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Histoire des salons de Paris. Tome 1
Histoire des salons de Paris. Tome 1

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Histoire des salons de Paris. Tome 1

Язык: Французский
Год издания: 2017
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– Et je suis sûre, dit madame Necker, qu'il a promis à l'homme de lui faire rendre justice s'il y a lieu?

– Vous en êtes assurée… Quand on le connaît comme nous, on en est sûr d'avance.

– Eh bien! voilà la confirmation de ce que je disais tout à l'heure: un homme qui aura été malhonnête envers un vieillard, un méchant homme enfin, va être plus favorisé que ce Mathurin le pêcheur, qui est peut-être un honnête homme. Je ne comprends pas beaucoup, je l'avoue, la morale de M. de Malesherbes. Je le lui ai déjà dit plusieurs fois et le lui dirai encore… Car enfin, rappelez-vous toutes les aventures qui lui sont arrivées; elles sont plus ou moins désagréables, mais elles le sont souvent pour lui en résultat… Et malgré cela c'est presque toujours une récompense qui est donnée à l'homme impertinent qui aura manqué de respect à un vieillard… M. de Malesherbes est vraiment bien singulier41.

Un Valet de chambre annonçant

Madame la duchesse de Lauzun42, madame la princesse de Monaco!

Madame Necker alla au-devant d'elles, et les saluant avec une réserve douce, sans froideur, mais avec dignité, les conduisit à un grand canapé où les deux jeunes femmes s'assirent.

Madame la duchesse de Lauzun parut d'abord vouloir parler à madame Necker avec un empressement mêlé d'émotion; mais en voyant autant de monde, elle fut embarrassée.

– En vérité, madame, je ne sais comment vous exprimer ma gratitude! M. le maréchal voulait venir avec moi, mais il est goutteux et souffrant, vous le savez… je suis donc venue seule, mais bien pénétrée, madame, de vos bontés pour moi.»

MADAME NECKER, avec un accent plus affectueux qu'habituellement

Je vous assure qu'en faisant ce portrait, je pensais tout ce que j'écrivais, et que rien n'y est exagéré. Tout est vous-même… et si ces messieurs veulent éprouver un double plaisir, ils écouteront M. de La Harpe, qui lit si merveilleusement bien… et qui voudra bien nous dire ce qui se trouve dans ce cahier.

(M. de la Harpe s'incline.)

Tous les Hommes, avec empressement

Ah! oui! oui!.. madame la duchesse, permettez-le.

LA DUCHESSE DE LAUZUN, très-embarrassée, se penchant vers madame Necker, lui dit très-bas:

Madame, je vous en conjure… ne lisez pas devant madame de Monaco!.. elle, si belle, si charmante!.. ah! ne me faites pas faire sans le vouloir une chose qui pourrait paraître de ma part une étrange preuve d'orgueil, et surtout de prétention si peu fondée!..

MADAME NECKER la regarde quelques instants en silence, puis elle dit à M. de La Harpe:

Aussi bonne que belle!..

LA PRINCESSE DE MONACO, qui causait avec le marquis de Chastellux, se levant

Ah ça! si je comprends toute l'agitation qui est autour de moi, je crois qu'il est question de lire un portrait de madame de Lauzun!.. Je ne sais pas si M. de La Harpe est susceptible?.. ajouta-t-elle en se tournant vers lui avec un de ses plus charmants sourires.

M. DE LA HARPE

Madame la princesse veut-elle me dire en quoi j'ai à me soumettre à ses commandements?

LA PRINCESSE DE MONACO, étendant la main vers lui

En me donnant ce rouleau de papier pour que je lise moi-même ce que madame Necker a écrit et ce que nous pensons tous.

MADAME NECKER, allant à elle, la baise au front. La princesse s'incline, et dans ce mouvement plein de grâce, sa belle tête blonde 43 se penche, et le chignon poudré et flottant se sépare et répand une odeur embaumée dans la chambre

Vous êtes aussi une ravissante femme, dit madame Necker, toujours avec cette réserve qui ne la quittait jamais, mais à laquelle se mêlait une vive émotion… Elle prit les deux jeunes femmes presque dans ses bras, et les regardant toutes deux:

– Eh bien! il sera fait comme l'a dit la souveraine des suaves odeurs… nous ne sommes qu'avec des amis! eh bien! qu'une jolie femme prononce l'éloge d'une autre.

On se plaça autour d'une grande table ronde, recouverte d'un tapis de velours vert bordé d'une frange d'or; sur cette table était un flambeau d'argent à douze branches surmonté d'un abat-jour; autour de la table se rangèrent M. de La Harpe, M. de Chastellux, M. Suard, l'abbé Morellet, l'abbé Galiani, M. de Saint-Lambert, M. de Florian, M. Gibbon, M. de Chabanon et M. Moultou, etc. etc. À côté de madame Necker toujours debout, mais toutes deux assises, étaient les deux jeunes femmes, mises à la mode du temps; elles portaient un pierrot en pékin rayé avec un grand fichu en gaze de Chambéry, bordé d'une magnifique blonde… Le pierrot de madame de Lauzun était de pékin puce rayé, couleur sur couleur, d'une large raie satinée, et garni d'une ruche découpée; sur sa tête était un petit chapeau de satin rose, avec un bouquet de plumes également roses, posé sur le côté. Madame de Monaco était en cheveux, n'ayant que ce qu'on appelait alors un œil de poudre; elle était habillée d'une étoffe vert clair parsemée de petites roses…

Au moment où l'on allait commencer la lecture du portrait, on annonce:

M. le comte de Buffon, M. de Marmontel!..

MADAME NECKER, allant vivement à M. de Buffon

Eh quoi! c'est vous!.. et si tard!..

M. LE COMTE DE BUFFON, après lui avoir baisé la main

Il n'est jamais tard pour venir à vous, car pour une si douce chose que celle de vous voir, on est toujours prêt!.. (Il s'incline très-bas devant les deux jeunes femmes.) Madame la princesse de Monaco, veut-elle bien recevoir mon hommage44?

(Il s'approche de madame de Lauzun, qu'il connaît davantage, et lui prend la main, qu'il baise, toujours en s'inclinant profondément.)

MADAME NECKER

J'espère, Marmontel, que vous n'aurez pas permis au comte de faire une trop longue course à pied?

M. DE MARMONTEL

Traverser les Tuileries seulement, madame.

MADAME NECKER

C'est encore beaucoup.

M. DE BUFFON

Lorsque les vieillards ne marchent pas, ils perdent l'usage de leurs jambes…

MADAME NECKER

Mais n'en est-il pas de même de leurs facultés? Voyez Voltaire! s'il n'avait pas toujours écrit, il n'aurait pas produit aussi tard ni aussi bien.

MARMONTEL

Ah! aussi bien!

(M. de Buffon sourit sans parler.)

M. DE LA HARPE

Mais…

MARMONTEL

Mon cher La Harpe, vous ne pouvez, avec toute votre amitié pour M. de Voltaire, lui reconnaître du talent dans ses derniers jours45.

M. DE BUFFON, d'une voix égale et douce

Messieurs, messieurs, point de discussion sur le génie du grand homme46!

MADAME NECKER

Et notre éloge?

LA DUCHESSE DE LAUZUN, d'un ton caressant

Pas aujourd'hui…

MADAME NECKER

Et moi, comme auteur, et comme maîtresse de maison, j'ordonne ici… et je veux que vous entendiez votre amie vous louer comme vous devez l'être.

LA PRINCESSE DE MONACO

Je suis prête!..

(Au moment où elle va commencer, une porte s'ouvre à côté de la cheminée; un homme sans chapeau et vêtu d'un habit noir sort par cette porte, suivi d'une jeune femme, dont la tournure est étrange et dont l'aspect présente celui de la force et de la santé. Cet homme était M. Necker, alors contrôleur-général de France, et la jeune personne était Germaine Necker, femme du baron de Staël, ambassadeur de Suède. À la vue du contrôleur-général, tout le monde se leva, et madame Necker s'avança vers son mari avec le respect qu'elle lui témoignait en toutes circonstances. M. Necker prit la main de sa femme et la lui serra avec tendresse. C'était un spectacle à la fois touchant et respectable que la vue de cet intérieur. Madame de Staël s'avança vers sa mère, qui l'accueillit froidement, quoiqu'elle l'aimât; mais leurs natures ne se ressemblaient pas assez.)

M. Necker avait à cette époque de sa vie quarante-cinq ans: sa taille était haute, sans être très-grande, mais il avait un art particulier de porter sa tête et d'ajouter à la hauteur de sa personne; son front, quoique élevé, avait une singulière particularité; il y avait de la femme47 en lui; ni angles, ni nœuds, ni de ces pattes d'oie48 qui vieillissent avant le temps les visages qui les ont; son œil était admirable; il y avait dans son regard une douceur infinie, et puis une activité d'âme tempérée par la sagesse, fruit de ses longues études et d'une connaissance intime du cœur humain, qui lui donnaient une gravité douce échappant aux calculs matériels de la terre, et n'étant pas étrangère à ce monde invisible dont nous faisons partie sans pouvoir le comprendre. Dans ce regard attentif, on trouvait, dit Lavater, la force de combinaison plus peut-être que la force créatrice… son teint était d'un jaune pâle, ainsi que tous les hommes qui travaillent beaucoup. Sa bouche avait une ligne surtout très-remarquable, aiguë, sans dureté, qui permettait aux lèvres de sourire avec grâce; c'était encore, comme sur son front et dans son regard, une beauté, ou plutôt un agrément de la femme qui existait dans sa conformation. Son menton était peut-être un peu long et replet, mais non pas comme le serait un menton d'homme éminemment gourmand. Il y avait en général dans tous ses traits une grande harmonie, et il ne pouvait se mouvoir sans se placer dans une attitude qui lui seyait.

Son nez n'avait aucune forme particulière: il n'était ni aquilin, ni grossièrement taillé, quoique fort, mais il était ce qu'il fallait pour rendre cette physionomie imposante par tout ce qu'elle exprimait en repos. Une qualité à lui particulière, c'était la grâce simple, chose si difficile à acquérir quand la nature ne vous l'a pas donnée, qu'il mettait à accueillir les étrangers qu'on lui présentait et les personnes qu'il connaissait et qu'il trouvait chez madame Necker en sortant de son travail. Il mettait à l'aise dans le salon où l'on était avec lui, et malgré ce qu'on a dit à Paris de la raideur de madame Necker, je tiens de plusieurs personnes dignes de foi qu'elle et lui faisaient à ravir les honneurs de chez eux. Quant à madame de Staël, elle était déjà à cette époque si bruyante et si démonstrative, qu'à côté d'elle une politesse ordinairement affable paraissait froide et sans couleur. Les jeunes personnes n'avaient alors rien de ce mouvement perpétuel qui l'agitait, et qui depuis s'est au reste fort calmé; mais nous avons pu juger de ce qu'il était lorsqu'elle avait quinze ans, et cela devait être étrange.

Lorsque M. Necker fut assis et que sa fille eut pris sa place à côté de lui, comme si elle eût cherché un appui, il se tourna vers la duchesse de Lauzun, qu'il connaissait mieux que la princesse de Monaco, et lui dit en souriant: – Est-ce qu'Émilie a reçu un portrait qu'on m'a fait voir, mais que je ne connais pas entièrement?

LA PRINCESSE DE MONACO

Nous en sommes là précisément, monsieur! Madame de Lauzun prétend qu'elle ne veut pas qu'on lise son éloge devant elle; moi je prétends qu'il y a de la vanité là-dedans.

M. NECKER, riant doucement, et à madame de Lauzun

Mais savez-vous que cela y ressemblerait un peu? Vous! vous! de la coquetterie!

LA DUCHESSE DE LAUZUN

J'avoue que cela m'émeut de penser qu'on s'occupera de moi exclusivement pendant tout un quart d'heure, et je suis sûre que madame de Monaco est comme moi.

LA PRINCESSE DE MONACO, souriant

C'est selon!.. mais allons, nous perdons un temps qui serait bien mieux employé.

(Elle se place dans le vrai jour, et commence à lire.)

«Pour connaître la nature humaine dans tout l'éclat dont elle est susceptible, et pour qu'elle nous inspire à la fois autant d'admiration que d'intérêt, il faut se représenter, sous les traits d'une jeune personne, l'union véritablement divine de la sagesse et de la beauté.

«Quand je considérais dans mon esprit l'accord touchant et sublime de ces deux perfections, quand je me blâmais ensuite de m'occuper trop exclusivement d'un prodige sans vraisemblance, je le vis se réaliser à mes yeux; je vis Émilie49.

«Qui connut cette femme charmante et ne ressentit aussitôt les douces émotions de l'amour et de l'amitié? Ses grâces naïves pourraient inspirer, je l'avoue, des sentiments trop passionnés, s'ils n'étaient réprimés par la noble décence de ses regards, et par l'expression céleste de sa physionomie; car c'est ainsi qu'Émilie en impose50, sans le savoir, et qu'elle ne fait jamais naître que des sentiments dignes d'elle51.

«Heureuses les femmes qui ont su longtemps cacher leur mérite par la simplicité et la modestie, et qui ont appris leur secret au public avant de le savoir elles-mêmes! Heureuses celles qui ont su se faire aimer avant de faire naître l'envie, et qui ont jugé de bonne heure que l'exemple donné en silence est le plus utile de tous!.. Émilie fait rarement l'éloge de la vertu; car elle entrevoit sans s'en douter que ce serait parler d'elle. Elle craint les regards, les distinctions; elle ne peut suivre la route commune et ne veut point paraître s'en écarter.

«La grande considération dont jouit Émilie dans un âge aussi peu avancé n'est pas due à la seule vertu; car on trouve des femmes très-honnêtes et qui remplissent bien des devoirs austères, sans qu'elles aient obtenu cette fleur de réputation que possède Émilie… C'est donc à une âme à elle, dont sa physionomie est l'image, qu'elle doit l'estime et les égards dont elle est entourée. Les femmes qui veulent captiver l'opinion cherchent à s'insinuer dans tous les esprits par des propos flatteurs, par des attentions de tous les genres. Émilie, au contraire, n'a jamais montré aux indifférents d'autres sentiments que celui de la bienveillance, et néanmoins elle a réuni tous les suffrages52, comme les corps célestes qui, paraissant rester toujours dans la même place, attirent cependant tous les autres autour d'eux, sans mouvement et sans effort.

«Cette âme tendre, qui vit au milieu du monde, et comme le monde, semble transformer en actions vertueuses toutes les actions indifférentes, et se trouver, ainsi que Mornay, au milieu des combats, non pour y prendre part, mais pour garantir la vertu, ce maître qu'elle s'est choisi, des coups qu'on veut lui porter. Ce caractère, d'une vertu simple et sans éclat, est le plus rare de tous; car, en général, les femmes ressemblent à ces soldats qui s'étourdissent par leurs propres cris quand ils marchent à la victoire.

«L'éducation d'Émilie ressemble à la législation de certains peuples qui ne traitait que des fautes légères, pour ne pas donner l'idée des grands crimes: aussi se trouble-t-elle par la crainte de la moindre omission; aussi rougit-elle dès qu'on la regarde53, et rougit-elle de s'être aperçue encore qu'on la regardait. Émilie connaissait bien mieux que personne l'importance des petites choses dans l'exercice de ses devoirs, et rien de ce qui peut contribuer au bonheur des autres, ou augmenter leur affection, ne lui paraît à dédaigner. C'est par un enchaînement de moyens très-délicats, connus ou plutôt devinés par les âmes sensibles, et qu'il leur est plus aisé de pratiquer que d'exprimer; c'est par une constance à toute épreuve qu'Émilie s'est frayé une route vers le bonheur, à travers les circonstances les plus difficiles et les plus cruelles. Pourquoi ne nous est-il pas permis de montrer, dans toutes les situations de sa vie, ce modèle de perfection où les femmes peuvent atteindre, et dérouler toutes les circonstances de cette apparition de la vertu sur notre terre abandonnée?..

«La religion d'Émilie est une raison éclairée. Elle ne la montre pas par accès, mais par une suite d'actions qui ont entre elles un rapport constant et dérivent toujours des mêmes principes.

«Ô vous! ange protecteur à qui le Ciel a confié les jours et les vertus de ma chère Émilie, ange qui suivez ses pas au milieu des dangers dont elle est environnée…»

Un Valet de chambre, annonçant

Madame la comtesse de Blot54!

LA DUCHESSE DE LAUZUN, rapidement et à voix basse à M. Necker, tandis que madame Necker va au-devant de madame de Blot

Je vous en conjure, monsieur, je vous supplie de ne pas faire continuer la lecture devant madame de Blot.

M. NECKER

Pourquoi cela? elle est de nos amies. C'est une femme d'esprit, parfaitement agréable, et bien faite, je vous l'assure, pour sentir tout ce que vous valez… Je voudrais, au contraire, que l'on recommençât la lecture pour elle, et si vous étiez complaisante, autant que bonne et charmante, vous nous en laisseriez prendre la licence.

LA DUCHESSE DE LAUZUN, rougissant et très-embarrassée

Je ne puis, monsieur, vous exprimer toute ma gratitude de la bonté avec laquelle madame Necker veut bien parler de moi; mais… je n'ai pas le courage de braver la censure de madame la comtesse de Blot.

M. NECKER, avec un sourire malin

Vous êtes prévenue contre madame de Blot, et cela est très-naturel. Je sais pourquoi!

LA DUCHESSE DE LAUZUN, vivement

Je n'ai nommé personne!

M. NECKER souriant encore

Oh! personne… positivement… non; mais… vous savez que le regard est souvent plus éloquent que la parole même.

LA DUCHESSE DE LAUZUN, embarrassée

Je vous assure, monsieur, que…

M. NECKER, la regardant avec un intérêt marqué

Vous êtes un ange qui ne pouvez rien céler, et surtout qui ne sait rien céler!.. Au reste, la personne qui est en guerre avec madame de Blot est assez hostile envers madame Necker et envers moi pour que je craigne son influence sur vous!..

LA DUCHESSE DE LAUZUN, avec intérêt

Elle serait nulle, si elle voulait agir contre vous et madame Necker… Madame Necker!.. qui est pour moi, comme l'amie… la mère la plus tendre et la plus éclairée!..

M. NECKER, après avoir hésité un moment

Eh bien! alors, comment pouvez-vous entendre madame la comtesse de Genlis parler sur ma femme comme elle le fait?..

LA DUCHESSE DE LAUZUN, avec dignité et une sorte d'émotion

M. Necker, comment vous, qui jamais ne dites une parole légère, pouvez-vous m'en adresser qui me soient presque douloureuses?.. Moi! écouter, entendre dire quelque chose d'offensant sur madame Necker!.. Vous ne le croyez pas!.. Qui m'a accusée de cette faute?.. car vous ne pouvez m'en avoir soupçonné, vous!..

M. NECKER, lui prenant la main avec émotion

Pardon! pardon!.. mais vous connaissez cette histoire que fait courir madame de Genlis sur le compte de madame Necker?

LA DUCHESSE DE LAUZUN

Non!.. je n'ai rien appris! Qu'est-ce donc?

M. NECKER, souriant

Puisque vous l'ignorez, je ne vous l'apprendrai pas, oublions-le; l'oubli de ce qu'ils disent devrait être la vraie punition des méchants.

Un Valet de chambre, annonçant successivement

M. le comte de Creutz… M. Chénier… Lord Stormont… M. de Grimm… M. Damdhume… M. de Chabanon… Madame la comtesse de Brienne… Madame la comtesse de Châlons… Madame la comtesse de Tessé… M. le marquis de Castries… Madame la duchesse de Grammont… Madame la princesse de Poix… Madame la princesse de Beauvau… Madame la duchesse de Choiseul… Monsieur l'abbé Raynal, etc.

La conversation devint générale; mais, ainsi que le voulait madame Necker, elle était toujours dirigée par la maîtresse de la maison… Elle voulait aussi qu'aucune des personnes présentes ne sentît qu'elle était sous la dépendance de la présidente du salon… Il faut que le pouvoir agisse invisiblement, disait madame Necker55… Et cela n'était pas toujours…

Le moment, au reste, l'exigeait impérieusement. On était à cette époque où, après les notables, l'Assemblée Constituante se formait dans l'avenir, et cette association du tiers, que M. Necker espérait enfin faire adopter, causait déjà un mouvement général fort actif. Les amis de M. Necker lui étaient demeurés fidèles… mais cette fidélité subsisterait-elle toujours?.. il y avait une grande épreuve à soutenir… Le moment était critique, car le délire de la liberté américaine existait encore dans toute sa force, et cette liberté se voyait dans tout ce qui offrait un point d'opposition avec la Cour. M. Necker en était presque haï dans cet instant, et cette défaveur suffisait pour lui donner une faveur que peut-être, sans cela, il n'aurait pas eue en France, où tout ce qui fait réussir manquait à M. Necker, la grâce, la légèreté d'esprit, de cet esprit spécial à notre pays, qu'on ne comprend que lorsqu'on est né en France. Mademoiselle Necker aimait la discussion et la rendait animée, ce qui déplaisait à sa mère, surtout dans le moment où les affaires politiques demandaient un grand calme et beaucoup de circonspection. Madame Necker avait deux jours spécialement affectés pour recevoir… le lundi et le vendredi; le lundi était plus intime… La santé déplorable de madame Necker lui rendait, en général, ces jours-là fatigants, mais elle y était à côté de son mari… Elle le voyait, l'entendait, et pour elle, ce charme du cœur se répandait sur tout ce qui l'entourait. Pouvant difficilement s'asseoir, elle allait d'un groupe à l'autre, écoutait et revenait près de la cheminée, où bientôt elle était entourée à son tour, et M. Necker le premier était attentif à tout ce qu'elle disait, et recueillait avec une religieuse et scrupuleuse attention les anecdotes qu'elle racontait avec une grâce charmante. Il est faux qu'elle fût guindée

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1

«Je la trouvai dans la chambre d'une de ses femmes; mademoiselle de Chevreuse et moi, nous nous assîmes sur une malle, et là nous parlâmes des affaires du moment, qui étaient bien alarmantes.»

2

Signes de ralliement de la Fronde.

3

La duchesse de Bouillon, la comtesse de Soissons, le maréchal de Luxembourg! et tant d'autres noms fameux parmi les plus respectés.

4

Anne de Gonzague, fille de Charles de Gonzague, duc de Nevers, puis de Mantoue, femme d'Édouard, comte palatin du Rhin. Elle était la plus intrigante personne du monde, très-dévouée à Mazarin et à Anne d'Autriche. Bossuet, qui était homme de cour en même temps qu'orateur, parle d'elle avec beaucoup de finesse dans son oraison funèbre: «Toujours fidèle à la reine Anne, dit-il, elle eut le secret de cette princesse et celui de tous les partis, tant elle était pénétrante, tant elle savait gagner les cœurs.»

5

Voir le compte-rendu de l'exposition de l'époque.

6

Je sais que je m'attirerai des reproches en disant que Voltaire n'est pas poëte… On ne l'est pas cependant pour avoir fait des poésies légères, quelque parfaites qu'elles soient… Quel nom donnerez-vous à l'Arioste!.. au Tasse?..

7

Voici à ce sujet un mot du prince de Conti le père. Son fils, le comte de la Marche, prit parti pour le parlement Maupeou; le vieux prince était pour l'ancienne magistrature, et pensait que la France était perdue si elle demeurait exilée.

«Je savais bien, dit-il un jour devant cent personnes, que le comte de la Marche était mauvais fils, mauvais père et mauvais mari, mais je ne le croyais pas mauvais citoyen.»

8

Il n'est que trop vrai que, dans l'origine, la Reine fut pour ce malheureux choix!..

9

Madame de Genlis.

10

Ce n'est pas par la douceur de sa voix et de son timbre que madame de Coigny donnait l'exemple chez elle, car elle avait un son de voix rauque le plus désagréable du monde.

11

M. Fox attaqua vivement M. Pitt dans le Parlement pour ce traité: chose étrange! parce que c'était nous qui étions froissés et perdus par ses clauses… Un jour M. Fox dit en plein parlement: «Il est étrange que M. Pitt croie aussi facilement à l'amitié de gens qui ont aidé l'Amérique à se soulever et à nous échapper. En vérité, ajouta-t-il, c'est comme ceux qui prennent pour positif: «Monsieur, j'ai bien l'honneur d'être votre très-humble et très-obéissant serviteur.» En même temps, il se tournait, avec un air ironique, du côté de M. Pitt. – «Et dont on l'est si peu, qu'on se bat avec lui le lendemain,» répondit froidement M. Pitt.

12

Ce fut sur lui qu'on fit ce quatrain; il est de M. de Rulhières:

Ce jeune homme a beaucoup acquis,Acquis beaucoup je vous le jure.Il s'est fait auteur et marquis,Et tous deux malgré la nature.

13

M. de Maurepas avait un petit appartement que Louis XVI lui avait donné tout près du sien; il le sonnait comme Louis XV sonnait ses quatre filles. Il sonnait d'abord madame Adélaïde, elle sonnait alors madame Victoire, qui sonnait madame Sophie, et le dernier coup de cloche était pour madame Louise.

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