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Contes et légendes. 1re Partie
"Oui!" dit la vieille femme, "je vous donnerai une tasse de lait si vous remplissez mon seau d'or."
Finette prit un boulet d'or, le jeta dans le seau de la vieille femme, et à l'instant le seau fut plein, tout plein de belles pièces d'or. La pauvre femme regarda cet or avec la plus grande surprise. Enfin elle dit avec joie: "Je suis riche! Je suis riche! Ma belle demoiselle, je vous donne ma maison, ma vache, tout ce que je possède, excepté ce seau plein d'or. Je vais à la ville, où je serai une grande dame, car je suis riche à présent, bien riche."
La vieille femme partit donc pour la ville, toute joyeuse de se trouver si riche. Finette se mit à traire la vache, but du lait et entra dans la maison. La maison était pauvre et sale, et Finette la regarda avec dégoût. Enfin elle prit le second boulet d'or, le jeta dans le feu et dit: "Boulet, sauvez-moi." Le boulet se fondit, l'or se répandit, et en quelques minutes toute la maison se trouva dorée. La maison était dorée, non seulement à l'intérieur, mais à l'extérieur aussi, et tous les meubles et tous les ustensiles étaient d'or.
Finette se coucha sur le lit d'or, et quelques minutes après elle s'endormit profondément. Pendant ce temps la vieille femme était arrivée à la ville. Elle rencontra le bailli, qui dit: "Eh bien, la mère, où allez-vous?"
"Moi, je vais à la ville. Je suis riche maintenant. Regardez mon or; je vais être une grande dame!"
Le bailli regarda l'or avec surprise et avec une admiration intense. Il fit entrer la vieille femme chez lui, et pendant qu'il comptait les belles pièces d'or elle lui raconta comment elle les avait obtenues. Le bailli réclama plusieurs pièces d'or pour sa peine, recommanda à la vieille femme de ne parler à personne de la belle demoiselle qui lui avait donné tout cet or, et se coucha, décidé à visiter la jeune fille le lendemain et à demander sa main en mariage.
Quand Finette ouvrit les yeux, elle vit le bailli au pied de son lit. Il dit: "Mademoiselle, je suis venu pour vous épouser; levez-vous et suivez-moi à l'église!"
"Oh!" dit Finette, "je ne suis pas sûre que vous ferez un bon mari!"
"Moi! Je ferai un mari excellent. Venez, venez tout de suite (immédiatement)."
"Ah," dit Finette, "un bon mari arrange toujours le feu pour sa femme. Arrangez le feu!"
"Très-bien!" dit le bailli, "j'arrangerai le feu." Le bailli saisit les pincettes. Finette dit:
"Tenez-vous les pincettes, mon ami?"
"Oui," répondit le bailli; "oui, mon amour; je tiens les pincettes!"
"Misérable, que les pincettes vous tiennent, et que vous teniez les pincettes jusqu'au coucher du soleil," dit Finette, en sortant de la maison. Au même instant les pincettes commencèrent à danser.
Le pauvre bailli dansa aussi, car il ne pouvait se séparer des pincettes. Il dansa toute la journée, malgré sa fatigue, malgré ses cris, malgré ses larmes. Quand le soleil se coucha, il lâcha les pincettes, et les pincettes le lâchèrent. Il ne resta pas dans la maison, il ne chercha pas Finette; au contraire, il retourna chez lui, et alla se coucher, car il était bien bien fatigué.
Quand le soir arriva, Finette rentra. Elle soigna sa vache, but un peu de lait et se coucha.
Pendant ce temps la vieille femme avait raconté son histoire à une amie seulement, en secret. L'amie l'avait racontée à une autre, en secret aussi. Celle-ci l'avait racontée à une troisième, et avant la nuit, tout le monde parlait de la demoiselle, qui avait donné un seau d'or à la vieille femme.
Le maire entendit cette histoire. Il se dit: "Quelle bonne chose que je ne sois pas encore marié. J'irai demain matin épouser cette demoiselle, et je serai riche, plus riche que cette vieille femme qui cause tant."
Quand Finette ouvrit les yeux le lendemain matin, elle vit le maire, qui lui dit: "Mademoiselle, levez-vous tout de suite; suivez-moi à l'église. Moi, le maire de la ville, je vous fais l'honneur de vous épouser."
"Oh!" dit Finette, "je ne suis pas sûre que vous ferez un bon mari."
"Moi! Je ferai un mari excellent!" dit le maire pompeusement.
"Oh!" dit Finette, "un bon mari ferme toujours la porte!"
"Très-bien," dit le maire, "je fermerai la porte," et il alla la fermer.
"Tenez-vous le pommeau de la porte, cher ami?" demanda Finette.
"Oui, mon amour; je tiens le pommeau de la porte!" répondit le maire.
"Misérable, que le pommeau vous tienne, et que vous teniez le pommeau jusqu'au coucher du soleil!" dit la jeune fille, et elle alla au bord de la mer attendre Yvon.
Le pauvre maire était attaché à la porte, qui s'ouvrait et se fermait violemment. Le maire était lancé contre le mur extérieur, et contre le mur intérieur, et, malgré ses cris, malgré ses larmes, il continua cet exercice violent jusqu'au coucher du soleil. Alors il lâcha la porte, la porte le lâcha, et il rentra chez lui, et se mit au lit, car il était bien fatigué.
La nouvelle de la grande fortune de la vieille femme était arrivée aux oreilles d'un bel officier, qui se dit: "Quelle bonne chose que je ne sois pas marié. J'irai demain matin, épouser cette belle demoiselle, et je serai très riche."
Finette avait vainement attendu Yvon, et quand le soir arriva, elle rentra, soigna sa vache, but un peu de lait et se coucha. Quand elle ouvrit les yeux le lendemain matin, elle vit un bel officier, en uniforme, au pied de son lit.
"Mademoiselle," dit-il, "je suis venu pour vous épouser. Levez-vous et suivez-moi à l'église."
"Oh!" dit Finette, "je ne suis pas sûre que vous ferez un bon mari."
"Cela n'est d'aucune importance!" dit l'officier. "Suivez-moi, ou je vous coupe la tête!" et le galant officier tira son sabre.
La pauvre Finette eut peur. Elle sauta du lit, et courut dans l'étable. La vache recula effrayée, et s'arrêta dans la porte. L'officier ne pouvait pas entrer pour arriver à Finette. Il prit la vache par la queue, et commença à tirer. Finette dit: "Tenez-vous la queue?"
"Oh oui!" répondit l'officier; "je tiens la queue."
"Misérable!" cria Finette, "que la queue vous tienne, et que vous teniez la queue jusqu'au coucher du soleil, et jusqu'à ce que vous ayez fait le tour du monde ensemble."
Au même moment la vache partit au grand galop, et l'officier, qui ne pouvait pas lâcher la queue, fut obligé de suivre la vache. Ils allèrent comme le vent. Ils traversèrent les montagnes, les vallées, les plaines, les lacs, les rivières, les mers, sans s'arrêter un instant. Ils allèrent si vite, qu'ils firent tout le tour du monde et arrivèrent chez Finette au moment où le soleil se couchait. Alors la queue de la vache lâcha l'officier, l'officier lâcha la queue, et rentra vite chez lui, où il alla se coucher, car il était bien fatigué de son long voyage.
Pendant ce temps Yvon avait entièrement oublié la pauvre Finette. Il faisait la cour à la belle dame aux cheveux d'or, et il avait demandé sa main en mariage. Le jour de la noce (mariage) arriva. Yvon monta dans une belle voiture, avec la dame aux cheveux d'or et partit pour l'église.
Le cocher fit claquer son fouet, les six chevaux s'élancèrent en avant, et un trait se cassa. Le cocher arrêta les chevaux. On raccommoda le trait. Le cocher fit claquer son fouet, les six chevaux s'élancèrent en avant. Le trait se cassa de nouveau. On le raccommoda une seconde et une troisième fois.
Enfin le bailli, qui était à cheval dans la procession, s'approcha de la voiture et dit à Yvon: "Mon jeune maître, voyez-vous cette petite maison qui brille là, entre les arbres. Dans cette maison il y a une dame. Cette dame a une paire de pincettes. Je suis sûr qu'elle vous les prêterait, et je suis certain que les pincettes tiendraient jusqu'au coucher du soleil."
Yvon fit un signe. Un domestique alla à la maison de Finette et la pria de prêter ses pincettes d'or à son maître. Quelques minutes après le domestique arriva avec les pincettes. On s'en servit pour raccommoder le trait cassé. Le cocher fit claquer son fouet. Les chevaux s'élancèrent en avant, le trait ne se cassa plus, mais le fond de la voiture tomba!
"Halte, halte-là," cria Yvon. Le cocher arrêta ses chevaux. Les charpentiers arrivèrent. Ils replacèrent le fond de la voiture, mais hélas, il tomba de nouveau, et de nouveau.
Enfin le maire s'approcha de la portière et dit: "Monsieur Yvon, voyez-vous cette petite maison qui brille là, entre les arbres. Dans cette maison demeure une dame. Elle a une porte merveilleuse. Je suis sûr qu'elle vous prêterait cette porte, et je suis certain que la porte tiendrait jusqu'au coucher du soleil."
Yvon fit un signe. Deux domestiques partirent. Quelques minutes après ils arrivèrent avec la porte. Elle fut placée au fond de la voiture, et tint ferme. Le cocher fit claquer son fouet. Les chevaux s'élancèrent en avant, mais la voiture ne bougea pas. On attela huit, dix, douze, vingt-quatre chevaux à la voiture, mais malgré tous leurs efforts la voiture ne bougea pas.
Enfin l'officier s'approcha de la portière et dit à Yvon: "Mon maître, voyez-vous cette petite maison qui brille là, au milieu des arbres. Dans cette maison il y a une dame. Cette dame a une vache vraiment remarquable. Je suis sûr qu'elle vous prêterait sa vache, et je suis certain que la vache ferait le tour du monde s'il le fallait."
Yvon fit un signe. Deux domestiques partirent. Quelques minutes après ils arrivèrent avec la vache. La vache fut attelée à la voiture. Elle partit au grand galop. Elle arriva à l'église, mais elle ne s'arrêta pas à la porte. Au contraire, elle fit le tour de l'église vingt fois, puis elle ramena la voiture au château. "Il est trop tard pour le mariage aujourd'hui!" dit le baron Kerver. "Entrez, mes enfants, entrez. Nous aurons le festin aujourd'hui, et le mariage demain."
Yvon donna la main à la belle dame aux cheveux d'or; il la conduisit à table et s'assit à côté d'elle.
Le baron dit: "La dame qui demeure dans la petite maison a été très aimable. Elle nous a prêté ses pincettes, sa porte, et sa vache. Elle mérite une récompense." Alors il appela un domestique, et dit: "Allez à la petite maison qui brille entre les arbres. Dites à la dame qui y demeure que le baron Kerver lui fait ses compliments, et la prie de bien vouloir lui faire l'honneur de venir au festin de noce de son fils Yvon."
Le domestique partit. Quelques minutes après il était de retour sans la dame.
"Où est la dame?" dit le baron. "Pourquoi n'est-elle pas venue?"
"Mon maître," dit le domestique, "la dame a dit: 'Si le baron Kerver a vraiment envie que j'accepte son invitation, dites-lui de venir me chercher.'"
Le baron dit: "Cette dame a raison!"
Il fit venir son cheval, et il alla chercher Finette lui-même, et l'escorta au château avec autant de cérémonie que si elle avait été une princesse. Quand Finette arriva au château, le baron lui donna la place d'honneur. Tout le monde la regarda avec admiration. Tout le monde excepté Yvon, qui n'avait d'yeux et d'oreilles que pour la belle dame aux cheveux d'or.
Finette regarda tristement Yvon. Enfin elle prit le troisième et dernier boulet d'or, et dit tout bas: "Boulet, sauvez-moi." Un instant après elle avait une belle coupe d'or à la main.
Elle remplit cette coupe de vin, la donna au domestique, et dit: "Portez cette coupe à votre jeune maître, et dites-lui que la dame qui demeure dans la petite maison qui brille là entre les arbres, lui donne cette coupe et le prie de boire à sa santé."
Le domestique fit la commission. Yvon prit la coupe. Il regarda dans la coupe, qui était une coupe magique, et vit comme dans un miroir les différentes scènes de sa vie chez le géant, et son évasion avec Finette.
"Finette, ma chère Finette, où êtes-vous?" cria-t-il. "Que fait cette femme à côté de moi? Pourquoi est elle à la place de ma chère Finette?" Il leva les yeux, vit Finette, se précipita dans ses bras, l'embrassa mille fois, et lui demanda mille fois pardon. Finette lui pardonna de bon cœur, et le lendemain ils allèrent à l'église ensemble.
Le trait ne se cassa pas, le fond de la voiture ne tomba pas, la voiture avança rapidement, sans encombre. Ils arrivèrent à l'église à l'heure, ils furent mariés et ils furent toujours heureux, car la belle dame aux cheveux d'or, qui était la sorcière, la tante du géant, avait disparu, et ne revint plus jamais en Bretagne.
LE RENARD ET LE LOUP. 17
Il y avait une fois un homme et une femme. L'homme était âgé, et la femme aussi. Un jour l'homme alla à la mer pour pêcher. L'homme prit beaucoup de poissons. Il prit de grands poissons, de petits poissons, et des poissons de grandeur moyenne. Il prit tant de poissons qu'il était impossible de les porter tous, et il les mit dans un char pour les porter à la maison.
En route l'homme vit un renard couché au milieu de la route. L'homme descendit de son char. Il toucha le renard. Le renard ne bougea pas. "Oh!" dit l'homme "Le renard est mort. Voilà un beau cadeau pour ma femme!" Il prit le renard. Il jeta le renard dans le char avec le poisson, et remontant dans le char, il continua son chemin (route).
Mais le renard n'était pas mort comme le pauvre homme l'avait supposé. Il jeta tous les poissons du char, l'un après l'autre et quand il eut jeté tous les poissons à terre, il descendit aussi.
Arrivé à la maison, l'homme dit à la femme:
"Ma femme, regardez le beau cadeau que je vous ai apporté."
"Où est ce cadeau?" demanda la femme.
"Là, dans le char, sur le poisson."
La bonne femme regarda, et dit: "Mon mari, il n'y a ni poissons, ni cadeau dans le char."
L'homme tourna la tête, et vit que les poissons et le renard avaient disparu, et naturellement il était bien désappointé, car il avait pensé obtenir beaucoup d'argent pour son poisson.
Le renard, qui avait pris tout le poisson, était très occupé à manger le poisson quand un loup arriva.
"Bonjour, mon frère," dit le loup.
"Bonjour," dit le renard.
"Donnez-moi des poissons," dit le loup.
"Allez en pêcher," répondit le renard.
"Mais je ne sais pas pêcher!" dit le loup.
"C'est très facile," dit le renard. "Allez sur la glace, près d'un trou, plongez votre queue dans l'eau, et dites: 'Venez, venez, petits et gros poissons,' et dans quelques minutes tous les poissons viendront se pendre à votre queue."
Le loup, enchanté, alla à la rivière. Il alla sur la glace; il trouva un trou; il plongea sa queue dans l'eau, et dit: "Venez, venez, petits et gros poissons." Le renard arriva alors, et dit tout doucement: "Que le ciel soit clair, clair, clair; que la queue du loup gèle, gèle, gèle!"
"Que dites-vous, mon ami?" demanda le loup.
"Je vous aide," dit le renard, et il partit quelques minutes après.
Le loup resta là toute la nuit, enfin il voulut partir. Impossible. La queue était prise dans la glace. Le loup pensa: "Oh, j'ai pris tant de poissons qu'il est impossible de les tirer tous hors de l'eau."
Les femmes du village arrivèrent au trou pour chercher de l'eau. Quand elles virent le loup, elles se mirent à crier aussi fort que possible:
"Au loup! Au loup! Tuez-le, tuez-le."
Tous les hommes arrivèrent avec de grands bâtons. Les hommes frappèrent le pauvre loup, qui arracha sa queue du trou et partit en toute hâte en hurlant de douleur.
Pendant que les hommes et les femmes étaient occupés à battre le pauvre loup, le renard était entré dans les maisons, et il avait mangé beaucoup de bonnes choses. Enfin le renard mit la tête dans un seau de pâte, se barbouilla bien, et alla à la rencontre du loup.
Le loup dit: "Méchant renard, regardez ma pauvre queue!"
"Oh!" dit le renard en gémissant, "regardez ma pauvre tête!"
"Oh!" dit le loup. "Les méchantes gens vous ont battu aussi, mon pauvre petit frère. Vous êtes plus malade que moi, montez sur mon dos, je vous porterai à la maison."
Le renard monta sur le dos du loup, et chanta gaiement:
"Celui qui a été battuPorte celui qui n'a pas été battu."Mais le loup était trop stupide pour comprendre, et il pensa seulement: "Mon petit frère est très courageux. Il a la tête malade, et il chante gaiement. Moi, qui ai seulement la queue malade, je ne chante pas, oh non, je ne chante pas."
LA MAUVAISE FEMME. 18
Il y avait une fois une mauvaise femme. Elle était si mauvaise qu'elle se querellait avec tout le monde. Elle se querellait surtout avec son mari, et jamais elle ne faisait ce qu'il lui disait. Quand le mari disait: "Ma femme, levez-vous, s'il-vous-plaît, pour faire le déjeuner," elle restait trois jours au lit. S'il disait: "Ma femme, couchez-vous tôt ce soir," elle restait debout toute la nuit.
Un jour l'homme dit à sa femme: "J'aime beaucoup les crêpes; faites-moi des crêpes!"
La femme dit: "Non, misérable; vous ne méritez pas de crêpes!"
Alors l'homme dit: "Très-bien, si je ne mérite pas de crêpes, n'en faites pas." La femme courut à la cuisine et fit beaucoup de crêpes. Elle força son mari à manger toutes les crêpes, et il eut une attaque d'indigestion.
Fatigué de se quereller avec cette méchante femme, le pauvre homme alla un jour dans les bois chercher des fraises. Il arriva enfin au milieu de la forêt, et s'assit sous un arbre. En regardant autour de lui il aperçut un trou. Il alla au trou, regarda dedans (dans le trou) et vit qu'il était sans fond. Il dit: "Ma femme est si mauvaise, et si désagréable, que j'aimerais qu'elle fût dans ce trou-là."
Il retourna à la maison et dit: "Ma femme, n'allez pas à la forêt cueillir des fraises."
La femme se prépara immédiatement à aller dans la forêt, et l'homme dit: "Eh bien, ma femme, si vous allez dans la forêt, n'allez pas vous asseoir sous un grand arbre au centre de la forêt."
La femme répondit: "Mon mari, j'irai à la forêt, et j'irai m'asseoir sous le grand arbre au centre de la forêt."
"Eh bien, ma femme, allez si vous voulez, mais ne regardez pas dans le trou."
La femme dit: "J'irai dans la forêt, et je regarderai dans le trou!" La femme partit. Son mari la suivit. Elle arriva au centre de la forêt, elle s'approcha du trou. Le mari arriva aussi, et poussa sa femme, qui tomba dans le trou sans fond.
Alors le mari retourna à la maison. Il passa trois jours sans sa femme. Quand le quatrième jour arriva, il retourna à la forêt, s'approcha du trou, et il regarda dedans. Il avait apporté une longue corde. Il attacha un bout de cette corde à un arbre, et laissa tomber l'autre bout dans le trou. Après quelques minutes il retira la corde, et à sa grande surprise il trouva un démon attaché à la corde. Le pauvre homme avait peur. Il trembla, et il aurait rejeté le démon dans le trou si le pauvre démon n'avait pas dit:
"Mon cher homme, je suis bien aise (content) de sortir de mon trou. Une méchante femme est arrivée, et elle est si désagréable que je préfère rester sur terre. Venez avec moi, et vous aurez une grande fortune. J'irai dans toutes les villes et dans tous les villages, et je tourmenterai tant toutes les femmes qu'elles seront dangereusement malades. Alors vous arriverez avec une médecine qui les guérira."
Le démon alla le premier, et toutes les femmes et toutes les jeunes filles tombèrent malades. Alors le paysan arriva avec sa médecine, et il guérit toutes les malades. Naturellement tout le monde payait cher cette médecine, et le paysan fit une grande fortune en très peu de temps.
Le démon dit un jour au paysan: "Maintenant, paysan, je tourmenterai la fille du roi; elle sera malade, très malade, mais je vous défends de la guérir."
La fille du roi tomba malade. Le roi envoya chercher le médecin, et dit: "Guérissez ma fille, ou vous périrez." Le démon dit: "Ne guérissez pas la fille du roi, ou vous périrez." Le pauvre paysan se trouvait naturellement très embarrassé. Il pensa longtemps, puis il alla trouver tous les domestiques du roi, et dit: "Allez dans la rue, et criez aussi fort que possible: 'La méchante femme est arrivée! la méchante femme est arrivée!'"
Alors le paysan entra dans la maison du roi. Le démon, qui était dans la maison, dit: "Misérable, pourquoi arrivez-vous ici?"
Le paysan répondit: "Mon pauvre démon, la méchante femme est arrivée."
"Impossible!" dit le démon. Mais à cet instant-là tous les domestiques du roi commencèrent à crier: "La méchante femme est arrivée! la méchante femme est arrivée!"
Le démon dit au paysan: "Oh! mon ami, j'ai peur de la méchante femme. Dites-moi où me cacher." Le paysan dit: "Retournez dans votre trou. La méchante femme n'y retournera sûrement pas."
Le démon partit bien vite, et il se précipita dans le trou, où, hélas, il retrouva la méchante femme.
Le paysan guérit la fille du roi et reçut une grande récompense pour ses services.
BABA-IAGA. 19
Un homme avait perdu sa femme; il était donc veuf, et il était très triste. Il avait une fille. Un jour il dit à sa fille: "Mon enfant, je suis triste, je vais me remarier." En effet il prit une seconde femme, mais elle n'était pas bonne du tout. Elle était très cruelle, et elle battait toujours la pauvre fille quand le père était sorti. Un jour la méchante femme dit à la pauvre fille:
"Ma fille, allez vite chez votre tante, ma sœur, et dites-lui de vous prêter une aiguille et du fil, car je veux vous faire une robe."
La jeune fille partit, mais elle alla d'abord visiter sa vraie tante; car elle avait peur de la sœur de sa belle-mère, qui s'appelait Baba-Iaga, et qui était une sorcière renommée.
La vraie tante lui donna toutes les instructions nécessaires, et alors elle alla chez la sorcière Baba-Iaga. La sorcière était dans sa chaumière (petite maison); elle était très occupée à filer.
"Bonjour, ma tante," dit la jeune fille. "Ma belle-mère m'a envoyée pour vous prier de lui prêter une aiguille et du fil pour me faire une robe."
"Très-bien," dit Baba-Iaga, "asseyez-vous là, et filez un instant."
La jeune fille s'assit à la place de Baba-Iaga, et commença à filer. La sorcière alla dans la cuisine, et dit à sa servante: "Allez vite chauffer un bain, et lavez bien cette jeune fille, car j'ai l'intention de la manger à dîner."
La jeune fille entendit cet ordre cruel. Elle courut à la servante, et lui dit: "Ma bonne amie, voici un joli mouchoir pour vous, si vous allumez le feu et si vous versez l'eau dessus (sur le feu)."
Quelques minutes plus tard la sorcière arriva à la fenêtre, et cria: "Ma chère enfant, filez-vous?"
"Mais oui, ma tante, je file," dit la jeune fille.
La sorcière partit. La jeune fille donna un morceau de lard au chat, et dit: "Voulez-vous me dire comment on peut sortir d'ici?"
"Oui," dit le chat. "Voilà un peigne et une serviette; prenez-les, et sauvez-vous vite. La sorcière vous poursuivra, et quand elle sera près de vous, jetez la serviette; elle deviendra un large fleuve (rivière). Si la sorcière passe et s'approche de vous, jetez le peigne; il deviendra un bois si vaste et si épais qu'elle ne pourra pas le traverser."
La jeune fille prit le peigne et la serviette, et partit. Les chiens de la sorcière voulurent l'arrêter. Elle leur jeta un morceau de pain, et ils la laissèrent aller. Les portes voulurent aussi arrêter la jeune fille; elle les graissa avec un peu de beurre qu'elle avait apporté, et les portes s'ouvrirent et la laissèrent passer. Le chat prit sa place, et quand la sorcière cria: "Ma chère enfant, filez-vous?" le chat répondit: "Mais oui, ma chère tante, je file."
Mais bientôt la sorcière arriva. Elle vit que le chat filait, et que la jeune fille s'était sauvée. La sorcière battit le chat, et dit: "Pourquoi n'avez-vous pas crevé les yeux de la jeune fille?"
"Oh," dit le chat, "je suis à votre service depuis longtemps, et vous ne m'avez jamais rien donné. La jeune fille m'a donné du lard!"
La sorcière dit à la servante: "Pourquoi avez-vous versé de l'eau sur le feu? Pourquoi avez-vous permis à la jeune fille de se sauver?"
"Oh," dit la servante, "la jeune fille est bonne; elle m'a donné un mouchoir; vous ne m'avez jamais rien donné."
La sorcière dit aux portes: "Pourquoi avez-vous permis à la jeune fille de se sauver?"
Les portes répondirent: "La jeune fille est bonne; elle nous a graissées avec du beurre. Nous avons crié depuis des années, et vous ne nous avez jamais rien donné."
La sorcière dit aux chiens: "Pourquoi avez-vous permis à la jeune fille de se sauver?"
Les chiens répondirent: "La jeune fille est bonne; elle nous a donné du pain. Vous ne nous avez jamais rien donné."
Alors Baba-Iaga, la sorcière, partit en toute hâte pour chercher la jeune fille; mais la jeune fille mit l'oreille à terre et entendit venir la sorcière. Elle jeta la serviette derrière elle, et à l'instant une large rivière commença à couler.