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Les grotesques de la musique
Les grotesques de la musique

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Les grotesques de la musique

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Язык: Французский
Год издания: 2017
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Monsieur Jourdain répond: «Il y faudra mettre aussi une trompette marine. La trompette marine est un instrument qui me plaît, et qui est harmonieux.»

A ces mots de trompette marine, l'hilarité du parterre ne manque jamais de faire explosion. Il croit, ce brave parterre, que la trompette marine, instrument fort doux, formé d'une seule corde montée sur un chevalet et qu'on joue comme le violoncelle, est un horrible instrument à vent, une conque de triton, capable d'effaroucher les ânes. Il suppose que Molière a fait dire à M. Jourdain une colossale bêtise, quand il lui a prêté seulement une naïveté. Ce n'est pas plus absurde que si un monsieur Jourdain de nos jours disait en semblable circonstance: «Il y faudra mettre aussi une guitare. La guitare est un instrument qui me plaît et qui est harmonieux.»

Un Jupiter de la critique, attaquant dernièrement avec violence les admirables instruments de Sax, rangeait parmi les plus formidables, les plus propres à déchirer l'oreille, le Saxophone, instrument à anche d'un timbre voilé, délicieux, qu'il confondait avec les sax-horns, instruments de cuivre à embouchure.

Cet illustre et consciencieux aristarque a sans doute étudié l'instrumentation au parterre du Théâtre-Français.

«Ah! ah! ah! la trompette marine! Bravo, parterre! l'horrible Saxophone! Bravo, Jupiter!..»

Jaguarita. – Les femmes sauvages

Tous les hommes civilisés et doués d'un peu d'imagination ont, à une certaine époque de leur vie, partagé la même illusion à l'endroit des femmes sauvages d'Amérique, les confondant avec les gracieuses Taïtiennes, qui ne sont point sauvages du tout. Tous se sont fait un étrange idéal de ces brunes créatures; tous se les sont représentées armées de charmes merveilleux et terribles. «Une Mexicaine, une Guyanaise, une Chilienne, une jeune Comanche, disaient-ils, c'est la fille enchanteresse de la libre nature, c'est l'ardeur des tropiques, ce sont les yeux de la gazelle, c'est la voix du bengali, c'est la souplesse de la liane, l'audace de la lionne, la fidélité du pigeon bleu; c'est le parfum de l'ananas, la peau satiné du camélia; c'est la vierge des dernières amours, l'Atala de M. de Chateaubriand, la Cora de M. de Marmontel, l'Amazily de M. de Jouy.» O jeunes idiots! ô idiots qui n'êtes plus jeunes! c'est vous qui étiez des enfants de la nature quand vous caressiez de pareilles chimères! Si vous avez tant soit peu passé l'Atlantique depuis lors, vous êtes bien revenus, n'est-ce pas, de ces poétiques imaginations? En fait de tropiques, vous savez maintenant que les ardeurs du tropique du Cancer valent celles du tropique du Capricorne; que les jeunes filles Comanches aux yeux de gazelle ont l'intelligence des oies du Canada; que leur voix est rauque; que leur peau, rude au toucher quand elle n'est pas graisseuse, a la couleur du fer rouillé; que leur audace va jusqu'à égorger un enfant endormi; que leur fidélité dure vingt-quatre heures; que leur parfum, fort différent de celui de l'ananas, tue les moustiques, si cruels aux Européens. D'ailleurs, jeunes poëtes, l'Atala de Chateaubriand était une fille européenne blanche, et non point une femme sauvage; on n'a pas vu davantage au Pérou de vierge semblable à la Cora de Marmontel; l'Amazily de M. de Jouy, qui s'appelait Marine, au dire des compagnons de Cortez, fut une vraie virago; elle mérita bien la torture dont les Astèques la menacèrent tant de fois, et, après avoir vécu six ou sept ans avec le ravageur de son pays, autrement dit le conquérant du Mexique, elle épousa un simple caporal de l'armée de ce grand homme. On assure même qu'elle a fini par porter le tonnelet d'eau-de-vie dans un régiment espagnol, et par mourir vieille vivandière.

C'est ainsi que la jeunesse, l'imagination, la naïveté de cœur, la fraîcheur des sens et des aspirations incompressibles vers le beau inconnu, fascinent certaines âmes et les entraînent à préparer à d'autres âmes d'amères déceptions. MM. Halévy, de Saint-Georges et Leuven, qui possèdent évidemment beaucoup de ces qualités, ont produit, je le crains, une œuvre dangereuse pour les jeunes hommes civilisés du boulevard et du quartier du temple, en écrivant l'opéra de Jaguarita. Ces enthousiastes en effet, passant rarement l'Atlantique, ont peu de chances de revenir au sentiment de la réalité. Et les voilà pour la plupart, depuis la première représentation de Jaguarita, en proie aux rêves sauvages les plus échevelés. Les uns s'exercent à tirer de l'arc dans leur mansarde, les autres à empoisonner des flèches en les trempant dans leur vin bleu, celui-ci mange de la chair crue, cet autre scalpe des têtes à perruque; tous marcheraient nus au grand soleil si le soleil se montrait encore; et cela uniquement par amour pour la femme guyanaise, dont l'image occupe leur âme tout entière, incendie leur cœur, fait bondir leurs artères, pour la Cora, pour l'Amazily au ravissant plumage, au séduisant ramage, dont Jaguarita leur a révélé les appas décevants. Mme Cabel, qui remplit ce rôle, est bien coupable d'avoir encore ajouté au prestige de cette création des poëtes la séduction de ses charmes civilisés. Si l'art et la nature, si le satin et les plumes de colibri, les perles et les pommes d'acajou, les bracelets d'or et les colliers de dents humaines s'unissent pour bouleverser les sens de nos jeunes ouvriers dilettanti, Paris, naguère encore si actif, si laborieux, va présenter bientôt l'aspect désolé de la cité carthaginoise quand, après l'arrivée d'Énée, Didon eut perdu l'esprit; et nous allons dire comme le poëte latin: «Pendent opera interrupta!» O poëtes! ô Virgiles de tous les temps et de tous les lieux, que vos opéras non interrompus causent de malheurs dont vous ne vous doutez guère, font couler de larmes que vous n'avez pas le souci d'essuyer! Si les poëtes n'étaient pas évidemment des êtres d'une nature supérieure, que la Providence envoie parfois sur la terre pour y accomplir une mission mystérieuse en harmonie sans doute avec les grandes lois de l'univers, on ne pourrait s'empêcher de maudire leur venue, de blasphémer leurs œuvres, et de les bannir eux-mêmes des républiques en les couronnant de fleurs.

Mais nous ne ressemblons point à Platon, bien que nous soyons très-philosophes; nous avons sur ce grand homme l'avantage de posséder les lumières du christianisme; nous savons que les desseins de Dieu sont impénétrables, nous nous soumettons aux poëtes qu'il nous envoie, nous ne les couronnons pas de fleurs et nous les gardons.

La famille Astucio

M. Scribe, dans son opéra le Concert à la cour, a dessiné, sous le nom du signor Astucio, un caractère qui fit et fait encore l'admiration et l'effroi des artistes.

On disait à l'époque des premières représentations de cet opéra qu'Astucio était le portrait fidèle et fort peu chargé du compositeur Paër. Il y avait, ce me semble, un peu d'audace à mettre le nom de ce maître italien au bas de la photographie de M. Scribe.

Paër était-il donc le seul maître fourbe de son époque? La race d'Astucio est-elle éteinte? et l'auteur de Griselda en fut-il le chef? Bah! il y eut toujours, il y aura toujours des Astucio; à l'heure qu'il est, nous en sommes entourés, circonvenus, minés, rongés. Il y a l'Astucio prudent et l'Astucio hardi, l'Astucio bête et l'Astucio spirituel, l'Astucio pauvre et l'Astucio riche. Ah! prenez garde à cette dernière espèce! c'est la plus dangereuse. L'Astucio spirituel peut en effet n'être pas riche, mais l'Astucio riche a presque toujours de l'esprit. L'un entre partout, pour tout prendre; l'autre se tire des plus fausses positions sans y laisser la moindre de ses plumes. On l'enfermerait dans une bouteille, comme le diable boîteux, qu'il en sortirait sans faire sauter le bouchon. Là où l'or n'a point accès, celui-ci pénètre par son esprit comme dans une place démantelée. Ailleurs, où l'esprit n'a plus cours à force d'être commun, celui-là sait faire manœuvrer la matière et obtenir par ses manœuvres de fabuleux résultats.

La plupart des Astucio ont appris des fourmis l'art de détruire sans avoir l'air d'attaquer.

Les fourmis blanches de l'Inde s'introduisent dans une poutre, en dévorent peu à peu l'intérieur; après quoi elles passent à une autre poutre, et successivement à tous les soutiens de la maison. Les habitants de cette demeure condamnée ne se doutent de rien; ils y vivent, ils y dorment, ils y dansent même dans la plus complète sécurité; jusqu'à ce qu'une belle nuit, poutres, colonnes, planchers, tout étant rongé à l'intérieur, la maison s'écroule en bloc et les écrase.

N'oublions pas l'Astucio protecteur. Sa chevelure argentée demande le respect; il a un sourire plein de bénignité; il protége d'instinct tout le monde; sa mission est le protectorat. Il protégeait Beethoven il y a vingt-cinq ans, et l'égorgillait tout doucement en disant: «C'est beau, mais on ne s'en tiendra pas là. Ce n'est qu'une école de transition.» Il n'écoute jamais l'œuvre d'un de ses protégés modernes sans applaudir ostensiblement et sans dire à ses voisins tout en applaudissant: «C'est détestable! Il n'y a d'abord pas une note à lui là dedans. C'est pris à Gluck, qui l'avait pris à Hændel.» Avec un peu plus de verve il ajouterait: «Qui me l'avait pris.» Celui-là est le vénérable de l'ordre.

Puis enfin l'Astucio roquet. Il semble jouer en vous mordant, comme font les jeunes chiens au moment de la dentition; mais en réalité il mord avec une rage concentrée qu'on redoute peu parce qu'elle est impuissante. Le meilleur parti à prendre à l'égard de celui-là, quand ses mordillements incommodent, c'est d'imiter ce Terre-neuve qui, harcelé par un King's Charles, prit le roquet par la peau du cou, le porta gravement, malgré ses cris, jusqu'au bord d'un balcon donnant sur la Tamise, et l'y laissa choir délicatement. Mais tous les Astucio petits ou grands, avec ou sans esprit, avec ou sans dents, avec ou sans or, lorsqu'ils n'imitent pas les fourmis blanches, savent à merveille contrefaire le travail des coraux et des madrépores et construire des remparts sous-marins qui rendent inabordables les belles îles de l'Océan. Ces remparts s'élèvent avec une lenteur extrême; ils montent cependant sans cesse, ils montent peu à peu jusqu'à fleur d'eau. Les insectes travailleurs sont si actifs et si nombreux! Et l'imprudent navigateur qui, ne connaissant pas de récifs à l'entour de Tinian ou de Tonga-Tabou, met sans méfiance le cap sur ces terres, vient un jour se briser et périr sur un rocher de corail de création récente, dont les ondes lui dérobaient la vue. Que de La Peyrouse sont ainsi tombés victimes des insectes madréporiques!

……

Les mariages de convenance

Au dernier acte d'un autre opéra de M. Scribe (Jenny Bell), on voit une délicieuse jeune fille, soumise à la volonté paternelle, épouser un gros vieux imbécile d'orfévre, et se faire vertueusement passer pour une coquette, afin d'éloigner un jeune homme qu'elle aime et dont elle est tendrement aimée. Ce dénoûment m'a paru affreux; il m'a mis en colère. Oui, quand je vois de ces stupides dévouements, de ces insolentes exigences paternelles, de ces infâmes cruautés, de ces écrasements de belles passions, de ces brutaux déchirements de cœur, je voudrais pouvoir mettre tous les gens raisonnables, toutes les héroïnes de vertu, tous les pères éclairés dans un sac, avec cent mille kilos de sagesse au fond, et les jeter à la mer accompagnés de mes plus âcres malédictions.

Vous croyez que je plaisante! eh bien, vous vous trompez. J'étais furieux tout à l'heure; je suis chargé d'une telle haine pour les pères Capulets et les comtes Pâris qui ont ou veulent avoir des Juliettes, que la moindre étincelle dramatique me met en feu et provoque une explosion. La vertu grotesque de Jenny Bell m'avait réellement exaspéré. Il y a d'ailleurs tant d'espèces de pères Capulets et de comtes Pâris et si peu de Juliettes! Le grand amour et le grand art se ressemblent tellement! Le beau est si beau! Les passions épiques sont si rares! Le soleil de chaque jour est si pâle! La vie est si courte, la mort si certaine!.. Centuples crétins, inventeurs du renoncement, du combat contre les instincts sublimes, des mariages de convenance entre femmes et singes, entre l'art et la basse industrie, entre la poésie et le métier, soyez maudits! soyez damnés! Puissiez-vous raisonner entre vous, n'entendre que vos voix de crécelles et ne voir que vos visages blêmes dans la plus froide éternité!..

Grande nouvelle

On vient de découvrir que l'hymne national anglais «God save the king» attribué à Lulli, qui l'aurait composé sur des paroles françaises pour les Demoiselles de Saint-Cyr, n'est pas de Lulli. L'orgueil britannique repousse cette origine. Le «God save the king» est maintenant de Hændel; il l'a écrit pour les Anglais, sur le texte anglais consacré.

Il y a des découvreurs patentés de ces supercheries musicales.

Ils l'ont depuis longtemps prouvé: Orphée n'est pas de Gluck, le Devin du village n'est pas de Rousseau, la Vestale n'est pas de Spontini, la Marseillaise n'est pas de Rouget de l'Isle, enfin certaines gens vont jusqu'à prétendre que le Freyschütz n'est pas de M. Castilblaze!!!

Autre nouvelle

Mme Stoltz, dit-on, retourne au Brésil!.. elle vient de signer son engagement: quatre cent cinquante mille francs; assurance contre le mal de mer; six domestiques, huit chevaux!!! et la vue gratuite de la baie de Rio nuit et jour! et un soleil véritable! et un enthousiasme réel! et des rivières de diamants! des écharpes brodées par des mains de marquises! des colombes et des nègres rendus à la liberté après chaque représentation! sans compter les hommes libres qui tombent en esclavage!.. Plaisanterie à part, comment la diva résisterait-elle aux offres réellement magnifiques qu'on lui fait à Rio?

Résistons, nous Français, au moins, et ne laissons pas ainsi mettre notre ciel au pillage et enlever nos étoiles par ces gens des Antipodes qui ont tous la tête à l'envers.

Le sucre d'orge. – La musique sévère

On s'imagine dans le monde élégant que ces théâtres récemment éclos, et où l'on a pris la bouffonnerie au sérieux, sont des lieux malsains, mal meublés, mal éclairés, mal hantés et par suite malfamés, et l'on a raison en général de le croire. Il en est de toutes sortes pourtant. Les uns sont en effet mal hantés, mais d'autres ne sont pas hantés du tout. Celui-ci est malfamé, cet autre est affamé. Celui-là, enfin, et c'est du théâtre des Folies-Nouvelles que je parle, est un petit réduit coquet, propret, charmant, illuminé à giorno, et toujours peuplé d'un public bien couvert et de mœurs douces. L'usage s'y est établi (c'est sans doute à cet usage qu'on doit la douceur de mœurs de ses habitués) de consommer dans les entr'actes force bâtons de sucre d'orge. Dès que la toile est baissée, les lionceaux du parterre se lèvent, font un signe amical aux gazelles de la galerie, et s'enfoncent dans la bouche de longs objets de diverses couleurs qu'ils sucent et ressucent avec un sérieux des plus remarquables. Quand je dis que ces objets sucrés sont de diverses couleurs, je me trompe; il y a une couleur adoptée pour chaque entr'acte et qui ne change qu'à l'acte suivant. Après l'exposition, on suce en jaune; au moment où l'action se noue, le rose est sur toutes les lèvres; et quand l'action s'est dénouée, c'est le vert qui triomphe, et toute la salle suce en vert. Ce spectacle est fort étrange et il faut du temps pour s'y bien accoutumer. Pourquoi ce doux usage existe aux Folies-Nouvelles, comment il s'y est établi, ce qui l'y maintient… – question triple à laquelle les vrais savants sont réduits à répondre ce qu'ils répondent à tant de questions simples:

On l'ignore complétement

Et voyez comme on est mal instruit à Paris des choses même les plus essentielles: je ne savais pas, il y a quinze jours où est situé le théâtre des Folies-Nouvelles, et ce n'est qu'à force de dire, tout le long du boulevard, aux personnes dont la physionomie me faisait espérer de leur part quelque bienveillance: «Monsieur, oserais-je vous prier de vouloir bien prendre la peine de m'indiquer le théâtre des Folies-Nouvelles?» que j'y suis enfin parvenu. Et ce théâtre, charmant, je dois le redire, fait de la musique. Il possède un joli petit orchestre bien dirigé par un habile virtuose, M. Bernardin, et plusieurs chanteurs qui ne sont point maladroits. J'allais ce soir-là, sur la foi d'un de mes confrères, assister à une tentative de musique sérieuse dans l'opéra nouveau intitulé le Calfat. De la musique sérieuse aux Folies-Nouvelles! me disais-je tout le long du boulevard, c'est un peu bien étrange! Après tout, c'est sans doute un moyen de justifier le titre du joli petit théâtre. Nous verrons bien. Nous avons vu, et nos terreurs se sont vite dissipées. MM. les directeurs des Folies sont gens de trop d'esprit et de bon sens pour tomber dans une erreur si grave et si préjudiciable à leurs intérêts. Hâtons-nous de dire qu'ils n'y ont jamais songé. A quoi donc mon confrère pensait-il quand il m'a parlé sérieusement de la musique sérieuse du Calfat! Mais si l'auteur se fût avisé d'une aussi sotte incartade, tous les bâtons de sucre d'orge jaunes, roses et verts eussent disparu pour faire place à d'ignobles bâtons noirs de jus de réglisse, les lionceaux du parterre eussent rugi de fureur et les gazelles du balcon se fussent voilé le museau.

Ah! de la musique sérieuse! sans y être forcé! c'eût été une bonne folie! Ces mots: musique sérieuse, ou musique sévère, ce qui est absolument la même chose dans le sens que leur attribuent certaines gens, me donnent froid dans l'épine dorsale. Ils me rappellent les épreuves si dures, si cruelles, si sévères, que j'ai été contraint de subir dans mes voyages!.. La dernière seulement n'a pas eu pour moi de suites fâcheuses; elle a très-bien fini, n'ayant pas commencé. C'était dans une grande ville du Nord, dont les habitants ont une passion pour l'ennui, qui va jusqu'à la frénésie. Il y a là une salle immense où le public se rue, s'entasse, s'écrase, sans être payé, en payant même, toutes les fois qu'il est certain d'y être sévèrement traité. On a oublié d'inscrire sur le mur de ce temple la fameuse devise qui brille en lettres d'or dans la salle de concerts d'une autre grande ville du Nord:

Res severa est verum gaudium,

et qu'un mauvais plaisant de ma connaissance a traduite par:

L'ennui est le vrai plaisir

Or donc, je crus de mon devoir d'aller un jour entendre une des choses les plus sévères et les plus célèbres du répertoire musical de cette grande ville. Toutes les places étant prises, je me mis en quête d'un de ces marchands qui vendent à un prix exorbitant des billets aux abords de la salle. J'étais en négociations avec ce négociant, quand un des artistes de l'orchestre qui allait exécuter rem severam, m'apercevant: «Que faites-vous donc là? me dit-il.

– Je marchande un billet, n'ayant jamais entendu le chef-d'œuvre annoncé pour aujourd'hui.

– Et quelle nécessité y a-t-il pour vous de l'entendre?

– Il y en a plus d'une: les convenances… le désir d'expérimenter…

– Hé, quoi! ne vous ai-je pas vu il y a quinze jours dans notre salle assister, du commencement à la fin, à l'exécution de notre jeune chef-d'œuvre?

– Oui; eh bien?

– Eh bien, vous pouvez, par comparaison, apprécier le chef-d'œuvre ancien que nous allons chanter. C'est absolument la même chose; seulement le chef-d'œuvre ancien est une fois plus long que le moderne et sept fois plus ennuyeux.

– Sept fois?

– Au moins.

– Cela me suffit.»

Et je remis ma bourse dans ma poche et m'éloignai fort édifié.

Voilà pourquoi les sévérités de l'art musical m'inspirent par occasion une crainte si vive. Mais ma terreur était panique cette fois, très-panique; et rien que la lettre de mon confrère ne devait la justifier. Le Calfat est un petit opéra tout à fait bon enfant, qui chante de bonnes grandes valses bien joviales, de bons petits airs bien dégourdis, éveillés, égrillards, et pour rien au monde l'auteur de cette aimable partition, M. Cahen, n'eût voulut se montrer sévère à l'égard des honnêtes gens venus pour l'applaudir. Aussi quel succès! comme on a accueilli son ouvrage! Au dénoûment, les lionceaux et les gazelles laissaient voir un véritable enthousiasme, et les petits bâtons verts s'agitaient dans toutes les bouches comme des pistons de locomotives.

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1

Massues, tabliers, pirogues, nattes.

2

Reine de Taïti.

3

Les nobles.

4

Chef.

5

Les chefs.

6

Les cultivateurs, les propriétaires.

7

Serviteurs.

8

Salutations, bonjour.

9

Menus plaisirs.

10

Dieu.

11

Baisers.

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