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Nous Sommes De Retour
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Nous Sommes De Retour

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Jack commençait à se sentir un peu perdu, mais, hochant la tête, il essaya de convaincre Élisa qu’il suivait parfaitement. Elle le regarda un instant avant de poursuivre :

— Ce symbole, par contre -elle manipula l’écran pour l’éclaircir le plus possible- devrait selon d’aucuns représenter une tombe, la tombe d’un dieu. Alors que cette dernière partie pourrait décrire un des dieux qui alerte, ou même qui menace le peuple réuni autour de lui.

Le colonel ne comprenait plus rien, un peu à cause de l’alcool, un peu à cause du parfum enivrant qu’émanait Élisa, et aussi à cause de ses yeux dans lesquels il s’était décidément perdu. Il continua tout de même à hocher la tête comme si tout avait été très clair.

— En bref, pour résumer, poursuivit Élisa en remarquant le trouble grandissant de Jack, les experts ont interprété le contenu de cette tablette comme étant la représentation d’un événement qui a eu lieu à l’époque d’Abraham, au cours duquel un dieu présumé, ou de façon plus générale, des dieux, auraient caché, en l’enterrant à côté d’un de leur tombeau, quelque chose de très précieux, au moins pour eux.

— Je trouve ça un peu général, comme affirmation, commença Jack, cherchant à reprendre contenance. Dire que quelque chose de précieux est enterré dans les alentours d’une tombe de dieux, ce n’est pas comme d’en avoir les coordonnées GPS. Il pourrait s’agir de n’importe quoi, n’importe où.

— Tu as raison, mais toutes les inscriptions, en particulier celles qui sont très anciennes, doivent en quelque sorte être interprétées et contextualisées. C’est pour cela que les experts existent et il se trouve que je suis précisément l’une d’entre eux. Sur ces mots, elle commença à mimer les mouvements d’un mannequin photographié par les paparazzis.

— C’est bon, c’est bon. Je sais que tu es forte. Mais maintenant, essaie de faire comprendre quelque chose aux simples mortels.

— En substance, reprit Élisa, redevenant sérieuse, après avoir analysé et confronté des pièces historiques de toute sorte, des histoires vraies, des légendes, des rumeurs et ainsi de suite, les plus grands « esprits » de la terre ont conclu que cette reconstitution a sans doute un fond de vérité. Sur ces bases, ils ont lâché des archéologues dans le monde entier, à la recherche de ce lieu mystérieux.

— Mais alors, qu’est-ce que l’ELSAD a à voir avec tout ça ?

Le colonel avait enfin retrouvé ses fonctions cérébrales.

— On m’avait dit que toutes ces recherches avaient pour but de récupérer de fantomatiques objets, qui pourraient être d’origine extraterrestre.

— Et c’est peut-être vraiment ça, répondit Élisa. On pense maintenant que ces « dieux » qui, en ces temps reculés, seraient venus batifoler sur Terre, n’auraient rien été d’autre que des humanoïdes d’une planète extérieure à notre système solaire. Compte tenu de leur haute technologie et de leurs grandes connaissances dans le domaine médical et scientifique, il n’était pas très difficile de les prendre pour des divinités capables d’accomplir on ne sait quels miracles.

— En effet, l’interrompit Jack, moi aussi, si j’arrivais avec mon hélicoptère de combat Apache au milieu d’une tribu de l’Amazonie centrale et que je commençais à lancer des missiles partout, je pourrais être pris une divinité en fureur.

— C’est exactement l’effet que ces êtres ont dû produire sur les hommes de l’époque. Certains affirment même que ce seraient ces extraterrestres qui auraient fait germer la graine de l’intelligence chez l’Homo Erectus, le transformant ainsi, en quelques dizaines de milliers d’années, en ce que nous connaissons de nos jours sous le nom d’Homo sapiens sapiens.

Élisa regarda attentivement le colonel qui affichait une expression de plus en plus abasourdie, et elle décida de porter un coup bas.

— Pour te dire la vérité, je pensais qu’en tant que responsable de cette mission, tu aurais été mieux informé.

— Je le pensais moi aussi, éclata Jack. De toute évidence, on suit toujours la même ligne, là-haut : moins on en sait, nous autres, mieux c’est.

La colère prenait le pas sur la sensiblerie du moment précédent.

En ayant pris conscience, Élisa posa sa tablette sur la table et s’approcha à quelques centimètres du visage du colonel, qui, un instant, retint son souffle en pensant qu’elle voulait l’embrasser ; mais elle s’exclama :

— Mais le meilleur est à venir.

Elle reprit lors brusquement sa place, et lui montra une autre photo.

— Alors qu’ils se sont tous lancés à la recherche de ce fameux « tombeau des dieux » en allant farfouiller entre les pyramides égyptiennes, tombes des dieux par excellence, moi, j’ai fait une autre interprétation de ce qui est inscrit sur la tablette, et je crois que c’est la bonne. Regarde ça.

Et, satisfaite, elle lui montra une image représentant le texte tel qu’elle l’avait interprété, elle.

Les deux compères qui, de l’intérieur de la voiture, écoutaient la conversation entre les deux convives, auraient chacun donné un bras pour pouvoir eux aussi voir la photo qu’Élisa montrait au colonel.

— Bon sang ! pesta le gros. Il faut trouver le moyen de mettre la main sur cette tablette.

— J’espère au moins que l’un des deux va lire à haute voix, ajouta le maigre.

— Espérons aussi que ce « petit dîner romantique » se termine vite. J’en ai marre de rester là, dans le noir, et en plus, je meurs de faim.

— Tu meurs de faim ? Mais qu’est-ce que tu racontes ? Tu as mangé même ma part de sandwichs.

— Pas tout à fait, mon cher. Il en reste encore un et je vais m’en occuper maintenant.

Riant d’un air satisfait, il se tourna pour le récupérer dans un sac posé sur la banquette arrière. Mais en se retournant, il heurta de son genou le bouton d’allumage du système d’enregistrement, qui émit un léger bip et s’éteignit.

— Mais, espèce de crétin, tu ne peux pas faire attention ?

Le maigre se dépêcha d’essayer de rallumer l’appareil.

— Maintenant il faut que je redémarre tout le système et il y en a pour une minute au moins. Tu peux prier pour qu’ils ne se disent rien d’important sinon, cette fois, je te fiche mon pied dans ton gros cul, d’ici jusqu’au Golfe Persique !

— Excuse-moi, dit le gros d’un filet de voix. Je crois que c’est le moment de me mettre au régime.

“Les Dieux enterrèrent le vase au précieux contenu au sud du temple, puis ils ordonnèrent au peuple de ne pas s’en approcher jusqu’à leur retour, sinon de terribles malheurs s’abattraient sur toutes les Nations. Pour assurer sa protection, quatre gardiens flamboyants.”

— Voilà ma traduction, déclara fièrement Élisa. D’après moi, le mot exact n’est pas « tombeau », mais « temple » et la Ziggourat d’Ur, où je fais actuellement mes recherches, n’est rien d’autre qu’un temple érigé pour les dieux. Bien sûr, tu me diras que des Ziggourats, ce n’est pas ce qui manque par ici, mais aucune n’est aussi proche de la maison qui a appartenu à l’homme qui a probablement écrit les tablettes : notre cher Abraham.

— Très intéressant.

Le colonel analysait le texte avec soin.

— En effet, la maison que tout le monde désigne comme étant la « maison d’Abraham » ne se trouve qu’à quelques centaines de mètres du temple.

— En plus, si ces êtres étaient vraiment des extraterrestres, poursuivit Élisa, imagine combien le « vase » pourrait être intéressant pour vous, militaires. Peut-être plus encore que son « précieux contenu ».

Jack réfléchit un instant, puis dit :

— Et voilà la raison de tout cet intérêt de la part de l'ELSAD. Le vase enterré pourrait être beaucoup plus qu’un simple récipient de terre cuite.

— Bravo. Et maintenant, le coup de théâtre, s’exclama Élisa avec emphase. Ladies and gentlemen, voici, devant vos yeux, ce que j’ai trouvé ce matin.

Elle toucha l’écran et une nouvelle photo apparut.

— Mais c’est le même symbole que celui qui se trouvait sur la tablette, s’écria Jack.

— Exact. Mais cette photo, je l’ai prise aujourd’hui, répondit-elle, très satisfaite. Apparemment, pour désigner les « Dieux », Abraham a utilisé la même représentation que les Sumériens : une étoile avec douze planètes autour, que, comme par hasard, j’ai trouvée gravée sur le couvercle du « récipient » que nous sommes en train de dégager.

— Ça pourrait aussi ne rien vouloir dire, commenta Jack. C’est peut-être juste une coïncidence. Le symbole pourrait avoir mille autres significations.

— Ah oui ? Et alors, c’est quoi ça, à ton avis ? et elle lui montra la dernière photo. Nous l’avons faite de l’extérieur du récipient avec nos appareils portables à rayons X.

Jack ne put s’empêcher d’écarquiller les yeux, stupéfié.

Vaisseau spatial Théos - Analyse des données

Pétri était encore plongé dans l’analyse de la sonde quand Atzakis, revenant dans la cabine, dit à l’intention de son ami :

— Ils nous donneront des nouvelles.

— Ce qui veut dire : débrouillez-vous tout seuls, commenta amèrement Pétri.

— Plus ou moins comme d’habitude, non ? répondit Atzakis, en tapant vigoureusement sur l’épaule de son compagnon de voyage.

— Qu’est-ce que tu peux me dire de ce tas de ferraille ?

— À part le fait qu’il a vraiment failli nous rayer le vernis de la coque extérieure, je peux te confirmer, avec une certitude absolue, qu’aucun message n’a été transmis par notre ami à trois pales. La sonde semblerait avoir été envoyée dans le seul but d’analyser et d’étudier les corps célestes. Une espèce de voyageur solitaire de l’espace, qui enregistre des données et les transmet régulièrement à sa base, et il montra le détail de l’antenne dans l’hologramme qui flottait dans la pièce.

— Nous lui sommes probablement passés trop vite à côté pour qu’il puisse avoir enregistré notre présence, hasarda Atzakis.

— Il n’y a pas que ça, mon vieux. Ses instruments de bord sont programmés pour analyser des objets à une distance de centaines de milliers de kilomètres et nous, nous sommes passés si près que, si nous n’étions pas dans le vide, le déplacement d’air le ferait encore tourner comme une toupie.

— Et maintenant que nous sommes plus loin, tu penses qu’il pourrait enregistrer notre présence ?

— Je ne crois pas. Nous sommes vraiment trop petits et trop rapides pour faire partie de ses « centres d’intérêts ».

— Bien, s’exclama Atzakis. Enfin une bonne nouvelle, me semble-t-il.

— J’ai essayé de faire une analyse de la méthode de transmission des données utilisée par la sonde, reprit Pétri. Il semble qu’elle ne soit pas équipée d’une technologie par « vortex de lumière » comme la nôtre, mais qu’elle utilise encore un vieux système de modulation de fréquence.

— Ce n’est pas celui qu’utilisaient nos prédécesseurs avant la Grande Révolution15 ? demanda Atzakis.

— Exact. Ça n’était pas très efficace, mais ça nous a quand même permis d’échanger pendant très longtemps des informations sur toute la planète, et ça a contribué à nous faire arriver là où nous en sommes maintenant.

Atzakis s’assit sur le fauteuil du poste de commande, se mordilla l’index un instant, puis dit :

— Si c’est le système de communication actuellement utilisé sur la Terre, nous pourrions peut-être capter une de leurs transmissions.

— Oui, et peut-être même un bon film porno, commenta Pétri, faisant pointer légèrement sa langue à gauche de sa bouche.

— Arrête avec tes bêtises. Pourquoi n’essaies-tu pas plutôt de réadapter notre système de communication secondaire à cette technologie ? Je voudrais arriver là-bas le plus informé possible.

— J’ai compris. D’innombrables heures de travail m’attendent dans ce minuscule compartiment.

— Ça te dirait de manger quelque chose avant ? proposa Atzakis en anticipant la demande de son ami, dont il imaginait bien qu’elle allait suivre immédiatement.

— C’est la première chose sensée que je t’entends dire aujourd’hui, répondit Pétri. Toute cette agitation m’a donné un appétit certain.

— D’accord, on fait une pause, mais c’est moi qui choisit ce qu’on mange. Le foie de Nebir que tu as voulu hier est resté si longtemps dans mon pauvre estomac qu’il semblait y avoir pris racine.

Une dizaine de minutes après, alors que les deux compagnons de voyage finissaient leur repas, sur Terre, au Centre de Contrôle des Missions de la NASA, un jeune ingénieur relevait une étrange variation de trajectoire de la sonde qu’il contrôlait.

— Chef, dit-il dans le micro relié à son casque, à un centimètre environ de sa bouche, je crois que nous avons un problème.

— Quel genre de problème ? se hâta de demander l’ingénieur responsable de la mission.

— Il semble que Juno, pour une raison encore inconnue, ait subi une légère variation de sa trajectoire programmée.

— Une variation ? Et de combien ? Mais due à quoi ?

Il en avait déjà des sueurs froides. Le coût de cette mission était exorbitant et il fallait que tout marche comme prévu.

— Je suis en train d’analyser les données. La télémétrie indique un déplacement de 0,01 degré sans aucune raison apparente. Tout semble marcher convenablement.

— Elle pourrait avoir été touchée par un fragment de roche, hasarda l’ingénieur le plus âgé. Dans le fond, la ceinture d’astéroïdes n’est pas si loin.

— Juno est presque localisée sur l’orbite de Jupiter, et il ne devrait pas y en avoir, assura le jeune homme, avec beaucoup de tact.

— Et alors qu’est ce qui s’est passé ? Il doit forcément y avoir un dysfonctionnement quelque part.

Il réfléchit une seconde, puis ordonna :

— Je veux un double contrôle sur tous les instruments de bord. Les résultats dans cinq minutes sur mon ordinateur, et il coupa la communication.

Le jeune ingénieur se rendit alors compte de la responsabilité qui lui avait était confiée. Il regarda ses mains : elles tremblaient légèrement. Il décida de passer outre. Il appela son collègue pour qu’il exécute un check-up sélectif de la sonde et croisa les doigts. Les ordinateurs commencèrent à effectuer en séquence tous les contrôles programmés et, après quelques minutes, les résultats de l’analyse apparurent sur son écran :

Check-up terminé. Tous les instruments sont opérationnels.

— Tout a l’air ok, commenta le collègue.

— Et alors, qu’est-ce qui s’est passé, bon Dieu ? Si on ne le découvre pas dans les deux minutes qui viennent, le chef va nous passer un savon à tous les deux, et il commença à jouer fébrilement avec les commandes sur le clavier qu’il avait devant lui.

Rien de rien. Tout fonctionne parfaitement.

Il devait absolument inventer quelque chose, et il devait le faire vite. Il commença à tambouriner de ses doigts sur son bureau. Il continua une dizaine de secondes, puis décida de faire appel à la première règle non écrite du manuel de comportement sur son lieu de travail : ne jamais contredire son chef.

Il ouvrit son micro et dit d’une traite :

— Chef, vous aviez raison. C’est bien un petit astéroïde troyen qui a fait dévier la sonde. Heureusement, il ne l’a pas touchée directement, mais il est passé très près. De toute évidence, la masse de l’astéroïde a créé une petite attraction gravitationnelle sur notre Juno, provoquant ainsi la légère variation de trajectoire ; je vous envoie les données. Et il retint son souffle.

Après quelques interminables instants, la voix orgueilleuse de son chef lui parvint dans le casque.

— J’en était sûr mon garçon, mon instinct de vieux loup ne me trompe pas.

Puis il ajouta :

— Veillez à activer les moteurs de la sonde et à en corriger la trajectoire. Je ne tolèrerai aucune erreur et il coupa la communication.

Il reprit une seconde après en disant :

— Excellent travail, les gars.

Le jeune ingénieur se rendit alors compte que le sang avait recommencé à circuler dans son corps. Son cœur battait si fort qu’il en entendait les pulsations contre ses oreilles. Tout compte fait, ça pouvait aussi s’être passé comme ça. Il regarda son collègue et, levant le pouce, lui fit signe que tout allait bien. L’autre lui répondit en clignant de l’œil. Pour cette fois, il s’en était sortis.

Nassiriya – Après le dîner

Le système d’enregistrement émit un double bip et se ralluma. À l’intérieur de la voiture, la voix d’Élisa sortit à nouveau du petit haut-parleur :

« Je pense que c’est l’heure d’y aller, Jack. Je dois me lever très tôt demain pour continuer les fouilles.

— D’accord, répondit le colonel. Je vais remercier le chef et on y va tout de suite après. »

— Putain de merde, s’écria le maigre. À cause de toi, on a raté le meilleur.

— Et allez, je ne l’ai pas fait exprès, se justifia le gros. On pourra toujours dire qu’il y a eu un dysfonctionnement du système et qu’il y a une partie de la discussion que nous n’avons pas pu enregistrer.

— C’est toujours moi qui dois te sortir de la mouise, fit l’autre.

— Je vais me faire pardonner. J’ai déjà un plan pour mettre la main sur la tablette de notre cher Professeur. Il s’attrapa le nez entre le pouce et l’index, puis dit :

— Nous nous introduirons cette nuit dans sa chambre et nous copierons toutes les données sans qu’elle s’en aperçoive.

— Et qu’est-ce qu’on fait pour qu’elle ne se réveille pas, on lui chante une berceuse ?

— Ne t’inquiète pas, compère. J’ai encore des as dans ma manche, et il lui fit un clin d’œil.

Pendant ce temps, dans le restaurant, Jack et Élisa se préparaient à sortir. Le colonel alluma sa radio portable et contacta l’escorte :

— Nous allons sortir.

— Tout est calme, ici, Colonel, répondit une voix dans son oreillette.

Le colonel ouvrit avec prudence la porte du restaurant et observa attentivement l’extérieur. Debout, près de la voiture, se tenait encore le militaire qui avait accompagné Élisa.

— Tu peux y aller, mon garçon, ordonna le colonel. C’est moi qui raccompagne le Professeur.

Le soldat se mit au garde-à-vous, salua militairement et, prononçant quelques mots dans sa radio, disparut dans la nuit.

— Ça a été une soirée magnifique, Jack, dit Élisa en sortant. Elle respira profondément l’air frais de la nuit et ajouta :

— Ça faisait vraiment longtemps que je ne n’avais pas passé un aussi bon moment. Encore merci. Et elle arbora à nouveau un de ses merveilleux sourires.

— Viens, dans ce secteur ce n’est encore pas très sûr de rester à l’extérieur.

Sur ces mots, il ouvrit la portière et l’aida à monter.

Le colonel au volant, la grande voiture sombre quitta rapidement les lieux en laissant derrière elle un gros nuage de poussière.

— Moi aussi je me suis senti très bien. Je n’aurais jamais imaginé qu’une soirée avec un « savant professeur » puisse être si agréable.

— Savante ? C’est ça que tu penses de moi ? Et elle se détourna de lui, feignant la colère.

— Savante oui, mais aussi très sympathique, intelligente et vraiment sexy.

Elle regardait dehors, et il en profita pour lui caresser doucement les cheveux sur la nuque.

Ce contact lui procura une cascade d’agréables frissons dans le dos. Elle ne pouvait pas céder si vite. Mais son excitation allait croissant. Elle décida de se taire et de profiter de cet agréable et léger massage. Jack, encouragé par l’absence de réactions à son geste, continua à caresser ses cheveux longs. Soudain, il commença à faire glisser sa main, d’abord sur son épaule, puis sur son bras, puis de plus en plus bas, jusqu’à lui effleurer doucement les doigts. Elle, toujours tournée vers la fenêtre, prit sa main et la serra sans retenue. C’était une main grande et forte. Ce contact lui donnait une grande assurance.

Non loin de là, une autre voiture sombre suivait les deux passagers, essayant de capter d’autres propos intéressants.

— Je crois que les dix dollars sont en train de changer de main, mon vieux, dit le gros. Il la raccompagne à l’hôtel, elle le fait monter pour boire quelque chose et le tour est joué.

— Tu peux prier pour que ça ne finisse pas comme ça, sinon, j’aimerais bien savoir comment on va faire pour copier les données de l’ordinateur.

— La vache, je n’y avais pas pensé.

— Tu ne penses jamais à rien d’autre que ce qui finit dans ton estomac sans fond.

— Allez, ne te laisse pas trop distancer, dit le gros, en ignorant la provocation. Je ne voudrais pas perdre le signal une nouvelle fois.

Ils restèrent un peu main dans la main, sans rien dire. Ils avaient tous deux le regard fixe, au-delà du pare-brise. L’hôtel approchait, et Jack se sentait très maladroit. Ce n’était évidemment pas la première fois qu’il sortait avec une fille, mais ce soir-là, il sentit resurgir toute la timidité qui l’avait torturé pendant sa jeunesse, et qu’il pensait avoir dépassée. Ce contact si prolongé l’avait comme paralysé. Il aurait peut-être dû dire quelque chose pour rompre ce silence gênant, mais il craignait que le moindre mot puisse gâcher ce moment magique, et il décida de se taire.

Il remercia mentalement la boîte automatique de la voiture qui lui avait permis de ne pas lâcher la main d’Élisa pour passer les vitesses, et continua à conduire dans la nuit.

Élisa, de son côté, se rappelait tous les « hommes de sa vie » présumés, l’un après l’autre. Plusieurs histoires, beaucoup de rêves, de projets, de joie et de bonheur, mais à chaque fois, à la fin, beaucoup de déception, d’amertume et de douleur. C’était comme si le destin avait déjà tout décidé pour elle. La voie qui s’ouvrait à elle, sans aucun doute riche en satisfactions et succès sur le plan professionnel, ne semblait pas prévoir qui que ce soit à ses côtés pour l’accompagner. Et maintenant elle était là, dans un pays étranger, voyageant dans la nuit, sa main dans la main d’un homme que, jusqu’à la veille, elle considérait comme un obstacle à ses plans et qui, maintenant, lui inspirait une grande tendresse et beaucoup d’affection. Plus d’une fois, elle se demanda ce qu’elle devait faire.

— Tout va bien ? demanda Jack, inquiet, voyant ses yeux devenir de plus en plus brillants.

— Oui, merci, Jack. C’est juste un moment de tristesse. Ça va passer.

— C’est de ma faute ? s’empressa-t-il de lui demander. J’ai dit ou fait quelque chose qui ne va pas ?

— Non, au contraire, répondit-elle aussitôt d’une petite voix douce, et elle ajouta :

— Reste près de moi, s’il te plaît.

— Hé, je suis là. Ne t’inquiète pas. Je n’accepterai jamais qu’on te fasse du mal, d’accord ?

— Merci, merci infiniment, dit Élisa, pendant qu’elle tentait d’essuyer les larmes qui glissaient lentement sur ses joues. Tu es adorable.

Jack resta silencieux, et il lui serra la main encore plus fort.

L’enseigne de l’hôtel apparut au bout de la rue, qu’ils parcoururent sans rien dire. Puis le colonel ralentit et arrêta la voiture juste devant l’entrée. Ils se regardèrent intensément. Pendant un long moment, aucun d’eux n’osa parler. Jack savait qu’il devait faire le premier pas, mais Élisa le précéda.

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