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Nous Sommes De Retour
Une soirée parfaite.
Un serveur, grand et mince, sâapprocha poliment et, sâinclinant, invita les deux convives à sâasseoir. Le colonel fit dâabord asseoir Ãlisa, et tint à approcher sa chaise, puis il sâinstalla en face dâelle, veillant à ce que sa cravate ne passe pas sur son assiette.
â Câest vraiment très beau, ici, dit Ãlisa, regardant autour dâelle.
â Merci, répondit le colonel. Je dois tâavouer que jâai un instant eu peur que tu nâaimes pas. Mais jâai pensé à ta passion pour ces lieux et je me suis dit que câétait certainement le meilleur choix.
â En plein dans le mille ! sâexclama Ãlisa, souriant à nouveau de son merveilleux sourire.
Le serveur déboucha une bouteille de champagne et, pendant quâil remplissait leurs verres, un autre serveur fit son entrée, un plateau à la main, en disant :
â Pour commencer, nous vous proposons un Most-o-badem-jun13 .
Les deux convives échangèrent un regard satisfait, prirent leurs verres et trinquèrent une nouvelle fois.
à cent mètres environ du restaurant, dans une voiture sombre, deux étranges personnages réglaient un système de surveillance sophistiqué.
â Tâas vu le colonel, comment il la dorlote, la petite poulette ? dit en ricanant lâun dâeux, en surpoids évident, assis sur le siège du conducteur, tout en dévorant un énorme sandwich et en couvrant son ventre et son pantalon de miettes.
â Câétait vraiment une idée géniale dâinsérer un émetteur dans la boucle dâoreille de la dame, répondit lâautre, beaucoup plus mince, avec des grands yeux sombres, en sirotant un café dans un grand verre en carton marron.
â Dâici on peut entendre parfaitement tout ce quâils se disent.
â Tâche de ne pas faire de bêtises et enregistre bien tout, le rappela à lâordre son compagnon, sinon, les boucles dâoreilles, on nous les fera manger au petit déjeuner.
â Ne tâinquiète pas. Je connais très bien ce système, et rien ne nous échappera, même pas un chuchotement.
â Nous devons essayer de comprendre ce que le Professeur a réellement découvert, ajouta le gros. Notre patron a investi un paquet dâargent pour surveiller secrètement ces recherches.
â Et ça nâaura vraiment pas été facile, vu lâimpressionnante sécurité que le colonel a mise en place. Le type mince leva rêveusement le regard vers le ciel, puis ajouta :
â Si on mâavait donné ne serait-ce quâun millième de cette somme, à lâheure quâil est je serais allongé sous un palmier, à Cuba, et mon seul souci serait de choisir entre un Margarita ou un PiÅa colada.
â Et peut-être même que tout un tas de filles en bikini te passeraient de la crème solaire, dit le gros, qui éclata dâun rire bruyant, alors que les secousses de son ventre faisaient tomber une partie des miettes qui sây étaient déjà déposées.
« Cette entrée est délicieuse. » La voix dâÃlisa sortit, légèrement déformée, du petit haut-parleur placé sur le tableau de bord. « Je dois tâavouer que je nâaurais jamais pensé quâun homme si raffiné puisse se cacher derrière cette « façade » de rude militaire.
â Eh bien, merci, Ãlisa. Moi non plus je nâaurais jamais pensé quâun « Professeur » si hautement qualifié puisse, en plus dâêtre belle, être aussi très agréable et sympathique » dit la voix du colonel, un peu déformée elle aussi, mais dâun volume légèrement plus bas.
â Ãcoute comme ils flirtent, sâexclama le gros sur le siège du conducteur. Pour moi, ça va finir au lit.
â Je nâen suis pas si sûr, affirma lâautre. Notre Professeur est vraiment une maligne, et je ne crois pas quâun petit dîner et deux compliments minables suffisent à la faire tomber dans ses bras.
â Dix dollars que ce soir il se la fait, répondit le gros en tendant sa main droite ouverte vers son collègue.
â Ok, ça marche, sâexclama lâautre, serrant la grosse main qui se présentait devant lui.
Vaisseau spatial Théos - Lâobjet mystérieux
L'objet qui se matérialisa devant les deux compagnons de voyage stupéfiés nâétait pas quelque chose que la nature, dans son infinie fantaisie, avait pu créer seule. Ãa ressemblait à une espèce de fleur métallique à trois longs pétales, sans tige, et avec un pistil de forme conique au centre. La partie arrière du pistil avait la forme dâun prisme hexagonal, dâune superficie de base légèrement plus grande que celle du cône qui se trouvait à lâopposé, et qui servait de support pour lâensemble de la structure. Les pétales rectangulaires se déployaient des trois côtés équidistants de lâhexagone, au moins quatre fois plus longs que la base.
â On dirait une espèce de vieux moulin à vent, comme ceux dont on se servait il y a plusieurs siècles, dans les grandes prairies de lâEst, sâexclama Pétri sans quitter un seul instant des yeux lâobjet qui était affiché sur le grand écran.
Un frisson parcourut le dos dâAtzakis, alors quâil se rappelait certains vieux prototypes que les Anciens lui avaient suggéré dâétudier avant son départ.
â Câest une sonde spatiale, affirma-t-il avec conviction. Jâen ai déjà vu dâautres, faites plus ou moins comme celle-là , dans les vieilles archives du Réseau, poursuivit-il, tandis quâil cherchait à récupérer par son N^COM toutes les informations possibles sur le sujet.
â Une sonde spatiale ? demanda Pétri, se tournant vers son compagnon, lâair stupéfié. Et quand lâaurions-nous lancée ?
â Je ne pense pas que ce soit une des nôtres.
â Pas une des nôtres ? Que veux-tu dire, compagnon ?
â Je veux dire que parmi les habitants de la planète Nibiru, personne ne lâa jamais construite, ni lancée.
Pétri prit une expression encore plus éberluée.
â Quâest-ce que ça veut dire ? Tu ne vas pas me dire que tu crois toi aussi à ces bêtises sur les Aliens, non ?
â Ce que je sais, câest que sur notre planète on nâa jamais rien construit de ce genre. Jâai vérifié dans toutes les archives du Réseau, et il nây a rien dâéquivalent à lâobjet que nous avons devant nous. Même pas dans les projets qui nâont jamais été réalisés.
â Ce nâest pas possible ! sâécria Pétri. Ton N^COM doit être déréglé. Regarde mieux.
â Je suis désolé, Pétri. Jâai déjà vérifié deux fois et je suis absolument sûr et certain que ça ne vient pas de chez nous.
Le système de vision à courte portée généra une image tridimensionnelle de lâobjet, en le reconstituant minutieusement dans ses moindres détails. L'hologramme flottait légèrement au milieu de la salle des commandes, suspendu à un demi-mètre environ au-dessus du sol.
Dâun mouvement de sa main droite, Pétri se mit à le faire tourner lentement, scrutant avec attention le moindre détail.
â Il a lâair construit dans un alliage métallique très léger, dit-il. Son ton parfaitement technique nâavait plus rien à voir avec la stupeur qui lâavait initialement envahi.
â Lâalimentation des moteurs doit être fournie par ces trois pétales quâon dirait recouverts dâune espèce de matériau sensible à la lumière solaire. Finalement, il avait commencé à jouer sur les commandes du système.
â Le pistil doit être une sorte dâantenne émettrice-réceptrice, et le « cerveau » de cette chose doit être dans le prisme hexagonal.
Pétri manipulait lâhologramme de plus en plus vite, en le tournant dans tous les sens. à un moment, il sâarrêta et sâexclama :
â Regarde ça. Câest quoi, dâaprès toi ? demanda-t-il en essayant dâagrandir un détail.
Atzakis sâapprocha le plus possible.
â On dirait des symboles.
â Deux symboles, plutôt, le corrigea Pétri, ou mieux un motif et quatre symboles rapprochés.
Par son N^COM, Atzakis continuait à chercher à toute vitesse quelque chose sur le Réseau, mais il ne put absolument rien trouver qui ait ne serait-ce que le plus petit rapport avec ce quâil avait devant lui.
Le motif représentait un rectangle formé de quinze bandes horizontales, alternativement de couleur blanche et rouge, et, dans le coin supérieur gauche, un autre rectangle, bleu, contenant cinquante étoiles à cinq pointes, de couleur blanche. à droite, quatre symboles :
J U N O
â On dirait une espèce dâécriture, tenta Atzakis. Les symboles représentent peut-être les noms de ceux qui ont créé la sonde.
â Ou bien câest son nom, répliqua Pétri. La sonde sâappelle « JUNO » et cette espèce de rectangle coloré, câest le symbole des créateurs.
â Dans tous les cas, ce nâest pas nous qui lâavons construite, proféra Atzakis. Tu penses quâil peut y avoir une quelconque forme de vie à lâintérieur ?
â Je ne crois pas. Pas de celles que nous connaissons, en tous cas. La capsule arrière, qui me semble être le seul endroit où il pourrait y avoir quelque chose, est un espace trop petit pour abriter un être vivant.
Tout en parlant, Pétri avait commencé une scannérisation de la sonde, à la recherche dâun quelconque signe de vie qui aurait pu provenir de lâintérieur. Après quelques instants, une série de symboles apparurent sur lâécran ; il les traduisit pour son compagnon.
â Selon nos senseurs, il nây a rien de « vivant » là -dedans. On ne perçoit pas non plus dâarmes de quelque type que ce soit. Après cette première analyse, je pense pouvoir dire que cette chose est une espèce de système dâexploration envoyé en reconnaissance au beau milieu du système solaire, à la recherche dâon ne sait quoi.
â Ãa pourrait bien être ça, confirma Atzakis, mais la question quâil faut se poser est la suivante : envoyée par qui ?
â Eh bien, supposa Pétri, si nous excluons la présence de mystérieux « Aliens », je pense que seuls tes vieux « amis terriens » sont en mesure de réaliser quelque chose de ce genre.
â Mais quâest-ce que tu racontes ? La dernière fois quâon les a vus, ils savaient à peine monter à cheval. Comment pourraient-ils avoir atteint un tel niveau de connaissance en si peu de temps ? Ce nâest pas rien dâenvoyer une sonde se balader dans lâespace.
â Peu de temps ? répliqua Pétri en le regardant droit dans les yeux. Nâoublie pas que pour eux, 3 600 ans sont pratiquement passés depuis. Considérant que la durée moyenne de leur vie était de cinquante-soixante ans maximum, ça voudrait dire quâune soixantaine de générations au moins se sont succédées. Peut-être quâils sont devenus beaucoup plus intelligents que ce que nous imaginons.
â Et câest peut-être justement pour cette raison -ajouta Atzakis en essayant de compléter la réflexion de son ami- que les Anciens étaient si inquiets pour cette mission. Ils lâavaient prévu, eux, ou du moins, ils avaient pris cette possibilité en considération.
â Ben, ils auraient quand même pu nous en dire deux mots, non ? Jâaurais pu y rester, en voyant ce truc.
â Nous nâen sommes encore quâà des conjectures, dit Atzakis en se frottant le menton entre le pouce et lâindex, mais le raisonnement à lâair de se tenir. Jâessaierai de me mettre en contact avec les Anciens et de leur arracher quelques informations supplémentaires, sâils en ont. Toi pendant ce temps, essaie dâen comprendre un peu plus sur cet engin. Analyse sa trajectoire actuelle, sa vitesse, sa masse, etc., et essaie de faire des hypothèses sur sa destination, le temps depuis lequel il est parti, et les données quâil a recueillies. Bref, je veux avoir le plus dâinformations possible sur ce qui nous attend là -bas.
â Noté, Zak, sâécria Pétri en faisant flotter dans lâair, tout autour de lui, des hologrammes de couleur avec une infinité de chiffres et de formules.
â Ah, et nâoublie pas dâanalyser ce que tu as identifié comme une antenne. Si câétait vraiment ça, elle pourrait être en mesure de transmettre et de recevoir. Je nâaimerais pas que les expéditeurs de la sonde soient déjà informés de notre rencontre.
Sur ces mots, Atzakis se dirigea rapidement vers la cabine H^COM, la seule du vaisseau à être équipée pour les communications longues distances, et qui se trouvait entre les portes dix-huit et dix-neuf des capsules de transport internes. La porte sâouvrit avec son léger sifflement habituel, et Atzakis se glissa dans la cabine exiguë.
Va savoir pourquoi ils lâont faite si petite... se demanda-t-il en essayant de sâinstaller sur le siège, dâun modèle réduit lui aussi, qui était automatiquement descendu. Peut-être quâils voulaient quâon sâen serve le moins possible...
Tandis que la porte se refermait derrière lui, il tapa une série de commandes sur la console devant lui.
Il lui fallut attendre quelques secondes avant que le signal ne se stabilise. Tout dâun coup, dans la lunette holographique, exactement la même que celle quâil avait dans sa chambre, le visage creusé et marqué par lââge de son supérieur Ancien se dessina petit à petit.
â Atzakis, dit lâhomme, en souriant légèrement, tandis quâil levait lentement une main osseuse pour le saluer. Pour quelle raison appelles-tu un pauvre vieux avec tant dâurgence ?
Atzakis nâavait jamais pu savoir avec précision lââge de son supérieur. Personne nâavait le droit dâavoir des informations aussi confidentielles sur un membre des Anciens. Ce qui était sûr, câest quâil avait déjà vu plusieurs révolutions autour du soleil. Malgré cela, ses regards fusaient de droite et de gauche avec une vivacité quâil ne pouvait lui-même égaler.
â Nous avons fait une rencontre assez surprenante, au moins pour nous, attaqua Atzakis en allant droit au but, et en essayant de regarder son interlocuteur droit dans les yeux.
â Nous avons risqué une collision avec un objet étrange, continua-t-il, essayant de cueillir la moindre réaction de lâAncien.
â Un objet ? Explique-toi mieux, mon garçon.
â Pétri est encore en train de lâanalyser, mais nous pensons quâil pourrait sâagir dâune sorte de sonde, et je suis sûr que ce nâest pas une des nôtres.
LâAncien écarquilla les yeux. Il semblait surpris, lui aussi.
â Nous avons trouvé sur la coque des symboles étranges gravés dans une langue inconnue, ajouta-t-il. Je suis en train de tâenvoyer toutes les données.
Le regard de lâAncien sembla se perdre un instant dans le vide, pendant que, par son O^COM, il analysait les informations reçues.
Après un moment interminable, ses yeux fixèrent à nouveau ceux de son interlocuteur, et dâune voix sans émotion, il dit :
â Je vais immédiatement convoquer le Conseil des Anciens. Tout laisse penser que vos premières déductions sont correctes. Sâil en était vraiment ainsi, il faudrait revoir nos plans immédiatement.
â Nous attendons de vos nouvelles. Et, sur ces mots, Atzakis coupa la communication.
Nassiriya - Le dîner
Le colonel et Ãlisa en étaient déjà à leur troisième coupe de champagne, et lâatmosphère était nettement plus détendue.
â Jack, je dois avouer que ce Masgouf est divin. On ne pourra jamais le finir, il est énorme.
â Câest vrai, il est vraiment excellent. Il faudra féliciter le chef.
â Il faudrait peut-être que je lâépouse, comme ça, il pourrait cuisiner pour moi, dit Ãlisa en riant de façon un peu exagérée. Lâalcool commençait à faire son effet.
â Et non, quâil attende son tour. Jâétais là avant. Il lança sa boutade, espérant quâelle ne serait pas trop déplacée. Ãlisa fit mine de rien, et continua à grignoter son esturgeon.
â Tu nâes pas marié, pas vrai ?
â Non, je nâen ai jamais eu le temps.
â Câest une vieille excuse, dit-elle en le regardant malicieusement.
â En fait, une fois, jâai été tout près de le faire, mais la vie militaire nâest pas vraiment adaptée au mariage. Et toi ? ajouta-t-il en coupant court à un sujet qui semblait encore le faire souffrir. Tu ne tâes jamais mariée ?
â Tu plaisantes ? Qui donc pourrait supporter dâavoir une femme qui passe la plus grande partie de son temps à voyager autour du monde pour creuser sous terre comme une taupe et sâamuser à profaner des tombes plurimillénaires ?
â Oui, déclara Jack en souriant amèrement, de toute évidence, nous ne sommes pas faits pour le mariage. Et, levant son verre, il proposa un mélancolique :
â Alors, buvons.
Heureusement, le serveur arriva, interrompant ce moment de tristesse passagère, et apportant encore un peu de Samoons14 qui sortait tout juste du four.
Profitant de cette interruption, Jack essaya de chasser rapidement un tas de souvenirs qui avaient refait surface. Câétait du passé. En ce moment, il avait une femme magnifique à ses côtés, et il ne devait se concentrer que sur elle. Ce nâétait pas très difficile.
La musique dâambiance qui les enveloppait doucement était idéale. Ãclairée par les trois bougies placées au milieu de la table, Ãlisa était superbe. Ses cheveux avaient des reflets dâor et de cuivre, et sa peau était lisse et bronzée. Ses yeux pénétrants étaient dâun vert profond. Ses lèvres souples sâessayaient à séparer un morceau dâesturgeon de lâarête quâelle tenait entre ses doigts. Elle était si sexy.
Le moment de faiblesse du colonel ne lui avait pas échappé. Elle posa lâarête sur le bord de lâassiette, et, avec une insouciance apparente, se suça lâindex, puis le pouce. Elle baissa légèrement la tête et le regarda si intensément que Jack crut que son cÅur sautait hors de sa poitrine pour finir directement dans son assiette.
Se rendant compte quâil nâavait plus le contrôle de la situation, et encore moins de lui-même, le colonel essaya immédiatement de se reprendre. Il était un peu trop grand pour jouer les adolescents transis, mais cette femme avait quelque chose qui lâattirait terriblement.
Il respira profondément, frotta son visage de ses mains, puis dit :
â Que dirais-tu de faire un sort à ce dernier petit morceau ?
Elle sourit, prit délicatement entre ses doigts le morceau dâesturgeon qui restait, se souleva légèrement de sa chaise en se penchant vers lui, et le lui approcha de la bouche. Dans cette position, son décolleté mit en évidence sa poitrine opulente. Jack, visiblement gêné, ne fit quâune bouchée, sans pourtant réussir à éviter de toucher des lèvres les doigts de la jeune femme. Son excitation croissait de plus en plus. Ãlisa jouait au chat et à la souris avec lui, et il nâarrivait pas à lui résister.
Ensuite, avec un air de jeune fille innocente, Ãlisa se rassit confortablement à sa place, comme sâil ne sâétait rien passé, et fit signe au serveur grand et mince, qui sâapprocha rapidement.
â Je dirais que câest lâheure dâun bon thé à la cardamome. Quâen dis-tu, Jack ?
Lui, qui ne sâétait pas encore repris, balbutia quelque chose comme :
â Eh bien oui, dâaccord. Et, ajustant sa veste, il ajouta, pour essayer de se donner une contenance :
â Il me semble que câest très bon pour la digestion.
Il se rendait bien compte dâavoir dit une banalité, mais à ce moment précis, il nâavait rien trouvé de mieux à dire.
â Tout est vraiment très agréable, Jack, câest une soirée merveilleuse, mais nâoublions pas la raison pour laquelle nous nous trouvons ici ce soir. Tu te souviens que je dois te faire voir quelque chose ?
En cet instant, le colonel pensait à tout, sauf au travail. Elle avait raison, pourtant. Il y avait beaucoup plus en jeu quâun stupide flirt. Mais le fait est que pour lui, ce flirt nâétait absolument pas stupide.
â Bien sûr, répondit-il en cherchant à reprendre ses manières autoritaires. Je suis impatient de savoir ce que tu as découvert.
Le gros qui, dans la voiture toute proche, écoutait tout, sâécria :
â Quelle petite salope ! Les femmes, toutes les mêmes. Au début, elles te laissent y croire, elles te font toucher le ciel, et puis elles te laissent tomber comme si de rien nâétait.
â Je crois que tes dix dollars seront bientôt dans ma poche, dit le maigre, et un rire gras suivit lâaffirmation.
â En fait je me fiche complètement de savoir avec qui couche notre Professeur. Nâoublie pas que nous ne sommes ici que pour découvrir tout ce quâelle sait. Et, tout en essayant de mieux sâinstaller sur son siège, car son dos commençait à lui faire mal, il ajouta :
â Nous aurions dû trouver le moyen de mettre aussi une bonne petite caméra vidéo dans ce resto pourri.
â Câest ça, sous la table, comme ça tu aurais pu lui voir les cuisses.
â Crétin. Mais qui est le con qui tâas choisi pour cette mission ?
â Notre chef, mon cher. Et je te conseillerais dâéviter de lâinsulter, vu que lui aussi sait très bien comment placer des micros. Et je pense quâil nâaurait eu aucune difficulté à en mettre un dans cette voiture.
Le gros tressaillit et crut un instant que son cÅur sâétait arrêté. Il essayait de faire carrière, et insulter son supérieur direct nâétait sûrement pas la meilleure façon de gravir les échelons.
â Arrête de dire des conneries, dit-il, en essayant de redevenir sérieux et professionnel. Pense à bien faire ton boulot et faisons en sorte de rentrer à la base avec quelque chose de concret.
Sur ces mots, il se mit à fixer un point indéfini dans lâobscurité de la nuit, au-delà du pare-brise légèrement embué.
Ãlisa sortit son inséparable tablette de son sac à main, la posa sur la table et fit défiler des photos. Le colonel, intrigué, allongea le cou pour essayer de voir quelque chose, mais il était mal placé. Après avoir trouvé ce quâelle cherchait, Ãlisa se leva et sâassit sur la chaise à côté de lui.
â Alors, commença-t-elle, installe-toi bien, parce que lâhistoire est longue. Jâessaierai de résumer le plus possible.
Faisant rapidement glisser son index sur lâécran digital, elle afficha la photo dâune tablette gravée avec dâétranges dessins et des caractères cunéiformes.
â Il sâagit de la photo dâune des tablettes qui ont été retrouvées dans la tombe du roi Beaudoin II de Jérusalem, poursuivit Ãlisa, dont on suppose quâil a été le premier, en 1119, à avoir ouvert la caverne de Makpéla, dite aussi Tombeau des Patriarches, là où sont censés avoir été enterrés Abraham et ses deux fils Isaac et Jacob. Ces tombes se trouveraient au sous-sol de ce qui sâappelle aujourdâhui Mosquée ou Sanctuaire dâAbraham à Hébron, en Cisjordanie. Et elle lui montra une photo de la mosquée.
â à lâintérieur des tombes, continua-t-elle, le roi aurait trouvé, outre de nombreux objets de nature diverse, une série de tablettes qui auraient appartenu à Abraham. On pense même quâelles auraient pu être une sorte de journal quâil aurait tenu, et sur lequel il aurait noté les moments les plus importants de sa vie.
â Une sorte de « carnet de voyage », essaya de déduire Jack, espérant faire bonne impression.
â Oui, en un certain sens, si on considère quâil en a fait pas mal, de route, pour lâépoque.
Faisant glisser une autre photo, Ãlisa continua son exposé.
â Les plus grands experts de cette langue et des modalités de représentation graphique de cette époque ont essayé de traduire ce qui est gravé sur cette tablette. Naturellement, les avis sont assez discordants sur certaines parties, mais tous ont convenu que ceci -elle agrandit un détail de la photo- pourrait être la traduction de « vase » ou « amphore des Dieux ». Ensuite on trouve les mots « sépulture », « secret » et « protection », eux aussi assez clairs.