bannerbanner
Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome I
Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome I

Полная версия

Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome I

Язык: Французский
Год издания: 2017
Добавлена:
Настройки чтения
Размер шрифта
Высота строк
Поля
На страницу:
10 из 17

Le bon air alors, pour un jeune homme bien qualifié, c'étoit d'avoir passé par la chambre à coucher de Ninon. Armand de Grammont, comte de Guiche, y passa. On a cité ses émules principaux: Condé, Miossens (depuis maréchal d'Albret), Palluau (depuis maréchal de Clérambault), le marquis de Créqui, le marquis de Villarceaux, le commandeur de Souvré, le marquis de Vardes, le marquis de Jarzay, le duc de Candale, le duc de Châtillon, le prince de Marsillac, Navailles, le comte d'Aubijoux (Walck., t. 1, p. 242). C'est là l'état-major de la noblesse galante. Guiche y brille au premier rang, parmi les plus jeunes, les plus coquets, les plus joyeux.

Son père, le maréchal de Grammont, étoit un Gascon de beaucoup d'esprit et de dextérité, qui, depuis long-temps, s'étoit mis sur un pied solide à la cour. C'est en 1658 (le Père Daniel, t. 2, p. 267) que le comte de Guiche obtint la survivance de son père en qualité de mestre de camp du régiment des gardes françoises. Ce régiment tenoit le premier rang parmi tous les régiments d'infanterie. Quant au titre de mestre de camp (Daniel, t. 2, p. 45), on désignoit ainsi les commandants des régiments d'infanterie, jusqu'à ce que Louis XIV, à la mort du duc d'Épernon, colonel-général de l'infanterie, eût supprimé cette charge. À partir de 1661 on les nomma colonels. Par là il est facile de voir que les actions de Guiche nous sont racontées à une époque qui va de 1658 à 1661.

Candale avoit peut-être un je ne sais quoi de plus hardi; il devoit secouer plus souvent ses rubans et ses panaches. Guiche, plus doux, plus agréable, plus demoiselle, avoit une beauté du premier choix parmi celles qui ne sont pas viriles. Le roi d'Espagne Philippe IV ne parloit guère: en 1659, lorsque le maréchal de Grammont lui présenta son fils et que Guiche l'eut salué (Motteville, t. 5, p. 34) «Buen moço!» dit-il entre les dents, «Beau garçon!» Toutes les femmes pensoient de même. Un peu plus tard, cette beauté ayant habitué à soi les yeux, et le temps étant venu jeter quelques vilaines ombres sur cette physionomie, l'admiration se refroidit. Les hommes n'avoient jamais été très enthousiastes du comte; les femmes elles-mêmes retranchèrent quelque chose de leur faveur. Il est «ceinturé comme son esprit», écrit madame de Sévigné le 15 janvier 1672; ailleurs (le 27 avril) elle parle de «son fausset».

Mais, au moment où nous sommes, ces critiques sont rares. «C'étoit le favori de Monsieur (le duc d'Anjou). C'est un homme (Montp., t. 3, p. 329) plus vieux de trois ans que lui, beau, bien fait, spirituel, agréable en compagnie, moqueur et railleur au dernier point.»

Puisqu'il s'agit de raillerie, les malins couplets du temps peuvent ici lever la tête:

Guiche ne fait que patrouiller,

dit l'un. Patrouiller dans le pays de l'amour (entendons ce vers-là comme il veut qu'on l'entende), faire des reconnoissances, peu de charges à fond, point de carnage.

Je n'ai point d'armes

Pour vous servir comme le grand Saucourt,

répond une voix en écho. Et nommer Saucourt, c'est tout dire. Les annales de la galanterie ont gardé le souvenir de ce rude camarade. Mais les chansons ressemblent à un troupeau: une brebis passe, une autre veut passer.

Le pauvre comte de Guiche

Trousse ses quilles et son sac;

Il faut bien qu'il se déniche

De chez la nymphe Brissac;

Il a gâté son affaire

Pour n'avoir jamais su faire

Ce que fait, ce que défend

L'archevêque de Rouen.

Ce que défendoit et faisoit Harlay de Champvallon, prélat spirituel, hautain et scandaleusement vicieux, Saint-Simon ne le cache guère. Madame de Brissac, aussi connue en son genre que l'archevêque, auroit voulu que Guiche voulût et pût autre chose que «patrouiller» autour d'elle. Son tempérament, mal satisfait de ses inutiles gentillesses, exigea qu'elle s'en défît. Cette dame, très digne d'entrer dans la société des d'Olonne et des Châtillon, nous arrêteroit plus long-temps, si ses faits et gestes se rattachoient plus étroitement à nos histoires et n'étoient pas d'une date postérieure.

Guiche, qui déplaisoit aux hommes en général, et ne plaisoit guère aux femmes dans leur particulier, semble (et je ne sais pourquoi j'emploie ce verbe adoucissant) avoir eu beaucoup plus de succès auprès de quelques uns des jeunes gens de la cour. Les contemporains n'ont pas fait la petite bouche pour nous avouer quelles honteuses habitudes la jeunesse du XVIIe siècle prit en goût: aussi n'avons-nous pas à craindre le reproche de médisance rétrospective, si, d'après les révélations cyniques des uns et les honnêtes satires des autres, nous osons mettre sur le petit piédestal de quelques uns de nos personnages l'étiquette qui leur convient. Guiche étoit aimé principalement du duc d'Anjou et de Manicamp. Manicamp et le duc d'Anjou nous sont dévolus: ils n'échapperont pas à leur notice. Ces amitiés alloient loin et faisoient disparoître toute différence des rangs. Mademoiselle de Montpensier en fut témoin sans en pénétrer tous les mystères. Elle étoit à Lyon alors (1658), et au bal chez le maréchal de Villeroi. «Le comte de Guiche y étoit, lequel, faisant semblant de ne pas nous connoître, tirailla fort Monsieur dans la danse et lui donna des coups de pied au cul. Cette familiarité me parut assez grande; je n'en dis mot, parceque je savois bien que cela n'eût pas plu à Monsieur, qui trouvoit tout bon du comte de Guiche. Manicamp, son bon ami, y étoit aussi, qui fit mille plaisanteries que j'eusse trouvées fort mauvaises si j'eusse été Monsieur.» (Montp., t. 3, p. 389.)

Quelques lignes plus loin, Mademoiselle ajoute ceci, qui ne vient pas contredire Bussy, et une fois de plus nous servira de témoignage en sa faveur: «Tout cela ne faisoit d'autre effet sur l'esprit de Monsieur que de l'affliger en voyant que la reine (mère) n'aimoit pas le comte de Guiche. Celui-ci s'en alla à Paris, d'où l'on me manda qu'il faisoit le galant de madame d'Olonne; qu'il alloit tous les deux jours au sermon aux Hospitalières de la Place-Royale, où le père Estève, jésuite, prêchoit l'avent (c'étoit là le sermon à la mode); que Marsillac étoit aussi un des adorateurs de madame d'Olonne; que l'on ne savoit comment l'abbé Fouquet prendroit cela et s'il en useroit de la sorte à son retour.» Peu à peu les dates se fixent. Nous sommes au mois de décembre 1658.

Il y auroit Du Lude, il y auroit Vardes et quelque autre à mettre déjà sur la sellette. Cela viendra. Tout ce monde ne se quittoit guère. Quand arriva la triste découverte de Fargues le Frondeur, Louis XIV, si sévère, si cruel ce jour-là, avoit avec lui Du Lude, Lauzun, Vardes et Guiche.

En somme, «le comte de Guiche (voy. la Fameuse Comédienne, p. 14) comptoit pour peu de fortune le bonheur d'être aimé des dames», et il le prouva (1665) lorsqu'il repoussa les cajoleries d'Armande Béjart, femme de Molière. (Taschereau, Vie de Molière, 3e édit. liv. 2, p. 66.)

Avec madame de Brissac il ne faisoit vraiment de frais qu'en paroles. «On dit (Sévigné, 16 mars 1672) que le comte de Guiche et madame de Brissac sont tellement sophistiqués qu'ils auroient besoin d'un truchement pour s'entendre eux-mêmes.» Toutefois, on pourroit croire que Guiche aima réellement Madame, la femme de son ami, le jeune duc d'Orléans. Madame de La Fayette, dans une histoire écrite d'une manière exquise, a raconté décemment les détails de cette intrigue. Elle n'a pas su ou n'a pas osé dire tout. D'autres eurent moins de scrupule. Madame de Motteville paroît disposée à les croire (t. 5, p. 536): «Ce qu'on appelle ordinairement la belle galanterie produisit alors beaucoup d'intrigues. Le comte de Guiche, quelque temps après, fut éloigné pour avoir eu l'audace de regarder Madame un peu trop tendrement. Comme il est à croire qu'elle étoit sage en effet, elle voulut que le public fût persuadé qu'elle avoit été de concert avec le roi et Monsieur pour l'éloigner; mais son exil fut court, et on peut s'imaginer que ce crime n'avoit pas beaucoup offensé celle qui en étoit la cause: car cette passion, paroissant alors désapprouvée par elle, ne pouvoit, selon les fausses maximes que l'amour-propre inspire, lui apporter que de la gloire.»

Les Lettres de Madame (la Palatine, 3 juillet 1718) regardent la chose comme une liaison véritable. Les pamphlets se sont prétendus très instruits de tout cela. Guiche ne se seroit pas perdu, même par ces hardiesses, s'il ne se fût mis, avec Vardes et la comtesse de Soissons, dans le parti de ceux qui voulurent faire quitter au roi l'amour de La Vallière, trop tendre pour eux et trop exclusif. On connoît l'aventure de la lettre espagnole qu'ils firent remettre à la reine pour l'instruire. Dès ce moment, Guiche dut renoncer à l'amitié de son maître. Il fut exilé plus d'une fois. Lorsqu'il revenoit, rien ne paroissoit altéré en lui de tout ce qui avoit fait son élégante renommée: «Le comte de Guiche est à la cour tout seul de son air et de sa manière, un héros de roman, qui ne ressemble point au reste des hommes: voilà ce qu'on me mande.» (Sévigné, 7 octobre 1671.)

Guiche affectoit une profonde indifférence pour la vie qu'il menoit, pour la cour, pour son pays même. Il ne manquoit pas de courage: il passa le premier le Rhin à la nage (Quincy, Hist. milit. de Louis XIV, t. 1, p. 321); il ne manquoit pas de solidité dans l'esprit, quoi qu'on en ait pu dire: il a laissé des mémoires, et, entre autres pages, une Relation du passage du Rhin qui est bien écrite.

On l'avoit marié malgré lui à mademoiselle de Béthune, petite-fille de Séguier; il ne consentit jamais à feindre de l'aimer et l'abandonna. Cette jeune femme avoit treize ans lorsqu'il l'épousa (1658). «Il se soucioit si peu de sa femme qu'il étoit bien aise de ne la jamais voir, et on disoit qu'il vivoit avec elle comme un homme qui vouloit se démarier un jour, et que la cause en étoit l'extrême passion qu'il avoit pour la fille de madame Beauvais.» (Montp., t. 3, p. 276.)

Cette extrême passion, comme Bussy le montre, n'étoit sans doute pas plus sincère que toutes les autres.

En somme, le beau Guiche est un homme marié dès le premier pas qu'il fait devant nous.

S'il mérita peu l'estime de ceux qui aiment les vrais amants, sa sœur, Catherine-Charlotte, femme de Louis Grimaldi, duc de Valentinois et prince de Monaco, a fait quelque chose pour gagner cette estime. Non pas sur la fin de sa vie (elle est morte en 1678, à trente-neuf ans, gâtée, dit-on, par un petit coureur de page), mais dans les premiers temps, elle aima ardemment Lauzun, qui n'avoit pas encore fait fortune, et qui étoit son parent. Il est vrai que lorsque Louis XIV la désira elle ne se fit pas désirer long-temps. Lauzun, un jour qu'elle étoit assise sur le gazon avec d'autres dames, lui écrasa la main sous sa botte. Elle dévora cet affront et se tut. Qui décidera quelle épithète il convient de donner à l'action de Lauzun? Les savants ont quelquefois eu de longues querelles pour régler de moins intéressantes affaires. Mademoiselle de Grammont avoit été l'amie de Madame (Mottev., t. 5, p. 136). Madame de Courcelles (celle-là, ne lui ménageons pas notre mépris et ne lui faisons pas l'honneur de la croire sur parole) a essayé (p. 84 de l'édit. elzév.) de nous la peindre comme une précieuse de profession; au moins avoue-t-elle qu'elle avoit «beaucoup d'esprit, beaucoup d'amour et de charmes apparents.»

Je crois que madame de Monaco doit, en somme, trouver grâce devant ses juges.

Avec ces détours, Guiche est oublié. Il mourut tout à coup, en 1673, à temps peut-être. «Ce pauvre garçon a fait une grande amende honorable de sa vie passée, s'en est repenti, en a demandé pardon publiquement; il a fait demander pardon à Vardes et lui a mandé mille choses qui pourront peut-être lui être bonnes; enfin il a fort bien fini la comédie et laissé une riche et heureuse veuve.

«La comtesse de Guiche fait fort bien; elle pleure quand on lui conte les honnêtetés et les excuses que son mari lui a faites en mourant; elle dit: «Il étoit aimable, je l'aurois aimé passionnément s'il m'avoit un peu aimée; j'ai souffert ses mépris avec douleur, sa mort me touche et me fait pitié; j'espérois toujours qu'il changeroit de sentiments pour moi.» (Sévigné, du 8 décembre 1673.)

Il mourut de chagrin à Creutznach (Palatinat), n'ayant que trente-cinq ans. Pour toute oraison funèbre on lui trouve ces lignes: «Ha! fort, fort bien, nous voici dans les lamentations du comte de Guiche. Hélas! ma pauvre enfant, nous n'y pensons plus ici, pas même le maréchal (de Grammont), qui a repris le soin de faire sa cour. Pour votre princesse (de Monaco), comme vous dites très bien, après ce qu'elle a oublié (le roi, qui l'avoit aimée), il ne faut rien craindre de sa tendresse. Madame de Louvigny et son mari (frère de Guiche) sont transportés. La comtesse de Guiche voudroit bien ne point se remarier, mais un tabouret la tentera. Il n'y a plus que la maréchale qui se meurt de douleur.» (Sévigné, jour de Noël, 1673.)

Cette note est longue. Quoi! tant de mots pour de si chétives marionnettes! Qu'est-ce que cela dit à l'histoire? Ah! d'Alembert avoit raison de faire la guerre aux compilateurs. – De grâce! considérez qu'ils ont eu leurs jours de gloire, qu'ils ont régné sur la scène du monde, qu'ils ont été polis, galants, spirituels, et que, si on ne parle pas d'eux sur les marges de ce livre, on n'en parlera nulle part.

41

Manicamp, déjà nommé, est catégoriquement accusé d'italianisme dans la France devenue italienne, ailleurs et ici. Le numéro 2803 du t. 2 du nouveau Catalogue de la Bibliothèque nationale (V. aussi les numéros 2816 et 2879) désigne une pièce qui a pour titre: Capitulation accordée par M. le comte de Fuensaldaigne à M. le duc d'Elbeuf, et, en son nom, à M. de Manicamp, pour la reddition de Chauny (le 16 juillet 1652). Ce Manicamp, père du nôtre, maréchal de camp sous Gassion, prend en 1644 (V. Quincy) les forts de Rébus et de Hennuyen. Louis XIII ne l'aimoit pas. En mourant il l'appelle (Montglat, Coll. Michaud, p. 136) pour se réconcilier avec lui. Avec Candale, Condé, Conti, Mercœur, le maréchal de Grammont, le marquis de Roquelaure, M. de Montglat, Hocquincourt, etc. (Estat de la France, 1648), il est «un de ceux qui doivent espérer l'ordre». Il venoit d'être fait (1647. Du Plessis, Coll. Michaud, 386) lieutenant général en Catalogne; on lui promet le bâton en 1650 (Lenet, Coll. Michaud, p. 276); il est à côté de Mazarin, en 1651, lorsque celui-ci rentre en France (Mottev., t. 4, p. 308); en 1653 il est gouverneur de La Fère, «à cause que ses terres sont situées aux environs», très attaché au cardinal, lieutenant général du maréchal d'Hocquincourt (Montglat, p. 290). Il est quelquefois difficile de retrouver toutes les traces des personnages qui, comme ceux dont il s'agit quelquefois dans l'Histoire amoureuse, n'ont joué qu'un rôle très particulier dans l'histoire. Ainsi pour notre Manicamp (Bernard de Longueval). L'une de ses sœurs, «douce et mélancolique», quitta la cour aux jours saints de 1655 (Walck., t. 2, p. 20), pour se faire carmélite; une autre devint maréchale d'Estrées. Madame de Sévigné étoit de ses amies (lettre du 24 avril 1672). Manicamp, revenu ou non des folies de sa jeunesse, mena une vie effacée. Cavoie lui fit accroire un jour qu'il alloit être nommé roi de Pologne (1674. Saint-Simon, note au Journal de Dangeau, t. 5, p. 356). Au temps de sa verte faveur, «le petit Manicamp, qui a soutenu toute sa vie le même caractère», persuade au roi (1660) qu'il est du bon air de jurer (Choisy, Coll. Michaud, p. 561), et le roi le croit un moment. La reine-mère le désabuse.

M. G. Brunet (Note du Nouveau Siècle de Louis XIV, p. 65) l'appelle l'abbé de Lauvigni de Manicamp.

42

Voltaire (Siècle de Louis XIV, ch. 24) donne le titre de baronne à madame de Beauvais la mère. Suivant Guy-Patin (lettre du 4 mai 1663), «le père de cette madame de Beauvais étoit un fripier de la halle; d'autres disent encore moins que fripier, mais seulement crocheteur».

Je ne sais pourquoi Walckenaer (t. 2, p. 114) ne la nomme que mademoiselle. Mais dame ou demoiselle, fille d'un crocheteur ou baronne, madame de Beauvais, attachée au service de la reine-mère et assez dévouée à sa maîtresse, malgré quelques intrigues, est assurée de voir son nom sauvé de l'oubli parcequ'elle a eu l'insigne honneur d'être la première femme qu'ait connue de près Louis XIV.

«On mande de Paris que madame de Beauvais est morte», écrit Dangeau le 14 août 1690. – Saint-Simon, en note: «Créature de beaucoup d'esprit, d'une grande intrigue, fort audacieuse, qui avoit eu le grapin sur la reine-mère, et qui étoit plus que galante. On lui attribue d'avoir la première déniaisé le roi à son profit.» De là son crédit si vigoureux. Les éloges ne pleuvent pourtant pas sur elle. «Vieille, chassieuse et borgnesse… De temps en temps elle venoit à Versailles, où elle causoit toujours avec le roi en particulier.» (Saint-Simon, ch. 7, t. 1, p. 69.)

Oui, «borgnesse», toutes les chansons le disent; mais elle payoit bien ses amants, comme ce Fromenteau, qui de rien, grâce à elle et au roi, son fidèle protecteur, devint un La Vauguyon, souche de ducs. On découvrit qu'elle avoit touché 100,000 livres de Fouquet: c'est assez grave; et peut-être ne connoît-on pas tous ses métiers! Qui donc, pour la louer enfin, a dit qu'elle étoit «laide, borgne, mais très propre et ardente?» Son fils, le baron de Beauvais, est l'Ergaste de La Bruyère. De ses deux filles, l'une (Jeanne-Baptiste), l'aînée, épousa J. – B. Amador de Vignerot du Plessis, marquis de Richelieu et le second des petits-neveux du cardinal; l'autre, celle pour qui sont recueillies ces indications, «par son mérite et sa vertu, avoit acquis dans l'estime de la reine-mère l'avantage d'être préférée à sa mère dans les confidences d'honneur et de distinction». (1665. Motteville, t. 5, p. 255.) L'éloge est grand.

43

Françoise du Plessis-Richelieu, sœur du cardinal, mariée à René de Vignerot, sieur du Pont de Courlay, devint mère: 1. de François, marquis du Pont de Courlay, gouverneur du Havre; 2. de la duchesse d'Aiguillon.

François eut deux fils.

Le premier, Armand-Jean de Vignerot du Plessis, (par substitution) duc de Richelieu, épouse le 26 décembre 1649, à vingt ans, Anne Poussart, veuve de François-Alexandre d'Albret, sire de Pons, et fille de François Poussart, baron du Vigean, et d'Anne de Neubourg.

Le second, Jean-Baptiste Amador de Vignerot du Plessis, marquis de Richelieu, épouse, également à vingt ans, le 6 novembre 1652, Jeanne-Baptiste de Beauvais.

L'aîné, à dix-huit ans, avoit été faire cette extravagante expédition de Naples qui ne réussit pas au duc de Guise (Mottev., t. 2, p. 325). On disoit de lui sans façon: «Ce pauvre sot!» (V. Montp., t. 2, p. 71.) Ce n'est pas qu'il fût fort imbécile, mais il manquoit de sens commun. Son jeu et ses dépenses, sans compter d'autres fantaisies, le ruinoient. En 1661, madame de Motteville écrit: «On vit alors quasi finir la maison du cardinal de Richelieu. Le duc de Richelieu, son neveu, avoit eu cette charge (de général des galères) et le gouvernement du Havre; mais, par l'ordre de la cour et par la nécessité où le mettoient ses dépenses déréglées, il se défit de l'une et de l'autre.»

Sa tante avoit voulu lui faire épouser mademoiselle de Chevreuse (Mottev., t. 3, p. 423).

La nouvelle duchesse de Richelieu, devenue première dame d'honneur, mourut en mai 1684 «regrettée universellement» (Sévigné, 1 juin 1684). En secondes noces, le duc épouse Anne-Marguerite d'Acigné (morte en 1698). Madame de Caylus a peint leur ménage, leur train, leur hôtel, leur salon littéraire, à la façon de la chambre bleue. Madame de Maintenon les aimoit. Saint-Simon (t. 1, p. 164) confirme ce que madame de Caylus a dit. Le duc étoit «l'ami intime et de tous les temps» de madame de Maintenon. Seul, il la voyoit à toutes heures. On s'emparoit facilement de l'esprit de cet homme, et cela explique ses mariages. Veuf une seconde fois, il épousa le 20 mars 1702, à soixante-treize ans, Marguerite-Thérèse Rouillé, veuve du marquis de Noailles, ce qui fait écrire à madame de Coulanges (lettre du 4 avril): «J'ai si peu de commerce avec M. de Richelieu que je ne l'ai point vu depuis son mariage. Si on le voyoit toutes les fois qu'il se marie, on passeroit sa vie avec lui: il est trop jeune pour moi.»

Pour le marquis, en 1652, «il est bien fait, jeune, plein d'esprit et de courage. Son frère aîné n'a point d'enfants et est fort malsain.» (Montp., t. 2, p. 373.)

Son mariage avec mademoiselle de Beauvais, ajoute Mademoiselle, «surprit tout le monde. Quoique cette fille soit jolie et aimable, elle n'est pas assez belle pour faire passer pardessus mille considérations qu'il devoit avoir. Aussi, dès le lendemain, madame d'Aiguillon l'enleva et l'envoya en Italie pour voir s'il persévéreroit à l'aimer. Au bout de quelque temps il revint, et l'a toujours fort aimée. Elle disoit dans sa douleur: «Mes neveux vont toujours de pis en pis; «j'espère que le troisième épousera la fille du bourreau!» Il est vrai qu'elle avoit sujet de se plaindre; mais madame de Beauvais ne lui avoit nulle obligation et n'étoit point obligée de négliger son bien à ses dépens, comme étoit madame de Pons, fille de madame du Vigean, dont la mère est comme la femme de charge de sa maison.»

Une autre Beauvais, Uranie de la Cropte de Beauvais, fille de François-Paul de Beauvais, maréchal de camp, écuyer de Condé, fut courtisée par le roi, refusa l'honneur qu'il lui vouloit faire, et le céda à mademoiselle de Fontanges. Elle aimoit Louis-Thomas de Savoie, comte de Soissons. Chassée à cause de lui par Monsieur, elle l'épousa le 12 octobre 1680. Encore un mariage qui déplut aux rigoristes; il ne put être reconnu que le 27 février 1683.

Madame, peu coutumière du fait, a donné à cette troisième demoiselle de Beauvais un certificat de vertu (lettre du 19 fév. 1720): «J'avois une fille d'honneur nommée Beauvais; c'étoit une fort honnête créature. Le roi en devint amoureux, mais elle tint bon. Alors il se tourna vers sa compagne, la Fontange.»

44

«Le petit Guitaut», comme on disoit; Guillaume de Peichpeyrou (ou Puypeyroux. Tall. des R., t. 1, p. 112) de son nom. Il étoit fils du vieux Guitaut, capitaine des gardes de la reine-mère, et cousin de Comminges, des gardes du roi (Mottev., t. 3, p. 446). De bonne heure il s'étoit attaché à Condé. Il est blessé en Guienne à son service en 1650 (Pierre Coste, p. 49); il lui est très utile durant sa captivité (Montp., t. 2, p. 123); il est blessé à côté de lui au combat de Saint-Antoine (Quincy, t. 1, p. 158; Montp., t. 2, p. 261). Il suivit sa fortune, c'est-à-dire ne rentra en grâce que tardivement et sans grande chance de fortune. Mais son mariage avec Jeanne de La Grange lui donna le marquisat d'Espoisses, en Nivernois.

Nous avons vu quelle part Guitaut a eue dans les malheurs de Bussy. Il ne le servit guère auprès de Condé; il fit le fier, long-temps après, pour signer un traité de paix solide. Cependant il aimoit madame de Sévigné, dont il étoit le voisin à Paris (se rappeler la lettre de l'incendie, en février 1671), et qui alloit souvent le visiter dans sa terre de marquis. «C'est un homme aimable et d'une bonne compagnie, disoit-elle (22 août 1676); sa maison est gaie, parée, pleine de fêtes; on y revoit «Fiesque, qui donne de la joie à tout un pays.» (Lettre du 25 octobre 1673.)

Guitaut est mort le 25 décembre 1685, «chevalier des ordres du roi et gouverneur des îles de Saint-Honorat et de Sainte-Marguerite.» (Mémoires du marquis de Sourches, t. 1, p. 381.)

45

Jarzay faisoit des chansons comme tout le monde (Prétieuses, t. 2, p. 139, note). La page ci-contre parle de ce marquis léger. Madame de Beauvais (Voy. p. 70) fut exilée à cause de lui, le 23 décembre 1649 (Voy. les mémoires manuscrits de Dubuisson Aubenay, gentilhomme attaché au secrétaire d'État Du Plessis Guénégaud, Bibl. Maz., ms in-fol. H. 1765). Elle l'avoit aidé à se prétendre amoureux de la reine, comme l'on va le voir. M. Chéruel (note au tome 5 de Saint-Simon) a indiqué, d'après les Carnets de Mazarin (Ms. Bibl nat., fonds Baluze, carnet 13), le rôle que joue Mazarin dans cette intrigue.

46

Jarzay est l'un des quatre grands diseurs de bons mots de Ménage (Ménagiana). Il s'appelle René du Plessis de la Roche-Pichemer. Nous le voyons d'abord, après Candale et avant Miossens, bâtard d'Albret, «galant estably et bien payé» de la célèbre madame de Rohan, fille de Sully (Tallem., t. 3, p. 42). En 1647, il aime mademoiselle de Saint-Mesgrin (Marie de Stuert, morte demoiselle en 1693). Gaston, par hasard, la désiroit: il veut faire jeter Jarzay par les fenêtres du Luxembourg (Mott. t. 2, p. 229). En 1648, il est en pleine faveur chez Ninon (Walck., t. 1, p. 255).

На страницу:
10 из 17