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Vie de Christophe Colomb
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Vie de Christophe Colomb

Язык: Французский
Год издания: 2017
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Vie de Christophe Colomb

ÀM. Alfred Nettement,HOMME DE LETTRES, EX-REPRÉSENTANT DU PEUPLE, EX-RÉDACTEUR EN CHEF DE L'Opinion publique

Monsieur,

Je regarderai toujours comme un honneur infini que vous ayez bien voulu me permettre de publier mon livre sous vos auspices; et c'est à vous, dont le noble cœur, le loyal caractère et l'esprit élevé peuvent si bien apprécier en quoi consiste la véritable grandeur, que je dédie ce récit de la vie de Christophe Colomb.

Bonnefoux.

PRÉFACE

Il n'en est pas de Christophe Colomb comme de la plupart des grands hommes que l'histoire nous présente en exemple, et dont la gloire est souvent ternie par des actes qui blessent la morale, la justice ou l'humanité: c'est en vain que leurs admirateurs cherchent à justifier de tels actes par des motifs spécieux de politique ou d'impérieuse nécessité; cette prétendue gloire n'en est pas moins contestée, elle est même niée par les esprits droits qui ne reconnaissent de véritable grandeur que celle qui est basée sur la vertu.

«La gloire suit la vertu comme l'ombre suit le corps:» a dit le plus éloquent des orateurs romains. Ces belles paroles n'ont jamais pu s'appliquer à personne mieux qu'à Christophe Colomb; aussi, pendant que, tous les jours, on compare Annibal à Scipion, pendant qu'on cherche à décider si César l'emporte sur Alexandre ou sur tel autre héros des temps anciens ou modernes, on voit Colomb marcher hors ligne au-dessus de toutes les rivalités; sa gloire n'est seulement pas effleurée par les attaques que l'ignorance et l'envie ont essayé de diriger contre lui, et il est proclamé comme un modèle aussi parfait qu'il est possible de le concevoir d'un simple mortel.

C'est au commencement de 1851 que je pensai à accomplir le projet, depuis longtemps formé dans mon esprit, d'écrire la vie de Christophe Colomb. Je ne me fis nullement illusion sur les qualités qui manquaient à mon style pour traiter un tel sujet avec la supériorité littéraire qu'il exigeait; mais avant tout et selon moi, les voyages, la carrière maritime, les théories, les plans, les découvertes de Christophe Colomb ne pouvaient être bien exposés que par un marin; et quelle que fût mon infériorité sous d'autres rapports, je crus que cette qualité de marin devait passer avant toutes les autres, qu'elle me donnerait des droits à l'indulgence pour celles que je ne possédais pas; et, en me promettant de chercher à être clair, exact et véridique, je me mis consciencieusement à l'œuvre.

Je n'eus cependant pas la présomption d'aborder la critique de front; j'avais un libre et honorable accès dans un recueil mensuel, intitulé: Nouvelles annales de la marine: ce fut là qu'article par article, j'obtins que mon histoire de Christophe Colomb serait imprimée et qu'elle se livrerait aux yeux des lecteurs. Un accueil bienveillant fut fait à cet essai; enfin, aujourd'hui, il m'a été permis de trouver un Éditeur qui a réuni en un corps de volume tous mes articles successifs1. Ainsi, l'auteur a déjà reçu quelques éloges ou plutôt quelques encouragements, et l'on doit regarder ce livre comme une seconde édition de son œuvre primitive.

Il paraît même que l'ouvrage répond par sa nature au tour ou au mouvement présent des esprits parmi nous. Ce sujet a, en effet, été traité, depuis peu, sous diverses formes, et par des hommes de grande réputation: le Civilisateur de Lamartine contient un brillant résumé de la vie de l'immortel navigateur, principalement de la période qui a pour objet la découverte de l'Amérique; Cooper dans son roman de Mercédès, traduit en français sous le titre de Christophe Colomb, avait déjà décrit la même période; M. Jubinal nous a donné cette découverte d'après des pièces originales; la musique, enfin, par l'organe de Félicien David, l'un de ses plus harmonieux interprètes, en a fait le thème d'un des chants les plus mélodieux qui aient jamais frappé l'oreille des hommes.

Mon œuvre moins éloquente, moins fleurie, sans doute, que celles dont je viens de parler est, cependant, plus complète; elle embrasse toute la vie du grand homme; enfin, et je le répète puisque c'est son principal ou même son seul mérite, elle est écrite par un marin.

J'ai nommé Lamartine; ce n'est pas assez de le nommer, je dois encore le citer, bien que son magnifique style ne puisse que jeter une ombre défavorable sur le mien; mais il a fait de Christophe Colomb un éloge si complet, si profondément senti et si vrai, j'éprouve un si grand charme à voir mon admiration partagée, en tout point, par un homme d'un talent aussi élevé, que je ne puis résister au désir de reproduire ici les paroles de l'illustre écrivain:

«Tous les caractères du véritable grand homme sont réunis dans le nom de Christophe Colomb: génie, travail, patience, obscurité du sort vaincue par la force de la nature, obstination douce mais infatigable au but, résignation au ciel, lutte contre les choses, longue préméditation de pensée dans la solitude, exécution héroïque de la pensée dans l'action, intrépidité et sang-froid contre les éléments dans les tempêtes et contre la mort dans les séditions, confiance dans l'étoile non d'un homme, mais de l'humanité, vie jetée avec abandon et sans regarder derrière lui dans cet Océan inconnu et plein de fantômes, Rubicon de 1,500 lieues bien plus irrémédiable que celui de César! Étude infatigable, connaissances aussi vastes que l'horizon de son temps, maniement habile mais honnête des cours pour les séduire à la vérité, convenance, noblesse et dignité de formes extérieures, qui révélaient la grandeur de l'âme et qui enchaînaient les yeux et les cœurs, langage à la proportion et à la hauteur de ses pensées; éloquence qui convainquait les rois et qui domptait les séditions de ses équipages, poésie de style qui égalait ses récits aux merveilles de ses découvertes et aux images de la nature; amour immense, ardent et actif de l'humanité jusque dans ce lointain où elle ne se souvient plus de ceux qui la servent; sagesse d'un législateur et douceur d'un philosophe dans le gouvernement de ses colonies, pitié paternelle pour ces Indiens, enfants de la race humaine dont il voulait donner la tutelle au vieux monde et non la servitude des oppresseurs; oubli des injures, magnanimité de pardon envers ses ennemis; piété, enfin, cette vertu qui contient et qui divinise toutes les autres quand elle est ce qu'elle était dans l'âme de Colomb; présence constante de Dieu dans l'esprit, justice dans la conscience, miséricorde dans le cœur, reconnaissance dans les succès, résignation dans les revers, adoration partout et toujours!

«Tel fut cet homme; nous n'en connaissons pas de plus achevé; il en contenait plusieurs en un seul!»

VIE DE CHRISTOPHE COLOMB

Si jamais l'Europe fut impressionnée par l'accomplissement d'une grande entreprise, si jamais les esprits y furent frappés d'étonnement et d'admiration, ce fut, sans contredit, à la nouvelle du retour de Christophe Colomb après sa découverte d'un monde jusqu'alors inconnu: malgré la lenteur des moyens de communication usités à cette époque, le bruit s'en répandit avec la rapidité de l'incendie; et ce n'était jamais sans enthousiasme qu'on en racontait ou qu'on en entendait raconter les détails!

On a dit depuis qu'il avait existé des preuves d'une fréquentation qui aurait eu lieu, à une période reculée, entre l'Europe et les pays que nous nommons aujourd'hui l'Amérique. Platon parle aussi d'une légende égyptienne dans laquelle il est question d'une terre fort éloignée dans l'occident, appelée Atalantis, et qui aurait été engloutie lors d'une grande convulsion du globe, telle que celles qui sont signalées par des traces du séjour de l'Océan sur de hautes montagnes. On a encore prétendu que des barques ou des navires européens de pêche ou autres, poussés, entraînés par la tempête, avaient abordé, longtemps avant Colomb, sur des côtes vers lesquelles ils avaient été portés par de longues séries de violents vents d'Est. Enfin, les Scandinaves avaient, dit-on, dans leurs traditions, une mystérieuse Vinlande qu'on assure n'être autre chose que le Labrador ou tout au moins Terre-Neuve.

Mais sont-ce là des faits caractérisés, dignes d'être accueillis par des hommes instruits? Il n'y a, ainsi que nous le prouverons dans le cours de nos récits, que l'envie qui puisse feindre de croire à leur valeur pour chercher à affaiblir le mérite d'un grand succès; il n'y a que la crédulité la plus aveugle qui puisse les accepter: aucun d'eux, en effet, n'est ni avéré, ni appuyé sur d'assez fortes bases pour soutenir un examen sérieux; et si, par le plus grand des hasards, il est arrivé que quelque Européen ait débarqué sur ces rivages avant Christophe Colomb, toujours est-il certain qu'il n'en était pas resté de traces dans ces contrées, et qu'aucun n'en était revenu. Il est très-positif, au contraire, qu'avant la fin du XVe siècle, on ignorait complètement quelles étaient les limites occidentales de l'Océan Atlantique: sa vaste étendue n'était regardée qu'avec effroi, et, selon l'opinion générale contre laquelle personne n'aurait songé à s'élever, ces limites étaient un chaos inabordable aux conjectures, et que l'audace la plus téméraire ne pouvait jamais s'aventurer à vouloir pénétrer.

On trouve la preuve de cette opinion dans la description que fait de cette mer l'Arabe Xerif-al-Edrisi, surnommé le Nubien, savant écrivain qui possédait toutes les connaissances géographiques dont la science pouvait alors s'enorgueillir: «L'Océan, dit-il, entoure les dernières limites de la terre habitée; au delà, tout est inconnu, et nul ne peut le parcourir à cause de sa navigation aussi difficile que périlleuse, de sa grande obscurité et de ses fréquentes tempêtes. Aucun pilote n'ose conduire son bâtiment dans ses eaux profondes; les vagues en sont comme des montagnes; et quand elles brisent, il n'y a pas de navire qui pourrait leur résister.»

Tels étaient les obstacles présumés qu'avait à vaincre celui qui réunit la perspicacité de deviner les mystères de ces mers à l'intrépidité d'en braver les dangers; dont le génie audacieux, la constance à toute épreuve, le courage inébranlable le mirent à même de réaliser les plans qui l'avaient longtemps préoccupé, d'accomplir un projet dont nul n'avait seulement entrevu la possibilité d'exécution, et qui, par ses travaux hardis, parvint à mettre en communication les points les plus distants de l'univers. Aucune vie n'a été traversée d'événements plus variés; aucun homme n'a plus médité, n'a plus agi, n'a joui d'une gloire plus pure ou plus méritée; aucun n'a plus souffert!.. Et c'est de cette vie si agitée, qui est le lien entre l'histoire du Nouveau-Monde et celle de l'Ancien, que nous entreprenons de faire le récit.

Toutefois, les historiens qui, avant nous, ont écrit la vie et raconté les actes mémorables du marin qui, par le génie, la force d'âme, la noblesse du caractère, la pureté des sentiments, surpasse les grands hommes de tous les temps et de toutes les nations, ces historiens, disons-nous, ont trop négligé d'apprécier cette existence et ces actes sous le point de vue de l'art nautique et de la navigation: c'est une grande omission, selon nous; et c'est à essayer de la réparer que nous nous proposons de consacrer plus spécialement notre attention et nos efforts.

Le père de Christophe Colomb, qui n'était qu'un simple cardeur de laine, avait épousé à Gênes, sa patrie, Suzanne Fontanarossa, jeune fille d'une condition analogue à la sienne. Christophe, l'aîné de leurs enfants, naquit dans cette ville en 1435; il eut deux frères, Barthélemy et Jacques, dont la vie, pendant sa première période, est peu connue; on sait seulement qu'ils se livrèrent à la construction des cartes marines et à d'autres travaux utiles; mais il est incontestable qu'ils étaient des hommes de mérite, car lorsque, après la découverte de l'Amérique, Christophe les appela auprès de lui, ils parurent avec beaucoup de distinction sur la scène éclatante où ils se trouvèrent transportés. Barthélemy surtout, qui avait navigué, non-seulement déploya alors les qualités d'un excellent marin, mais il fit preuve d'un caractère de fermeté, de noblesse et de vertu qu'on ne saurait trop admirer. Enfin, une jeune sœur complétait cette famille, mais cette sœur vécut ignorée; l'obscurité de sa position l'abrita de l'éclat et aussi des infortunes de ses frères; tout ce qu'on sait de son existence, c'est qu'elle eut pour mari un ouvrier de Gênes, nommé Jacques Bavarello.

Une généalogie aussi modeste n'a pas satisfait plusieurs historiens qui se sont évertués, même dans les temps contemporains, à en composer une qui fût plus illustre; mais Fernand, l'un des fils de Colomb, dit à ce sujet, avec non moins de sens que de véritable fierté, que «sa plus belle illustration était d'être né le fils d'un tel père, et qu'il la préférait de beaucoup à celle que peut donner la plus longue série d'ancêtres nobles et titrés!»

Le nom de Colomb sous lequel est connu, en France, le héros de la découverte du Nouveau-Monde, n'est cependant pas exactement celui de son père, qui s'appelait Colombo. De telles abréviations ou transformations sont assez usitées en Europe, mais elles ont des inconvénients; et il serait à désirer que les noms propres ne fussent jamais altérés; on en voit ici un exemple frappant, car, tandis que de Colombo nous avons fait Colomb, les Anglais, ainsi que plusieurs autres peuples, disent Columbus, et les Espagnols Colon. Quelque vicieux que soit cet usage, il est trop général actuellement pour que nous cherchions à nous y soustraire, et nous maintiendrons ici ce nom de Colomb qui est devenu si grand et si populaire parmi nous.

Les dispositions intellectuelles du jeune Christophe étaient trop prononcées pour que son père pût songer à l'élever dans la profession manuelle qu'il exerçait; Colombo dut s'imposer des sacrifices pécuniaires pour lui donner une éducation plus libérale, et sa tendresse paternelle, illuminée peut-être par un rayon de la divine Providence qui réservait à son fils les plus hautes destinées, ne recula devant l'accomplissement d'aucun de ces sacrifices. Dans sa plus tendre enfance, Colomb eut donc des professeurs de grammaire, d'arithmétique, de dessin et de géographie pour laquelle il avait un goût décidé. Bientôt il montra un penchant irrésistible vers la marine; et, pendant toute sa vie, il n'a jamais parlé de ce penchant précoce sans l'attribuer, avec la véritable piété qui a toujours été l'un des caractères distinctifs de son esprit, à une impulsion surhumaine qui le poussait invinciblement dans les seules voies par lesquelles il pouvait parvenir à exécuter les décrets du ciel dont il s'est toujours cru destiné à être le passif instrument.

Colombo se garda bien de contrarier des inclinations si formelles; de nouveaux sacrifices devinrent nécessaires, et il employa résolûment toutes ses ressources à faire entrer son fils à l'université de Pavie. Un père aux inspirations vulgaires aurait fait embarquer le jeune Christophe comme mousse sur quelque navire marchand, et il aurait cru qu'il n'y avait plus rien à faire: mais Colombo comprit sans doute qu'il n'en aurait fait ainsi qu'un marin ordinaire, et il pensa, avec un grand sens, que, pour le lancer avec distinction dans une carrière aussi difficile, il devait le mettre à même de contempler, de manière à s'en rendre compte, les grandes scènes auxquelles il allait assister, les phénomènes imposants qui devaient s'offrir à ses yeux, et de pouvoir s'élever jusqu'aux plus hautes positions maritimes, par ses connaissances, ses lumières et son instruction.

À Pavie, Christophe apprit le latin, qui était et qui sera toujours une excellente base de toute éducation scientifique; c'était d'ailleurs le langage habituel des écoles du temps, et notre jeune élève y fut bientôt familiarisé: il y apprit aussi la géométrie et l'astronomie; il y continua l'étude de la géographie, et ce fut avec une passion indicible qu'il s'adonna à la théorie de la navigation.

C'est ainsi que se passèrent l'enfance et la première jeunesse de Christophe; c'est ainsi que son esprit fut préparé à lutter toute sa vie contre des obstacles multipliés qu'il surmonta tous, et c'est ainsi que de ses études, de son caractère personnel, de son éducation, du souvenir des touchants efforts que son père avait faits pour le placer dignement sur le noble théâtre où il devait se montrer si supérieur, il acquit l'art difficile d'accomplir de grandes choses avec de faibles moyens, et de suppléer à l'insuffisance de ceux-ci par les facultés prodigieuses de son intelligence, par l'énergie de son caractère: en effet, dans ses entreprises diverses, le mérite de l'œuvre est toujours rehaussé par l'exiguïté des ressources avec lesquelles il sut les exécuter et les faire réussir.

Dès l'âge de quatorze ans, Christophe Colomb, doué d'assez de connaissances pour donner un libre cours à son inclination instinctive, s'embarqua sous les ordres d'un de ses parents nommé Colombo, qui avait une grande réputation de bravoure: actif, téméraire, impétueux, ce capitaine était toujours prêt pour toutes sortes d'expéditions maritimes; et, soit qu'il fallût se livrer à quelque entreprise commerciale, soit qu'il y eût à chercher des occasions de combattre qu'il préférait par-dessus tout, on pouvait s'adresser à lui sans hésiter.

La vie maritime était alors toute de hasards et d'aventures; la navigation commerciale même ressemblait à des croisières, car la piraterie était en quelque sorte légale, et les bâtiments marchands devaient au moins pouvoir et savoir se défendre. Les querelles des divers États de l'Italie, les courses renommées des intrépides Catalans, les escadrilles équipées pour les intérêts politiques ou privés des nobles qui étaient de petits souverains dans leurs domaines, les armements militaires de gens cherchant fortune, enfin les guerres religieuses contre les mahométans, tout contribuait à appeler sur la Méditerranée les hommes des contrées baignées par cette mer, à y faire dérouler les scènes les plus émouvantes, et à la rendre la meilleure école où pût se trouver un apprenti navigateur; ce fut celle à laquelle Colomb se forma comme marin, et qui l'initia aux mœurs, à la discipline, à l'existence enfin de l'homme de mer.

En 1459, Jean d'Anjou, duc de Calabre, arma une flottille à Gênes pour faire une descente à Naples, dans l'espoir de reconquérir ce royaume pour son père René, comte de Provence. Colomb s'embarqua sur cette flottille afin d'y continuer ses campagnes, et il s'y trouva encore sous les ordres de son parent. L'expédition dura quatre ans entiers pendant lesquels elle eut des fortunes diverses: notre jeune marin s'y distingua souvent par des actes d'intrépidité; aussi obtint-il un commandement particulier, avec lequel il eut la mission d'aller attaquer et enlever une galère dans le port même de Tunis, mission qu'il accomplit avec autant de talent que de bravoure!

Pendant plusieurs années, Colombo et son parent Christophe naviguèrent dans la Méditerranée, tantôt en épousant les querelles de quelques-uns des États de l'Italie, tantôt en guerroyant contre les infidèles. Dans le récit des guerres maritimes de cette époque, Colombo est quelquefois qualifié du titre d'amiral; or, ce n'est pas un faible titre de recommandation à l'estime publique que de voir Colomb affectionné et protégé par un marin aussi renommé.

Colombo avait un neveu du même nom que lui, dont la valeur, les exploits et l'audace étaient alors si célèbres, que les femmes maures étaient dans l'habitude d'en faire une sorte d'épouvantail à leurs enfants, lorsqu'elles voulaient refréner leurs mutineries ou leur indocilité. C'était un franc corsaire qui ne respirait et ne vivait que pour faire la guerre de course dans laquelle il excellait. Christophe eut un commandement dans plusieurs de ses croisières; il ne sortait d'un combat que pour assister à un autre; et ces deux marins allèrent même sur les côtes du Portugal pour y attendre quatre fortes galères vénitiennes qui revenaient de Flandre. La rencontre eut effectivement lieu; Christophe en attaqua une avec une grande vigueur; il parvint à l'aborder malgré l'avantage que la galère retirait de ses avirons pour éviter la jonction; mais la défense fut vive et le carnage fut grand des deux côtés; cependant le feu prit à bord et les deux bâtiments turent incendiés. Dans cet affreux désastre, Colomb eut le bonheur de pouvoir saisir un aviron à l'aide duquel il se soutint sur l'eau. Ce ne fut qu'après deux heures d'efforts qu'il put atteindre le rivage: épuisé de fatigue, il fut longtemps à se remettre; enfin, sa forte constitution prit le dessus, et il se rendit à Lisbonne où, trouvant plusieurs de ses compatriotes, il fixa sa résidence.

Nous avons cru devoir raconter ce combat, parce qu'il est attesté par Fernand, l'un des fils de Colomb, qui l'a lui-même décrit; mais il paraîtrait, d'après certains documents également dignes de foi, que Colomb était déjà à Lisbonne lorsque ce même combat eut lieu. Le Portugal était alors entré dans une voie glorieuse de découvertes: ainsi, en réfléchissant à l'esprit enthousiaste de Colomb pour tout ce qui portait le cachet de grandeur maritime, on peut très-bien se rendre compte comment, au lieu de se trouver transporté à Lisbonne par l'effet d'un des hasards de la guerre, ce jeune marin y aurait été conduit par un mouvement de curiosité libérale, et pour chercher à s'y frayer un chemin à la gloire par son mérite et par ses travaux.

En effet, le Portugal venait d'ouvrir la vaste carrière des voyages de recherche et d'exploration qui jetèrent un si grand éclat sur ce royaume. Les îles Canaries, ou les îles Fortunées des anciens, que l'on ne connaissait plus qu'à peine, tant les traditions en étaient affaiblies, avaient été retrouvées, dans le quatorzième siècle, par les Génois et les Catalans; et les voyages fréquents qu'y faisaient les navigateurs du Portugal ainsi qu'aux côtes voisines de l'Afrique avaient captivé l'attention publique. Cette impulsion acquit un nouvel essor par l'influence du prince Henri, fils du roi Jean Ier, qui ayant accompagné son père à Ceuta dans une expédition contre les Maures, y entendit parler de la Guinée, et pensa que d'importantes découvertes étaient probables dans cette direction.

À son retour, il se rendit à Sagres, dans une modeste habitation, près du cap Saint-Vincent, afin d'y réfléchir, dans le calme de la retraite, aux idées qui avaient envahi son esprit. Ce fut là, qu'en pleine vue de l'Océan, il s'adonna à toutes les sciences qui se rapportent à l'art nautique, surtout à la géographie et à l'astronomie dont les Arabes avaient apporté en Europe les premières notions, et dans lesquelles ceux d'entre eux qui résidaient alors en Espagne excellaient. Il appela des savants auprès de lui, il leur fit part de ses préoccupations, et ce fut ainsi qu'il se forma l'opinion bien arrêtée et fort avancée pour l'époque où il vivait, que l'Afrique était circonnavigable, et qu'on devait arriver dans l'Inde en la contournant par mer.

Il réfléchit aussi à la grandeur des républiques de Venise et de Gênes, qui s'étaient enrichies par le monopole du commerce de l'Asie qu'elles s'étaient approprié à l'aide des établissements fondés par elles dans la mer Noire et à Constantinople, où les denrées de l'Orient, quoique portées par une route longue et dispendieuse, ne laissaient pas de leur procurer des bénéfices considérables, puisque les négociants de ces républiques étaient seuls en mesure d'approvisionner le reste de l'Europe. Le prince Henri pensa donc qu'il serait très-avantageux pour le Portugal de prendre sa part de la magnificence des Vénitiens et des Génois, et qu'il ne pouvait y parvenir qu'en faisant suivre un autre cours au commerce ou qu'en se rendant directement dans l'Inde par la voie de la navigation.

Mais l'art nautique était alors dans un état de véritable enfance; les marins n'avaient pas encore osé perdre de vue les côtes de l'Océan; ils ne parlaient qu'avec effroi de son étendue incommensurable, de l'agitation de ses flots, ou, à en juger par les courants des marées aussi bien que des eaux qui avoisinent Gibraltar, du danger qu'il y aurait à aller s'exposer à ces mêmes courants qu'on supposait encore plus violents en s'avançant de plus en plus dans l'Atlantique. On croyait, même que notre planète, dans le voisinage de l'équateur, était barrée par une zone brûlante qu'une chaleur excessive empêchait de franchir; enfin, il existait généralement dans les esprits, une sorte de croyance superstitieuse que quiconque aurait osé s'aventurer au delà du cap Bojador n'en pourrait pas revenir.

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