bannerbanner
L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie
L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie

Полная версия

L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie

Язык: Французский
Год издания: 2017
Добавлена:
Настройки чтения
Размер шрифта
Высота строк
Поля
На страницу:
6 из 6

Pippa.– Que me reste-il à faire de plus?

Nanna.– Je voudrais t'exhorter à une chose, et je n'ose me risquer à la dire.

Pippa.– A quoi donc?

Nanna.– A rien.

Pippa.– Dites-le-moi, je veux le savoir.

Nanna.– Non, ce me serait imputé à blâme et à péché.

Pippa.– Pourquoi m'avez-vous mise en goût de le savoir?

Nanna.– A te dire vrai, que diable en sera-t-il, si tu peux souffrir la promiscuité de juifs? Oui, endure-la donc, mais adroitement. Trouve un prétexte, comme de vouloir acheter des tapisseries, des garnitures de lit et semblables babioles; tu verras qu'il s'en rencontrera bien quelqu'un qui te mettra dans le tiroir de devant le produit net de toutes leurs usures, de toutes leurs filouteries, et qui y surajoutera même l'argent du change; s'ils puent le chien, laisse-les puer.

Pippa.– Je croyais que vous alliez me confier quelque grand secret.

Nanna.– Que sais-je, moi? L'infection qui est leur maladie me fait hésiter à t'en parler. Mais sais-tu ce qu'il en est? Les gros grains ramassés par les gens qui vont sur mer, c'est au risque d'aller ramer sur les galères, au risque des Catalans, au risque de se noyer, de tomber entre les mains des Turcs, de Barberousse, de voir le vaisseau s'effondrer, de manger du pain sec et plein de vermine, de boire de l'eau et du vinaigre, et de supporter mille autres misères, à ce que j'ai entendu dire. Si celui qui va sur mer ne s'inquiète ni du vent, ni de la pluie, ni de ses fatigues, pourquoi une courtisane ne se moquerait-elle pas de la puanteur des juifs?

Pippa.– Vous faites des comparaisons on ne peut plus jolies. Mais si je m'empêtre d'eux, que diront mes amis?

Nanna.– Que veux-tu qu'ils disent, s'ils ne savent rien?

Pippa.– Comment ne le sauraient-ils pas?

Nanna.– Si tu n'en dis rien, le juif, par crainte qu'on ne lui casse les os, sera discret comme un voleur.

Pippa.– De cette façon, oui!

Nanna.– Te voici dans ta chambre un Florentin, avec ses froncements, ses remuements de babines; fais-lui bon accueil. Les Florentins, hors de Florence, ressemblent à ces gens qui ont la vessie pleine et n'osent aller pisser, par respect pour l'endroit où ils se trouvent; une fois sortis, ils submergent un terrain d'une longueur!.. d'une longueur! avec l'urine que verse leur ustensile. Ils sont, je te dis, plus larges dehors qu'ils ne sont chez eux serrés; en outre, ils se montrent lettrés, gentils, polis, spirituels, savoureux, et quand ils ne te feraient cadeau de rien plus que de leur aimable langage, ne pourrais-tu pas t'en contenter?

Pippa.– Moi, non.

Nanna.– C'est une façon de parler. Suffit qu'ils dépensent au possible, qu'ils font des soupers pontificaux et des parties de plaisir bien autrement galantes que les autres; enfin, leur langue plaît à tout le monde.

Pippa.– Venez-en donc un peu aux Vénitiens.

Nanna.– Je ne veux pas te renseigner sur eux, parce que si je t'en disais autant de bien qu'ils en méritent, on me riposterait: «L'amour te déçoit!» et certes il ne me déçoit nullement, car ce sont les dieux, les maîtres de l'univers, et les plus beaux jeunes gens, les plus beaux hommes faits, les plus beaux vieillards du monde. Dépouille-les de ces vêtements austères qu'ils portent, tous les autres hommes te paraîtront des fantoches de cire, en comparaison, et bien qu'ils soient fiers, parce qu'ils sont riches, ils sont la bonté même, pourtraite au naturel. Quoiqu'ils vivent en marchands vis-à-vis de nous autres, ils se comportent royalement, et celle qui sait les prendre peut s'estimer heureuse: toute chose en ce monde est plaisanterie, sauf ces grands coffres qu'ils ont, pleins jusqu'au bord de ducats, et qu'il tonne ou pleuve, ils n'en font pas plus de cas qu'un bagattino13.

Pippa.– Dieu les protège!

Nanna.– Il les protège bien.

Pippa.– Mais maintenant que je m'en souviens, expliquez-moi donc pourquoi la signora qui est revenue de chez eux l'autre jour n'a pu y rester; à ce que ma marraine disait, elle s'en est revenue avec vingt paires de caisses remplies de cailloux.

Nanna.– Je vais te le dire. Les Vénitiens ont le goût fait à leur façon particulière; ils veulent des fesses, des tétons et des chairs fermes, de quinze à seize ans jusqu'à vingt ans, au plus, et non pas des pétrarquesqueries. Pour cette raison, ma fille, avec eux mets dans le coin les manières de courtisane et régale-les au naturel, si tu veux qu'ils te jettent à pleines mains de l'or couleur de braise et non des sornettes couleur de brouillard. Pour moi, si j'étais homme, je voudrais coucher avec une femme qui aurait plutôt la langue emmiellée que bien endoctrinée, et j'aimerais mieux tenir dans mes bras la plus grande catin que messire Dante; crois-moi, c'est une autre mélodie que la sienne, celle d'une main qui s'égare, qui va cherchant au bas du ventre les cordes du luth et sait s'arrêter sur ce nerf alors qu'il n'est pas trop rentré en dedans ni trop poussé au dehors. La musique de cette main qui tapote le sanctuaire des fesses me paraît d'une autre suavité que celle des fifres du château, quand les cardinaux s'en vont au palais sous ces vastes capuchons qui les font ressembler à des chouettes blotties dans leur trou. C'est comme si je la voyais, cette main dont je te parle, cesser un peu la musique, puis reprendre le manche qui, en retenant et en déchargeant sa colère, se hausse et se baisse comme ferait une peinture, supposé qu'elle fût animée.

Pippa.– Oh! vous peignez suffisamment bien en paroles. Je me suis toute troublée en vous écoutant et j'aurais volontiers cru que cette main dont vous parliez se glissait au bas de mes tétons et allait me prendre… je ne veux pas dire quoi.

Nanna.– Je me suis aperçue de ton émotion à ta figure, qui a commencé par changer, puis qui s'est couverte de rougeur pendant que je te montrais ce qui ne se voit pas. Pour te faire faire un saut de Florence à Sienne, je te dirai que les Siennois, ces grosses bêtes, sont de bons fous, pas méchants, encore bien que depuis quelques années ils aient empiré, à ce que disent certaines gens. De la quantité d'hommes que j'ai pratiqués, ils me semblent être le superlatif; ils ont quelque chose des gentillesses et des talents des Florentins, mais sans être si adroits, si fins de nez, et qui sait les duper les rase et les pèle jusqu'au vif; ce sont de bons couillards, plutôt que non, d'un commerce honorable et agréable.

Pippa.– Ils sont faits exprès pour moi.

Nanna.– Oui, certes; maintenant passons à Naples.

Pippa.– Ne m'en parlez pas; rien que d'y songer, je rends l'âme.

Nanna.– Écoute, ma petite signora, par la vie de ta mort! Les Napolitains sont mis au monde pour vous faire perdre le sommeil ou pour que l'on en prenne une bonne lippée une fois par mois, un jour qu'on en a la fantaisie en tête, que l'on est seule ou avec quelqu'un de peu d'importance. Je dois t'en prévenir, leurs hâbleries vont jusqu'au ciel; parle-leur chevaux: ils possèdent les meilleurs d'Espagne; parle vêtements: ils en ont plein deux ou trois garde-robes; de l'argent, ils en regorgent, et toutes les belles du royaume meurent d'amour pour eux. Si tu laisses tomber ton mouchoir, ton gant, ils te le ramassent, avec les plus galantes paraboles qu'on ait ouïes jamais à la cour de Capoue; oui, signora.

Pippa.– Quel amusement!

Nanna.– J'avais pris l'habitude jadis de désespérer un de ces brigands, appelé Giovanni Agnese, en m'efforçant de le contrefaire (en paroles, car en actions le bourreau n'y parviendrait pas: c'est l'écume de la ribauderie des ribauds), et un Génois s'en étouffait de rire. Je me tournai un jour vers celui-ci et je lui dis: «Ma Gênes à toi, ta superbe à toi, vous savez si bien, vous autres, acheter la vache sans vous laisser mettre un seul os, que nous n'avons pas grand'chose à gagner avec vous.» C'est vrai; ils trouvent moyen de raffiner le fin, d'aiguiser l'aigu, sont excellents ménagers, coupent la tranche aussi mince qu'elle doit l'être et ne t'en donneraient pas un tantinet de plus. Glorieux au demeurant, je ne saurais te dire comme, amateurs des gentilles façons napolitaines espagnolisées, respectueux, te faisant paraître de sucre le peu qu'ils te donnent, et ce peu ne leur manque jamais. Ces gens-là, contente-toi de les payer de fumet et mesure-leur les denrées comme ils te mesurent les leurs; sans trop te dégoûter de ce qu'ils parlent de la gorge et du nez, avec des hoquets, prends avec eux la vie comme elle vient.

Pippa.– Les Bergamesques ont plus de grâce que n'en a leur parler.

Nanna.– Il y en a parmi eux aussi d'agréables et de séduisants, oui, certes; mais venons-en à nos Romains; gare les coups, Rienzi! Ma fille, s'il te convient de manger du pain et du fromage, avec des lames d'épée et des pointes de pique en salade, assaisonnées de superbes bravades que leurs aïeux firent jadis aux Prévôts, va t'empêtrer d'eux. Bref, le jour du sac14 leur chie encore sur la tête (révérence parler), et c'est pourquoi le pape Clément n'a jamais voulu les revoir.

Pippa.– N'oubliez pas Bologne, au moins pour l'amour du comte et chevalier qui est presque déjà de la famille.

Nanna.– Oublier les Bolonais! Quelle mine auraient les logis des putains sans l'ombre de ces grands échalas taillés en flûtes?

Nés seulement pour faire nombre et pour faire ombre, dit la chanson; «en amour, dis-je, et non à la guerre», ajoutait Fra Mariano, suivant ce que me racontait un jeune drôle d'une vingtaine d'années, sa créature: «Jamais il n'avait vu, disait-il, fous plus joufflus ni mieux vêtus.» Par conséquent, toi, Pippa, fais-leur fête, comme aux bouche-trous de la Cour que tu auras, et amuse-toi de leur babil léger et coulant. Telle pratique n'est pas tout à fait, tout à fait inutile; elle serait même plus utile que nulle autre, s'ils se délectaient de chèvre, autant qu'ils se délectent de chevreau. Quant au reste des Lombards, ces grosses limaces, ces gros papillons, traite-les en franche putain; tires-en tout ce que tu pourras, et le plus vite sera le mieux, en ayant bien soin de leur donner à chacun du chevalier et du comte par la moustache; les «oui, signor; non, signor», ils y tiennent comme à l'œil. Avec eux, quelque bonne petite piperie ne gâtera pas le potage; il est honnête de leur en faire avaler quelqu'une et plus encore de s'en vanter: eux aussi dupent les pauvres courtisanes, puis vont s'en vanter par toutes les auberges où ils logent. Pour que tu saches ce que c'est que piper, sans en avoir l'air, je veux te conter deux de ces piperies que je n'ai pas dites à cette bavarde d'Antonia: je me les suis réservées in petto, pour les cas qui pourraient advenir.

Pippa.– Oh! je suis bien aise de les connaître.

Nanna.– La première est basse, basse; la seconde sera haute, haute. Pour te le dire en douceur, j'avais une petite chambrière, qui m'est morte, sur ses treize ans, et dodue, dodue! jolie, jolie! avec cela futée, adroite, vaurienne au possible, cajoleuse, Dieu te le dise! une vraie petite fouine, une espiègle à éviter prudemment. Je lui enseignai la manière dont elle devrait s'y prendre pour me gagner, ou plutôt pour me chiper l'argent des menues dépenses.

Pippa.– Et comment?

Nanna.– Dès qu'elle avait réussi à capter les bonnes grâces de quiconque abordait chez moi, soit un homme de la ville, soit un étranger, en faisant des agaceries à l'un ou à l'autre, de façon que celui-ci ou celui-là n'eût bientôt plus d'autre plaisir qu'à la lutiner, je lui mettais dans la main une tasse de porcelaine brisée en trois morceaux, et aussitôt que quelque gentilhomme heurtait à la porte, après lui avoir tiré le cordon, elle accourait au haut de l'escalier, toute échevelée, criant d'une voix lamentable: – «Holà! je suis morte! holà! je suis exterminée!» et faisant semblant de vouloir s'enfuir; mon autre servante, d'un âge mur, la retenait bien fort par un bout de sa jupe et lui disait: – «Ne t'en va pas, ne t'en va pas; la signora ne te fera pas de mal.» L'écervelé, la voyant ainsi toute sens dessus dessous, toute en désordre, la prenait par le bras: – «Qu'y a-t-il donc?» lui disait-il; «De quoi pleures-tu? Qu'est-ce qui te fait crier? – Malheureuse que je suis!» répondait-elle, «j'ai cassé cette tasse, qui vaut un ducat; laissez-moi m'en aller, elle va me tuer, si elle m'attrape.» Elle disait tout cela avec des mines si gentilles, des soupirs qui partaient si bien du fond du cœur et des semblants de se trouver mal, qu'elle aurait ému de compassion la potence du gouverneur de la Man-Mozza; elle touchait encore bien mieux le cavalier qui venait badiner avec moi, enfermée que j'étais dans ma chambre, derrière quelque porte entre-bâillée, un bout de mon tablier dans la bouche de peur qu'on ne m'entendît éclater de rire, pendant que lui, d'ordinaire plus serré que le poing, lui mettait dans la main un écu, qu'il comptait avec ses autres aumônes; et je croyais crever quand la vieille, prenant l'écu, dégringolait l'escalier en courant, comme si elle allait chercher une autre tasse.

Pippa.– La bonne fourbe!

Nanna.– Aussitôt, je me montrais dans la salle. – «Je viens faire la révérence à Votre Seigneurie,» s'écriait le cavalier, et me prenant la main, il me la baisait en bavant dessus. Puis il se mettait à converser avec moi, et un quart d'heure après venait la petite, apportant la sœur de la tasse brisée; elle me disait: – Je vais la replacer dans votre chambre. – Qu'as-tu donc? lui demandais-je; qu'est-ce que cela veut dire? tu as les yeux rouges.» Et la petite sournoise, la petite drôlesse lui faisait signe de ne pas me dire l'histoire.

Pippa.– Enfin, pour être courtisane, il faut en savoir plus long qu'un docteur.

Nanna.– Je l'envoyais ainsi jouer le tour à quiconque venait me voir, tenant tantôt un verre, tantôt une tasse, tantôt un plat à la main; elle réussissait à tirer d'eux quatre, quelquefois cinq Jules d'une bourse, autant d'une autre, et de la sorte les menues dépenses de la maison se trouvaient on ne peut plus subtilement couvertes. Arrivons maintenant à la grande piperie.

Конец ознакомительного фрагмента.

Текст предоставлен ООО «Литрес».

Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию на Литрес.

Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.

1

Neuf heures du matin.

2

Jean de Médicis fut élu pape le 11 mars 1513; il prit le nom de Léon X.

3

C'est-à-dire: Balles! Balles! Tout le monde connaît les armes des Médicis. Palle! Palle! était également le cri de guerre.

4

C'est-à-dire: en voilà assez là-dessus.

5

Allusion aux critiques que l'on avait formulées sur la première partie des Ragionamenti, où est racontée la vie des nonnes.

6

De cette façon, tantôt, expressions recherchées.

7

Liste d'expressions populaires dont voici le sens: vite; de bonne heure; tôt, tôt; haleter; au secours; il brame; mouvement; il enveloppe; lourdaud; à la brune; obscurité.

8

Tôt et non vite.

9

L'un et l'autre signifient: dans le mouillé.

10

L'un et l'autre signifient: il porte, il apporte.

11

Beffana: c'est-à-dire l'Épiphanie. En Italie, on appelle encore Beffana le jour des Rois et les enfants attendent la Beffana, vieille femme qui leur apporte des jouets. La Beffana remplace, en somme, sous un aspect plus vilain, le petit Noël, ou saint Nicolas.

12

Jaser; radoter; nausée; caprice; l'heure de midi; je tressaute de joie; à demi mouillé; il glisse; il râpe.

13

Monnaie de très petite valeur.

14

Le sac de Rome.

Конец ознакомительного фрагмента
Купить и скачать всю книгу
На страницу:
6 из 6