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Storey
Storey

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Storey

Язык: Французский
Год издания: 2019
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Gary était plus petit que Paul, maigre à la peau grise et les yeux constamment en mouvement derrière les lunettes. Il n’était pas un soutien de confiance, il était préférable de l’avoir toujours à l’œil.

– Cet endroit pue. Est-ce qu’on peut discuter ailleurs? dit Paul.

– On n’est pas là pour discuter, dit Gary. C’est… comment on dit, une leçon.

– De quoi?

– De comment les choses fonctionnent. Entre nous et toi. Si tu tournes autour de Minty, il y a des règles à respecter.

– Et un règlement, dit Tarzan.

– Vous me dites que j’ai besoin de votre permission pour parler à quelqu’un? Vous pensez que je vais me laisser faire? Je ne l’apprécie pas autant que cela. Je n’aime pas les blondes.

Gary se mit à rire et se retourna vers Tarzan.

– Pas de soucis, elle n’est pas vraiment blonde, n’est-ce pas?

– Pas vraiment, répondit Tarzan. Pas en bas, en faisant rire à nouveau Gary.

– C’est bon maintenant? dit Paul.

– Non, dit Gary, nous n’avons pas fini. Tu travailles pour qui?

– Que veux-tu dire?

– Tu travailles dans les assurances. C’est quoi le nom de la compagnie?

Paul croisa le regard de Gary et le fixa.

– Ça ne te regarde pas, dit-il.

– Ouais, je savais que tu dirais ça. Mais le problème, c’est que Cliff veut savoir si tu es bien la personne que tu prétends être.

– Ou quoi?

– J’ne sais pas, il ne l’a pas précisé.

– Quelle différence cela peut-il faire? La compagnie pour laquelle je travaille se trouve à Londres.

– Donc il n’y a aucun mal à ce que tu nous le dises, non? se tournant sur le côté en lançant un regard arrogant vers Paul. Le problème est que je pense qu’il a prévu quelque chose pour toi.

– La réponse est non.

– Ouais, on savait que tu dirais aussi ça. C’est pourquoi nous avons une motivation pour toi.


Lorsqu’ils le firent ressortir dans le bar, Cliff était au téléphone. Il les arrêta en levant une main avant qu’ils s’assoient. Gary agrippa le bras de Paul et le lâcha en le secouant. Mais il resta debout jusqu’à ce que Cliff eût fini en pointant son index sur le bouton Raccrocher et l’enfonça.

Maintenant Paul écoutait Gary raconter à Cliff ce qui s’était passé dans les toilettes: Paul avait refusé de dire pour qui il travaillait et n’était pas intéressé par ce que Cliff avait prévu pour lui. Cliff hochait la tête en écoutant, la bouche en cul-de-poule pour montrer qu’il prenait le sujet au sérieux. Puis il pointa du doigt la chaise sur laquelle Paul était assis auparavant. Tarzan le saisit par les épaules et le poussa.

Paul se demandait ce que les autres gens dans le bar pensaient de ce manège – peut-être qu’ils n’avaient pas remarqué ou qu’ils étaient habitués à Cliff et à ses hommes, et qu’ils s’en foutaient. Peut-être que c’était le genre de pub où c’était normal que des bouteilles soient cassées et des menaces soient faites.

Paul n’avait aucun problème avec ça. Il avait vécu pendant un temps au sud de la rivière à Londres et avait rencontré des personnes avec qui vous n’aimeriez pas avoir d’embrouilles. Un jour, il s’était embarqué dans une bagarre malgré son uniforme et les deux hommes du commissariat qui l’accompagnaient: l’homme après qui ils étaient, Terry ‘Pit Bull’ James, savait qu’il allait être enfermé, mais il voulait quand même démolir quelques flics. Paul apprit ce jour-là qu’il devait frapper le premier et fort, de ne pas attendre de voir comment la conversation tournerait ou si le malfaiteur allait se calmer. Si vous attendez, ce sera trop tard. Ne sachant pas encore cela à cette époque, il prit trois semaines de congé-maladie dû à un tympan abîmé, dont les séquelles n’avaient pas encore entièrement disparues.

– Tu ne travailles pas dans les assurances, dit Cliff. Je le sais. Mais je ne sais pas ce que tu fais. Regarde-toi, assis-là à me lancer ce regard et à te demander de quoi il s’agit.

– Je sais ce qui se passe.

– Ah bon? Alors dis-moi un peu. Je te donnerai une note sur dix.

– Toi et ta bande vous vous ennuyez. Vous ne gagnez pas d’argent – ou très peu – et vous pensez que vous devriez vous en prendre à quelqu’un, une personne pour vous divertir. Tu penses que j’essaye de me faire Araminta, tu crois donc avoir une certaine emprise sur moi. Que je ferai ce que tu veux, seulement pour que je glande ici comme les Funboy Three.

– C’est intéressant: mon père connaissait le père de Terry Hall dans les années soixante, tu sais? Je n’ l’ai jamais rencontré en personne. Mais je te donne huit sur dix, pas mal pour un débutant.

– J’ai loupé les orgies d’ivrognes et les tentatives de suicide, c’est ça?

– On peut dire que c’était marrant. J’ai failli mourir une fois. Accident de voiture. Un idiot a dépassé la ligne blanche et a foncé sur moi, sur l’autoroute Sewell, juste après le pub Devon, tu connais? J’ai eu plusieurs os de cassés et le foie endommagé, mais à part ça, je m’en suis bien sorti. J’ai mal à la tête de temps en temps. Bref, quand j’étais allongé, tout écrasé dans la voiture, je croyais que j’allais mourir. Je me demandais si l’ambulance arriverait à temps ou si j’allais m’endormir. J’n’avais pas mal, j’étais sûrement en état de choc. Mais depuis, je me suis intéressé à la mort, comment c’est lorsqu’on part. Est-ce que ça fait mal, tu t’accroches ou est-ce que c’est tout juste comme aller au lit et tu ne sens rien? Le résultat est que je n’ai plus peur de la mort. Je n’veux pas mourir, mais je prendrai des risques. J’avais l’habitude d’être une grande gueule avec certains tolards quand j’étais en tôle, les provoquer pour voir jusqu’où je pouvais les pousser pour qu’ils m’attaquent. Ils ne l’ont jamais fait. Ils se sont sûrement rendu compte que je n’avais pas peur d’eux, ils m’ont alors foutu la paix.

– Tu es un causeur intéressant.

– J’ai mes moments. Bref, ma question, mec, est-ce que tu es intéressé à te faire un peu de blé. Un peu d’oseille sup.

On y est, pensa Paul. Toute l’histoire était que Cliff se prenait au jeu pour tâter le terrain avant de s’engager.

– Tu ne dis rien, dit Cliff. Aucun son n’est sorti de ta gueule. Je ne suis pas télépathe, tu sais? Alors qu’est-ce t’en dit?

– Que veux-tu que je te dise? dit-il pour raccourcir la discussion et faire en sorte que ce soit Cliff qui fasse le travail.

– Tu n’auras rien à faire. Mettre en pratique ton jugement professionnel. Jeter un coup d’œil à quelque chose et donner ton opinion. L’opinion d’un agent d’assurances.

– Si je suis bien un agent d’assurances.

– Nous y voilà. Ce sera une sorte de test, alors?

– Est-ce que je serais payé?

– Je t’ai déjà dit que oui, non? Le montant sera fixé plus tard.

Paul jeta un coup d’œil à Tarzan et Gary, qui le fixaient de leurs yeux de mort-vivants. Il réalisa que Dutch avait disparu depuis qu’il était sorti des toilettes – il ne lui manquait pas.

Cliff saisit son téléphone.

– Je suppose que ton silence est un oui. Maintenant tu peux te casser. J’ai des choses à faire.

L’attention dans la pièce avait brusquement changé, comme si Paul n’était plus là. Tarzan et Gary se mirent à parler ensemble et Cliff lisait les messages sur son téléphone, ses yeux les parcourant à la vitesse d’un bookmaker évaluant des probabilités.

Paul se leva et sortit, se demandant s’ils remarqueraient son départ.

CHAPITRE CINQ

Elle avait mangé une banane et entamait un kiwi, lorsque Cliff appela, le ton énervé comme d’habitude, sa voix devenant perçante et exigeante en demandant combien de temps elle allait faire traîner les choses avec David avant d’avoir un résultat.

Quand Janice était plus jeune, elle démissionnait dès qu’une personne haussait le ton avec elle – c’était une chose qu’elle ne pouvait pas supporter. Elle supportait cela assez venant de la part de son père à la maison. Il était un tyran pour les gars locaux à Dalkeith, travaillant sur des chantiers ayant toujours une pelle à manche court à la main. Il l’apportait avec lui à la maison et menaçait avec, sa mère et ses trois sœurs en l’agitant dès le premier signe d’embrouilles.

Un matin, une fougueuse de dix-sept ans ne voulant plus se laisser faire, se leva très tôt, appela un taxi, prit la pelle de la cour arrière et la brûla. Le temps que son père arrive en bas de l’escalier en tee-shirt et shorts, elle avait déjà claqué la porte d’entrée et dit au chauffeur de taxi de l’emmener à la Station Waverley à Edinburgh, où elle s’acheta un billet simple pour Londres, se demandant ce qu’elle allait faire des sept cents livres qu’elle avait économisés en travaillant dans la boulangerie Greggs deux jours par semaine, en plus des deux cents livres qu’elle avait volés de la boîte à thé où son père gardait l’argent pour ses boissons.

Elle logea chez sa tante Glinnie pendant deux semaines jusqu’à ce qu’elle ait trouvé un emploi dans un bureau d’avocat à Twickenham. Puis elle loua un appartement au-dessus d’une compagnie d’assurances tout en élaborant un plan. L’avocat réussissait bien et voulait quelqu’un d’habile pour travailler à la réception. Comme tout le monde, elle tapait bien car elle utilisait l’ordinateur depuis l’école, et il lui a fallu peu d’efforts pour embobiner l’homme âgé.

Elle savait qu’elle était intelligente et ça ne la gênait pas de mentir. Alors qu’elle accueillait les clients et tapait les testaments la journée, elle s’était mise à travailler en ligne la nuit – les escroqueries internet venait d’être lancées à l’époque – en utilisant des faux noms et des photos truquées sur des sites de rencontre, prétendant tomber amoureuse d’une foule de mecs d’âge moyen via email et de convenir sur des rendez-vous pour les rencontrer… à condition de recevoir en premier les frais du voyage.

Plus tard, elle acheta une liste d’emails sur un CD d’un lithuanien dans un club et envoya des milliers d’emails offrant un paiement aux personnes souhaitant travailler à domicile, en traitant des réclamations d’assurances. Il suffisait tout simplement d’envoyer un chèque pour couvrir les frais du bidule à rayon laser qui vérifiera le numéro de réclamation et une rémunération sera offerte pour cent réclamations traitées. Les chèques étaient envoyés à une boîte postale, d’où elle les collectait deux fois par semaine et les déposait dans un compte sous un faux nom.

Depuis, elle avait appris comment créer des sites Web rudimentaires en utilisant Dreamweaver. Elle créa Naturograin.com, en utilisant des images de suppléments de vitamines qu’elle trouvait en ligne et offrait un produit anti-cancer incroyable à un prix défiant toute concurrence si acheté dans l’heure qui suit. L’argent se mit à déferler du monde entier. Elle déménagea de son appartement d’une pièce pour un appartement plus spacieux, elle renouvela sa garde-robe et acheta sa première voiture, une Coccinelle jaune.

Après quelques années, elle laissa tomber l’avocat et dirigea une demi-douzaine de sites Web de vente de faux produits en réfléchissant à ce qu’elle pourrait faire ensuite.

Jusqu’à ce qu’on l’informe que les flics commençaient à s’y intéresser.

Elle avait toujours eu de la chance. Un soir, elle rencontra Robbie, un flic intéressant mais également un blaireau, travaillant pour une nouvelle division établie pour enquêter sur le type exact de spams qu’elle gérait bien. Au début, il n’avait aucun idée de ce qu’elle faisait pour gagner sa vie, mais après trois mois de relation, elle s’était dit merde et le lui a avoué – à un moment où il s’était trop engagé pour ne plus la fréquenter. Un mois plus tard, il mentionna que les noms de ses sites Web lui avaient été transmis dans un mémo et qu’elle sera mise sous surveillance.

Cette nuit-là, elle emballa ses trois ordinateurs portables et quelques valises de vêtements, prit un taxi pour la Station Euston où elle prit le prochain train en destination du nord. Coventry était le premier arrêt. Le contrôleur de billet l’aida à décharger ses affaires sur la plateforme. Elle recommença une autre vie, cette fois-ci sous le nom d’Araminta Smith, journaliste.

La seule chose qu’elle regrettait était d’avoir abandonnée derrière elle sa Coccinelle jaune.


Cliff était maintenant énervé. En effet, le travail à long-terme sur lequel elle travaillait durait depuis trois mois. Il l’accusait d’avoir la frousse, ne voulant pas tirer sur les ficelles. Le téléphone à l’oreille, elle s’imaginait son visage ridé se barricader, ses lèvres s’amincir, son regard froid à pattes d’oie s’assombrir petit à petit en lui disant de se grouiller et de faire en sorte que ça marche.

– Le moment n’est pas encore venu, dit-elle, il est sous pression au travail, il y a des inspecteurs au bureau – écoutes, pourquoi tu ne me laisses pas cette partie-là pendant que tu glandes avec les trois mousquetaires? Je te le dirai si j’ai besoin de conseils.

– Je n’oublierai jamais la première fois que tu m’as parlé, en me disant à quel point j’étais super et quelle formidable équipe on ferait. Tout ce que j’avais à faire était de t’aider à tendre le piège, de te donner une crédibilité pour que ce conseiller y croie? Tu as oublié tout ça? Les petites faveurs?

– D’accord, tu as fait ton travail, laisse-moi faire le mien. Il a mordu à l’hameçon. Il ne le sait pas, mais il a déjà mordu à l’hameçon.

– Maintenant tu as ramené ce grand mec, Storey, qu’est-ce que c’est que cette merde?

– Il a des capacités, non? Tu ne l’as pas remarqué?

– Il est malin, mais il n’est pas clair. Il croit se foutre de nous, mais j’ai prévu quelque chose pour lui.

– Tu vois, dit-elle. Je ne me trompais pas. Tu dois juste le surveiller.

– Oh, je le surveille bien. Je vais le surveiller de très près. Alors, c’est quand que David vivra sa première expérience?

– Bientôt, dans les jours qui viennent. J’ai encore quelques préparations à faire. Il ne me fait pas encore confiance. A très bientôt.

– Ne me raccroche pas au nez. Je n’ai pas encore fini.

– C’est ton problème, Cliff, tu ne finis jamais. Tu me soules – tu soules tout le monde. Ce serait super de recevoir un penny pour chaque mot qui sort de ta bouche.

– Un jour, tu regretteras de ne pas avoir été plus attentive. Tu es trop pressée, tu ne réfléchis jamais assez. Tu te mets toi-même dans la merde et tu n’arrives pas à t’en sortir.

– C’est ça la vraie vie, Cliff, sentant sa colère monter. C’n’est pas une émission de télé.

– Qu’est-ce que tu veux dire par là? Tu deviens dingue?

– Ça veut dire que je ne vais pas rester, assise là, à attendre que les bonnes choses viennent à moi. Mon père était chiant, mais au moins il essayait et savait ce qu’il voulait. Il ne restait pas les bras croisés à attendre que les autres lui apportent ce qu’il ne pouvait pas avoir. Il le faisait lui-même. Il était peut-être trop con pour le faire bien, mais au moins il essayait.

– Tu as une haute opinion de toi-même, jeune fille. Tu n’es qu’une arnaqueuse qui cherche à réussir, c’est tout. Ne montes pas trop sur tes chevaux.

– Si je ne le fais pas, qui d’autre le ferait?

Elle raccrocha avant qu’il n’ait le temps de répondre. Elle ne voulait pas entendre l’opinion négative de Cliff lui exploser dans la tête en ce moment.

Le problème était que Cliff lui avait remis Paul Storey dans la tête.

Et même si elle n’était pas contre le principe, elle n’était toujours pas sûre s’il était un divertissement ou un coup. Et cela la dérangeait.

CHAPITRE SIX

Sa rencontre avec Frost donna un résultat – il y avait une visite la semaine prochaine et peut-être une autre, s’il arrivait à les persuader que le quartier était acceptable. Paul sentit son estomac se serrer à l’idée que des étrangers visitent la maison, mais il savait qu’il devait lâcher prise. Cela faisait vingt ans qu’il n’avait pas vécu dans la maison, alors qu’est-ce qui le dérangeait?

Il envoya une réponse à Frost lui demandant de choisir: s’il voulait qu’il reste à la maison ou se mettre en dehors de tout ça. Il n’aimerait pas rencontrer les clients potentiels s’il pouvait se débrouiller seul – laissons Frost gagner son argent.

Il s’adossa sur sa chaise et ferma l’écran de son ordinateur portable. Il avait de la chance d’avoir encore un signal wifi, son père achetait toujours de nouveaux gadgets et était accro à l’internet tel un enfant lâché dans un magasin de jouets. Paul avait trouvé une caméra numérique, un magnétoscope à disque dur, une paire de jumelles numériques et plusieurs autres petits appareils électriques qui pourraient lui être utiles. L’internet était payé jusqu’à la fin du mois, il devra alors trouver une connexion ailleurs.

Il posa son ordinateur portable sur une table en face de la baie vitrée de façon à voir l’espace au-delà du jardin, un brin de pelouse tondu par la municipalité qui servait d’aire de jeu pour les enfants du quartier et un endroit pour chier pour les chiens errants. Après la porte d’entrée, il y avait un petit sentir, puis cette parcelle de gazon rugueux avant d’arriver dans la rue. Un couple de jeunes adolescents se renvoyait un ballon, en criant l’un sur l’autre et se faisant passer pour des joueurs de foot comme à la télé.

Paul se rappela qu’il faisait la même chose – Nom de Dieu, il y a presque trente années de cela – avec son compagnon de jeu, Johnny Hall qui habitait en bas de la rue. Mais sa préférence était de traficoter des vélos, avoir les mains huileuses en serrant une chaîne ou en changeant une roue. Paul avait une bonne coordination, même à cette époque. Il faisait partie de l’équipe de rugby de l’école, prenait le bus les samedis matins froids, montait dans une fourgonnette blanche pour se faire conduire aux écoles chics – King Henry VIII, Bablake, parfois même plus loin à l’extérieur de la ville. Puis, à l’âge de dix-sept ou dix-huit ans, après s’être fait raccompagné à l’école après le match, un groupe d’entre eux allaient au pub le plus proche. Il s’asseyait en silence, le dos contre le mur, pendant que les grandes gueules mentaient sur le sexe et sur diverses théories de complots d’extraterrestres auxquels ils croyaient.

Il se demandait comment les gens le voyaient maintenant, revenu de Londres la queue entre les jambes, sans emploi, réputation foutue, aucun ami en ville à l’exception de cette bande de sans cervelles sur laquelle il a atterri. Dans un sens, il était heureux que son père soit mort avant de lui faire face. Le problème à Londres avait explosé lorsqu’il était à l’hôpital, et Paul s’était arrangé pour lui cacher les nouvelles. Les quelques nouvelles communiquées n’avaient pas divulgué son nom et il n’était pas prêt à rendre les derniers jours de la vie de son père encore plus misérables.

C’était son problème et il devait faire avec et avancer, ne pas en faire un plat.

Il prit son téléphone, défila jusqu’au numéro de Milly, voulut l’appeler mais ne le fit pas, c’était trop tôt depuis leur dernière conversation. Il ne voulait pas qu’elle pense qu’il dépendait d’elle, qu’il ne pouvait pas se débrouiller sans une approbation de sa part. Il devrait cependant appeler Rick pour le garder dans le bain et le convaincre d’arrêter de déranger ses amis en allant frapper à sa porte.

Il fixait son écran, quand le téléphone émit son gazouillement électronique bizarre.

Et voilà, c’était la voix écossaise décontractée d’Araminta qui lui parlait, comme si elle le connaissait depuis longtemps. Il se rappela alors comment il s’était démené pour qu’elle accepte de prendre son numéro se demandant à ce moment-là si elle l’appellerait un jour.

– Je voulais prendre de tes nouvelles et te demander une faveur, lui dit-elle.

Elle se le mettait dans la poche, pensa-t-il: elle ne s’est jamais intéressée à lui auparavant, pourquoi commencer maintenant? C’était comme si elle s’ouvrait des horizons – fais comme si tu étais intéressé par quelqu’un, et tu pourras alors t’autoriser à lui demander une faveur.

– Vous autres êtes très exigeants, dit-il, à vouloir tout le temps me faire faire des trucs pour vous. Qu’est-ce que je suis, le nouveau larbin dans les quartiers des domestiques?

– Ok, très bien, c’était toi qui me tournais autour, je croyais que la proposition te plairait. A la prochaine, alors!

– Qu’est-ce que tu veux? dit-il avec un ton de lassitude, bien qu’il était vraiment intrigué et voulait la revoir.

– Ne sois pas aussi coincé. Tu as une voiture, n’est-ce pas?

– Pourquoi?

– J’aimerais que tu m’emmènes quelque part ce soir.

– Tu vas interviewer quelqu’un à propos de toute cette corruption?

– Tu peux le faire ou non? Une réponse simple, oui ou non.

Il n’arrivait pas à dire si elle était fâchée ou non – ce ton semblait être son défaut – il préféra rester sans réaction.

– Cliff ou un de sa smala ne peuvent pas t’y emmener? demanda-t-il pour gagner un peu de temps.

– Si je voulais que l’un d’eux m’y emmène, je n’t’l’aurais pas demandé?

– Difficile à dire. Tu es si diplomatique.

Il la devança en lui demandant où ils allaient. Elle lui répondit, à Coundon, au bout de Holyhead Road. Paul s’y était rendu une fois pour le baptême de son cousin Derek lorsqu’il était garçon, mais il ne connaissait pas vraiment le quartier. Il savait qu’il y avait une zone commerciale, où la vieille usine Alvis se trouvait. Son père lui avait dit qu’il y avait acheté un réfrigérateur chez Comet avant que le magasin ne fasse faillite. Il se souvenait vaguement qu’Alvis produisait des chars pour l’armée avant d’être vendu.

– Passe me prendre où nous nous sommes rencontrés l’autre soir. A sept heures, dit-elle.

– Dois-je amener quelque chose avec moi?

– Non.

– Alors qu’est-ce qu’on va faire?

– Je pensais que tu aimerais rencontrer mon mec.

CHAPITRE SEPT

Avant d’arriver à sa hauteur, il l’aperçut debout sur le bas-côté de la route. Il se gara. Il remarqua qu’elle portait une nouvelle tenue – des jambières à motifs brillants que beaucoup de femmes portaient, un grand pashmina crème retombant à la diagonale tel un poncho à partir de son cou et un sac à main blanc simple accroché à une épaule.

En grimpant côté passager, elle avait l’air d’être plus jeune, plus fraîche, comme si elle allait à son premier rendez-vous ne sachant pas ce qui l’attendait. Paul se sentit nerveux et se dit qu’il devait se ressaisir.

Elle jeta un coup d’œil à la voiture lorsqu’ils bifurquèrent du trottoir: une Volvo 60 vieille de dix ans, turbo diesel. Il avait l’impression qu’elle évaluait la voiture et son goût. Il sentit l’odeur de son parfum, le même que la dernière fois: une odeur de fruits avec un grain de boisé qui y ajoutait du caractère.

Elle fouillait maintenant dans la boite à gants, déplaçant ses paquets de chewing-gum, une mini-torche et quelques morceaux de plastique cassés de la pince de son GPS.

– Tu cherches quelque chose de particulier? demanda-t-il.

– J’ai pensé que je trouverais peut-être quelque chose sur toi. Un passeport, un permis de conduire ou quelque chose comme ça.

– Il n’y a rien à savoir.

– Un homme mystérieux, dit-elle sonnant plutôt comme à un ‘ouais’, l’accent écossais se révélant plus avec le temps. Tu atterris un jour à Starbucks et on apprend ensuite que tu connais tous nos petits secrets, alors qu’on ne sait que dalle sur toi.

– Qui est Cliff pour toi?

– Pas ce qu’il aimerait être.

– Et quoi donc?

– Utilise donc ton imagination, en lui lançant un regard vide.

– Tu es donc une journaliste de luxe et qu’est-ce qu’il est… un pauvre type de la ville? Pourquoi tu traînes avec lui?

– Bonne réputation. Places de concert. Drogues dures. Beaucoup de trucs malsains.

Il savait qu’elle disait cela pour le taquiner et même pas gentiment: elle s’en foutait vraiment de ce qu’il pensait.

– Quand j’étais à l’école, dit-il, c’était l’une des personnes à éviter. Il y en avait deux – lui et un autre garçon, un peu plus âgé, Wigton. Toujours en train de se bagarrer, tous les deux. Si je m’en souviens bien, Cliff s’était empiré en vieillissant, Wigton s’était ressaisi et avait remonté la pente.

– Y a-t-il une morale dans cette histoire?

– Je pense juste qu’elle est intéressante. Je me souviens d’y avoir réfléchi quand j’étais gosse. On voyait bien le chemin qu’ils prenaient dès leur treize, quatorze ans?

– Qu’est-il arrivé à Wigton?

– Un jour, il fut renversé par une voiture dans la rue avant son dernier jour d’école. Il jouait au foot. Il courait après le ballon lorsqu’une voiture surgit au coin de la rue et le propulsa contre un lampadaire. Le crâne fracassé.

– Donc tu ne sais pas ce qui lui serait arrivé plus tard. Il aurait pu reprendre ses habitudes.

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