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Incandescence
Il avait tellement alimenté le brasier qu'il savait qu'il n'y aurait bientôt plus rien à brûler. Il avait fait cela pour deux raisons. La première était qu'il avait pitié des humains qui sacrifiaient leur vie au quotidien à jouer avec le feu, et la deuxième, qu'il devait détruire toutes les preuves que ces derniers n'avaient aucun besoin de trouver... incluant les cadavres à autopsier ou les os à analyser.
« On dirait que ça se calme, dit Chad en s'approchant de Zachary. Je suis étonné de ne pas voir Trevor ici.
â Oh il était là , répondit Zachary avec un petit sourire ironique. La dernière fois que je l'ai vu, il tirait ta sÅur de ce guêpier pour que je puisse faire sauter l'endroit.
â Quoi ! hurla Chad, avant de se pencher plus près sur son coéquipier afin que personne ne puisse l'entendre. Je suis là depuis une putain d'heure et tu te pointes tranquillement maintenant pour me dire que ma sÅur a failli se faire tuer ce soir ?
â La balle n'a fait que l'effleurer, répliqua Zachary, qui adorait bizuter le petit nouveau. Il se sentit un peu coupable lorsque le visage de Chad perdit toutes ses couleurs. Calme-toi, elle va bien, ajouta-t-il.
â Espèce de connard, lui lança Chad sans le moindre remord.
â J'ai connu pire, rétorqua Zachary avec un haussement d'épaules. Mais pour le moment, tu peux m'appeler patron. J'ai récupéré rapidement ton dossier donc c'est déjà une affaire conclue. Tu ne travailles plus pour le département de la police. Ils travaillent pour toi et tu travailles pour la CIA, selon eux. Et cette affaire va sous la juridiction de la CIA puisque c'était un coup de la mafia.
â Alors qu'est-ce que je suis censé faire, maintenant ? demanda Chad, qui se sentait un peu perdu et s'interrogeait sur la façon dont il pouvait mettre une raclée à un jaguar pour avoir de nouveau exposé sa sÅur au danger.
â Savoure ta promotion parce que je te laisse gérer tout ça pour la nuit, répondit Zachary en lui tapotant l'épaule, avant d'ouvrir la portière de la voiture et de se glisser à l'intérieur de celle-ci.
Il compta jusqu'Ã trois avant que Chad ne tape sur sa vitre. En la faisant descendre, il haussa un sourcil.
â Qu'est-ce que je leur dis ? interrogea Chad.
â C'est là tout le génie de la chose. Tu n'as pas le droit de donner la moindre information, actuellement. »
Zachary éclata de rire avant de remonter sa vitre, et de rire encore lorsque Chad donna un coup de pied dans son pneu quand lui passa devant.
Son hilarité s'évanouit une fois seul avec ses pensées. Il savait que la plupart des loups de la meute était inoffensifs, et s'étaient seulement retrouvés sous le joug de leur alpha, mais concernant les autres, ils voudraient venger la mort d'Anthony Valachi. Certains désigneraient les sauveurs de Micah, mais d'autres pointeraient Steven du doigt, ainsi que la fiancée parjure. Dans les deux cas, ces désirs de vengeance mettraient le Night Light sur la liste des mafieux de la ville qui opéraient encore.
Sortant son portable, Zachary passa un coup de fil au membre de l'E.E.P. qu'il avait mis sous couverture au sein de la partie la plus dangereuse de la meute des loups-garous. Si ce qu'il pensait était juste et qu'il se préparait quelque chose, il serait avisé d'aller au Night Light et d'envoyer une ou deux menaces de mort, histoire de garder les couguars en mode alerte rouge, ou mieux encore... de les pousser à fermer le night-club pendant un bon bout de temps.
*****
Angelica contemplait la ville par la fenêtre, pensant au cauchemar qui l'avait réveillée. Voir toutes ces lumières et cette vie qui animaient la ville même en plein cÅur de la nuit la réconfortait et il lui était difficile d'en détourner les yeux.
Elle n'avait encore jamais fait de cauchemar, jusqu'ici⦠pas un seul rêve, et c'était là ce qui la perturbait le plus. Elle frotta la marque toujours imprimée sur la paume de sa main, la rendant responsable de son cauchemar. Elle était si profondément plongée dans ses idées noires que lorsque la porte claqua derrière elle, elle faillit sauter au plafond.
Zachary avait ouvert doucement la porte, juste au cas où Angelica dormait. Quand il l'avait vue debout, perdue dans ses rêveries, il n'avait pu résister à la tentation et l'avait claquée brutalement. Sa réaction était encore meilleure que ce qu'il avait espéré.
« Si j'avais été un démon, tu te serais fait mordre, dit-il en souriant malicieusement avant de baisser les yeux sur le poignard qu'elle serrait si fort dans son poing que ses jointures avaient blanchi. Ou peut-être pas, rectifia-t-il d'un air préoccupé. Qu'est-ce qui a secoué ta cage ?
â Des cauchemars, dit Angelica avec honnêteté, en relâchant sa prise.
Inutile de mentir là -dessus... enfin, pas à lui. Elle inspira profondément et essaya de détendre ses épaules, avant de froncer le nez.
â Tu sens le toast brûlé.
â Envie de me gratter le dos ? la taquina Zachary en agitant les sourcils alors qu'il se dirigeait vers la salle de bain.
Angelica regarda par la fenêtre une fois encore avant de s'en éloigner. En entendant la douche, elle s'assit dans la causeuse et saisit son carnet de notes à côté de l'ordinateur avant de se mettre à dessiner l'homme qu'elle avait vu dans la chambre sous le cimetière. Puisqu'il était celui qui l'avait marquée, le cauchemar devait être également son Åuvre. Elle commença par dessiner ses yeux et adoucit ses coups de crayon alors que le visage prenait forme sur le papier.
Zachary sortit de la salle de bain embuée en se séchant les cheveux avec une serviette. S'avançant derrière Angelica, il baissa les yeux sur le portrait de l'homme qu'il avait vu avec elle dans la caverne. Il regarda la façon délicate dont elle arrangeait les longs cheveux sombres de cet homme... comme si le vent continuait de souffler tout autour. Pour un démon, il était évident qu'elle le trouvait beau.
â Tu sens meilleur, commenta Angelica en levant le regard sur lui. Tapotant le dessin, elle demanda : Pourrait-on nous mettre en contact avec Dean pour que je lui montre ce dessin ?
â Je l'ai entrevu ce soir à la demeure du loup-garou alpha. Mais étant donné qu'il semble être un vrai courant d'air, il serait plus judicieux de montrer ce dessin à Kane, suggéra Zachary en sautant sur le dossier de la causeuse pour s'asseoir à côté d'elle, avant de lui prendre le dessin des mains et de l'étudier. Kane dit que Misery est une femme, ajouta-t-il.
â C'est bien ce qui me fait peur, soupira Angelica. Si ce n'est pas le même démon qu'ils ont libéré de la caverne⦠alors je crains que Misery ne soit pas le seul démon qui hante cette ville.
â Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Demanda Zachary.
Au lieu de lui répondre, Angelica fit la seule chose qu'elle pensait ne jamais faire un jour. Se tournant d'un côté sur le coussin, elle s'approcha de Zachary et se pencha vers lui. Lorsque Zachary tenta immédiatement de l'embrasser, elle pencha la tête pour que son baiser atterrisse sur son front. Puis elle laissa le rêve affleurer à la surface de sa mémoire.
Zachary broncha alors que l'histoire changeait et qu'il se retrouvait au beau milieu de son cauchemar. Lorsque les images tremblantes s'effacèrent et qu'Angelica s'écarta doucement de lui, Zachary ouvrit les yeux et chuchota :
â Waouh⦠c'était un rêve bien agité.
Angelica acquiesça.
â Ouais, surtout pour quelqu'un qui n'a jamais rêvé, pas même une fois de toute sa vie. »
*****
Kriss avait cherché aux endroits où il imaginait trouver un ange déchu terrifié et emprisonné pendant longtemps, avant de penser à l'endroit où il aurait pu se cacher. Ce n'était pas exactement le déchu anonyme qu'il était occupé à chercher... mais Dean. Après s'être épuisé à chercher dans toutes les églises et petits coins de la ville que le mal avait épargné, il réalisa qu'il cherchait sûrement au mauvais endroit. Ce n'était pas comme s'il ne connaissait pas intimement sa proie.
Allant d'un bout à l'autre de la ville, Kriss finit par se diriger vers le cÅur de la ville. En quelques heures, il fut récompensé : il entrevit la créature qui courait sur les toits et bondissait d'un immeuble à un autre.
Le suivant à distance, Kriss vit la silhouette lumineuse du déchu de même que ses ailes d'un blanc de neige invisibles à lâÅil humain, mais pas au sien. Il pencha la tête sur le côté lorsque le déchu hasarda un regard par-dessus son épaule, comme s'il sentait qu'il était suivi.
Lorsque le déchu tourna son attention sur les rues en-dessous, Kriss eut la sensation qu'il n'était pas le seul à être en chasse ce soir-là .
« Mais qui est-ce que tu cherches ? » murmura Kriss entre ses dents en continuant de le suivre sur plusieurs autres pâtés de maisons.
Tournant à un angle de rue à sa suite, Kriss s'arrêta net lorsqu'il vit l'autre homme s'immobiliser tout à coup sur la corniche de l'immeuble... et lui faire face. Ce furent sa posture agressive et le regard féroce que lui jetèrent ses yeux argentés qui fit s'arrêter Kriss.
Pendant un instant, aucun des deux anges ne bougea. Kriss profita de ce moment pour concentrer ses pouvoirs sur l'autre et scruter son âme. Alors que l'image de son âme se précisait, Kriss s'attendit à voir le chatoiement argenté d'un sang pur, mais à sa grande surprise, il réalisa que l'âme de ce déchu était souillée. Il écarquilla les yeux, comprenant soudain que cet ange déchu était un hybride.
Ainsi, c'était cela qu'il avait perçu lorsque la créature avait surgi de l'église. Kriss tenta de déterminer si cet hybride était aussi maléfique que l'authentique démon avec lequel il avait partagé sa captivité. Il sentit que quelqu'un le bousculait et que sa vision était refoulée, et Kriss cligna des yeux. La seule autre personne qu'il ait jamais croisée et qui pouvait l'empêcher de lire dans son âme, c'était Dean.
Inspirant profondément avant d'expirer, Kriss décida qu'il n'y avait qu'un seul autre moyen de le découvrir. Au moment même où il s'avançait vers le déchu, celui-ci lui fit un sourire qui n'avait rien d'amical puis recula d'un pas, disparaissant de sa vue quand il se laissa tomber du toit.
Reconnaissant une invitation quand il en voyait une, Kriss poussa un grognement et dans un réflexe rapide, il fit le saut de l'ange par-dessus le toit en guise de poursuite. Avant qu'il n'atterrisse sur le bitume quatre étages plus bas, quelque chose lui rentra dans le flanc et il sentit des bras se refermer autour de lui.
« Non, siffla Dean en plaquant Kriss dans sa chute.
â Je croyais que tu voulais le retrouver et l'attraper, hurla Kriss, soudain pris de colère.
Il avait cherché Dean pendant des jours et savoir que Dean était manifestement assez proche de lui pour réaliser sa présence, sans être sorti de sa cachette pour autant, le mettait hors de lui.
â Ce n'est pas un lapin, le rembarra Dean alors qu'ils changeaient de direction et redescendaient sur le toit de l'immeuble. De plus, je l'observe depuis un moment, aimerais-tu savoir ce qu'il fait ?
â Quoi ? interrogea Kriss en fronçant les sourcils.
Dean s'écarta aussitôt de lui pour mettre de la distance entre eux.
â Il traque Misery, le démon qui l'a piégé dans la caverne.
C'est à cet instant précis que les nuages au-dessus d'eux s'écartèrent, permettant au clair de lune de les caresser de ses rayons et de créer des ombres mouvantes sur le toit, révélant au passage leur véritable nature. Dean dut détourner les yeux de la perfection qu'incarnait Kriss... il devait toujours détourner les yeux.
â Bon, peut-être qu'il nous laissera l'aider à se venger, suggéra Kriss. Ãa fait longtemps, mais ensemble, nous pourrons sûrement lui faire mordre la poussière.
â J'en doute, répondit Dean en dirigeant son regard vers l'endroit où l'autre déchu avait disparu. Chaque fois que je me rapproche de lui, je peux sentir l'ampleur de sa haine et de sa peur.
Kriss tourna les yeux dans la même direction, connaissant enfin la vérité.
â Peut-être a-t-il une bonne raison de nous craindre.
Il faillit mentionner le fait qu'il s'agissait d'un hybride... et non d'un ange au sang pur, mais Dean le coupa.
â Cela ne fait rien parce qu'il ne nous fait pas confiance.
Dean recula jusqu'au bord du toit et baissa les yeux sur la ville.
Il savait que Kriss pensait avoir tout découvert. Ainsi ce déchu n'était pas de sang pur... il n'en était pas loin et c'était ce qui comptait. Dean avait lu dans son âme à plusieurs reprises ces derniers jours, et le mal qui d'ordinaire marquait de son fer plus d'hybrides que de démons n'y apparaissait pas. D'après Dean, cette absence de mal chez le déchu en question en faisait l'un d'entre eux. D'un autre côté... peut-être était-il temps de rappeler à Kriss ce petit fait historique.
â Il tient bien plus du sang pur que de l'hybride, tu sais. Son âme est différente de la nôtre, mais le mal n'y réside pas... en ce moment, son âme est emplie de crainte, de défiance et de regret. J'espère que tu n'as pas changé au point de ne pas voir le bien en lui.
Il savait que Kriss n'avait jamais chassé des hybrides par malice et ne les avait jamais détruits sans avoir une bonne raison de le faire. Kriss avait été l'un des derniers déchus envoyés ici-bas, bien après que les guerres de démons se soient terminées... bannis dans ce monde pour se débarrasser de certains mâles de la population. Kriss ne le savait pas, mais Dean était bien plus âgé que cela.
Dean avait figuré comme l'un des meneurs de la rébellion qui avait mit fin à la guerre des démons... allant même jusqu'à envoyer certains anges au sang pur dans les enfers pour accomplir leur massacre démentiel des hybrides non démoniaques. Certaines choses représentaient un péché⦠peu importait la façon dont on les voyait.
Kriss eut un flash-back du moment où il voulait tuer Kane avant de découvrir une âme dévastée mais étrangement pure. Il n'avait jamais vu une telle curiosité. Si Kane avait été humain ou démon, avec une telle âme endommagée... il aurait été le Mal à l'état pur. Il devrait être le Mal à l'état pur. Cela le fit se demander si Dean avait raison... que peut-être il avait perdu sa capacité à jouer les juges et les jurés.
Vivre parmi les hommes aussi longtemps lui avait appris que les meilleures intentions étaient elles aussi à double tranchant. Il en avait conclu depuis longtemps que la mort s'appliquait pour la seule véritable forme de Mal et de laisser faire le reste.
â Combien de temps as-tu l'intention de le suivre ? interrogea Kriss avec curiosité.
â Jusqu'à ce qu'il comprenne que je ne suis pas une menace pour lui, répondit mystérieusement Dean.
Kriss pencha la tête et regarda Dean, remarquant que plusieurs balles avaient troué ses vêtements.
â Mais qu'est-ce que tu as fait ? Je sens sur toi une odeur de fumée et ce ne sont sûrement pas des mites qui ont troué tes vêtements.
â Laisse-moi te demander une chose, repartit Dean sans regarder Kriss. Es-tu vraiment ici pour moi ? Ou est-ce qu'il te fallait une petite distraction pour éviter soigneusement de te confronter à tes sentiments pour Tabatha ?
Kriss tendit la main vers Dean, lui saisit le bras et le força à se retourner pour lui faire face.
â Pourquoi faut-il toujours lutter avec toi ? demanda-t-il.
Dean retira son bras de la main de Kriss.
â Peut-être parce que je peux lire dans ton âme, là où tu ne vois rien. »
Kriss détourna les yeux et lorsqu'il les reposa sur l'endroit où se trouvait Dean, ce dernier avait disparu.
*****
Kane ouvrit doucement la fenêtre de la chambre de Tabatha et y passa la tête. Il l'avait observée à travers les fenêtres mais sentir son agitation ne lui convenait pas, et le fait qu'il ne pouvait lire dans ses pensées le rendait fou. Ne lui parvenait que les murmures étouffés des pensées de la jeune femme.
Il leva les yeux vers le plafond, se demandant qui avait eu l'idée brillante de faire dâelle la seule personne qu'il ne pouvait écouter quand il n'y avait qu'elle qu'il voulait sincèrement entendre. Kane resta blotti dans les ténèbres, s'adossant contre le chambranle de la porte de sa chambre ouverte, et l'observa lorsqu'elle s'éloigna du sofa pour atteindre l'objet qu'elle avait choisi pour se détendre.
Tabatha baissa le volume de la radio. Elle avait pensé qu'un bruit de fond l'aiderait à oublier cette impression de vide dans l'appartement, mais cela ne faisait que l'agacer. Son colocataire lui manquait.
Kriss avait déjà disparu pendant des semaines une fois, et elle savait qu'il pouvait se gérer tout seul, mais cela n'avait jamais cessé de l'inquiéter. Ce démon, et sa peau frissonna à ce souvenir, ce démon avait réussi à piéger Dean, même si cela n'avait duré qu'une ou deux heures. Il lui était difficile de s'avouer qu'il existait au-dehors des créatures capables de blesser Kriss.
Elle passa sa main sur son épaule puis sur sa poitrine, là où elle avait été touchée, ne sentant sous ses doigts rien d'autre qu'une peau douce et sans défaut. Elle repensa à sa ruse lorsqu'elle avait fait croire à Kane qu'il l'avait hypnotisée... elle était tombée dans son propre piège. Cependant, il lui avait ordonné de ne pas se rappeler d'avoir vu Misery... et elle s'en souvenait encore. Portant lentement ses doigts à ses lèvres, elle les effleura en priant pour se rappeler ce que Kane lui avait fait exactement.
Peut-être qu'elle avait été fascinée tout ce temps, mais pour une raison qui lui échappait, elle ne s'en rappelait qu'une partie. Il lui avait dit qu'il veillait sur elle... qu'il la surveillait. Tabatha sentit se dresser les petits cheveux sur sa nuque et la pièce lui parut rétrécir.
Retirant ses doigts de ses lèvres, elle chuchota :
« Kane, es-tu là ?
Kane agrippa le chambranle pour s'empêcher d'avancer vers elle, mais aucune force sur terre ne put l'empêcher de répondre :
â Oui.
Sa voix était hantée, ce qui poussa Tabatha à pivoter sur elle-même pour le chercher des yeux. Elle fut partagée entre la déception et la peur quand elle ne le vit pas derrière elle, comme elle s'y attendait.
â Suis-je donc si méchante pour que tu te caches de ma vue ?
Sa respiration s'accélérait sensiblement, et elle se demanda secrètement si elle jouait avec le feu.
Kane laissa la pénombre se disperser autour de sa silhouette, sans la quitter des yeux, lorsque le regard de la jeune femme tomba sur lui.
â Peut-être est-ce moi, le méchant dans l'histoire.
Tabatha déglutit. Il lui semblait un peu hostile, avec sa silhouette qui se découpait sur le seuil de sa porte... elle devait bien l'admettre.
â Peut-être que tu ne te sentirais pas si diabolique si tu avais toqué à la porte d'entrée, rétorqua-t-elle, curieuse de savoir depuis combien de temps il était dans l'appartement.
Sentant que ses genoux tremblaient un peu, elle se retourna et se força à rejoindre le sofa d'une démarche nonchalante pour s'y asseoir.
â M'aurais-tu invité à entrer ? demanda Kane avec curiosité en pénétrant dans la pièce.
Il remarqua la manière dont elle se retourna et remonta les pieds sur le canapé, les ramenant contre son corps en se laissant aller contre l'accoudoir rembourré du sofa.
â Je n'en suis pas sûre, répondit Tabatha. Est-ce la première fois que tu viens ici ?
â Non, avoua Kane, ne prenant pas la peine de lui mentir.
Pourquoi mentir quand il pouvait simplement lui faire oublier sa présence ?
â Alors je t'invite à entrer. Assis-toi, offrit-elle en désignant l'autre extrémité du sofa.
S'il était là pour lui faire du mal, alors ce serait déjà fait... n'est-ce-pas ? Elle regarda la façon dont il ralentissait ses mouvements en sâexécutant. C'était un mensonge... elle avait bien vu la vitesse avec laquelle il se déplaçait quand il le voulait. Il prenait garde à ne pas l'effrayer et ce détail la rendait encore plus nerveuse.
Kane haussa un sourcil interrogateur.
â Alors c'est comme ça que tu traites tes harceleurs ? demanda-t-il avec tout son sérieux. Tu les invites à prendre le thé et des petits gâteaux ?
Tabatha secoua la tête.
â Je ne bois pas de thé et je déteste les muffins. Je préfère un café et un bagel.
Kane lui fit un sourire triste.
â Comment peux-tu être sûre que je ne te ferai rien ?
â Si tu venais me faire du mal, tu l'aurais déjà fait, répondit Tabatha, exprimant tout haut ce qu'elle avait pensé quelques instants auparavant.
Après réflexion, elle s'empressa d'ajouter :
â Même si j'ai tendance à avoir des ennuis quand tu es dans les parages.
Kane se crispa en son for intérieur à ces paroles, en s'installant enfin à l'endroit qu'elle lui avait désigné à l'autre bout du canapé, puis se tourna vers elle et s'adossa contre l'accoudoir opposé. Il ramena sa jambe droite contre lui, genou plié, assis à l'indienne avec un bras replié sur le ventre.
â Alors dis-moi ma belle, pourquoi m'as-tu invité à entrer ici ? interrogea-t-il.
â Pourquoi es-tu là ? retourna Tabatha au lieu de répondre à sa question.
Kane sourit avec malice.
â Tu devrais savoir que c'est impoli de répondre à une question par une autre.
Tabatha fut momentanément décontenancée par la façon dont son sourire moqueur altérait légèrement les traits de son visage, le faisant paraître aussi menaçant et séducteur qu'elle s'imaginait qu'il était.
â C'est possible, répondit pensivement Tabatha. Mais c'est moi que tu surveilles, et je veux comprendre pourquoi.
Kane haussa les épaules.
â Parce que j'en ai envie.
Tabatha leva un regard irrité sur lui.
â Parce que tu en as envie ?
Kane pencha la tête sur le côté.
â Pourquoi un vampire ferait quelque chose ?
Tabatha ouvrit la bouche, la referma, et l'ouvrit encore, incapable d'articuler un son.
â Parce qu'il en a envie, répondit Kane à sa place.
Tabatha soupira.
â Ãcoute, si tu ne veux pas me dire la vérité alors je ne peux pas t'y forcer. Mais, si nous devons devenir amis, il faut que nous partagions au moins une vérité l'un avec l'autre.
Kane haussa les sourcils et sourit franchement.
â Ah, donc nous jouons à « Action ou Vérité », maintenant ?
Tabatha rougit en se remémorant les quelques occasions où elle avait joué à ce jeu au lycée... un souvenir plutôt embarrassant.
â Sans inclure « Action » et en répondant le premier, chuchota-t-elle.
Kane hocha la tête.
â Très bien. Puisque je suis celui qui te suit, nous jouerons selon tes règles.
Tabatha sentit un frisson lui parcourir l'échine devant sa facilité à reconnaître qu'il la surveillait vraiment.
â Pourquoi Kriss ne t'aime pas ? Il ne m'a pas dit pourquoi.
â Parce que tu ne lui appartiens pas, répondit Kane un peu trop vite.
â C'est une réponse, ça ? releva Tabatha.
â C'est ton tour, indiqua Kane.
Tabatha grommela.
â Bon, fit-elle avant de se crisper, car elle ne savait pas à quoi s'attendre de sa part.
â Aimes-tu les chiens ?
Tabatha cilla. Cette question n'était pas du tout prévisible. Elle se détendit et sourit affectueusement.
â Je les adore. Quand j'étais petite, nous avions un petit Yorkshire mais il s'est enfui. Je ne m'en suis jamais vraiment remise, en fait⦠Parfois, il me manque encore.
Kane lui retourna un sourire de son cru, un de ceux qui montaient lentement sur les lèvres, alors que leurs regards se croisaient.