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Correspondance inédite de Hector Berlioz, 1819-1868
A Florence, le mal de gorge m'a pris; je me suis arrêté; il m'a fallu attendre de pouvoir me remettre en route; alors j'ai écrit à Pixis pour qu'il me dise au plus vite ce qu'il y avait au faubourg Montmartre; il ne m'a pas répondu; je lui mandais que j'attendais sa lettre à Florence, et effectivement je l'ai attendue jusqu'au jour où j'ai reçu l'admirable lettre de madame X… Il m'est impossible de dépeindre ce que j'éprouvais dans mon isolement, de fureur, de rage, de haine et d'amour combinés. J'étais tout à fait rétabli; je passais des journées sur le bord de l'Arno, dans un bois délicieux à une lieue de Florence, à lire Shakspeare. C'est là que j'ai lu pour la première fois le Roi Lear et que j'ai poussé des cris d'admiration devant cette œuvre de génie; j'ai cru crever d'enthousiasme, je me roulais (dans l'herbe à la vérité), mais je me roulais convulsivement pour satisfaire mes transports. L'ennui est revenu au bout de quelques jours; je me rongeais le cœur, et mes pensées qui ne se sont trouvées que trop justes, me poursuivaient impitoyablement. Un soir, la cathédrale étant ouverte, j'y suis entré; comme je rêvais assis dans un coin de la nef, je vis sortir de la sacristie une longue file de pénitents blancs, de prêtres, d'enfants de chœur portant des flambeaux avec la croix. Je demandai à un homme ce que c'était; il me répondit: Una sposina morta el mezzo giorno. Je suivis le convoi, mon sang commençait à circuler, je pressentais des sensations. La jeune femme était morte dans une superbe maison voisine, appartenant à son mari, riche Florentin qui l'adorait. Une foule immense était assemblée devant la porte pour voir enlever le catafalque. On avait distribué un grand nombre de cierges qui répandaient dans les rues obscures la plus étrange clarté. Arrivés à l'église, les prêtres font leur office, et nous abandonnent ensuite le cadavre. Il faisait tout à fait nuit; les porteurs du catafalque l'ont découvert, et j'ai vu un enfant nouveau-né qu'ils tiraient d'une petite bière, et qu'ils mettaient dans la plus grande où était sa mère. J'ai reconnu alors que la sposina était morte en couches et qu'on allait l'enterrer avec son enfant. J'ai voulu voir ce que cela deviendrait et la fantaisie m'a pris de suivre les porteurs au cimetière. Après un long trajet, durant lequel la foule des curieux s'était complétement éloignée, je suis arrivé près d'une porte éloignée de Florence; mais, au lieu d'aller au cimetière, le convoi s'est arrêté à une espèce de morgue où on dépose les morts jusqu'à deux heures du matin, où un tombereau vient les chercher pour aller en terre. Un des chantres, s'approchant de moi, me dit en français: «Voulez-vous entrer?.. – Oui.» Et, en effet, me plaçant à côté de lui, pour un paolo (12 sous), il parle à l'oreille du gardien de la morgue et on me laisse entrer. Ils ont tiré de la bière la pauvre sposina et l'ont déposée sur une des tables de bois qui garnissaient cette espèce de caveau. «Voyez, monsieur, me disait mon chantre avec une espèce de joie, toutes ces tables, eh bien, il y a des jours où c'est tout plein, tout plein! et puis, à deux heures de nuit, la voiture vient et emporte tout! – Mais faites-moi donc voir cette dame!» Il l'a découverte aussitôt. Oh! Dieu! elle était charmante! Vingt-deux ans, elle avait une belle robe de percale nouée au-dessous de ses pieds, ses cheveux n'étaient pas encore trop dérangés. Sans doute elle était morte d'un dépôt dans le cerveau, une eau jaunâtre lui coulait des narines et de la bouche; je lui ai fait essuyer la figure; puis ce brutal lui a laissé retomber la tête tout d'un coup, avec un bruit sourd qui a ému toutes les tables. Je lui ai pris la main, elle avait une main ravissante, blanche; je ne pouvais la quitter. Son enfant était laid, il me faisait mal au cœur. Pour un paolo j'ai touché la main de cette belle, pendant que son mari se désespérait; si j'avais été seul, je l'aurais embrassée; je pensais à Ophelia. Pour un paolo!.. et, bien sûr, à deux heures, quand le voiturier vient chercher sa proie, le Caron florentin fait payer aux morts leur passage: il ne lui aura pas laissé sa belle robe; il l'aura dépouillée; je pensais cela pendant que je lui tenais la main pour un paolo!
Mais c'était une bénédiction vraiment, car le lendemain j'ai assisté au service funèbre du jeune Napoléon Bonaparte, fils de la reine Hortense et neveu de l'autre Napoléon. Il venait de mourir à point nommé. Une condamnation capitale pesait sur lui comme révolutionnaire, elle allait l'atteindre, la mort a été plus prompte. Pendant ce temps, son frère et sa mère fuyaient en Amérique!.. Pauvre Hortense! quelles vicissitudes! Il y a quarante ans, elle venait de Saint-Domingue avec sa mère Joséphine, qui n'était alors que madame Beauharnais; joyeuse créole, elle dansait la danse des nègres sur le vaisseau, et chantait aux matelots des chansons caraïbes; aujourd'hui, elle repasse l'Océan pour soustraire un de ses fils à la hache des réactions; elle laisse son mari à Florence, et voilà la fille adoptive du plus grand homme des temps modernes, fugitive de l'Europe, exilée de la France, dont elle s'était fait chérir, reine sans États ni couronne, mère désolée, orpheline, à peu près veuve, oubliée, abandonnée…
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1
Mémoires de Berlioz, publiés chez M. Calmann Lévy.
2
Extrait des registres de la mairie de la Côte-Saint-André.
3
Renseignements communiqués par la famille.
4
Lettre du 25 juillet 1832. Vente des autographes du chevalier R…y. 30 novembre 1862.
5
Mémoires, p. 182.
6
Grotesques de la musique, p. 279. Édition Michel Lévy. Voyage en France: lettres à Édouard Monnais.
7
Cette anecdote est insérée dans les Mémoires, mais fort en abrégé. Je la donne telle que je la tiens d'un ami intime, à qui Berlioz l'avait racontée souvent.
8
Mémoires, p. 21.
9
Renseignements communiqués par M. le vicomte de Spoelberch de Lovenjoul.
10
Mémoires, p. 37.
11
Cahier des dépenses de Berlioz; manuscrit autographe communiqué par madame Damcke.
12
Lettre autographe, vendue par M. Laverdet: 30 mars, 1863.
13
Voir la lettre XXV adressée à Liszt.
14
Correspondance de Mendelssohn, traduite par M. A. – A. Rolland, p. 127.
15
. Voir la lettre XXVII de notre recueil.
16
Collection de M. le baron de Trimont.
17
Lettre communiquée par M. Alexis Berchtold.
18
Mémoires, p. 190, et lettres à son fils.
19
Voir la Gazette musicale, passim: aux nouvelles de la semaine.
20
Gazette musicale, année 1835, p. 23.
21
Le journal la Caricature. Numéro du 16 mai 1841.
22
Gazette musicale, 26 janvier 1834.
23
Mio caro amico, Beethoven estinto, non c'era che Berlioz che potesse farlo revivere; ed io che ho gustalo le vostre divine composizioni, degne di un genio qual siete, credo mio dovere di pregarvi a voller accettare in segno del mio omaggio venti mila franchi i quali vi saranno rimessi dal signor baron de Rothschild, dopo che gli avrete presentato l'acclusa. Credete mi sempre, il vostro affetionatissimo amico.
Nicolo Paganini.Parigi, le 18 décembre 1838.
24
Gazette musicale, année 1838.
25
Gazette musicale, année 1836, p. 73.
26
Gazette musicale, p. 39, année 1836.
27
Gazette musicale, année 1838, p. 242.
28
Ibid., p. 275.
29
Gazette musicale, année 1842, p. 86.
30
Ibid., année 1843, p. 169.
31
Ibid., p. 115.
32
Collection de madame Vieweg de Brunswick. Ce billet a été reproduit dans la nouvelle édition de l'ouvrage du docteur Nohl: Musiker Briefe, p. 74, Leipzig, Dander et Humblot, 1873.
33
Gazette musicale, année 1843, p. 348.
34
Gazette musicale, année 1844, p. 167.
35
Ibid., année 1840, p. 179.
36
Ibid., année 1845, p. 411.
37
Gazette musicale, année 1847, p. 294
38
Ibid., p. 403.
39
Gazette musicale, année 1848, p. 58.
40
Voici la distribution des personnages: la sainte Vierge, madame Meillet. – Saint Joseph, M. Meillet. – Hérode, Depassio. – Père de famille, Battaille. – Un récitant, Jourdan. – Un centenier, Chapron. – Polydorus, M. Noir. – Le trio des flûtes était joué par MM. Brunot, Magnier et Prumier.
41
Gazette musicale, année 1855, p. 171.
42
Lettre à M. Auguste Morel, datée de Francfort.
43
Gazette musicale, année 1857, p. 286.
44
Renseignements communiqués par M. Édouard Alexandre.
45
Gazette musicale, année 1856, p. 202.
46
Renseignements fournis par madame d'Ortigue.
47
Lettre de M. Asger Hammerik à l'auteur de la Notice.
48
Lettre à son fils, du 7 septembre, sans autre mention.
49
Lettre inédite à son fils, datée de Bade, 23 août.
50
Lettre du 13 novembre 1865.
51
Lettre inédite.
52
Anecdote racontée par Berlioz lui-même à l'auteur de cette biographie.
53
Il s'agit sans doute d'un pot-pourri sur des opéras italiens; Berlioz avoue en avoir composé plusieurs de ce genre (Voir les premiers chapitres des Mémoires). Cette lettre a été publiée dans le Musiciana de M. Wekerlin.
54
La date de cette lettre est assez difficile à préciser. La Mort d'Abel, dont il est question, fut jouée en 1810 et n'eut jamais les honneurs d'une reprise. Sans doute, Berlioz avait entendu seulement quelques fragments de cet opéra. Comme il signe sa lettre: H. Berlioz, élève de Lesueur, et qu'il entra dans la classe de ce maître en 1826 pour y rester jusqu'en 1828, on ne peut guère assigner au curieux document que nous reproduisons qu'une date approximative.
55
La Revue musicale, dirigée par M. Fétis, n'avait pas encore opéré sa fusion avec la Gazette musicale de Schlesinger, fondée, comme nous l'avons dit dans la notice, en 1834.
56
Le ballet de Faust sur un livret de M. Bohain: voir la Notice
57
Robert le Diable, dont la première représentation eut lieu le 21 novembre de la même année.
58
M. Gounet est le poëte qui a traduit en vers français les paroles de Thomas Moore sur lesquelles Berlioz a écrit de la musique.