bannerbanner
La Pire Espèce
La Pire Espèce

Полная версия

La Pire Espèce

Язык: Французский
Год издания: 2019
Добавлена:
Настройки чтения
Размер шрифта
Высота строк
Поля
На страницу:
4 из 7

Il médite sur le fait de sniffer le reste de la coke, pour rendre plus amusant le lendemain de cuite, mais finalement il décide qu’il en a trop peu, et que c’est mieux de la garder pour une autre soirée.

Il laisse glisser le téléphone sur le lit. Il reste quelques minutes à moitié endormi. Puis, une pensée lui traverse l’esprit, le réveillant complètement : ils l’ont jeté dehors.

Surexcités, lui et les filles ont foutu un peu le bordel, et dans le petit coin, il y avait une foule si dense que les mecs de la sécurité les ont chassés, menaçant d’appeler la police.

[Vidéo numéro 77. 03 : 02]

Après quoi, complètement bourrés, ils sont allés dans la boîte d’à côté pour poursuivre ce qu’ils avaient commencé. Puis, les filles ont disparu. Ou elles ont trouvé d’autres garçons. Ça, il ne le sait pas. Il sait qu’il s’est écroulé et que le propriétaire l’a réveillé au moment de la fermeture.

Sorti de là, il est resté une demi-heure sur le trottoir, à rire de l’enseigne de la boîte. Nom de Dieu, il avait passé les dernières heures dans un bar gay.

Le trajet jusqu’à la maison est un trou noir total. Il ne saurait même pas dire s’il l’a fait à pied ou en voiture. Il devrait se lever pour aller voir dans le garage... La veille au soir, il avait laissé la voiture... devant la boîte ? Ou le parking était plein ? Ou il l’a abandonnée au milieu de la route ? Il l’a offerte à un inconnu ?

Trou noir.

Il récupère le téléphone et fait un numéro. À la troisième sonnerie, une voix répond.

« Tu connais une technique pour retrouver la mémoire ? » demande-t-il.

« Tu t’es complètement ramolli le cerveau ? » répond Keira.

EXPLORATION

MERCREDI 13 MARS.

NATIONALE 77, À 59 MILLES DU DÉSERT DE MOJAVE, CALIFORNIE.

“ Celui qui veut vivre doit lutter. Celui qui ne veut pas se battre dans ce monde de lutte éternelle ne mérite pas de vivre ”

Adolf Hitler

Il veut le faire tout seul.

C’est une tâche simple, qui l’apaise. Une routine pacificatrice.

Il reprend la fourgonnette et ses principes de précautions évidentes.

La fourgonnette, il la considère déjà comme une amie. C’est dans ses habitudes de s’attacher aux choses, plus qu’aux personnes. Les choses ne trahissent pas. Elles ne gênent pas. Elles ne déclenchent pas de démangeaisons nerveuses, à l’inverse des hommes qui savent souvent les provoquer.

Oui, la fourgonnette est un animal docile qu’il sera dommage de tuer à la fin du voyage. Tant pis. Il y aura sans aucun doute d’autres, savoureuses, consolations.

Il roule sur l’asphalte lisse, sur la route plate et linéaire, se permettant un instant de se perdre dans ses pensées, dans le paysage décharné.

Le paysage colle bien. Au fur et à mesure qu’il avance, la civilisation se fait moins importante et la nature prend racine. Une nature aride, hostile. Le vide, dans un monde surpeuplé, est une perle rare et précieuse. Une perle qui peut devenir un excellent outil. Une perle à conquérir et à exploiter.

Il a le sentiment d’être sur la bonne voie. Non pas celle correcte, indiquée sur la carte. Celle qui est juste pour eux. Pour l’action.

Il poursuit. Calme et lucide.

Sans s’arrêter, il contrôle les indications aux alentours. L’objectif est à l’horizon. Un point unique et sombre.

Il réduit sa vitesse. Il fait durer l’attente.

Il ne veut pas se laisser ronger par l’impatience. Il la contrôle.

Il n’y a aucun arbre, ni le long de la chaussée, ni à des milles à la ronde. Il se gare à une certaine distance. Sa présence peut être vue, de loin, mais aucune cible et aucun visage ne peuvent être mémorisés, reconnus.

Il défait la ceinture de sécurité et s’installe confortablement sur le siège. Il sort des jumelles du tableau de bord. Un vieux cadeau d’un père fait à son enfant boy-scout. Un père qui n’aurait jamais pu prévoir l’utilité et l’usage d’un gadget si innocent.

Il perd quelques minutes pour les mettre au point à la perfection. Avec les gants, il est plus difficile de tourner la molette afin de régler les prismes. Il ne les enlève pas. Il patiente et respire.

Puis, il observe.

Cela lui prend quelques heures.

Il veut avoir une vue d’ensemble, pas uniquement sur un point précis, mais sur tout ce qui se trouve là-bas. Il se déplace, il cherche à voir encore plus loin, il revient à son poste de surveillance.

Pour ne pas avoir à se repentir d’erreurs commises, il ne faut rien laisser passer.

Il faut un tableau complet. Et son tableau, un tableau qui n’a que soif de se transformer en une oeuvre d’art, se compose bientôt de chiffres.

Trois représente le nombre de voitures qui circulent aux alentours durant son exploration sur place. Deux proviennent du Nevada, une de l’Utah. Toutes de passage, aucune permanente. Aucune qui ne ralentit à la vue de la camionnette stationnée.

Deux, c’est le nombre de présences. Un jeu d’enfants.

Zéro, le nombre de possibilités d’échappatoire.

Un bon bilan, digne d’un business parfait.

Il repose les jumelles. Il a joué son rôle. Pour le reste, on n’a pas besoin de lui.

Il ne remet pas la ceinture. Il passe une vitesse et appuie de manière décisive sur l’accélérateur.

Aucune grille. Aucune barrière.

Il s’arrête devant l’entrée, le nez du camion dirigé vers la porte.

Il rallume la radio.

KEIRA

LUNDI 11 MARS

« Excusez-moi, je peux vous parler une minute ? »

Keira Sullivan referme d’un claquement sec le téléphone avec lequel elle a envoyé un message à Lake, puis interpelle une femme d’une cinquantaine d’années.

Elle s’est garée devant l’école de son frère et l’attend. Mais, avant de le voir sortir, elle a remarqué son enseignante et a réussi à l’intercepter.

« Je voulais savoir comment Josh s’en sort » poursuit-elle.

Josh a été le premier de sa classe en primaire, mais maintenant il est en cinquième et l’année précédente, avec ce qui est arrivé, ses notes ont chuté. Il a commencé à mentir, il a trafiqué son bulletin de notes et, par miracle, il est passé dans la classe supérieure. Keira ne veut pas que cela se répète.

Elle sent distinctement les yeux de la femme se poser d’abord sur son jean déchiré, puis sur son corsage en dentelle et enfin remonter pour examiner son piercing à la lèvre et, plus haut, l’autre au sourcil gauche. À la fin, elle esquisse une grimace et souligne : « Personne de la famille de Josh n’est venu aux entretiens du premier semestre » .

Cette fois-ci, c’est Keira qui grimace. Elle se souvient très bien que c’était son père qui devait s’en occuper. Elle et Josh attendaient comme toujours qu’il rentre à la maison avec un cadeau pour tous les deux, heureux d’avoir des enfants aussi brillants.

Elle se souvient aussi que la dernière fois, en revanche, ça ne s’est pas passé comme ça. Sa mère n’est pas venue car elle s’est écroulée dans la salle de bains après avoir ingurgité la moitié d’un flacon de pilules, et elle, elle a passé l’après-midi à côté de la cuvette des toilettes pour la faire vomir.

« Je sais, excusez-nous, ma mère et moi, nous travaillons et nous n’avons pas beaucoup de temps » se justifie-t-elle. C’est plus ou moins la vérité, même si son temps partiel au supermarché est pourri et que sa mère est licenciée en moyenne tous les deux mois.

L’enseignante semble accepter l’explication et soupire : « Josh arrive tout juste à la moyenne, mais il ne s’implique pas beaucoup et a des problèmes de concentration. Je sais qu’il pourrait obtenir de brillants résultats, parce qu’il est intelligent et qu’en classe il se comporte bien, mais je crois que le problème est en dehors d’ici et qu’à la maison il n’étudie pas » .

Keira se mord la lèvre. Son frère reste souvent seul, donc il n’y a personne pour l’encourager ou pour l’aider dans ses devoirs.

« Ce qui me préoccupe le plus » continue l’enseignante. « Ce sont les jeunes qu’il fréquente. Plus grands et redoublants. Je ne suis pas sûr qu’ils aient une influence positive sur lui, surtout parce que, de cette façon, il s’exclut du reste de la classe » .

« Josh n’a pas d’amis dans sa classe ? »

« Personne à qui il prête une attention particulière. Il est souvent tout seul » .

« Je vois » .

« Je pense qu’il aurait besoin d’être proche de quelqu’un » .

« Oui, je crois aussi » Keira hoche la tête. « Je vous remercie » .

Josh a été catapulté dans une série d’événements plus grands que lui, il a été abandonné à lui-même et maintenant il tente de se consoler en s’entourant des mauvaises personnes. C’est une solution simple à laquelle s’accrocher. C’est la voie la plus facile. Si elle lui interdisait de sortir, ou de voir ces jeunes, elle obtiendrait le résultat inverse, juste par provocation.

Elle doit utiliser une autre tactique.

Elle le voit descendre les marches de l’école, la chercher parmi les gens et venir vers elle. Elle essaie de ne pas montrer sa préoccupation.

« Pourquoi t’étais en train de parler avec celle-là ? » Josh lui passe devant pour rejoindre la voiture.

« Quoi ? »

« Oui, je t’ai vue, t’étais en train de parler dans mon dos » .

« Celle-là, c’est ton enseignante et je ne parlais pas dans ton dos. On discutait en attendant que tu arrives » .

« Bien sûr » Josh hausse les épaules. « De toute façon, je m’en fous » .

Keira ouvre la voiture et tente une approche : « Écoute, pourquoi est-ce que tu n’invites pas un ami à dîner, ce soir ? Je peux cuisiner moi » .

« Jamais de la vie » .

« Jamais de la vie ? »

« Je n’invite personne à assister aux scènes de maman » .

« Maman ne fera rien. Au contraire, elle sera contente » .

Josh s’installe sur le siège passager, il jette son sac à l’arrière puis il la regarde : « Tu me prends pour un con, sister ? J’imagine que tu me le demandes uniquement parce que celle-là t’aura rapporté je ne sais quoi sur moi » .

Keira sourit. Elle adore son frère. Alors, elle n’acceptera pas qu’il se détruise.

Elle démarre.

« Pourquoi ? Elle aurait dû me signaler quelque chose de grave ? »

« Mais non ! C’est juste une emmerdeuse. Comme toi » .

« Merci » .

« Mes amis sont très biens et vous, arrêtez de vous mêler de ma vie » .

« Josh, tu crois que, si ton ensegnante devait exprimer un jugement sur moi, elle estimerait que je suis une personne recommandable ? »

« Sûrement pas ! » son frère rit. « Elle déteste les piercings, les tatouages et les fringues débraillées et toi, t’as toute la panoplie ! »

« Moi, je n’ai pas de fringues débraillées » Keira dépasse quelques voitures.

« En plus, tu conduis comme une tarée » .

« Ok, donc son jugement sur moi serait négatif. Mais toi, tu te rendrais compte de toute façon qu’elle se trompe, parce que tu me connais. Pas vrai ? »

« Ben oui, bien sûr... »

« Eh bien pour moi, c’est la même chose. Je me fous de ce que ton enseignante dit de tes amis, seulement au lieu de sortir vous pourriez vous voir pour le dîner et manger correctement, pour une fois » .

« Correctement ? » Josh sourit.

« Oui, tu sais que je cuisine très bien » Keira lui retourne le sourire.

« Et s’ils ne te plaisent pas, tu m’empêcheras de les voir ? » son frère redevient sérieux.

« S’ils te plaisent à toi, je suis sûre qu’ils seront biens » s’hasarde la jeune fille, en espérant que ce sera vraiment le cas.

« Okay. J’y penserai » .

Keira essaie de se détendre. Elle donnera une chance à ses types, et s’ils ne valent pas grand chose elle réfléchira à comment les éloigner. Ou à comment faire ouvrir les yeux à son frère. Mais, elle ne veut pas qu’il pense qu’il est indigne de confiance. Peut-être qu’elle devrait aussi connaître un de ses camarades de classe...

« Comment ça se passe ? » Josh interrompt ses pensées.

« Quoi ? À la maison ? »

« Non, toi. Comment ça va pour toi ? »

Keira le regarde. Bizarre, elle ne le lui demande pas d’habitude. D’habitude, elle évite la question car ça la rend nerveuse.

« Tout va bien » répondit-il rapidement, s’introduisant dans l’allée.

Broken Street. Route abîmée. Quelle ironie. Elle déteste cette adresse et elle déteste ce quartier. Un des pires de la ville. Loin de la mer. Et de son ancienne vie.

Chaque fois qu’elle rentre, elle doit faire face au taudis qu’ils ont pris en location : la véranda est en train de s’écrouler, et elle, elle n’arrive pas à économiser l’argent nécessaire pour la remettre en état.

« Alors, chef, qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui ? » Josh récupère son sac et descend de la voiture.

« Un sandwich ? »

« Pff » son frère rejoint la porte. « Je devrai te faire une liste de courses pour quand viendront mes amis » .

« Ok, mais que ce soit un menu simple, parce que … » Keira s’arrête net et observe une Camaro bleu effectuer un dérapage dans le virage du pâté de maisons et se diriger droit vers eux.

« Regarde cet idiot… » commence Josh.

« Va à l’intérieur » ordonne Keira.

« Eh ? »

« Josh, va à l’intérieur et ferme à clé » .

« Qu’est-ce qui se passe ? Tu le connais ? »

La Camaro freine d’un coup sec à environ trois centimètres des jambes de Keira, qui ne prend pas la peine de se décaler car elle est encore trop occupée à parler à son frère :

« Je t’ai dit d’aller à l’intérieur ! » répète-t-elle, haussant le ton pour que Josh obéisse enfin. Il entre dans la maison, ferme à double tour et se met à la fenêtre juste à côté : un mec énorme, grand et blême, habillé tout en noir, descend de la voiture. Il porte un long manteau en cuir et une paire de rangers à la pointe en métal.

« Enfin, je t’ai trouvée » il ferme la porte d’un coup sec et prend Keira par le bras. « Tu pensais peut-être pouvoir m’échapper indéfiniment ? »

« Qu’est-ce que tu veux, Evan ? » .

Elle déteste être touchée, surtout par ce genre de porc.

« Ce que je veux depuis toujours, trésor » le type la plaque contre la voiture et passe sa main sous son top en dentelle. « Je te veux toi et ton corps, et je veux te voir allongée sous moi, sur le siège arrière » .

Keira retire sa main avec une telle violence qu’elle la griffe, et maudit cette soirée, dans un pub, où elle était si ivre et inconsciente au point de permettre à cet idiot de s’approcher.

« Nous deux c’est terminé. N’essaie plus de me retrouver » .

Elle tente de se libérer de lui pour clore la question et s’en aller, mais il l’en empêche : il attrappe ses épaules, l’adossant sur le côté de la voiture, et sort un couteau de son manteau.

« Maintenant, on va faire un tour, tu verras tu changeras d’avis » il la tient fermement et sort la lame, lui pointant entre les seins. « Et ne fais pas d’histoires sinon je risque de perdre patience » .

Keira se mord les lèvres : quelle belle discussion.

Josh, qui a observé toute la scène, écarquille les yeux à la vue du couteau, réouvre la porte et se met à hurler : « Laisse ma soeur tranquille ! Laisse-la tranquille ! »

« Josh, retourne tout de suite dans la maison, bon Dieu ! » s’exclame Keira en retour.

« Oh, quelle scène émouvante, le fiston qui veut jouer les héros » Evan ricane et saisit Keira au cou. « Tu ne veux pas que je règle son compte à ton gentil petit frère, pas vrai ? » demande-t-il.

Keira jette un coup d’oeil à Josh : il est sur le pas de la porte, une main agrippée à la poignée, pris entre l’envie d’intervenir pour l’aider et la peur qui se lit sur ses grands yeux clairs.

Merde.

Ça ne doit pas arriver maintenant, pas devant lui. Il ne doit pas assister à des scènes comme ça.

Si elle était seule, elle aurait tenté n’importe quelle manoeuvre, mais avec son frère au milieu, elle ne veut prendre aucun risque. Rien qu’à l’idée qu’Evan puisse lui faire du mal, elle frémit de rage.

« Non, c’est vrai. Il n’a rien à voir avec tout ça » répondit-elle.

« Bien. Alors, monte et n’essaie pas de me baiser » lui tenant toujours le bras, Evan la conduit vers l’autre côté du véhicule. Il ouvre la portière côté passager.

« Keira, où tu vas ? ! » la voix grinçante et angoissée de Josk parvient jusqu’à elle.

« Ne t’en fais pas, je reviens tout de suite. Toi, mange et fais tes devoirs » Keira maintient un ton catégorique dans sa voix.

« Tu ne... Tu ne peux pas aller avec lui... »

« J’en ai pas pour longtemps. Sois tranquille, okay ? »

Evan la pousse à l’intérieur et referme la portière. Puis, le couteau pointé en direction de Josh, en guise d’avertissement, il passe devant le capot et prend place au volant.

La Camaro démarre et part en trombe, faisant vrombir le moteur.

Depuis le rétroviseur, Keira voit Josh courir dans la rue et les regarder disparaître au loin.

Bien. Au moins, maintenant, ça se joue entre eux deux.

Elle lorgne Evan du coin de l’oeil : il conduit vite et a toujours le couteau dans sa main.

Elle respire à fond. Elle a vu pire. Elle sortira aussi de cette situation absurde. Car, comme le dit sa mère, tout n’est qu’un concours de circonstances : un petit geste, au moment opportun, peut tout changer. De plus, bien qu’effrayant et enclin au sadisme, Evan reste toujours un crétin. Un détail qui a son importance quand tu dois t’en libérer.

Keira se tourne et cette fois, elle le regarde sans se cacher : il a les doigts blancs à force de serrer le volant, et ses narines se dilatent à chaque respiration. Il est nerveux et prêt à exploser. Elle doit faire baisser la pression.

Elle change de ton, elle s’adoucit : « C’est bon, peut-être que tu as raison. J’admets t’avoir menti » .

« Sur quoi ? »

« Je t’ai dis que je ne voulais plus te voir, mais tu sais que ce n’est pas la vérité » .

« Ah, donc ça t’amuse de te faire poursuivre dans toute cette putain de ville ? » Evan la foudroie du regard et fait une embardée dans le virage.

« Oh, ça me plaît beaucoup quand tu me poursuis » le provoque-t-elle.

« Ne joue pas à la conne » .

« Tu as été méchant avec moi la dernière fois. Je devais savoir si tu tenais vraiment à moi » .

Elle doit se forcer pour cracher cette ineptie sans montrer le profond dégoût qu’elle éprouve. La dernière fois qu’ils se sont vus, Evan était saoul au point de demander une fellation dans les toilettes crasseuses d’une station-service et, après s’être vu refusé une telle pratique, il lui a donné un coup de poing dans le ventre. Keira l’a laissé au beau milieu de l’aire de stationnement et n’a plus jamais répondu à ses appels.

Mais l’indifférence, maintenant elle s’en rend compte, n’a pas été une solution suffisante.

« Ce ne sont que des conneries ! Je t’ai envoyé une centaine de messages pour te demander pardon, tu ne les as pas lus ? » Evan donne un coup de poing sur le volant.

Non, elle ne les a pas lus. Mais la vérité dans ce genre de situation ne serait pas d’une grande aide.

« Oui, c’est vrai, ils étaient très gentils. Tu sais être gentil » .

« Bien sûr, si tu ne me fais pas trop chier » .

« Je n’aime pas me disputer avec toi. Ça me rend mal, tu sais » .

« Justement, on ne doit pas se disputer » Evan place le couteau dans la main avec laquelle il tient le volant, et avec celle restée libre lui caresse une cuisse. Ça marche. Heureusement qu’elle a mis un jean.

« Non, on ne doit pas » Keira se penche pour susurrer à son oreille. « Au contraire, nous devrions faire la paix » .

« Oui. C’est comme ça que tu me plais » il change de route, et Keira comprend où il est en train de se diriger. « Docile, cochonne, et prête à me satisfaire » il ouvre son pantalon, il lui prend une main et l’introduit dans son caleçon.

Ce n’est pas le bon moment. Ce n’est pas le bon moment pour lui écraser les testicules et les lui faire bouffer. Elle doit avant tout écarter le couteau, car elle sait combien Evan peut être rapide s’il se sent menacé.

Elle prie pour qu’ils arrivent enfin où elle pense, et par chance cela arrive comme prévu. Evan a presque vingt-huit ans, et pourtant il vit encore chez ses parents, donc lorsqu’ils veulent “ être seuls ”ils vont dans un hangar désaffecté de l’aéroport auquel le père a accès car il travaille ici comme ouvrier. Au début, le poste lui plaisait : il rassemble les vieux avions en panne qui peuvent être exploitables, et les bagages égarés des passagers qui ne sont jamais venus les réclamer. Il devrait devenir le musée aéronautique de la ville, mais le projet n’a pas encore été lancé. Plusieurs fois, dans le dos d’Evan, Keira a amené ici Lake Pierce, pour fumer un joint sur les ailes d’un DC-3 et s’imaginer pouvoir partir vers des horizons inconnus. Durant l’une de leurs expéditions, Lake a même retrouvé une vieille paire de lunettes d’aviateur, à coques, qu’il a portée toute la soirée. Keira s’est foutue de lui, mais au final il les a rapportées avec lui à la maison.

Lake est un don Juan immature et irresponsable, mais il est sans aucun doute de meilleure compagnie que celle qui se trouve à présent à ses côtés.

Evan insère le badge permettant de soulever la barrière automatique et d’entrer dans le hall intérieur du hangar. Il arrête la voiture devant la porte métallique.

« Pourquoi tu t’arrêtes ? » il invite la main de Keira à continuer, et poursuit son exploration dans son décolleté pour lui palper les seins.

« On ne va pas à l’intérieur ? » Keira s’apprête à ouvrir la portière pour s’éloigner de lui.

Il la saisit par les épaules.

« Non, je suis déjà bien assez excité. On le fait là » il sort sa langue et lui bave dessus, déterminé à descendre un peu plus bas pour lui mordre les tétons.

Keira ne veut plus faire la moindre chose avec lui, jamais plus.

Elle ne lui permettra plus d’être son stupide jouet.

C’est le moment d’appliquer la première circonstance.

« Faisons-le dehors » réplique-t-elle.

« Comment ça dehors ? » Evan lui prête peu d’attention, sa bouche est arrivée au niveau du soutien-gorge et afin de pouvoir le lui baisser, il a relâché sa prise sur les épaules de Keira.

« Prends-moi sur le capot de la voiture » dit Keira.

Comme les putes de tes magazines pornos, pense-t-elle.

La proposition le bloque pendant un instant.

« Bien » dit-il ensuite, avec un regard obscène. « Dehors, avec le risque que l’on nous voit... Ça me plaît, c’est une bonne idée » .

Sans s’arrêter de la toucher, il l’autorise à ouvrir la portière et ils sortent de là ensemble, imbriqués l’un contre l’autre.

Evan la plaque contre le capot, l’obligeant à s’asseoir avant de lui sauter dessus. Plutôt que de laisser tomber le couteau, il lui effleure le visage avec la lame : « Je suis content d’être venu te voir » il sourit et lui écarte les jambes. « Maintenant je sais qu’il suffit juste de faire peur à ton frère pour faire de toi une docile chienne en chaleur » il baisse le couteau pour lui déboutonner son jean.

Quelque chose se passe en elle.

Keira ferme les yeux un moment et part dans ses pensées.

Puis, elle les ouvre à nouveau et se met à grincer des dents.

Personne ne doit s’approcher de son frère.

La circonstance explose.

Evan a son regard posé sur la fermeture éclair de son pantalon, alors Keira profite de ce moment d’égarement : elle lui balance un coup de poing dans le nez, rapide et précis.

« Merde, qu’est-ce que... ? » il recule, déconcerté par la réaction et par le coup reçu, mais cette fois-ci, c’est elle qui le saisit : elle le prend par la veste, elle s’agrippe, et avec élan, en une fraction de seconde, soulève un genou, droit dans l’entrejambe. Evan se plie en deux, tout en jurant, alors que le couteau lui glisse des mains. Keira se précipite pour le ramasser. Il s’en rend compte, tend le bras pour l’attraper, mais il réussit seulement à lui arracher une mèche de cheveux. Keira se débat, elle trébuche, elle se jette sur le couteau, elle le ramasse et, avec une rapidité meurtrière, se retourne avant qu’Evan ne revienne à l’attaque : « Je te crève un oeil, enfoiré » l’avertit-elle. « Ne t’approche pas » .

На страницу:
4 из 7