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La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1
La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1

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La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1

Язык: Французский
Год издания: 2017
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Revenu au château de la Muette, le Roi y distribue quelques nouvelles grâces56. Dans l'après-midi du 17, après y avoir reçu le serment d'un grand nombre d'évêques et d'archevêques, Louis XVI se transporte avec sa famille à Marly, où le lendemain matin il devait avec la Reine, Monsieur et Madame, se livrer à l'inoculation[56-A], suivant en cela l'exemple de Mesdames Adélaïde, Sophie et Victoire, qui s'étaient précédemment soumises à cette opération, dont le succès avait été complet.

À cette époque, le parti philosophique eut un jour de triomphe. Longtemps comprimé par l'administration vigoureuse de Maupeou et de Terray, le parti qui prenait le nom de parti du progrès s'était senti renaître à l'avénement du jeune Roi, et il appelait de ses vœux Turgot au ministère. Tous les esprits qui charmaient alors les salons par leur conversation ou dirigeaient l'opinion par leurs livres, les Thomas et les Morellet, les Condillac et les Bailly, les d'Alembert et les Condorcet, les Marmontel et les la Harpe, toute cette pléiade qu'illuminait le dernier rayon du vieil astre de Ferney, proclamait l'intendant de Limoges comme le seul homme capable d'opérer les réformes désirées. Turgot fut présenté le mardi 19 juillet à Louis XVI et à la famille royale, et le vendredi 22 il prêta serment entre les mains du Roi comme secrétaire d'État de la marine.

Le comte de Vergennes avait prêté serment la veille comme secrétaire d'État des affaires étrangères.

La vue des honnêtes gens arrivant aux affaires devait inquiéter les mauvais. Le prince Louis de Rohan ayant le 6 juillet quitté Vienne, où il avait laissé son abbé Georgel, était à Paris depuis le milieu du même mois, et s'était empressé de solliciter l'honneur de faire sa cour au Roi et à la Reine. La Reine le connaissait de réputation depuis longtemps. «Sa mauvaise conduite, écrivait-elle en 1773, me fait peine de toute manière; c'est un point encore plus fâcheux dans ce pays-ci, qu'il déshonore, que pour Vienne qu'il scandalise57.» Aussi la Reine, sans consentir à le recevoir, lui fit-elle demander une lettre que l'Impératrice, sa mère, lui avait remise pour elle. Le Roi, plus débonnaire, lui accorda une audience à Marly; mais il ne l'écouta que quelques minutes, et lui dit brusquement: «Je vous ferai bientôt savoir mes volontés.»

Le diplomate ecclésiastique ne put dès lors douter des sentiments peu favorables du Roi et de la Reine; mais le crédit qui entourait en France le nom de Rohan était tel que la pensée d'une disgrâce ne vint à personne en dehors du château. Et à l'occasion de cette glaciale réception, faite par un prince honnête homme à un évêque libertin que la cour d'Autriche repoussait avec dégoût et que la Reine de France refusait de voir, la Gazette de France écrivait avec assurance58:

«De Marly, le 21 juillet 1774.

»Le prince Louis de Rohan, coadjuteur de l'évêché de Strasbourg et ambassadeur extraordinaire à la cour de Vienne, a eu l'honneur de rendre ses respects à Leurs Majestés et à la famille royale.»

Cette feuille, dont l'origine remontait à l'année 1631, et qui était regardée sous Louis XVI comme l'instrument de publicité le mieux informé, était cette fois, je ne veux pas dire complice, mais dupe d'influences qui faussaient la vérité. Non, le 21 juillet 1774, la Reine ne reçut point cet audacieux prélat59; mais peu de temps auparavant elle avait fait ouvrir sa porte à Buffon. Elle avait traité avec toute la distinction qu'il méritait l'illustre intendant du jardin royal des Plantes, qui venait lui faire hommage du nouveau volume récemment publié par lui, et servant d'introduction à l'Histoire des minéraux.

Le 17 du même mois, elle avait, ainsi que le Roi, accueilli l'abbé Delille, admis à leur présenter son discours de réception à l'Académie française, où il avait remplacé M. de la Condamine. Marie-Antoinette le complimenta au sujet des beaux vers sur le luxe, par la lecture desquels s'était terminée cette fête littéraire. Quelques esprits méchants s'étaient permis, à l'Académie, d'appliquer à Marie-Antoinette plus d'un passage de cette satire; pensée injurieuse contre laquelle protestait le caractère du poëte, tout autant que sa respectueuse admiration pour la Reine.

Madame Élisabeth passa avec sa sœur Clotilde une partie de l'été au château de la Muette, où la famille royale venait les voir de temps à autre. Ainsi, le dimanche 24 juillet, Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie, étant allées rendre visite à Saint-Denis à Madame Louise, vinrent souper à la Muette avec les deux petites princesses.

Le lendemain 25, le Roi et la Reine, Monsieur et Madame, le comte et la comtesse d'Artois, ayant été aussi à Saint-Denis, puis à Paris, passèrent la soirée à la Muette avec leurs jeunes sœurs, et soupèrent avec elles avant de retourner à Marly.

Le mercredi 27, on célébra dans l'abbaye royale de Saint-Denis le service solennel pour le repos de l'âme du feu Roi60.

Le 1er août, la cour quitte Marly. Madame Clotilde et Madame Élisabeth se rendent de la Muette au monastère des Religieuses Carmélites de Saint-Denis, où le Roi et la Reine, accompagnés de leurs frères et belles-sœurs, les prennent à leur passage et les emmènent à Compiègne. Leurs Majestés y firent leur entrée vers les neuf heures et demie du soir, escortées de leur garde ordinaire et de leurs quatre compagnies rouges, selon l'usage observé aux grands voyages. Le clergé séculier et régulier, et tous les corps de la ville, se trouvaient à leur arrivée. Le vicomte de Laval, gouverneur des ville et château de Compiègne, les reçut à la tête du corps de ville. Le maire, M. Decrouy, les harangua un genou en terre. M. de Laval remit au Roi les clefs de la ville et lui présenta les officiers du bailliage; le lieutenant général de cette juridiction lui adressa aussi un discours, un genou en terre. Mais ces hommages officiels s'effacèrent, aux yeux de la famille royale, devant les acclamations enthousiastes du peuple accouru de tous les points de la contrée pour saluer les jeunes souverains.

Le lendemain 2, Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie arrivèrent au château de Compiègne. Le dimanche 7, l'abbé Terray, ordonnateur général des bâtiments du Roi, vint présenter à Louis XVI et à Marie-Antoinette les nouvelles pièces d'or frappées à l'effigie du Roi. Le même jour, Leurs Majestés et leur famille assistèrent à la grand'messe et aux vêpres dans l'église royale et paroissiale de Saint-Jacques. Le soir, pour la première fois, Louis XVI tint son grand couvert chez la Reine.

Le lundi 15 août, fête de l'Assomption de la sainte Vierge, le Roi, la Reine, accompagnés des membres de leur famille, parmi lesquels on remarquait leurs deux jeunes sœurs, se rendirent encore à l'église de Saint-Jacques pour entendre la messe, à laquelle l'évêque de Soissons officia pontificalement; et l'après-midi, ils assistèrent aux vêpres dans l'église de Saint-Corneille, où ils furent complimentés par Dom Lourdel, prieur de la congrégation de Saint-Maur, à la tête des religieux. Ils suivirent ensuite la procession, qui se faisait à pareil jour dans tout le royaume, pour l'accomplissement du vœu de Louis XIII. La présence de Louis XVI et de Marie-Antoinette donnait un éclat inaccoutumé à cette fête religieuse, au milieu de laquelle les deux petites sœurs du Roi, marchant côte à côte, vêtues de robes blanches et ornées de rubans bleus, rappelaient ces figures d'anges adorateurs qui se couvrent de leurs ailes devant le Saint des saints.

Le duc de Gesvres marchait à la tête de l'état-major de la ville, qui suivait la procession.

Le même jour, la musique des gardes françaises et suisses célébra par des aubades la fête de la Reine, de Madame, de Madame la comtesse d'Artois, de Madame Clotilde et de Madame Adélaïde.

Le séjour de la cour dans cette résidence se prolongea jusqu'au jeudi 1er septembre. La vie des jeunes princesses y était réglée comme à Versailles. Tous les dimanches elles entendaient la messe à l'église de Saint-Jacques avec la famille royale. Leurs études, en changeant de lieu, n'avaient point changé d'objet. Leurs plaisirs étaient aussi toujours les mêmes: la lecture, des promenades à pied dans le parc, en voiture dans la forêt, étaient comme ailleurs leurs principales récréations.

Tout était encore calme et serein autour d'elles, et cependant un mal secret agitait les âmes, un trouble profond tourmentait les esprits; la passion de l'égalité, l'amour de la nouveauté s'emparaient des classes bourgeoises, et dans l'atelier de son père, graveur sur étuis, la jeune fille qui devait s'appeler madame Roland s'enivrait des théories républicaines et commençait à perdre la foi religieuse, tandis que ces deux filles du trône étudiaient tranquillement leur catéchisme et les préceptes de l'Évangile, et, pareilles à deux lis blancs croissant sous un beau ciel, embaumaient l'atmosphère de leur parfum printanier.

Le mardi 7 février 1775, l'archiduc Maximilien-François, frère de l'Empereur, arriva au château de la Muette, où la Reine alla le recevoir. Ce prince, âgé de dix-huit ans, voyageait sous le nom de M. de Burgau et dans le plus strict incognito. Le lendemain, il se rendit à Versailles et fut présenté à Leurs Majestés et à la famille royale par le comte de Mercy, ambassadeur de l'Empereur. Les diplomates cherchèrent un but politique au voyage de l'archiduc, qui, déjà voué au sacerdoce61, n'avait d'autre motif en visitant la France que le désir de s'instruire et de revoir la Reine, sa sœur. Les courtisans, qui se piquaient de perspicacité, voulaient croire que M. de Burgau venait tout simplement demander la main de Madame Clotilde. Cinq jours n'étaient pas écoulés, qu'un démenti officiel était donné aux faux prophètes.

Le dimanche 12 février, le comte de Viry, ambassadeur de Sardaigne, eut une audience particulière du Roi, à laquelle assista seul le comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères; et le Roi, après cette audience, déclara le mariage de Madame Clotilde avec Charles-Emmanuel de Savoie, prince de Piémont, fils aîné du roi de Sardaigne62.

Cette princesse s'était fait apprécier par une foule de traits qui révélaient sa bonté d'âme. Je n'en citerai qu'un, qui montre que les piqûres d'amour-propre, si vives d'ordinaire chez les femmes, ne pouvaient arriver jusqu'à son cœur. Son embonpoint, un peu épais pour son âge et pour sa taille, lui avait fait donner par les courtisans le sobriquet de Gros-Madame. Un jour, il advint qu'une dame de son jeu se permit de se servir de cette expression en présence de Madame Clotilde elle-même. Madame la comtesse de Marsan fit aussitôt justice d'une telle inconvenance, et déclara à la personne qui s'en était rendue coupable qu'elle n'eût plus à reparaître devant cette princesse. Celle-ci l'envoya chercher le lendemain et lui dit: «Ma gouvernante a fait son devoir hier, je vais faire à présent le mien. Je vous invite à revenir et à oublier une étourderie que je vous pardonne de bon cœur.»

Personne à cette époque ne mettait en doute les excellentes qualités de cette jeune princesse; mais l'esprit philosophique, qui avait aussi envahi la cour, prétendait que madame de Marsan lui avait enseigné l'histoire de l'Église mieux que celle du monde, et l'avait élevée pour le cloître plus que pour le trône. La fermeté d'âme que la reine de Sardaigne montra dans l'adversité fit voir au monde que le courage qui surmonte les périls s'allie parfaitement avec la foi qui les accepte.

Si la raison de Madame Élisabeth, âgée de dix à onze ans, pouvait déjà comprendre la nécessité d'une séparation, son cœur ne s'en affligea pas moins. Sa chère Clotilde, qui lui était non-seulement une compagne, mais une confidente sûre et un guide éclairé, allait bientôt lui manquer. Cette triste perspective rendait leur union plus étroite et le besoin de se voir plus nécessaire. Le 1er mai (1775), Clotilde alla faire ses adieux à la maison de Saint-Cyr; on devine que Madame Élisabeth était près d'elle. Toutes deux, accompagnées de leurs gouvernantes, furent reçues par la supérieure (madame de Mornay), à la tête de sa communauté. Madame Clotilde, voulant laisser à cette maison un témoignage de ses sympathies, remit à la supérieure son portrait, qui fut reçu avec toutes les marques du respect et de l'affection. De son côté, madame de Mornay offrit à Son Altesse un écran brodé par les doigts les plus habiles de la maison, et représentant la supérieure elle-même remettant le plan de Saint-Cyr à la princesse.

Les cent cinquante jeunes personnes élevées en ce lieu par la munificence royale s'étant alors avancées, l'une d'elles, mademoiselle Durfort de la Roque, sortit de leurs rangs, et lut au nom de ses compagnes des vers composés par Ducis et exprimant les regrets que le départ prochain de la sœur du Roi pour la cour de Turin allait laisser dans tous les cœurs.

Le vendredi 12 mai, nous retrouvons ces deux sœurs angéliques assistant avec le Roi, la Reine et la famille royale au service solennel que faisaient célébrer les curés et marguilliers de l'église paroissiale de Notre-Dame de Versailles pour l'anniversaire de la mort de Louis XV.

Le 27 mai, Sidi-Abderrahman-Bediri-Aga, envoyé du pacha et de la régence de Tripoli de Barbarie, fut reçu en audience par le Roi. Cet envoyé prononça un discours rempli de toutes les fleurs de la poésie orientale63.

Le lendemain, l'envoyé barbaresque fut admis à faire ses révérences à la Reine dans la galerie du château. L'aspect de cet étranger qui n'était pas chrétien inspira aux deux jeunes princesses un mouvement de curiosité, maîtrisé presque aussitôt par un naïf sentiment de pitié. La petite Élisabeth le contemplant d'un regard attendri: «À quoi pensez-vous? lui dit Clotilde. – Je pense à son âme. – Oh! ma sœur, la miséricorde de Dieu est infinie; ce n'est pas à notre pensée à lui poser des limites. Prions pour lui, cela vaut bien mieux. – Vous avez raison, ma sœur; c'est aux chrétiens à prier pour ceux qui ne le sont pas, comme c'est aux riches à donner aux pauvres.»

Le 30 mai, les deux princesses se font une joie d'accompagner ensemble la Reine et Madame dans la plaine de Marly, où le Roi, suivi de ses deux frères, passait en revue les mousquetaires, les chevau-légers et les gendarmes de sa garde. Lorsque, après avoir reçu dans leurs rangs l'inspection du Roi et des princes, les troupes, défilant en colonne par escadrons et par quatre, passèrent devant la Reine, entourée des princesses et d'un grand nombre de seigneurs et de dames de la cour, Élisabeth dit à Clotilde: «Ma sœur, y a-t-il d'aussi beaux soldats à Turin? – Je ne sais pas, ma sœur,» répondit tristement la jeune fiancée.

Il avait été décidé depuis longtemps que le mariage de cette princesse n'aurait lieu qu'après le sacre du Roi, dont l'époque avait été fixée au dimanche 11 juin.

L'approche de cette époque remplissait le cœur d'Élisabeth de tristesse et d'effroi. «Elle montre, mandait la Reine à sa mère (à la date du 14 juillet 1775), elle montre à l'occasion du départ de sa sœur et de plusieurs autres circonstances une honnêteté et sensibilité charmantes. Quand on sent si bien à onze ans, cela est bien précieux. Je la verrai davantage à présent qu'elle sera entre les mains de madame de Guéménée. La pauvre petite partira peut-être dans deux années. Je suis fâchée qu'elle aille si loin que le Portugal; ce sera un bonheur pour elle de partir si jeune: elle en sentira moins la différence des deux pays. Dieu veuille que la sensibilité ne la rende pas malheureuse64!»

Le 5 de ce mois, Louis XVI quitta Versailles, accompagné de la Reine, de Monsieur, de Madame et du comte d'Artois, pour se rendre à Compiègne, où ils arrivèrent vers les dix heures du soir. Madame Clotilde et Madame Élisabeth les avaient devancés dans cette résidence.

Le 8, le Roi couche à Fismes.

Le 9, il s'achemine vers Reims, dans ses voitures de cérémonie, accompagné de ses deux frères et du duc d'Orléans, du duc de Chartres et du prince de Condé.

«Après avoir reçu les clefs de la ville par les mains du duc de Bourbon, gouverneur de Champagne, Sa Majesté y fit son entrée, escortée des troupes de sa maison et à travers les flots empressés d'un peuple enivré de joie et signalant des transports qui, loin de s'épuiser, ont semblé redoubler dans tout le cours de cette cérémonie. Sa Majesté descendit à l'église métropolitaine, où ayant été reçue par l'archevêque duc de Reims à la tête de son chapitre, elle entendit le Te Deum. Après la bénédiction, le Roi se retira à l'archevêché, où Sa Majesté reçut les compliments de tous les corps de la ville. Le lendemain, le Roi entendit les premières vêpres dans la cathédrale, et le dimanche 11 du mois, Sa Majesté se rendit vers les sept heures, dans la plus grande pompe, à la même église, et elle y fut sacrée dans les formes d'usage. Le prince de Lambesc avait été nommé par Sa Majesté pour porter la queue du manteau royal à la cérémonie.

»La Reine, arrivée ici accompagnée de Madame, et que l'incognito qu'elle gardoit n'empêcha point de jouir des plus vives expressions de l'amour que la nation françoise lui a voué, fut présente à toutes les augustes cérémonies de cette fête sacrée, dans une tribune préparée pour elle, et dans laquelle Madame Clotilde et Madame Élisabeth furent aussi placées.

»Le lendemain du sacre de Sa Majesté, lundi 12 juin 1775, le Roi entendit la messe dans la chapelle du château archiépiscopal, après laquelle les dames de la cour eurent l'honneur de lui rendre leurs respects. L'après-midi, la Reine et Madame allèrent à quelque distance de la ville, où elles virent manœuvrer le régiment de hussards du comte d'Esterhazy. Monsieur et Mgr le comte d'Artois, en uniforme de dragons, firent une charge à la tête des escadrons; le duc de Chartres, le prince de Condé et le duc de Bourbon, aussi en uniforme, se mêlèrent à ces attaques. La duchesse de Bourbon et beaucoup de dames et de seigneurs de la cour assistèrent à ce spectacle guerrier.

»Le 13, le Roi admit le clergé à le complimenter. Il fut conduit à l'audience de Sa Majesté par le marquis de Dreux, grand maître des cérémonies, et par le sieur de Nantouillet, maître des cérémonies. Le duc de la Vrillière, ministre et secrétaire d'État, le présenta, et le cardinal de Luynes porta la parole. Sa Majesté fut ensuite entendre la messe à l'abbaye de Saint-Nicaise, et en revenant elle posa la première pierre du collége de l'université de cette ville. L'après-midi de ce jour, les chevaliers, commandeurs et officiers de l'ordre du Saint-Esprit s'étant assemblés chez le Roi, en conséquence de ses ordres, Sa Majesté se rendit, dans la marche ordinaire et avec la plus grande pompe, à l'église métropolitaine, où, après avoir entendu les vêpres, elle fut reçue grand maître souverain de son ordre. À son retour, Sa Majesté tint chapitre, dans lequel elle a nommé chevaliers de ses ordres l'ancien évêque de Limoges, l'archevêque de Narbonne, le vicomte de la Rochefoucauld, le comte de Talleyrand, le marquis de Rochechouart et le marquis de la Roche-Aymon, qu'elle avoit nommés pour otages de la sainte ampoule, et le vicomte de Talaru, qu'elle avoit aussi nommé pour porter la queue de son manteau le jour de sa réception de grand maître souverain de l'ordre.

»Le surlendemain 14, le Roi fut en cavalcade à l'abbaye de Saint-Remi. Sa Majesté, accompagnée de Monsieur, de Mgr le comte d'Artois, du duc d'Orléans, du duc de Chartres, du prince de Condé, du duc de Bourbon et d'un grand nombre de seigneurs et de grands officiers, entendit la messe dans cette abbaye, où elle fit ses dévotions par les mains du cardinal de la Roche-Aymon. Elle toucha ensuite deux mille quatre cents malades des écrouelles, dans le parc de l'abbaye, et leur fit distribuer des aumônes. L'après-midi, le Roi fut se promener au cours et alla de là au camp de ses gardes françoises et gardes suisses. Le peuple, qui étoit en foule sur les pas de Sa Majesté, témoigna partout les transports de joie que lui inspiroit la présence auguste et chérie de son maître.

»Le jour de la Fête-Dieu, le Roi, accompagné de Monsieur, de Mgr le comte d'Artois, ainsi que des princes du sang, suivit la procession et assista à la grand'messe et au salut dans l'église métropolitaine. La Reine, Madame et Madame Clotilde, assistèrent à l'un et à l'autre, ainsi que la duchesse de Bourbon et un grand nombre de seigneurs et de dames de la cour. Madame Élisabeth assista à la grand'messe et au salut.

»Sa Majesté repartit le lendemain 16, avec Monsieur, Mgr le comte d'Artois et les autres princes qui l'avaient accompagnée. Elle arriva à Compiègne, pour y rester jusqu'au lundi 19, qu'elle retourna à Versailles. Madame Clotilde et Madame Élisabeth s'y étoient rendues le matin, et la Reine, accompagnée de Madame et des dames de la cour, y arriva le soir de ce même jour65.»

Peu de jours après le retour de la cour à Versailles, il y eut encore, le 29 juin, à la plaine de Marly, une revue à laquelle furent présentes Madame Clotilde et Madame Élisabeth. Cette fois c'étaient les quatre compagnies des gardes du corps et les grenadiers à cheval qui paradaient devant le Roi. Quand on lit le récit de ces dernières pompes militaires de la monarchie, quand on voit de quels respects extérieurs la royauté était encore entourée, on se demande comment peu d'années après cette barrière de respect tomba. Mais lorsqu'on scrute l'intérieur même de cette société, qu'on surprend le travail des idées, le mouvement des passions, et qu'en se baissant pour écouter le bruit des générations qui montent, on reçoit en plein visage le souffle de nouveauté hardie qui se lève, on est moins étonné des tragédies de l'âge suivant.

Le comte de Viry, ambassadeur extraordinaire du roi de Sardaigne en la cour de France, ayant reçu les pleins pouvoirs nécessaires pour faire, au nom du Roi son maître, la demande de Madame Marie-Adélaïde-Clotilde-Xavière de France, sœur du Roi, en mariage pour le prince de Piémont, se rendit à Versailles le mardi 8 août, jour fixé par le Roi pour cette cérémonie. Le prince de Marsan, prince de la maison de Lorraine, le sieur de Tolozan, introducteur des ambassadeurs, et le sieur de Sequeville, secrétaire ordinaire du Roi à la conduite des ambassadeurs, allèrent dans les carrosses du Roi et de la Reine le prendre à son hôtel66, pour le conduire au château de Versailles, à la première audience publique de Sa Majesté. Le récit officiel du temps nous donne les détails de cette cérémonie, dont la marche se fit dans l'ordre suivant:

«Le carrosse de l'introducteur, le carrosse du prince de Marsan, le carrosse du Roi, précédé des deux Suisses de l'ambassadeur, à cheval, et de sa livrée, qui étoit très-nombreuse, de ses officiers et valets de chambre, à cheval, de son écuyer et de ses pages, aussi à cheval; le carrosse de la Reine, dans lequel étoit le sieur de Sequeville, secrétaire ordinaire du Roi à la conduite des ambassadeurs; l'abbé Chevrier, secrétaire de l'ambassadeur extraordinaire, et une partie des seigneurs piémontois qui faisoient cortége au comte de Viry. Les trois carrosses de l'ambassadeur fermoient la marche et étoient remplis des autres gentilshommes piémontois de sa suite.

»À son passage, l'ambassadeur trouva dans l'avant-cour du château les compagnies des gardes françoises et suisses sous les armes et les officiers saluant du chapeau, les tambours appelant, dans la cour, les gardes de la prévôté de l'hôtel en haie et sous les armes, à leurs postes ordinaires. Il descendit à la salle des ambassadeurs, où il se reposa jusqu'à l'heure de l'audience de Sa Majesté. Lorsqu'il y alla, précédé de tout son cortége, les gardes de la porte étoient en haie depuis la salle des ambassadeurs jusqu'à la grille, au dedans de laquelle il fut reçu par le marquis de Dreux, grand maître des cérémonies, par le sieur l'Allemand de Nantouillet, maître des cérémonies, et par le sieur de Watronville, aide des cérémonies; les Cent-Suisses de la garde du Roi la hallebarde à la main, les tambours la baguette haute, étoient en haie depuis l'entrée du vestibule jusqu'au haut de l'escalier, le lieutenant à la porte en dedans de la grille, et un exempt; le drapeau sur le palier, au milieu de l'escalier, et d'autres officiers au haut de l'escalier.

»L'ambassadeur fut reçu en dedans de la salle des gardes du corps par le duc de Villeroy, capitaine en quartier d'une des compagnies des gardes du corps qui étoient en haie et sous les armes.

»Lorsque l'ambassadeur commença à parler, le Roi se couvrit et lui fit signe de se couvrir; après avoir complimenté Sa Majesté, il fit, au nom du roi de Sardaigne, la demande de Madame Clotilde pour le prince de Piémont, et le Roi la lui accorda dans les termes les plus obligeants et les plus expressifs de l'amitié qui subsiste entre les deux cours, et avec des témoignages de la plus grande satisfaction. Il présenta ensuite à Sa Majesté le baron de Perrière, son fils, et l'abbé Chevrier, son secrétaire d'ambassade extraordinaire. Le comte de Viry fut ensuite conduit à l'audience publique de la Reine, de Monsieur, de Madame, de Mgr le comte d'Artois67, de Madame Clotilde, de Madame Élisabeth, de Madame Adélaïde, de Madame Victoire et de Madame Sophie, et, après avoir été traité à dîner par les officiers du Roi, il fut reconduit à son hôtel, à Paris, dans les carrosses de Leurs Majestés, et avec les mêmes cérémonies qu'il en étoit venu le matin.

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