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La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1
La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1

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La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1

Язык: Французский
Год издания: 2017
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La princesse qui venait de naître fut nommée Marie-Thérèse-Charlotte et titrée Madame, fille du Roi. Elle fut baptisée le même jour par le cardinal prince Louis de Rohan-Guéménée, grand aumônier de France, en présence du sieur Broquevielle, curé de la paroisse Notre-Dame, et tenue sur les fonts de baptême par Monsieur80, au nom du roi d'Espagne, et par Madame, au nom de l'Impératrice-Reine, le Roi étant présent, ainsi que tous les princes et princesses du sang.

La correspondance de madame de Bombelles avec son mari, ministre du Roi près de la diète germanique, que nous aurons souvent l'occasion de citer, nous apprend, à la date du 20 mars 1779, que Madame Élisabeth se trouva fort incommodée l'avant-veille. «Elle eut, dit-elle, une très-forte fièvre pendant la nuit, et hier à trois heures et demie la rougeole a paru. Tu imagines bien que je ne l'ai pas quittée. Cette nuit a été très-bonne; elle a peu de fièvre ce soir, et les médecins assurent qu'il n'y a pas la plus petite inquiétude à avoir. Tu ne peux pas imaginer le chagrin que j'avois. Je suis parfaitement tranquille actuellement.»

C'est vers cette époque que la Reine commença à apprécier sa belle-sœur. Madame de Bombelles écrivait le 22 avril: «Madame Élisabeth est venue nous voir aujourd'hui; elle est revenue hier de Trianon. La Reine en est enchantée; elle dit à tout le monde qu'il n'y a rien de si aimable, qu'elle ne la connoissoit pas encore bien, mais qu'elle en avoit fait son amie, et que ce seroit pour toute sa vie.»

Madame Élisabeth n'avait point encore été vaccinée. Elle regarda comme un devoir de suivre l'exemple que ses tantes et ses frères avaient donné81. Elle se rendit le 23 octobre à Choisy, où devait avoir lieu l'inoculation82. Elle demanda que douze enfants pauvres du pays y fussent associés et reçussent les mêmes soins qu'elle-même. Son vœu fut écouté. Ce fut encore M. Goetz qui fit l'opération, et sur les sept filles et les cinq garçons que l'habile chirurgien y avait préparés, aucune n'eut à regretter d'avoir couru les mêmes chances que la sœur du Roi et d'avoir montré la même confiance qu'elle. Le succès fut complet83, et plus d'une de ces jeunes filles lui demeura reconnaissante. C'était par son exemple en effet qu'elles avaient été encouragées à se soumettre à l'inoculation, et ce fut ainsi qu'elles furent placées à l'abri d'un fléau qui, lorsqu'il ne prend pas la vie, altère ou détruit la santé.

L'année suivante, un grand malheur atteignit la Reine et par contre-coup toute la famille royale.

Dans la soirée du mercredi 6 décembre 1780, on apprit à Versailles la nouvelle de la mort de l'Impératrice-Reine.

Louis XVI, par l'entremise de M. de Chamilly, son premier valet de chambre, chargea l'abbé de Vermond d'apprendre avec ménagement ce triste événement à la Reine, le lendemain matin, et de l'avertir du moment où il entrerait chez elle, ayant l'intention de s'y rendre lui-même un quart d'heure après. Louis XVI s'y présenta à l'heure indiquée; on l'annonça; l'abbé sortit, et comme il se rangeait sur le passage du Roi, celui-ci lui dit ces mots, les seuls que pendant l'espace de dix-neuf ans il lui ait adressés de vive voix: «Je vous remercie, monsieur l'abbé, du service que vous venez de me rendre.»

La douleur de la Reine fut telle que Louis XVI avait pu la prévoir et la redouter. La cour prit spontanément, le jeudi 7, le deuil de respect, n'attendant pas que le Roi eût fixé le jour auquel le grand deuil de cour serait pris. Marie-Antoinette demeura enfermée pendant plusieurs jours dans ses cabinets, où elle ne laissa accès qu'aux membres de la famille royale, à la princesse de Lamballe et à madame de Polignac.

L'Impératrice-Reine de Hongrie et de Bohême avait cessé de vivre le 29 novembre, à l'âge de soixante-trois ans. Les détails qui arrivèrent bientôt de Vienne augmentèrent encore l'émotion qu'avait causée la première nouvelle de sa mort. Marie-Thérèse avait voulu connaître au juste le moment de sa fin. L'Empereur, son fils, s'évanouit en entendant l'arrêt prononcé par le premier médecin. L'Impératrice, avec une fermeté héroïque, le soutint, lui prodigua ses consolations, ses conseils, et lui dicta même des lettres destinées à tout régler dans l'Empire et à faciliter les débuts d'un règne. «Je meurs, dit-elle, avec le regret de n'avoir pu faire à mes peuples tout le bien que j'aurais désiré et de n'avoir pu détourner tout le mal qu'on leur a fait à mon insu84.» Au milieu des événements divers qui avaient illustré son règne, cette grande princesse n'avait jamais abandonné les sentiments de l'humilité chrétienne. Le linceul et les vêtements qui devaient servir à l'ensevelir, faits entièrement de sa royale main, attendaient dans l'armoire d'un de ses cabinets cette heure inévitable, qu'elle avait toujours envisagée avec un esprit calme et résigné.

Ses obsèques eurent lieu à Vienne le dimanche 3 décembre. Son cercueil, après les cérémonies funèbres accomplies avec une pompe solennelle, fut descendu dans l'église des Capucins, auprès de celui de feu l'Empereur François Ier, en présence du grand maître de la cour impériale. Son cœur, renfermé dans une urne, fut déposé au couvent des Augustins déchaussés de Vienne85; ses entrailles furent déposées dans l'église métropolitaine de Saint-Étienne86.

La coutume en Allemagne est de prier pour les morts le lendemain de leurs funérailles, et devant un catafalque d'où leur dépouille est absente.

Le lundi 4 décembre, un superbe cénotaphe fut élevé par la piété filiale à l'auguste défunte et environné des hommages de tout un peuple. La postérité qui commençait pour Marie-Thérèse lui décernait le titre glorieux de mère de la patrie.

Deux jours après, l'Empereur écrivait à son premier ministre le prince de Kaunitz:

«Jusqu'à présent je n'ai su qu'être fils obéissant, et voilà à peu près tout ce que je savois. Par le coup le plus mortel, je me trouve à la tête de mes États et chargé d'un fardeau que je reconnois être beaucoup au-dessus de mes forces. Ce qui me rassure, c'est la persuasion, mon prince, qu'en me continuant vos sages conseils et vos bons avis, je me trouverai essentiellement soulagé dans cette tâche difficile et importante; c'est pour vous en requérir de mon mieux que je vous adresse cette lettre.

»À Vienne, le 6 décembre 1780.»

La Reine ayant reçu de Vienne communication de cette lettre, dit au Roi: «En vérité, mon frère en agit avec le prince de Kaunitz absolument comme vous en avez agi envers M. de Maurepas. Sans doute il est bon que les souverains demandent le concours des hommes dévoués et capables, mais il ne faut pas qu'ils se défient entièrement d'eux-mêmes.»

Marie-Thérèse, par testament fait conjointement avec feu l'Empereur son époux, avait légué à chacun de ses enfants un revenu annuel de quarante mille florins. Indépendamment de ce legs, le grand-duc de Toscane avait la seigneurie de Golsing et Holitsch, et le coadjuteur de Cologne et de Munster, le château de Schlofshoff et la jouissance de trois seigneuries qui devaient retourner à la couronne dès que l'archiduc serait parvenu à la dignité d'électeur de Cologne. Une clause de ce testament assignait par forme de legs un mois d'appointements à tous les militaires, depuis le feld-maréchal jusqu'au dernier soldat.

L'Empereur voulut que ces legs ne coûtassent rien au trésor de l'État; il les acquitta lui-même, «ne pouvant, disait-il, mieux employer un argent qui m'appartient personnellement et qui provient de la succession de mon père». Puis, pour honorer encore la mémoire de sa glorieuse mère, il ordonna qu'une des deux nouvelles forteresses qu'on élevait en Bohême, près de Leutmeritz, porterait le nom de Theresienstadt.

La perte de cette illustre princesse était partout ressentie. Frédéric II écrivait à d'Alembert: «J'ai donné des larmes bien sincères à sa mort; elle a fait honneur à son sexe et au trône. Je lui ai fait la guerre, et je n'ai jamais été son ennemi.»

S'il est beau de voir les grandes âmes toujours bien jugées par les grands hommes, il est touchant aussi de voir les vertus des mères passer comme un héritage aux enfants et devenir leur entretien le plus aimé. Marie-Antoinette se plaisait à parler de la bonté de sa mère (la bonté, dont Bossuet a dit que c'était le trait qui rapprochait le plus les souverains de Dieu), à citer des actes de charité dont elle avait été elle-même témoin. «Combien ma mère valait mieux que nous! dit-elle un jour; ma mère, qui trouvait que le spectacle d'un seul pauvre suffisait pour déshonorer son règne!» Une autre fois, s'étant attardée au lit plus longtemps que de coutume, elle s'écria: «Et ma mère qui se reprochait le temps qu'elle donnait au sommeil, disant que c'était autant de dérobé à ses peuples!»

Le dimanche 22 avril 1781, après avoir assisté aux vêpres et au salut dans la chapelle du château, la cour avait quitté Versailles à sept heures pour aller souper et coucher à Marly. Elle demeura dans cette résidence jusqu'au 20 mai.

Madame Élisabeth, accompagnée de la comtesse Diane, vint à Versailles le 14, conduite surtout par le désir de voir madame de Bombelles. Celle-ci, prévenue de l'arrivée de sa princesse, vole aussitôt vers elle. Je vais laisser la parole à cette charmante femme. Comme personne ne connut mieux Madame Élisabeth, personne ne l'aima plus, personne ne sut mieux en parler. Qu'est-ce que le récit du passé, toujours un peu froid dans la bouche de l'historien, auprès de cette correspondance qui fait reparaître le passé lui-même avec les fraîches couleurs de la vie? Quelle femme, quelle mère, quelle amie que madame de Bombelles! Sa plume, tour à tour enjouée, attendrie, spirituelle, sérieuse, va évoquer pour nous la société des dernières années du dix-huitième siècle, société qui ne fut point sans reproche sans doute, mais qu'on a calomniée en généralisant le blâme porté sur ses idées et sur ses mœurs, ce qui est un déni de justice à tant de femmes aussi vertueuses que charmantes, en tête desquelles je placerai les amies de Madame Élisabeth.

Voici les lettres de madame de Bombelles à son mari: – «J'ai été, écrit-elle, le 15 mai, la trouver dans son appartement. Elle m'a dit que la Reine vouloit absolument que j'allasse demain à Marly, où il y auroit un grand déjeuner et une partie de barres. Je voudrois bien y aller, parce que ce seroit un moyen d'y faire ma cour; mais la visite du comte d'Esterhazy pourroit bien m'en empêcher. Je me préparerai pour partir; si le comte vient me voir de bonne heure, j'irai; s'il arrive tard, je n'irai pas, et j'ai prié Madame Élisabeth de dire dans ce cas à la Reine que je ne pense pas y aller, que mon fils étoit malade (j'espère que cela ne lui portera pas malheur, à ce pauvre petit chou!)»

Madame de Bombelles put aller à Marly, et après avoir exprimé à son mari, dans une lettre datée du 17, tout le regret qu'elle eut de quitter son fils, toutes les inquiétudes qui assiégèrent son esprit pendant cette courte absence, tout le bonheur qu'elle eut en le trouvant au retour calme et endormi, elle ajoute: «Tu te fais une idée de ma joie: j'étois transportée et fort aise d'avoir été à Marly, parce que j'y ai été reçue à merveille. La Reine n'a pas cessé d'être occupée de moi, de me parler de mon fils, combien elle l'avoit trouvé beau, de me plaisanter sur la peur que j'avois eue d'entrer dans le salon; enfin elle m'a traitée comme si elle m'aimoit beaucoup. Elle a été hier matin à la petite maison et a dit à madame de Guéménée et à ma sœur qu'elle étoit fort aise de mon retour, qu'elle m'avoit trouvée blanchie, parlant beaucoup mieux, et un maintien charmant.» Eh bien, si flatteurs que fussent ces succès, madame de Bombelles préférait à la vie de cour la vie tranquille et retirée qu'elle avait menée à Ratisbonne. Les succès de son fils bien-aimé, de Bombon, comme elle l'appelait, la flattaient infiniment plus que les siens. Cette humble et simple femme était une orgueilleuse mère; elle comptait bien, quand les roses de la santé auraient refleuri sur les joues de son enfant, le montrer dans tout l'éclat de sa beauté. En attendant, elle jouissait délicieusement de l'intérêt que Madame Élisabeth témoignait à Bombon d'abord, à elle ensuite. «Madame Élisabeth, continue-t-elle, a eu la bonté de m'envoyer tout à l'heure un courrier pour avoir de ses nouvelles. Mon Dieu, qu'elle est aimable! d'honneur, je l'aime à la folie. Si tu avois vu combien elle étoit contente de mes petits succès d'avant-hier, comme elle est venue tout doucement m'arranger mon fichu, afin qu'il eût meilleure grâce, me dire la manière dont il falloit que je remerciasse la Reine de ce qu'elle m'avoit invitée à cette partie, réellement j'étois attendrie de son intérêt pour moi, et je voudrois avoir mille manières de lui montrer ma reconnoissance.»

Le 29 mai, de Villiers, habitation d'été de M. et madame de Travanet, ses beau-frère et belle-sœur, madame de Bombelles écrivait à son mari: «… Conçois-tu qu'il n'y ait que vingt jours que nous sommes séparés? Il me semble, en vérité, qu'il y a vingt mois. Comment ferai-je pour être un an sans le voir? Mon Dieu, que cela m'ennuie! Mais il faut du courage: je vais bien m'occuper de tes affaires, de mon petit Bombon, et le temps se passera, car enfin tout passe. Je regarde cette année-ci comme un temps de pénitence, et celle où je te verrai, je serai aussi heureuse que je le suis peu actuellement. Il faut avouer que j'ai bien des dédommagements par Madame Élisabeth, qui me comble de bontés. J'en sens tout le prix, mais j'en jouirai davantage lorsque tu seras avec moi. J'ai toujours oublié de te dire qu'elle m'a priée d'aller voir M. d'Harvelay et de l'engager à lui prêter deux mille louis pour pouvoir se liquider vis-à-vis de M. de Travanet, de la comtesse Diane à qui elle doit cinq cents louis, des marchands; enfin, avec cette somme, elle ne devra plus rien. J'ai cru ne pas devoir lui refuser ce service, et j'irai pour cette raison à Paris jeudi; pourvu que M. d'Harvelay n'aille pas imaginer que cet argent soit pour nous, comme avoit fait M. de Travanet; j'espère que non, et qu'il ne refusera pas cette somme à Madame Élisabeth. Je t'avouerai que j'aimerois autant n'être pas chargée de cette commission; mais comment faire? Madame Élisabeth m'auroit su fort mauvais gré de mon peu de complaisance, et j'aurois manqué à la reconnoissance et à l'attachement que je lui dois…»

«À Versailles, ce 7 juin 1781.

»Je quitte Madame Élisabeth pour te dire un petit mot. Elle ne vouloit pas me laisser aller; mais lorsque je lui ai dit que j'avois envie de t'écrire parce que le courrier partoit demain de Paris, et que sans cela tu serois cinq jours sans avoir de mes nouvelles, elle m'a répondu: «Va-t'en, dis-lui bien des choses de ma part, et, quoiqu'il me prive ce soir de toi, que je l'aime de tout mon cœur.» Elle a toujours pour moi des bontés charmantes; il n'y a sortes d'amitiés qu'elle ne me témoigne, et je lui suis réellement bien tendrement attachée…

»J'ai dîné aujourd'hui chez maman, et nous nous sommes amusées ensemble comme des reines; nous avons causé… nous avons joué avec Bombon, qui entend la plaisanterie à merveille, et qui a d'autant bien teté. De là nous avons été chez Madame Élisabeth, où j'ai passé trois quarts d'heure. Madame de Canillac y étoit, avec laquelle je suis fort honnêtement, et je suis revenue te souhaiter le bonsoir avant d'endormir Bombon. Huit heures sonnent: je te quitte pour ce petit marmot; sa nuit commence tous les jours à cette heure-ci…»

«À Versailles, ce 10 juin 1781.

»… M. de Maurepas a pensé être brûlé à l'Opéra avant-hier. Un moment après qu'il en étoit sorti, la toile s'est allumée par un lampion: le feu a gagné aux décorations et au reste du théâtre avec une si grande promptitude, qu'au bout de vingt-cinq minutes la voûte est tombée avec un fracas épouvantable. Heureusement l'opéra étoit fini… Cependant neuf personnes ont été brûlées. Le feu dure encore. On a bien vite coupé toute communication; de sorte que tout ce qui environne l'Opéra n'est pas endommagé. Le feu étoit si fort que mes gens l'ont vu d'ici en soupant: on pouvoit lire sur le pont de Sèvres; ainsi tu peux juger de la clarté que cela donnoit à tout Paris. On frémit quand on pense que si le feu avoit pris un peu plus tôt, il y auroit eu des milliers de personnes brûlées…»

Sans cesse le nom, les bontés charmantes de Madame Élisabeth reviennent sous la plume de madame de Bombelles, heureuse de devoir à son amie le vif intérêt de la Reine et ces prévenances qui ont tant de prix quand elles descendent de si haut. La lettre suivante est datée de

«Versailles, le 13 juin 1781.

»… J'ai été avant-hier au soir au concert de la Reine avec Madame Élisabeth. La Reine m'a demandé comment je me portois ainsi que mon enfant, et si cela ne le dérangeoit pas que je vinsse au concert. Je lui ai dit qu'il venoit de teter. Elle a repris: «Mais, si vous vouliez, on pourroit l'amener ici.» J'ai paru confondue de ses bontés, et lui ai répondu que je craindrois d'en abuser; qu'il attendroit fort bien mon retour. Effectivement cela ne lui a pas fait de mal. Je suis rentrée à neuf heures chez moi; il a teté et s'est endormi tout de suite. Il s'endort ordinairement à huit heures, huit heures et demie; mais ce petit retard ne lui a rien fait. Ce pauvre petit chat ne me gêne pas du tout: il boit et mange parfaitement, et se passeroit fort bien de teter toute la journée; mais aussi il ne peut pas, la nuit, se passer de moi. Il est accoutumé à s'endormir, le soir, à mon sein, à teter toutes les fois qu'il se réveille, et ce régime lui réussit si bien et me gêne si peu, que je ne suis pas pressée de le sevrer…»

Tous les incidents, tous les événements, les rumeurs même de chaque jour viennent retentir dans cette correspondance, sorte de journal par lequel madame de Bombelles tient son mari au courant de tout ce qui peut l'intéresser.

«Versailles, ce 14 juin 1781.

»On vient de me dire que l'Empereur étoit arrivé hier soir à Paris. Je suis étonnée qu'il ne soit pas tout de suite venu à Versailles. J'imagine que la Reine l'attend avec beaucoup d'impatience.

»La procession du Saint-Sacrement, qui s'est faite ce matin, étoit superbe: il faisoit le plus beau temps du monde. J'ai été la voir passer d'une fenêtre: Madame Élisabeth m'a dispensée de l'accompagner, ce qui m'a fait grand plaisir, car par la chaleur qu'il faisoit j'aurois fait du mal à mon lait…

»Le feu de l'Opéra dure toujours. Madame la duchesse de Chartres a quitté prudemment le Palais-Royal, et s'est établie à Saint-Cloud…»

«À Versailles, ce 17 juin 1781.

»Madame de Clermont est dans le chagrin, de son côté, parce que son fils va entrer au service et qu'elle n'a pas de quoi l'y soutenir. M. de Castries ne veut rien faire pour elle. Madame Élisabeth m'a promis de lui parler en sa faveur. Cette pauvre femme est presque dans le désespoir, et sera obligée de quitter Versailles si elle n'obtient rien, parce qu'elle n'y peut plus vivre. Cela me fait réellement de la peine: je trouve qu'il est impossible de ne pas être malheureux soi-même de l'infortune des autres, et le tableau continuel des maux de l'humanité seroit bien fait pour détacher de la vie…

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1

Un contemporain de Madame Élisabeth, un témoin oculaire de ses vertus, l'abbé Proyart, qui, dans les plus mauvais jours de la Révolution, s'était retiré à Bruxelles, eut le sentiment de la haute mission réservée par la Providence à Madame Élisabeth. En lui adressant la Vie de Madame Louise de France, la pieuse carmélite, livre qui allait chercher la pieuse captive dans la tour du Temple après la mort du Roi et de la Reine, il lui écrivait la lettre suivante, où éclatent d'une manière vraiment sublime le respect, l'admiration, la vénération sans égale qu'inspirait Madame Élisabeth au plus vertueux de ses contemporains.

«À Madame Élisabeth, sœur de Louis XVI

»Madame,

»Un ordre de la Providence, dont vous nous apprenez si bien à adorer les justes rigueurs, ne me permet pas de m'honorer de votre agrément en vous faisant hommage de la vie de Madame Louise. Mais tout me répond, Madame, de l'accueil que recevra l'ouvrage, quelle que soit la main officieuse qui se charge de l'introduire dans la solitude que vous habitez. L'histoire d'une princesse chrétienne de la France, d'une âme courageuse qui étonna son siècle par la générosité de son sacrifice, et qui, déjà connue dans le monde par l'éclat de ses vertus, devint plus célèbre encore dans la demeure obscure où l'esprit de Dieu l'avait conduite, voilà, Madame, ce qui prête des rapprochements qui, pour échapper aux yeux de la piété modeste, n'en seront pas moins saisis avec l'intérêt le plus touchant par tous les cœurs français. Vivez donc, ange de la France, digne émule de l'ange du Carmel, vivez. Vivez pour vous, vivez pour la patrie; vivez pour les têtes précieuses que le bon Louis vous recommandait en mourant. Remplissez la tâche glorieuse que le Ciel vous impose, de perpétuer les vertus héroïques dans la maison de saint Louis.

»Je suis avec le plus profond respect, »De Madame Élisabeth »Le très-humble et très-obéissant serviteur.»L'abbé Proyart.»

2

La substitution de Loizerolles père à son fils n'est restée un doute pour personne; Fouquier, dans son procès, fut obligé d'en convenir, et il rejeta la faute sur son substitut Lieudon.

«La déclaration de Loizerolles fils sur le dévouement de son père, rapporte M. Berriat-Saint-Prix, fut extrêmement touchante. Longtemps il avait ignoré ce sublime sacrifice. Mis en liberté avec sa mère le 6 brumaire an III (27 octobre 1794), quelques jours après, il l'apprit d'un ancien curé de Champigny, le sieur Pranville, d'abord enfermé à Saint-Lazare, puis à la Conciergerie, et que le 9 thermidor avait sauvé. «Embrassez-moi, dit Pranville au fils Loizerolles, nous sommes deux malheureux échappés du naufrage. Savez-vous qui vous a sauvé la vie? C'est votre père, et voici ses dernières paroles: Ces gens-là sont si bêtes, ils vont si vite en besogne, qu'ils n'ont pas le temps de regarder derrière eux. Il ne leur faut que des têtes; peu leur importe lesquelles, pourvu qu'ils aient leur nombre; au surplus, je ne fais pas de tort à mon fils, tout le bien est à sa mère. Si, au milieu de ces orages, il arrive un jour serein, mon fils est jeune, il en profitera; je persiste dans ma résolution.»

»Loizerolles fils avait peine à comprendre un pareil dévouement. Le lendemain il en eut la preuve. Traversant le pont de l'Hôtel-Dieu, il vit son arrêt de mort affiché parmi plusieurs autres; cet extrait était conforme au jugement du tribunal; le père condamné, c'était le fils qui était resté dans cet acte. Avec la permission d'une patrouille, Loizerolles arracha ce papier, et ce fut la première pièce qui motiva sa pétition et celle de sa mère, qui furent accueillies par la Convention. Devant le tribunal, la déposition de Loizerolles fut si intéressante, si pathétique, que l'auditoire fondit en larmes, et que le président se hâta de fermer le débat sur ce douloureux incident.»

(La Justice révolutionnaire. Paris, Cosse et Marchal, place Dauphine, 1861, page 125.)

On sait aussi que Sallier père, président à la cour des aides, fut condamné par erreur à la place de son fils, conseiller au parlement de Paris, alors absent depuis deux ans. Une autre fois, ce fut un fils qui fut immolé à la place de son père. M. et madame de Saint-Pern figuraient bien sur la liste d'accusation sous la désignation de Saint-Pern et sa femme, ex-marquis et ex-nobles, gendre et fille de Magon de la Balue. Néanmoins, leur fils, encore presque enfant (il avait dix-sept ans), fut, par ordre de Fouquier, extrait de la prison, placé parmi les accusés déjà sur les bancs, et condamné le jour même, sans avoir reçu d'acte d'accusation.

3

Ce trait de tendresse paternelle est rapporté dans les Mémoires de Lombard, de Langres (tome Ier, page 120. Ladvocat, 1823). Non-seulement il n'a pas été contesté, mais la Convention, qui en fut instruite, craignit que cet acte d'héroïsme ne trouvât des imitateurs, et, par un décret du 29 brumaire, prononça la confiscation contre tout prévenu qui se donnerait la mort.

4

M. Davaux, ancien lieutenant général du présidial de Riom, avait été arrêté dans cette ville, et devait être transféré à la Conciergerie. Sachant le péril qui le menace, madame Davaux, qui n'a contre elle aucun mandat d'amener, s'élance sur la voiture qui le conduit à Paris avec d'autres prisonniers des départements. À leur arrivée, elle obtient d'être enfermée avec eux, et elle partage le sort de son époux.

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