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La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1
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«Victoire Regnier, femme Lavergne, âgée d'environ vingt-six ans, dit le Dictionnaire des condamnés à mort pendant la Révolution, condamnée à mort le 11 germinal an II (31 mars 1794) par le tribunal révolutionnaire de Paris comme contre-révolutionnaire, ayant crié Vive le Roi! dans l'une des salles qui précèdent celle de l'audience du tribunal où elle venait d'assister au jugement de mort rendu contre son mari, et afin de terminer ses jours avec lui.» (L. Prudhomme, t. II, p. 316.)
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Veuve de Camille Desmoulins, âgée de vingt-trois ans, née et domiciliée à Paris, «condamnée à mort le 24 germinal an II (13 avril 1794) par le tribunal révolutionnaire de Paris, comme convaincue d'être auteur ou complice d'une conspiration tendant à troubler l'État par une guerre civile, dissoudre la représentation nationale, assassiner ses membres, détruire le gouvernement républicain, s'emparer de la souveraineté du peuple et rétablir la monarchie.»
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On sait que Robespierre lui-même, redoutant l'effet que produirait la condamnation de Madame Élisabeth, s'y était vivement opposé. Le soir même de l'exécution, passant avec Barère devant la boutique de Maret, libraire au Palais-Royal, il y entra, comme il faisait souvent, et tout en feuilletant quelques brochures nouvelles, il demanda ce qu'on disait dans le public. Maret, connu par sa bonhomie et sa franchise, lui répondit: «On murmure; on crie contre vous; on demande ce que vous avait fait Madame Élisabeth, quels étaient ses crimes, pourquoi vous avez envoyé à l'échafaud cette innocente et vertueuse personne? – Eh bien, dit Robespierre en s'adressant à Barère, vous l'entendez, c'est toujours moi… Je vous atteste, mon cher Maret, que loin d'être l'auteur de la mort de Madame Élisabeth, j'ai voulu la sauver; c'est ce scélérat de Collot d'Herbois qui me l'a arrachée.»
Déjà dans la séance du 1er frimaire (21 novembre 1793), aux Jacobins, Robespierre avait fait rejeter une proposition d'Hébert tendant à faire juger la race de Capet. Le mois précédent, le 7 brumaire (28 octobre 1793), ce même Hébert avait demandé, en pressant le jugement des Girondins, que l'on traduisît aussi Madame Élisabeth au tribunal. «On jugea Capet et sa femme, s'écria-t-il, et leurs nombreux complices restent impunis. J'ai vu sur la sœur de Capet des traits qui peignent sans réplique cette femme atroce; c'est elle qui accompagna son frère à la revue des assassins du peuple, dans sa fuite et dans toutes ses démarches contre-révolutionnaires; qui lui en souffla un grand nombre; on sait qu'elle se défit de ses diamants pour les envoyer à l'homme qui avait provoqué sur nous le fer et le feu; il est mille traits d'elle qui devraient déjà l'avoir conduite à l'échafaud; on n'en parle pas non plus, et sans doute on veut ainsi la soustraire à la justice, à la vengeance du peuple.»
(Moniteur du 10 brumaire an II [31 octobre 1793], p. 162.)8
Soirées de Saint-Pétersbourg, Lyon, Pélagaud, Jesne et Crozet, grande rue Mercière, 36. Tome II, p. 146 et 147, IXe entretien.
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«Jeudi 9 février 1747, jour du mariage de M. le Dauphin, le corps de ville de Paris a donné pour fête au peuple de Paris cinq chars peints et dorés qui, depuis dix heures du matin jusqu'au soir, ont fait le tour des différents quartiers de Paris.
«Le premier représentoit le dieu Mars avec des guerriers; le second étoit rempli de musiciens; le tr. (sic) représentoit un vaisseau, qui sont les armes de la ville; le quatrièm., Bacchus sur un tonneau; et le cinquième, la déesse Cérès. Ils étoient tous attelés de huit chevaux assez bien ornés, avec des gens à pied qui les conduisoient. Tous les habillements, dans chaque char, étoient de différentes couleurs, et en galons d'or ou d'argent. Le tout faisoit un coup d'œil assez réjouissant et assez magnifique, quoique tout en clinquant; mais les figures dans les chars étoient très-mal exécutées. Dans certaines places, ceux qui étoient dans les chars jetoient au peuple des morceaux de cervelas, du pain, des biscuits et des oranges. Il y avoit dans ces places des tonneaux de vin pour le peuple, et le soir toute la ville a été illuminée.» (E. J. F. Barbier, Journal hist. du règne de Louis XV, t. III, p. 5.)
10
E. J. F. Barbier, Journal hist. du règne de Louis XV, Paris, 1851, in-8o, t. III, p. 398.
11
Mandement de l'évêque de Valence (Alexandre Milon), 29 sept. 1752.
12
T. III, p. 399.
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Piganiol de la Force, Description de Versailles.
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Morte à Versailles le 10 février 1752, portée à Saint-Denis le 16 et inhumée le 24.
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Voir à la fin du volume les lettres du Dauphin et de la Dauphine adressées à madame de Chambors, no I.
16
Vie du Dauphin, d'après l'abbé Proyart et le Père Griffet, par Henri de l'Épinois, p. 121.
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Louis-François-Gabriel d'Orléans de la Motte, né à Carpentras en 1683, sacré évêque d'Amiens le 4 juillet 1734, mourut en son diocèse, dans sa quatre-vingt-douzième année.
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«Madame la maréchale de Duras et autres dames ont été la chercher. Elles ont trouvé en chemin un détachement de la Maison, et le 24 du mois, le Roi et M. le Dauphin ont été au-devant d'elle la recevoir à l'étang du Plessis-Piquet; de là, ils l'ont conduite à Versailles.» (Barbier, Journal du règne de Louis XV, t. III, p. 32, in-8o, 1851.)
19
«Le Roi les a embrassées l'une et l'autre, pendant un quart d'heure même, en pleurant comme un bon père de famille, bourgeois de Paris.» (Id., ibid., t. III, p. 176.)
20
Idem, ibid., t. III, p. 32.
21
Journal de Barbier, t. III, p. 180.
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Cerutti, qui avait eu la gloire de voir un de ses ouvrages attribué à J. J. Rousseau, et la satisfaction de voir son Apologie de l'Institut des Jésuites obtenir le suffrage particulier du Dauphin, raconte qu'à l'époque où il entreprit ce dernier ouvrage, il avait eu avec ce prince «une conversation où son auguste interlocuteur, mettant à l'écart les petits intérêts monastiques, lui développa des vues dignes de l'héritier d'un grand royaume.»
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C'est ce qui résulterait d'un document publié par Soulavie dans ses Mémoires historiques et politiques du règne de Louis XVI, tome I, page 295:
«Opinion et témoignage du maréchal de Richelieu consigné dans une note de lui, remise à Mirabeau, auteur de l'ouvrage intitulé Mémoires du duc d'Aiguillon, sur la mort de M. le Dauphin, père de Louis XVI.
»M. le Dauphin, ce digne prince, si peu connu pendant trente-cinq ans de sa vie, et qui aurait tant mérité de l'être; cet excellent fils, si bon père, avait vécu fort retiré dans les temps des troubles causés par l'empire des maîtresses, empire qu'il blâmait en silence, mais que son respect pour son roi ne lui permettait pas d'examiner.
»Depuis la mort de madame de Pompadour, voyant son père entièrement livré à ses enfants, et passant sa vie avec eux, il avait cru pouvoir développer davantage les sentiments dont son cœur était rempli.
»Le camp de Compiègne parut lui donner une nouvelle existence. Ce prince, aussi affable que vertueux, visitait les soldats, les secourait, leur présentait sa femme, les appelait mes camarades et mes amis, et causait parmi eux une ivresse universelle qui allait jusqu'au délire.
»Mais comme ce n'était ni l'intention ni l'intérêt du ministre prépondérant que le crédit de M. le Dauphin augmentât à un tel point que le Roi ne pût lui refuser le degré de confiance qu'il méritait, c'est-à-dire sa confiance tout entière, M. de Choiseul ne fut pas longtemps à se débarrasser d'un tel concurrent. On sait quelle fut la maladie et la mort du meilleur des princes. Vingt fois il m'a dit qu'il savait bien ce qui la lui causait, les profonds calculs de son ennemi M. le duc de Choiseul. Mais il est inutile de s'appesantir ici sur des détails qui ne doivent point entrer dans le sujet que je traite.»
Soulavie dit ailleurs: «Plusieurs mémoires, des notes et des billets que Louis XVI avait réunis et cachetés de son petit sceau, accusent de ce forfait le duc de Choiseul. Le duc de la Vauguyon, ennemi particulier de ce ministre, placé par le Dauphin à la tête de l'éducation des Enfants de France et de celle de leur aîné le duc de Berry, ne cessa de l'attribuer au duc de Choiseul, etc.» (T. I, p. 42.)
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Nous avons recherché ce document intéressant et peu connu, que le lecteur trouvera à la fin du volume, no II.
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Soulavie prétend que «le gouverneur des Enfants de France (le duc de la Vauguyon) ne cessa d'entretenir dans la suite l'aîné des princes (Louis XVI) de cette opinion. «Il ne cessa, ajoute-t-il, de travailler son imagination tendre, timide et faible, et parvint à aliéner le duc de Choiseul de l'esprit de son élève, et à persuader au jeune prince que le même valet avait accéléré la mort de son père, et peu de temps après celle de sa mère. Le Roi ne put jamais dans la suite effacer cette impression.» (Mémoires historiques et politiques, t. I, p. 43.)
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Le 15 prairial an II (3 juin 1794), une députation de la commune de Sens annonça à la Convention nationale que «les corps des père et mère de Louis XVI avaient été exhumes du temple où ils avaient été déposés, et rappelés, après leur mort, à une égalité qu'ils n'avaient pu connaître pendant leur vie.»
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Nous avons connu un vieillard (M. Lherbette, ancien notaire à Paris et père du député de l'Aisne sous Louis-Philippe) qui, couché pendant des heures sous un tas de personnes estropiées, mutilées ou mortes, avait gardé de ce souvenir une telle impression, qu'il ne pouvait plus supporter une position horizontale; et depuis le 30 mai 1770 jusqu'au 8 octobre 1836, où il mourut à quatre-vingt-six ans, il ne s'est jamais reposé autrement que dans un fauteuil.
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Voir aux pièces justificatives le discours du prélat et le Mémoire de la noblesse, no III.
29
Voir la réponse du Roi à la fin du volume, no IV.
30
Monsieur, comte de Provence, le 14 mai 1771, et le comte d'Artois, le 16 novembre 1773.
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Le 5 avril 1769.
32
Le 24 avril 1770.
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M. de Maupeou écrivait le «5 mars 1772» à M. de Sivry, Pr de la C. S. de Nancy:
«Monsieur, au mois d'octobre dernier vous me promîtes, à Fontainebleau, de m'envoyer des mémoires contenant les moyens d'empêcher l'impression et la distribution des mauvais livres dans la Lorraine et dans les Trois-Évêchés. Je ne vous laissai pas ignorer pour lors combien le Roi étoit occupé de cet objet; cependant je n'ai point encore reçu de vos nouvelles à ce sujet. Vous voudrez bien ne pas différer plus longtemps de me mettre à portée d'en rendre compte à Sa Majesté.
»Je suis, Monsieur, votre affectionné serviteur,»de Maupeou.»34
On appelait ainsi autrefois un cadet apanagé. Le duc d'Orléans était juveigneur de la maison de France.
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Mort en 1802. C'était l'oncle du prince archichancelier de l'empire et du cardinal-archevêque de Rouen.
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Jean-Baptiste-Charles-Marie de Beauvais, évêque de Sénez, démissionnaire en 1783, nommé en 1789 député de la vicomté de Paris aux états généraux, mort le 4 avril 1790.
37
Souvenirs de Félicie.
38
Histoire de France, an XIII (1805), t. XIII, p. 196 à 203.
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La plupart des princes de l'Europe avaient une respectueuse sympathie pour Louis XV. Informée de la mort de ce monarque, Marie-Thérèse écrivait de Luxembourg, le 18 mai 1774, à la jeune Reine de France: «Je regretterai toute ma vie ce prince et cet ami, votre bon et tendre beau-père. J'admire en même temps la grâce de Dieu d'avoir donné le moment au Roi de recourir à sa divine miséricorde, et les paroles du grand aumônier prononcées de la part du Roi ne peuvent se lire sans fondre en larmes et espérer son salut. Nous avons d'abord interdit tout spectacle ici; nous ne verrons personne avant le 24, où on mettra le grand deuil, et je le porterai tout le reste de mes jours. Je ne vous fais point de compliments sur votre dignité, qui est achetée bien chèrement, mais qui le deviendra encore plus si vous ne pouvez mener la même vie tranquille et innocente que vous avez menée pendant ces trois années, par les bontés et complaisances du bon père, et qui vous a attiré l'approbation et l'amour de vos peuples, grand avantage pour votre situation présente; mais il faut la savoir conserver et l'employer au bien du Roi et de l'État. Vous êtes tous deux bien jeunes, le fardeau est grand; j'en suis en peine et vraiment en peine. Sans que votre adorable père dans le cas pareil m'auroit soutenue, jamais je n'aurois pu en sortir, et j'étois plus âgée que vous deux. Tout ce que je puis vous souhaiter, c'est que vous ne précipitiez rien: voyez par vos propres yeux, ne changez rien, laissez tout continuer de même; le chaos et les intrigues deviendroient insurmontables, et vous seriez, mes chers enfants, si troublés que vous ne pourriez vous en tirer. Je puis vous en parler d'expérience. Quel autre intérêt pourrois-je avoir de vous conseiller d'écouter surtout les conseils de Mercy? Il connoît la cour et la ville; il est prudent et vous est entièrement attaché. Dans ce moment-ci regardez-le autant comme un ministre de vous que le mien, quoique cela combine très-bien. L'intérêt de nos deux États exige que nous nous tenions aussi étroitement liés d'intérêt comme de famille. Votre gloire, votre bien-être m'est autant à cœur que le nôtre. Ces malheureux temps de jalousie n'existent plus entre nos États et intérêts; mais notre sainte religion, le bien de nos États exigent que nous restions unis de cœur et d'intérêt, et que le monde soit convaincu de la solidité de ce lien… Mes vieux jours ne peuvent couler tranquillement qu'en vous voyant tous deux, mes chers enfants, heureux. J'en prie et ferai prier instamment à ce sujet. En vous donnant ma bénédiction, je suis toujours…»
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Gazette de France du lundi 16 mai 1774.
41
Voir la note V à la fin du volume.
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Marie de Rohan-Soubise, née en 1721, seule fille du prince de Soubise, mariée en juin 1736 à Gaston-Jean-Baptiste-Charles de Lorraine, comte de Marsan, brigadier des armées du Roi, né comme elle en 1721, et mort à Strasbourg en 1743 (1er mai), dans sa vingt-troisième année.
43
Éloge historique de Madame Élisabeth, p. 15 et 16.
44
L'abbé de Montégut est mort à Chartres en 1794.
45
Mémoires de Madame Campan, t. I, p. 104.
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Maria-Theresia und Marie-Antoinette, publié par Alfred von Arneth, 1 vol. in-8o, Vienne et Paris.
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Déjà l'année précédente, quelques jours après son entrée à Paris, le 8 juin 1773, avec M. le Dauphin, Marie-Antoinette mandait à l'Impératrice, sa mère:
«Je n'oublierai de ma vie la fête que nous avons eue mardi: nous avons fait notre entrée à Paris. Pour les honneurs, nous avons reçu tous ceux qu'on a pu imaginer; mais tout cela, quoique fort bien, n'est pas ce qui m'a touchée le plus, mais c'est la tendresse et l'empressement de ce pauvre peuple, qui, malgré les impôts dont il est accablé, étoit transporté de joie de nous voir. Lorsque nous avons été nous promener aux Tuileries, il y avoit une si grande foule que nous avons été trois quarts d'heure sans pouvoir ni avancer ni reculer. M. le Dauphin et moi avons recommandé plusieurs fois aux gardes de ne frapper personne, ce qui a fait bon effet. Il y a eu si bon ordre dans cette journée que, malgré le monde énorme, il n'y a eu personne blessé. Au retour de la promenade, nous sommes montés sur une terrasse découverte et y sommes restés une demi-heure. Je ne puis vous dire, ma chère maman, les transports de joie, d'affection qu'on a témoignés dans ce moment. Avant de nous retirer, nous avons salué avec la main le peuple. Qu'on est heureux de gagner son amitié à si bon marché! Il n'y a pourtant rien de si précieux; je l'ai bien senti et je ne l'oublierai jamais.» (Lettre de Versailles, le 14 juin 1773.)
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Idem, ibid. Lettre du 14 juin 1774.
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Gazette de France du lundi 23 mai 1774.
50
Madame Campan.
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Aujourd'hui Vauréal.
52
Ces lettres, adressées à la Reine, n'imputaient pas ce malheur à la malveillance. Et pourtant la duchesse de Weimar avait été la première à s'apercevoir de l'incendie, arrivé en plein midi, et elle n'avait eu que le temps de se sauver. Le palais, entouré de fossés et composé de deux ailes unies par un centre commun, n'était abordable que d'un côté et par un seul pont. Les difficultés de secours étaient grandes. Le feu ayant pris à une extrémité du château, on transporta dans l'autre les meubles et les objets précieux; mais l'incendie courut presque aussi vite, le service des pompes ne put se faire avec promptitude, et rien n'échappa à la fureur des flammes. Une caisse renfermant quatre-vingt mille thalers fut perdue, ainsi qu'une vaisselle de deux cent quarante couverts et un mobilier immense; mais des pertes bien autrement irréparables furent à regretter: une galerie de tableaux précieux, une bibliothèque de livres rares, et les archives de la maison de Saxe, qui contenaient les titres originaux de quelques pactes et conventions entre la branche Électorale et la ligne Ernestine. Ce ne fut pas tout: le feu fit des progrès si violents qu'il pénétra jusque dans les caveaux où reposaient les restes des princes de Saxe-Weimar et détruisit tout ce qui s'y trouvait.
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Voici cet acte:
«Assis sur le trône où il a plu à Dieu de nous élever, nous espérons que sa bonté soutiendra notre jeunesse et nous guidera dans les moyens qui pourront rendre nos peuples heureux; c'est notre premier désir. Et connoissant que cette félicité dépend principalement d'une sage administration des finances, parce que c'est elle qui détermine un des rapports les plus essentiels entre le souverain et ses sujets, c'est vers cette administration que se tourneront nos premiers soins et notre première étude. Nous étant fait rendre compte de l'état actuel des recettes et des dépenses, nous avons vu avec plaisir qu'il y avoit des fonds certains pour le payement exact des arrérages et intérêts promis et des remboursements annoncés; et considérant ces engagements comme une dette de l'État, et les créances qui les représentent comme une propriété au rang de toutes celles qui sont confiées à notre protection, nous croyons de notre premier devoir d'en assurer le payement exact. Après avoir ainsi pourvu à la sûreté des créanciers de l'État et consacré les principes de justice qui feront la base de notre règne, nous devons nous occuper de soulager nos peuples du poids des impositions, mais nous ne pouvons y parvenir que par l'ordre et l'économie. Les fruits qui doivent en résulter ne sont pas l'ouvrage d'un moment, et nous aimons mieux jouir plus tard de la satisfaction de nos sujets que de les éblouir par des soulagements dont nous n'aurions pas assuré la stabilité. Il est des dépenses nécessaires qu'il faut concilier avec l'ordre et la sûreté de nos États; il en est qui dérivent de libéralités, susceptibles peut-être de modération, mais qui ont acquis des droits dans l'ordre de la justice par une longue possession, et qui dès lors ne présentent que des économies graduelles. Il est enfin des dépenses qui tiennent à notre personne et au faste de notre cour; sur celles-là nous pourrons suivre plus promptement les mouvements de notre cœur, et nous nous occupons déjà des moyens de les réduire à des bornes convenables. De tels sacrifices ne nous coûteront rien dès qu'ils pourront tourner au soulagement de nos sujets; leur bonheur fera notre gloire, et le bien que nous pourrons leur faire sera la plus douce récompense de nos soins et de nos travaux. Voulant que cet édit, le premier émané de notre autorité, porte l'empreinte de ces dispositions et soit comme le gage de nos intentions, nous nous proposons de dispenser nos sujets du droit qui nous est dû à cause de notre avénement à la couronne. C'est assez pour eux d'avoir à regretter un Roi plein de bonté, éclairé par l'expérience d'un long règne, respecté dans l'Europe par sa modération, son amour pour la paix et sa fidélité dans les traités.»
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Voir, note VI, le discours de Gresset in extenso à la fin du volume.
55
Voir la note VII à la fin du volume.
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Le 12, Soufflot, contrôleur général des bâtiments de la couronne, chargé depuis 1757 de la construction de la nouvelle église de Sainte-Geneviève, vient mettre sous les yeux de la cour les dessins et les modèles de ce gigantesque monument, exposés dans un pavillon des jardins de ce château. Le Roi et la Reine en examinent avec attention tous les détails et en témoignent leur satisfaction à l'auteur: «Monsieur, lui dit la Reine, Paris était jaloux de l'Hôtel-Dieu de Lyon217; mais les choses vont reprendre leur place, et Lyon redevenir jaloux de Paris.»
Le 16, un autre objet excita aussi la curiosité et l'intérêt de Leurs Majestés: c'était le grand télescope catoptrique qu'elles allèrent voir dans l'hôtel du cabinet de physique et d'optique du Roi. Le mécanisme et le mérite de cet instrument, et de tous ceux qui faisaient partie de cette précieuse collection, leur furent expliqués par le savant Dom Noël, qui en connaissait tous les secrets.
Le journal qui donne ces détails ajoute:
«La matière variolique a été prise d'un enfant de deux ans, dont la petite vérole étoit discrète et de la meilleure espèce. La santé de l'enfant, ainsi que celle du père et de la mère, a été constatée avec le plus grand soin par l'examen des médecins et par les informations les plus exactes du magistrat. Il en a été dressé un procès-verbal218.»
Pendant tout le reste du mois, les gazettes entretiennent journellement le public de toutes les phases de l'inoculation.
Bulletin du Roi: «L'éruption est au second jour. Il y a très-peu de boutons, mais ils sont bien caractérisés,» etc.
Bulletin de Monsieur: «L'éruption est commencée.»
Bulletin de M gr le comte d'Artois: «L'éruption continue…»
Bulletin de Madame la comtesse d'Artois: «La fièvre est diminuée; l'éruption commence.»
Le lendemain, les bulletins disent: «Les boutons suppurent;» puis plus tard: «les boutons se dessèchent.»
Ce traitement nouveau alors occupait tellement l'attention, que de pareils détails, par l'effroi qu'ils inspiraient, se sauvèrent de l'étrange et du ridicule. Le peuple était si convaincu des dangers de la vaccine, qu'il ne fallait rien moins que l'exemple de la famille royale pour l'amener à accepter cette innovation. Des vœux se faisaient de toutes parts pour que la santé du Roi ne fût point compromise par cette épreuve. Madame de Parabère, abbesse de Notre-Dame-lez-Saintes, prenait l'engagement de «recevoir gratis, dès que le Roi seroit rétabli, deux demoiselles de condition, d'en élever deux autres et de nourrir et entretenir deux pauvres jusqu'à ce qu'ils eussent appris un métier219.» Madame de Quélen, prieure du monastère royal de Poissy, fondait à perpétuité une messe solennelle pour la conservation des jours précieux de Leurs Majestés et de la famille royale220. Marie-Thérèse écrivait à Marie-Antoinette, de Schönbrunn, le 1er juin 1774: «Je ne vous dis rien d'ici; ma tête n'est remplie, autant que mon cœur, que d'inoculation. J'ai recours aux pauvres qui prient Dieu bien instamment chez les bons Capucins et au couvent de la Reine, où je compte bien tenir un Te Deum, si le bon Dieu nous accorde le rétablissement unseres werthen Königs; quelque peu d'allemand, pour que vous ne l'oubliiez. Je vous embrasse.»