdes des aptitudes psychométriques ? »
Il réfléchissait à ce qu’elle venait de dire. Elle aussi avait lutté au moment de sa prise en charge. Il ne trouvait rien de surprenant à sa résistance. Il s’inquiétait de son état, malgré tout il restait déterminé à maintenir une relation superficielle entre eux. « T’ont-ils blessée quand ils t’ont capturée ? »
Ses yeux se remplirent à nouveau de larmes et elle baissa la tête. Il observait ses épaules courbées. Il avait été témoin de son combat un peu plus tôt, elle avait perdu à chaque reprise. Elle lui brisait le cœur. Il marmonnait des insultes contre lui-même et se sermonnait en silence pour se convaincre de rester immobile. Il ne devait pas essayer de la réconforter. « Non. Je n’ai pas été blessée, mais ma mère… elle a… elle a essayé de m’aider. »
Elle parlait d’une voix tellement basse qu’il dut se pencher vers elle pour l’entendre. « J’espère que ta maman va bien. La mienne n’est pas intervenue lorsque j’ai décollé par la fenêtre.
— Tu as de la chance qu’elle ait tenu sa langue. Ils ont tué ma mère », lança-t-elle en serrant les dents.
Le choc l’empêcha d’apprécier le feu intérieur qu’elle venait d’exhiber. « Quoi ? Pourquoi restes-tu ici ? Je suis désolé », ajouta-t-il avec précipitation. Son commentaire ne laissait pas transparaître la moindre trace de sensibilité. Jamais auparavant il n’avait entendu une histoire impliquant la mort lors d’une collecte. La disparition de la mère de cette belle femelle lui donnait envie de sabrer le cabinet au pouvoir et de nettoyer la maison. Il trouvait la situation purement et simplement inacceptable.
Il se rappela que cet épisode n’était pas isolé et tous ces incidents semblaient liés. Aucun Fae ne devrait souffrir comme ça. L’injustice frappa directement au plus profond de son âme. Il restait assuré que la situation personnelle de Maurelle n’était pas la seule cause.
« Ces gens sont des monstres. Si j’avais le choix, je rentrerais à la maison avec mon père et mes sœurs. Ils vont l’envoyer vers l’au-delà. »
Il posa la paume de sa main sur son épaule pour lui offrir un peu de réconfort. Elle se tourna vers lui, mais ses yeux ne souriaient pas. Il retira sa main. Son chagrin la portait à vif et la coupait en lambeaux. Malgré tout, il ne voulait pas se rapprocher d’elle. Hélas, en un éclair, il réalisa qu’il était peut-être déjà trop tard.
Tout ça expliquait l’apparence de ses vêtements. Ils ressemblaient davantage à un pyjama qu’à l’uniforme noir estampillé du logo de l’école. Comment avaient-ils pu prendre la vie de sa mère puis la forcer à assister à un banquet de bienvenue comme si de rien n’était ?
À ce moment, il comprit clairement que les rumeurs sur l’Académie — ou peut-être pas les rumeurs sur l’Académie, mais les rumeurs sur les humains au pouvoir — disaient vrai. Après tout, toutes les histoires d’horreur ne naissaient-elles pas de faits réels ?
Ce drame ne relevait certainement pas de l’évènement isolé. Ils étaient trop préparés à forcer cette femelle à s’incliner devant leurs volontés. Gouverner par la peur assurait un nombre minimal d’objections. Ils lançaient des sorts et avaient recours à d’autres subterfuges pour empêcher Maurelle de parler, mais ils ne cherchaient pas à soulager sa douleur le moins du monde.
La scène spectaculaire de son entrée dans le réfectoire avait attiré l’attention. Aucun doute ! Plusieurs étudiants autour d’eux avaient entendu toute l’action. La rumeur de la mort de sa mère se répandrait sur le campus en un rien de temps.
« Tu n’es pas seule ici », promit-il. L’espoir envahit son regard. « Malheureusement, je soupçonne que tu rencontreras d’autres élèves susceptibles de se raccrocher à ton vécu », ajouta-t-il. Il voulait s’assurer qu’elle comprenait bien qu’il ne parlait pas de lui-même.
« Je sais que tu as raison. C’est pourquoi je… ugh », bafouilla-t-elle. Elle grimaça et posa une main sur sa tête. La pâleur de sa peau prit une nuance vert maladif. Sa tête se déplaçait d’avant en arrière, ses mèches roses volaient.
« Tu n’as pas l’air en forme. As-tu déjà vu un guérisseur ?
— J’étais malade quand les collecteurs m’ont emmenée. Ils m’ont obligée à venir ici en premier.
— Tu as l’air horrible. L’infirmerie se trouve au deuxième étage, en bas de l’aile est. »
Il se leva, il ne pouvait vraiment pas lui offrir davantage. Hors de question de placer plus de cibles sur son dos qu’il en avait déjà.
« Merci », marmonna-t-elle. Elle se leva à son tour.
Il marchait à côté d’elle et aurait souhaité agir pour améliorer sa situation. Ni l’un ni l’autre ne parlèrent en marchant. Il agit comme un imbécile et il ne lui dit même pas au revoir quand ils se séparèrent. Il continua jusqu’à son dortoir au quatrième étage.
Ses tripes tourbillonnaient. En même temps, son aine pensait que ce serait une bonne idée de se laisser aller à son attirance. Alors qu’il venait de se flageller de l’intérieur pour avoir traité Maurelle avec ennui. Maintenant, une douche froide s’imposait.
CHAPITRE IV
« Les emplois du temps sont-ils toujours aussi bien remplis, ici ? » demanda Ryker à son colocataire. Il vivait à l’Académie depuis quelques jours maintenant et ils avaient travaillé plus dur que dans le boulot à temps partiel qu’il occupait avant d’être emmené à l’école.
La plupart des jeunes adultes Fae gagnaient leur vie. Ils devaient aider à subvenir aux besoins de leur famille. Mais ils travaillaient rarement plus de dix heures par jour, ce qui contrastait largement avec les informations étalées leurs cours d’histoire. Les professeurs devraient savoir que les élèves n’avalaient pas le babillage qu’ils essayaient de leur enseigner. Ils se tuaient à la tâche pour arriver à joindre les deux bouts.
Les enseignements de l’Académie semblaient véritablement biaisés en faveur des humains. Entendre les enseignants évoquer la manière dont les humains étaient entrés pour sauver Bramble’s Edge de la ruine l’exaspérait et révélait l’Académie sous son vrai jour.
À son arrivée, il voulait crier sa rage à tous ceux qui leur débitaient ces sornettes. Mais au fil du temps, il commençait à comprendre. Il n’avalait pas l’idée que les humains les avaient sauvés alors qu’ils les avaient réellement attaqués en premier.
Leurs armes l’avaient emporté sur les capacités des Fae et affaibli le royaume. Sa mère lui en avait suffisamment raconté pour comprendre leur stratégie guerrière. Les Fae avaient essayé de se défendre pendant que les humains s’acharnaient pour prendre le pouvoir qui stabilisait le peuple Fae.
Une partie de la puissance du roi et de la reine Fae avait maintenu l’équilibre, à la fois entre les races et du point de vue des individus. D’après les explications de sa mère, chaque fois qu’un membre du royaume se laissait dominer par son propre pouvoir, le Roi intervenait et le remettait à sa place. Leur simple présence dans le royaume fournissait une source de stabilité pour toute la race.
À la mort du roi et de la reine, ce pouvoir disparut, la puissance des Fae s’effondra. Le chaos qui s’ensuivit permit aux humains de s’immiscer et de prendre le contrôle de leur royaume.
Dans les premiers temps, la plupart des êtres surnaturels, en particulier les Fae trouvaient difficile de gérer autant de pouvoir. Tous les membres de cette espèce extatique s’engageaient à fond dans leurs passions. Le but réel de l’Académie résidait dans l’apprentissage de la maîtrise des pouvoirs, sa mère se plaignait sans fin à ce sujet. Les humains pervertissaient l’œuvre du roi Oberon créée des millénaires auparavant.
Il comprenait exactement ce que sa mère voulait dire, pas au sujet des objectifs de l’école, mais de la partie sur le contrôle des pouvoirs. En effet, à maintes reprises, ils avaient dû renvoyer ses nouveaux amis venus lui rendre visite. Il s’était parfois réveillé avec la peau fripée comme après un bain dans le petit étang près de la boucherie où travaillait Galina.
Ses compagnons de dortoir relataient tous une ou deux mésaventures semblables qui leur arrivaient sans cesse, mais Ryker avait remarqué plusieurs situations qui le laissaient perplexe. Il n’avait pas encore identifié ses pouvoirs. Même les professeurs qui l’évaluaient semblaient déconcertés. Ils l’avaient finalement placé dans la ligue de l’air.
Apparemment, il avait manifesté beaucoup de capacités associées à celles des Fae de l’air. Il ne parvenait pas à définir ses sentiments à cet égard. Il ne ressentait qu’une faible aptitude à manipuler les pensées ou à rêver en marchant ou à communiquer directement avec l’esprit de quelqu’un. Par ailleurs, il ne ressentait pas non plus d’autres pouvoirs de l’esprit.
Il avait hâte de découvrir le potentiel de son esprit, mais la ligue du feu l’attirait particulièrement. La façon dont sa colère montait en flèche et la façon dont il frôlait les bagarres lui donnaient l’impression que son élément s’exprimerait dans le feu. Ces pulsions se manifestaient bien plus que ses autres capacités.
Chaque Fae avait des aptitudes de base. C’était une des raisons pour lesquelles Ryker n’était toujours pas convaincu par la voracité des préjugés de sa mère envers les humains. Les humains ne vivaient pas aussi longtemps que les Fae. Et ils n’avaient pas de force ou d’audition transcendantes. Ils ne pouvaient pas non plus activer de processus de guérison accélérée.
Les Fae pouvaient également sublimer leur apparence dans une certaine mesure. Un faible niveau de compétence pouvait être amplifié chez certains qui possédaient un talent supplémentaire dans ce domaine. Ceux qui possédaient les capacités de projeter leur charme avaient commencé à vendre des boucliers conçus pour déguiser les apparences des Fae. Ils pouvaient ainsi quitter l’Edge et partir vivre hors les bidonvilles. Quinze ans auparavant, l’unité des détectives avait été formée pour les démasquer.
Le père d’Eitin travaillait comme détective à la frontière. Il empêchait les Fae et les métis de quitter l’Edge. Sa mère détestait cette amitié avec Eitin, mais tous les deux formaient un duo inséparable. Et, sa maman n’avait jamais caché ses sentiments à Eitin non plus.
Sa mère lui répétait la leçon en disant qu’un Fae ne devrait jamais utiliser ses capacités à pressentir un autre Fae contre sa propre espèce. Pour plaisanter entre eux, ils essayaient de deviner combien de fois elle repasserait son sermon.
Quand Eitin recevrait ses pouvoirs, il appartiendrait sans aucun doute à la ligue du feu. L’affectation de Maurelle l’intriguait. Il ne l’avait pas revue depuis qu’il l’avait regardée marcher vers l’infirmerie, mais il ne pouvait pas s’empêcher de penser à la belle femelle. « Tu cherches les ennuis », se prévint-il pour la millième fois cette semaine-là.
Quelle bénédiction, il ne l’avait pas vue ! Il parviendrait ainsi facilement à garder ses distances.
Son esprit têtu refusait de penser à quoi que ce soit d’autre. Les pouvoirs de la femelle allaient-ils s’exprimer dans l’air ou le feu ? Peut-être même l’eau ou la terre. D’après ce qu’il avait aperçu d’elle, il doutait qu’elle appartienne à la terre. Si c’était le cas, avec la rage furieuse qui l’habitait à ce moment-là, elle aurait sûrement déclenché un tremblement de terre ou appelé un rocher.
Elle n’appartenait probablement pas à la ligue de l’eau pour des raisons similaires. Les gardes n’avaient pas commencé à saigner des yeux, et l’océan qui bordait l’école n’avait pas envoyé de raz de marée s’écraser dans le réfectoire. Au plus profond de lui, il espérait qu’elle le rejoindrait dans la ligue de l’air. Elle avait manifesté d’étonnantes capacités psychométriques, mais elle n’était pas encore apparue en classe. C’était préférable pour lui, se rappela-t-il. Il n’avait aucun besoin de multiplier les rencontres gênantes avec la femelle.
Ryker chassa Maurelle de ses pensées ainsi que la façon dont son chagrin le révoltait. Il quitta sa chambre et plaça les protections possibles sur la porte. Dans sa ligue, personne ne devrait atteindre ses capacités à manipuler les métaux. Cette aptitude ébauchait un trait de la terre, mais il ne voulait pas que quelqu’un entre dans son espace en son absence.
« Hé, Ryk. Tu vas bien ? Tu as manqué le petit déjeuner », fit remarquer Dain en sortant de sa chambre. Les dortoirs se situaient dans de grands bâtiments de cinq étages. La conception de l’installation lui autorisait une indépendance largement supérieure qu’à la maison, et rendait son séjour à l’Académie beaucoup plus agréable.
Dain n’avait pas l’air trop pressé de quitter le canapé et d’aller en classe tandis que Sol et Brokk tenaient leurs livres et blocs-notes en main. Leurs chambres étaient toutes disposées autour d’un coin salon central. Ils devaient s’entraîner et étudier dans cette pièce.
« Oui. Je ne me suis pas réveillé », mentit-il en ajustant ses livres. Il ne savait pas s’il pouvait avoir confiance en eux et partager les questions persistantes qui le hantaient. Certes, ses doutes et ses objections au sujet de l’Académie diminuaient au fil des jours, mais ils ne s’étaient pas complètement évanouis.
Sol gloussa et secoua la tête. « Moi non plus, je ne voulais pas sortir du lit à cinq heures du matin. Ce matelas doit être rempli de nuages ou d’un truc du genre. Je n’aurais jamais cru que je dormirai un jour dans un lit si confortable. »
Son visage devait cacher ses émotions chaotiques mieux qu’il ne le pensait. Ryker hocha la tête et continua jusqu’à la porte. « Ça, c’est sûr. J’ai dormi dans le même lit toute ma vie. Et, ma mère l’avait probablement depuis déjà fort longtemps. » Un lit neuf ou moelleux offrait un luxe que la plupart des habitants de l’Edge ne pouvaient pas se permettre, donc un matelas confortable représentait un avantage majeur.
Ryker descendit les escaliers et les écouta débattre des différences entre les dortoirs et leur maison. Il tomba d’accord avec eux sur ce sujet. La douleur dans sa poitrine diminuait à chaque respiration, ses tripes s’assainissaient dans l’atmosphère purifiée. Soudain, Maurelle sortit en trombe d’une pièce en dessous de la sienne.
Ses pieds faiblirent, il se rattrapa à peine avec une main sur la rampe et finit par tomber dans l’escalier suivant. « Superbe » semblait un qualificatif édulcoré quand il la regardait. Avec des cheveux propres et brillants et sa pâleur maladive évanouie, sa beauté exerçait une emprise indéniable.
Ses colocataires remarquèrent son retard et se tournèrent vers lui. Ryker ouvrit la bouche, mais Brokk l’interrompit. « Hé, Maurelle. On dirait que tu te sens mieux. »
La femelle en question rougit d’une légère nuance de rose et sourit. « Merci. Je vais tellement mieux. »
« Et, zut ! Je te trouve super sexy ! » poursuivit Brokk. Son regard balayait sa silhouette de la tête aux pieds. Ryker avait envie de balancer un coup de poing dans sa belle gueule, mais il jugea la réponse complètement inappropriée. Il devrait encourager son flirt. Ryker se montrerait alors probablement moins enclin à céder à son désir pour la femelle.
Ryker admit qu’il aimerait embrasser ces lèvres pulpeuses et sentir ce corps aux formes généreuses, mais il se retenait. « Assez ! » aboya Ryker d’un ton sec. Avec une grimace, il adoucit sa voix et continua.
« Maurelle n’a pas besoin d’être harcelée. Comment te sens-tu ? Je ne t’ai pas vue par ici.
— Mon chevalier personnel dans sa brillante armure », taquina Maurelle.
Il fronça les sourcils même s’il aimait son sens de l’humour ironique et son sourire. Il les aimait beaucoup trop pour son propre bien. « Certes, ce n’est pas nécessaire. Les compliments distraient parfaitement de la perspective de commencer l’école. L’école et moi n’étions pas les meilleurs amis pendant mon enfance, donc je me sens nerveuse. À part ça, je me sens beaucoup mieux. Ils m’ont gardée à l’infirmerie jusqu’à la nuit dernière et m’ont donné plusieurs fortifiants et d’autres traitements. »
Ryker garda ses distances alors qu’ils descendaient les escaliers en groupe. « Comment gères-tu la perte de ta maman ? Puisque tu ne cries pas et ne frappes plus personne, je suppose que tu dois t’en sortir. »
À ces paroles, sa tête sursauta. Maurelle secoua la tête et marqua une pause tandis que Sol ouvrait la porte qui menait hors des dortoirs. « Ça a été horrible. Elle me manque terriblement. Mais… eh bien… J’aurais tant souhaité qu’elle n’interfère pas avec les collecteurs. »
Cette attitude se distinguait radicalement de la colère qu’elle avait dégagée à son arrivée. Brokk se déplaça vers sa droite, Sol se leva devant eux. Maurelle était intelligente de ne pas s’ouvrir complètement. Il aimait assez ses colocataires, mais en ce qui concerne leur honnêteté, c’était une tout autre affaire. Ils ne lui avaient jamais donné de raison de leur faire confiance. Par prudence, il garderait ses distances.
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* * *
« Ce qui t’est arrivé est un évènement assez traumatisant », observa Ryker alors qu’ils marchaient à l’extérieur. Qualifier ce qu’elle a vécu de traumatisant relevait de l’euphémisme majeur. Elle sentait sa méfiance et le mur qu’il érigeait entre eux. Elle ne savait pas pourquoi il agissait de la sorte avec elle et en ce moment et elle ne disposait pas de l’énergie nécessaire pour essayer de comprendre.
Pour la première fois depuis près d’une semaine, son corps et son cœur ne souffraient pas d’une douleur insupportable. Inclinant la tête en arrière, elle laissa le soleil réchauffer son visage tandis que la brise de l’océan lui ébouriffait les cheveux. Maurelle aimait le domaine de l’académie. Entre la vie végétale, l’air et l’eau plus purs, son âme se nourrissait d’une abondance d’énergie qu’elle n’avait jamais ressentie auparavant.
À l’Edge, seules quelques rares plantes entouraient les Fae, et tous les bâtiments étaient en pierre. La saleté et la crasse recouvraient tout, sans parler des produits chimiques divers qui brûlaient la peau et les poumons. Les Fae entretenaient une connexion et une dépendance primordiales envers les éléments. Leur environnement devait être profondément exempt de toxines et d’autres contaminants.
Elle rencontra les beaux yeux verts de Ryker et détourna rapidement le regard lorsqu’elle vit la colère sur son visage. Elle ne savait pas pourquoi cette rage l’envahissait, mais elle en avait assez pour son propre compte et n’allait pas en plus essayer de le réparer aussi.
« Alors, à quelle ligue appartenez-vous ? Je recherche des détails et des conseils sur la ligue de l’air en particulier », expliqua Maurelle.
Le travail scolaire la rendait folle. Enfant, l’école hantait la plupart de ses cauchemars et avait continué en grandissant. Maintenant, elle se voyait forcée de revivre ces angoisses à l’âge adulte. Elle espérait que Ryker ou l’un de ses amis deviendrait un allié et une personne sur qui compter pendant ses études à l’académie. Même si, vu la froideur de Ryker, elle doutait qu’il lui manifeste un large soutien.
Malgré ses traits ravissants, son attitude vraiment déplorable le dépouillait de ses charmes. À en juger par sa tentative d’évasion elle avait émis l’hypothèse qu’ils deviendraient alliés, mais elle semblait loin de la réalité. Elle se sentit piquée de son rejet, même si elle ne comprenait pas pourquoi.