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Histoire des salons de Paris. Tome 1
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Malgré l'extrême douceur de ses manières, M. de Pezay ne pouvait retenir un sourire amer lorsqu'il disait que M. de Maurepas avait en effet refusé un jour de lui laisser rédiger le simple rapport de l'incendie d'une ferme royale. Après tout, il n'était qu'un intrigant un peu plus habile et mieux élevé qu'un autre, et voilà tout.
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On a fondu les cuivres de ces cartes pendant la révolution, ce qui rend les exemplaires restants de la plus grande rareté. L'atlas de cartes géographiques accompagnant les Mémoires de Maillebois est aujourd'hui d'un prix idéal qui n'est surtout pas en rapport avec la valeur intrinsèque de l'ouvrage.
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Celle d'Amérique pour l'indépendance.
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À la mort de M. de Clugny, on remarqua qu'il était le premier ministre des Finances depuis Colbert qui mourut en place; il y en avait eu vingt-cinq! – M. de Clugny fut remplacé par Taboureau des Réaux, homme intègre et éclairé, dont la sincère probité et les talents ne purent lutter néanmoins contre les intrigues de M. de Pezay, qui voulait que son protégé fût seul.
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Madame Necker, en parlant de M. Necker, est tellement exagérée qu'elle en arrive à être ridicule. Ainsi, par exemple, en parlant de M. Necker: «Il a surtout dans le regard je ne sais quoi de fin et de céleste, que les peintres n'ont jamais adopté que pour la figure des anges…» Et plus loin: «Duclos disait: Mon talent, à moi, c'est l'esprit; car il le mettait à la place de tout… M. Necker peut dire: Mon talent, à moi, c'est le génie.»
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Je crois avoir déjà dit dans mes mémoires sur l'empire que mon père était très-lié avec M. Necker, et qu'il l'estimait beaucoup. C'est de lui que j'ai appris à l'estimer aussi.
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Sénac de Meilhan, intendant de Valenciennes, l'un des ennemis les plus acharnés contre M. Necker.
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C'est ce que Saint-Lambert écrivait après avoir lu la correspondance de Rousseau.
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Il y avait, en France, un respect religieux pour l'ancienne noblesse de robe, qui, en effet, était respectable et honorable sous tous les rapports: les Molé, les Lamoignon, d'Ormesson, d'Aguesseau, Trudaine, Joly de Fleury, Senozan, Nicolaï, Barentin, Colbert, Richelieu, Villeroy, Turgot, Amelot, d'Aligre, de Gourgues, Boutin, Voisins, Boullogne, Machault, Berulle, Sully, Bernage, Pelletier, Lescalopier, Rolland, de Cotte, Bochard de Sarron, etc., etc.
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Il ne fut contrôleur-général qu'en 1789.
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La ferme des postes mise en régie, et le bail cassé, les receveurs des domaines supprimés, les intendants de finances supprimés, les administrateurs réduits à six.
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J'ai déjà dit qu'il s'appelait Masson.
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M. de Talleyrand a beaucoup de ressemblance avec M. de Maurepas: il est comme lui railleur, même dans les choses sacrées, et d'une finesse d'aperçu qui tient plus au talent qu'au génie.
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Suzanne Curchod de Naaz, fille d'un ministre protestant. Elle est née à Genève, quoique son père eût sa cure dans le pays de Vaud.
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Les trésoriers de la maison du Roi, et ceux de la Reine; les trois offices de contrôleurs-généraux, ceux des trésoriers de la bouche, ceux de l'argenterie, celui des menus plaisirs, des écuries, et celui de la maison du Roi, etc., etc.
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Grand-maître de la maison du Roi.
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Ce fait du renvoi de M. de Sartines est bien curieux. On avait besoin de dix-sept millions pour la guerre d'Amérique; mais on voulait le cacher à M. Necker, qui alors était directeur-général. D'accord avec M. de Maurepas, alors ministre, M. de Sartines augmenta son budget de la marine de trois millions par mois. M. de Maurepas était malade; M. Necker, qui ne savait rien de cet accord entre le Roi, M. de Sartines et M. de Maurepas, accuse M. de Sartines en plein conseil. Le Roi se trouve seul; il n'ose dire: Je sais ce que c'est! M. de Sartines est renvoyé comme coupable. Le Roi dit ensuite qu'il l'avait oublié!.. Le silence de M. de Sartines est bien beau.
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Il est remarquable combien M. de Maurepas a de ressemblance avec M. de Talleyrand!
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On avait fait des caricatures représentant madame Necker droite et pâle, se tenant raide et immobile devant son mari tandis que celui-ci dînait, et lui récitant un traité de morale. La maladie de madame Necker était une agitation nerveuse qui l'empêchait de se tenir assise.
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On l'appelait le père de la science; il était l'élève du docteur Quesnay.
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Tout ce qui est en italique est de madame Necker elle-même, et pris d'un portrait de M. Necker. (Voir ses Souvenirs.)
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Successeur immédiat de M. Necker.
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Ministre de la Marine, depuis maréchal.
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Ministre de la Guerre, depuis maréchal, grand-père de l'auteur de l'ouvrage sur la campagne de Russie.
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De la maison du Roi.
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Des affaires étrangères.
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Je dirai, une fois pour toutes, que les histoires que je rapporte sont toutes véritables, ainsi que les noms des personnes que je cite.
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Quelle que fût la bonté naturelle de madame Necker, on sait que M. de Malesherbes était l'ami le plus intime de M. Turgot, et presque, par cette raison, l'ennemi de M. Necker!.. M. de Malesherbes était ensuite plus qu'irréligieux; il était presque athée… et l'un des plus zélés philosophes, sorte de gens par leur nature peu aimés de madame Necker.
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Petite-fille de la maréchale de Luxembourg. Voyez le ravissant portrait qu'en fait J. – J. Rousseau dans ses Confessions. C'est elle qu'il embrassa un jour sur l'escalier du château de Montmorency… ce qui le fit renvoyer du château. – Madame de Lauzun était un ange.
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Mademoiselle de Stainville, femme du prince Joseph de Monaco, était une charmante personne; elle avait, à l'époque où elle se trouvait chez madame Necker, à peine dix-neuf ans. Ses cheveux blonds étaient les plus beaux du monde… Arrêtée d'abord en 93, elle obtint de rester chez elle avec des gardes; elle s'échappa et sortit de Paris… Elle erra plusieurs mois dans la campagne… Enfin, sa malheureuse destinée lui inspira la volonté de rentrer dans Paris… Elle fut arrêtée de nouveau, et cette fois condamnée à mort!.. La malheureuse jeune femme écrivit à ce monstre à face humaine, à Fouquier-Tinville, en lui disant qu'elle était enceinte, espérant par cet innocent mensonge sauver sa vie… Le tigre ordonna le supplice… La veille de sa mort… la princesse de Monaco voulant laisser à ses deux filles un souvenir parlant de cette heure cruelle, coupa ses magnifiques cheveux blonds et les leur envoya. Comme on lui refusait des ciseaux, et qu'elle n'avait aucun instrument tranchant, elle cassa un carreau de vitre dont elle se servit!.. Au moment d'aller à l'échafaud, elle craignit de paraître pâle et demanda du rouge.
– Si j'ai peur, dit-elle avec ce doux sourire d'ange qui était un des charmes puissants de son visage, que ces misérables n'en voient rien… Elle périt la veille de la mort de Robespierre, le 8 thermidor!..
Les deux filles qu'a laissées madame la princesse de Monaco sont madame la marquise de Louvois et madame la comtesse de La Tour-du-Pin.
Le fait de l'éloge de madame de Lauzun, lu par madame de Monaco, est exact; il se passa, comme je le rapporte, chez madame Necker.
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M. de Buffon, né le 7 septembre 1707, avait alors quatre-vingts ans; il mourut à Paris l'année suivante 1788, le 16 avril.
C'est encore une réputation trop exhaussée; quand on voit sur le piédestal de sa statue que son génie égale la majesté de la nature, on se demande quelle louange ou donnera au vrai naturaliste qui soulèvera le voile de la nature et nous révèlera ses secrets. M. de Buffon a révélé seulement le secret d'écrire en prose avec tout le charme et la pompe de la poésie; mais pour être un brillant écrivain, on n'est pas un illustre savant, un homme nécessaire à la science spéciale de l'histoire naturelle. Je dirai plus, on peut lui faire à cet égard même de très-grands reproches. Ses tableaux sont ravissants, mais souvent hypothétiques. C'est une faute, une grande faute; Voltaire l'a bien senti, Condorcet également; Linnée, son contemporain, Linnée, qui fut maltraité par M. de Buffon, Linnée aura peut-être une place dans la postérité que le temps ne lui ravira jamais. Il a attaché son nom à des classifications jusque-là incertaines, et le beau système de M. de Jussieu a même respecté Linnée dans beaucoup de parties. Quant à M. de Buffon, il faut, en faisant son éloge, parler en même temps de Guéneau de Montbeillard, élégant écrivain, et de l'abbé Bexon, pour l'histoire des oiseaux; de M. Daubenton pour la partie anatomique des quadrupèdes, ainsi que de Mertrud; et enfin, pour l'histoire des serpents et des poissons, de M. de Lacépède, dont le talent ressemble tant à celui de M. de Buffon, en ce qu'il montre plus de brillant et de coloris que de profondeur.
Aristote avait posé les premiers fondements de la zoologie; Pline mêla le vrai et le faux, le ridicule et le sublime, accueillant toutes les versions, mais racontant admirablement ce que lui-même voyait; puis vinrent ensuite Gessner (Conrad), Aldrovande, et plus tard Césalpin, Agricola, Jean Rai. Tous ces esprits, cherchant la lumière, avaient préparé les voies, et lorsque M. de Buffon fut transporté au Jardin du Roi, au milieu de ces trésors dont la profusion étonnait même la science, il n'y vint pas seul, et n'y travailla jamais sans aide172.
M. de Buffon est de Montbard; les détails de sa vie habituelle me sont aussi familiers que ceux d'un de mes parents les plus proches. Je sais donc de lui des traits qui repoussent le génie. Cette manie de n'écrire qu'habillé ou tout au moins poudré, et en jabot de dentelle… c'est pitoyable, et cela révèle un talent lorsqu'on y ajoute ce mot:
Le génie, c'est l'aptitude à la patience.
Avec ce système, le génie devrait être bien plus fréquent, tandis qu'il est bien rare!.. Je crois au contraire que le génie, c'est la conception instantanée et surtout rapide de ce qui s'offre à nous. Cette pensée est viable ou elle ne l'est pas. Le moule dans lequel elle fut jetée ne vous la rendra pas. Voilà du moins comment je comprends le génie. Il fut créateur, mais créateur comme la Divinité. Dieu n'a ni repentir ni calcul; ce qu'il produit est parfait. Le génie!.. oh! quel abus on a fait de ce grand nom! Le génie!.. ce mot a été souillé… et maintenant il faudrait un autre mot pour désigner cette émanation de Dieu, cette parcelle du feu qui brûle devant son trône!.. Quel abus nous avons fait et nous faisons encore des mots!!!
M. de Buffon n'aimait pas Linnée: cela devait être; mais pourquoi le laisser voir?.. Linnée reçut longtemps les attaques peu courtoises de M. de Buffon sans lui répondre; cependant le savant de la Suède pensa que le silence était une approbation tacite, et il répondit; mais savez-vous comment? Le fait est assez peu connu.
Un jour, en parcourant les bruyères, les vallées et les lacs de sa province glacée, il trouva dans ses courses une plante fort ordinaire, laide et désagréable à voir, et même à étudier. Elle est de la famille des cariophyllées173; elle ne croît que dans des terrains arides et incultes. Les magiciennes de la Thessalie l'employaient dans leurs enchantements, et dans presque toutes ses touffes on est sûr de trouver un crapaud, parce qu'ils aiment cette plante; lorsque Linnée la trouva, elle était inconnue comme classification; il la plaça avec celles de sa parenté, et la baptisa du nom de BUFFONIA. Ce fut la seule vengeance qu'il tira de M. de Buffon, qui avait été fort mal pour lui.
Cette nature morale et cette nature physique s'alliant ensemble pour une passion humaine des plus basses, la vengeance, m'a toujours paru un texte bien remarquable à commenter!..
M. de Buffon était parfaitement aimable lorsqu'il était avec des personnes auxquelles il voulait plaire. Ses manières et son ton, tout en lui formait ce qu'on appelait alors un homme parfaitement aimable comme un homme du monde… Il avait ces formes non-seulement polies, mais complètement inconnues maintenant, et qui paraîtraient une sorte de caricature des manières d'aujourd'hui… M. de Buffon avait une belle tête de vieillard, et sa tournure avait de la distinction. Son père était conseiller au parlement de Dijon (Benjamin Leclerc).
Un fait que je tiens de mon oncle l'évêque de Metz, c'est que J. – J. Rousseau, passant par Montbard, voulut voir M. de Buffon; il était absent. Jean-Jacques se fit conduire chez lui, et là ayant demandé à être introduit dans le cabinet où travaillait M. de Buffon, Jean-Jacques se prosterna et baisa le seuil de la porte. Mon oncle a été témoin du fait.
M. de Buffon mourut, à Paris, le 16 avril 1788; son fils périt sur l'échafaud, sans que son nom, dont la France devait être trop fière pour le souiller de sang, pût le préserver de la proscription des cannibales qui nous décimaient.
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M. de Voltaire était mort depuis neuf ans (1778).
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On sait qu'ils se détestaient; mais il y avait un raccommodage reblanchi, comme l'écrivait Voltaire au cardinal de Bernis.
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C'est le mot de Lavater.
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On appelle ainsi un rayon de petites rides qui se placent au coin de l'œil, entre l'œil et la tempe.
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Je n'ai transcrit ici qu'une partie de ce charmant éloge de madame de Lauzun, écrit par madame Necker.
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Il est étonnant que madame Necker fasse la faute toutes les fois qu'elle se présente.
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Comme ce portrait ressemble à madame Récamier!
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Quel inconcevable rapport entre ce portrait et celui qui serait fait pour madame Récamier! Beauté, bonté, agréments, considération, tout ce qui est attachant, ce qui tient à l'estime, au charme, à la renommée, tout ce qui fait aimer et plaire se trouve réuni sur les deux têtes de ces femmes charmantes! Comme on aurait été heureux de les voir toutes deux près l'une de l'autre! leurs destinées sont également brillantes devant les hommes, pures et parfaites devant Dieu!.. Toutes deux belles et vertueuses, toutes deux frappées par le malheur: – mais l'une au moins est demeurée pour donner à ses amis le seul bien que Dieu leur accorde, la présence d'un ange consolateur. Une chose remarquable, c'est que madame de Staël a fait de madame Récamier le même portrait que madame Necker de madame de Lauzun.
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Cette partie du portrait est surtout admirable et frappante de ressemblance.
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Madame la comtesse de Blot était dame d'honneur de madame la duchesse d'Orléans.
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Madame Necker prouvait ici ce qui se voit souvent; c'est que la théorie mise en pratique ne remplit pas toujours le même but. Il y avait chez madame Necker une sorte de froid dans la conversation qui ne se voyait nulle part, et sans qu'il y eût toutefois de l'ennui. Cela venait sans doute de l'état nerveux dans lequel elle était toujours. Elle ne pouvait s'asseoir et n'obtenait de repos que dans le bain.
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Les deux frères de ma belle-mère, les oncles de Junot, qui s'appelaient messieurs Bien-Aymé, étaient les amis intimes de M. de Buffon; l'un était évêque de Metz, et avant la révolution premier chanoine de la cathédrale d'Évreux; l'autre, médecin ordinaire de M. le comte d'Artois. Mon oncle l'évêque de Metz était fort habile en botanique, et surtout en histoire naturelle, pour les insectes et les oiseaux. C'est lui qui a fait en entier tout l'article des Abeilles. Guéneau de Montbeillard était souffrant, et ce fut mon oncle qui s'en chargea.
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Cette famille a deux espèces, l'une vivace et l'autre annuelle.