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Absolution Providentielle
Absolution Providentielle

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Absolution Providentielle

Язык: Французский
Год издания: 2021
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- Le fait est que je te trouve très bien.

Je l’aimais bien, même si elle était mon opposé polaire. Et j’aimais l’écouter, je commençais même à mieux la comprendre : « chuis » était « je suis » et « tés » était « tu es » par exemple. Ce n’était pas si difficile après tout.

Je lui dis :

- Encore une fois, merci de m’avoir aidée.

Ava mit son pied à côté du mien et pencha la tête.

- J’ai besoin de chaussures. Tout ce que j’ai, c’est les pompes à talons que je portais hier soir. T’as de grands pieds, alors si on essayait les plus petites chaussures que tu as ?

Son argot me secouait un peu, surtout à cause de l’éducation de ma mère institutrice de maternelle, mais je ne m’offusquais pas des commentaires sur mes pieds. Je faisais 10 cm de plus qu’elle.

- Que penses-tu de celles-ci ? Lui demandais-je en lui lançant des sandales Reef qui étaient une demi-pointure plus petite que ce que j’aurais dû acheter.

Elle y glissa ses pieds et prit la pose.

- Qu’est-ce que tu en penses ?

- Je pense que mes affaires te vont mieux qu’à moi, et on ferait mieux d’y aller ou je vais commencer à te détester.

Elle s’esclaffa et passa son bras sous le mien.

- Ouais, ou je vais te détester parce qu’à côté de toi, mon cul a l’air plus large qu’il ne l’est déjà, dit-elle en tapotant sur son postérieur de son autre main.

- Viens, on s’en va.

Ava retira son bras. J’enfilai mes lunettes de soleil, attrapai mon sac à main sur le bureau et enfonçai mes pieds dans des sandales Betsey Johnson qui semblaient heureusement trop grandes pour ma nouvelle amie. Je verrouillai la porte derrière Ava. Je marchai d’un bon pas sur le trottoir vers la voiture de location que le concierge avait garé ici sur ma demande, ragaillardie par cette magnifique matinée.

- Ralentit un peu, Katie. Tu vas trop vite pour le rythme de l’île, beugla Ava derrière moi.

J’ouvris la portière de la jolie Malibu verte.

- Ralentir, je peux ralentir. Là.

Une fois en route, Ava m’enseigna les subtilités des salutations locales, en m’expliquant combien il était important que je passe pour une habituée de l’île pour le succès de ma quête.

- Ne dis pas salut. Dis bonjour, bonne journée et bonne nuit. Dis-le quand tu entres dans une pièce pleine de gens, à la cantonade. Tu n’as pas besoin d’établir un contact visuel. Fais une longue pause après l’avoir dit, et donne à ton interlocuteur la possibilité de te répondre et de s’enquérir poliment de ta santé et de ta famille. Alors, et seulement alors, tu peux poser tes questions. Si tu ne fais pas ça, tu n’arriveras à rien.

- Oui, madame, répondis-je en inclinant la tête.

- Je suis sérieuse. Si tu vas trop vite, parle trop vite, et ne dis pas les choses correctement, un Antillais fera seulement semblant d’écouter, et tu penseras que les choses vont bien alors que ce ne sera pas le cas.

Je me retenais de rire.

- Je sais que tu es sérieuse, et j’apprécie l’aide.

- Quand même, laisse-moi le plus gros de la conversation.

Je n’étais pas très douée pour laisser quelqu’un d’autre parler pour moi, mais j’allais essayer.

Nous étions en centre-ville à ce moment, et je fis une embardée pour éviter une limousine qui sortait d’une place de parking juste devant moi. En donnant un coup de volant sur ma gauche, je sentis un craquement sous l’un de mes pneus. J’enfonçai le klaxon. C’était déjà assez difficile de conduire en ville sans ça. Je jetais un œil dans le rétroviseur pour lire la plaque d’immatriculation à l’envers. Plaque personnalisée. Pas surprise de ça. On pouvait lire « BondsEnt. »

- C’est mon futur mari, dit Ava, en pointant la limousine.

- Vraiment ?

- Nan, il est juste assez riche pour m’entretenir.

Un pâté de maisons plus loin, j’entendis un bruit sourd. Pneu à plat.

- Merde, dis-je en me garant.

- On est dimanche matin, dit Ava, comme pour m’expliquer quelque chose. Je devais avoir l’air perplexe, car elle ajouta : Du verre brisé par les fêtards en centre-ville.

- Ah, répondis-je. Parce que je suis perspicace.

- Ce n’est pas un problème, dit Ava en sautant de la voiture.

Je la suivis sur le trottoir. Jouant à balancer ses cheveux par-dessus son épaule, elle fut bientôt entourée d’une foule d’antillais prêts à lui prêter main forte.

- Ah, mon petit, c’est à ça que servent ces gros muscles. Elle encourageait le jeune homme, se penchant pour lui donner une bonne vue sur son décolleté.

- Je peux te montrer à quoi ils servent, si tu me laisse faire, répondit-il.

- Ah, tu es trop fort pour quelqu’un comme moi. Tu dois avoir des tas de poulettes qui se battent pour toi jour et nuit.

- Tu es la seule fille pour moi, Ava. Tu n’as qu’un mot à dire.

Une fois le changement de pneu terminé, elle se dégagea de la foule sans effort. On remonta dans la voiture.

- Je suis impressionnée, lui dis-je.

Ava répondit par un sourire.

Nous continuâmes à rouler dans le centre-ville parmi les vieux bâtiments de style danois. Le stuc et des arches dans un arc-en-ciel de couleurs atténuées prédominaient. Presque tous les autres bâtiments étaient dans un état de délabrement. Certains avaient perdu leur toit. À cause d’ouragans, peut-être ? D’autres n’étaient que des décombres en ruine là où les murs auraient dû se trouver. Les habitants du coin traînaient en petits groupes aux coins des rues. Plus souvent que je ne l’aurais cru, nous croisions un sans-abri poussant un caddie rempli de trésors ramassés çà et là. Les touristes en t-shirt se faufilaient parmi les habitants, sacs à provisions dans une main, cônes de glace dans l’autre.

Il ne nous prit pas trop de temps pour traverser la ville. À son extrémité, nous arrivâmes à un bâtiment danois de deux étages de couleur bleu layette. Quartier général de la police. On s’arrêta sur le parking pour sortir de la voiture.

Il était temps de rendre justice à maman et papa.

Chapitre 8

Taino, St Marcos, USVI

Le 18 mars 2012

Ava s’était arrangée pour rencontrer son ami à 11h30 tapantes. Nous entrâmes dans la vieille maison convertie en commissariat de police avec un quart d’heure de retard, ce qui, selon Ava, était à la limite d’être trop en avance. Ava, roulant lascivement des hanches, et moi, je retenais ma longue foulée en me sentant ridiculement vierge dans ma robe blanche à ses côtés. J’enlevais mes lunettes de soleil et les rangeai dans leur étui dans mon sac.

- Bonjour, annonçais-je à notre entrée dans la station. Un chœur de « bonjour » résonna en réponse. Je failli exploser de rire. Ava se tourna vers moi pour voir si je me moquais d’elle, puis me récompensa d’un signe de tête approbateur.

- Bonjour ! Nous sommes ici pour voir Jacoby, dit-elle à la greffière assise au bureau derrière le comptoir d’accueil, l’interrompant au milieu d’une demi-sieste.

Ava se retrouva entourée d’officiers serviables en quelques secondes, tous prétendant connaître Jacoby, être Jacoby, ou être plus viril que Jacoby ne le sera jamais. Ils occupaient le hall du rez-de-chaussée, une petite pièce qui, une centaine d’années plus tôt, avait probablement été le vestibule d’une grande maison. Il abritait désormais des chaises pliantes et une table basse en stratifié couverte de magazines et de journaux pas très frais. Je ramassais un journal pendant qu’Ava faisait la cour, et parcouru vaguement une histoire d’acquisition de la compagnie locale de téléphonie cellulaire par un gros patron de l’île. Son nom était Bonds. Gregory Bonds. Je gloussais à lisant son nom. Ah, oui, ça devait être le futur mari d’Ava, le gars avec un stupide chauffeur. La flagornerie des journalistes me dégouta de poursuivre ma lecture.

Lorsque le vrai Jacoby se présenta, j’eus un choc. Il était un Shrek noir, pas le dieu d’ébène exotique que j’avais imaginé convenant à la beauté sulfureuse d’Ava. Ava gloussa comme une poule, ce qui me laissa bouche bée, et jeta ses bras autour de son cou sous un concert de murmures masculins déçus, de grognements et de bruits de bécotages humides. Beurk. Les autres policiers se dispersèrent, disparaissant derrière des portes et par un escalier visible dans une pièce adjacente au hall.

- Katie, voici Jacoby. On a été copains d’école depuis la maternelle. Jacoby, Katie.

Il me tendit sa main.

- Darren Jacoby.

Je la saisis.

- Ravi de vous rencontrer, Officier Jacoby. Je suis Katie Connell.

Jacoby pointa du geste vers l’une des pièces jouxtant le hall, et s’engagea dans cette direction. Il ouvrit la porte en bois massif donnant sur une salle de conférence vide, aux murs intérieurs épais en béton. Construite pour résister à Mère Nature. Il y avait là une table métallique pliante et d’autres chaises pliantes identiques à celles du hall. Encore une fois, mon esprit identifia les origines de la pièce. Je décidai qu’elle avait été une chambre. Nous prîmes place autour de la table.

- Alors, Ava, je suppose que je n’ai pas rêvé de ton plan cul d’hier soir, commença-t-il.

S’il existait un exemple d’espoir éternel, c’en était un.

- Tu rêves d’un plan cul, mais c’est moi qui t’ai appelé, répondit-elle. Katie a besoin d’aide. Ses parents sont morts à St Marcos l’année dernière, pendant leurs vacances.

Il détourna son attention d’Ava.

- Je suis désolé, Mlle Connell, dit-il.

- Katie, s’il vous plaît. Merci.

Il me fit signe de continuer à parler.

Ava voulait-elle continuer la conversation ? Je décidai qu’elle ne le voulait pas et je pris le relais.

- La police nous a dit, à mon frère et à moi, que nos parents étaient morts dans un accident de voiture. Je ne voudrais pas offenser la police de St. Marcos, mais, compte tenu des circonstances telles qu’elles nous ont été expliquées, cela semble incohérent. Ça ne leur ressemble pas. J’espérais pouvoir parler à l’officier qui a travaillé sur l’affaire, et peut-être voir le dossier. Pour aplanir mes doutes, me faire à l’idée. Expliquais-je.

Il plissa les yeux.

- Connaissez-vous le nom de l’officier ? Demanda-t-il.

- Non, je ne sais pas, répondis-je. Je suis désolée.

Collin saurait cela. J’aurais dû lui demander.

- Leur nom est Connell ?

- Oui. Frank et Heather Connell.

Sans un autre mot, il repoussa sa chaise. Un des pieds avait perdu son coussinet, et elle raclait le sol, ce qui me rappela Shreveport, et Nick. Jacoby quitta la pièce.

- C’était abrupt, dis-je à Ava.

- Ils ont tendance à se serrer les coudes, surtout si tu n’es pas du coin, dit Ava. C’est pourquoi je t’ai dit hier soir que tu avais besoin de moi pour t’accompagner, et que nous devions travailler avec Jacoby, du moins autant que possible.

Une pensée me traversa l’esprit.

- J’espère qu’il n’était pas l’officier chargé de l’affaire. Si c’était lui, je viens juste de l’accuser d’avoir bâclé son boulot.

Ava ne répondit pas, un sourire de Mona Lisa sur les lèvres. Les secondes défilaient sur l’horloge murale derrière elle. Une minute passa, puis une autre, et encore une autre. Ava sortit son téléphone et commença à jouer avec. J’éloignai ma main de ma bouche, réalisant trop tard que j’avais arraché la cuticule de mon index. Une goutte de sang avait perlé.

Puis Jacoby revint, sa carrure remplissant la pièce. Il tenait un dossier sous un bras et une petite feuille de papier dans son autre main.

- J’ai parlé à mon patron, le chef adjoint. Tutein. Il m’a dit de vous donner ça. Il parlait « ma langue », au lieu de son patois précédent. Il me tendit le bout de papier qui avait été arraché d’un carnet de notes.

Une adresse était écrite au crayon : Walker, 32 King’s Cross.

- Est-ce le nom de l’officier ? Demandais-je.

- Non, l’officier qui travaillait sur l’affaire s’est noyé il y a onze mois, dit Darren, d’une voix sans émotions. Il ne donna pas de détails. Je n’en demandai pas.

- Je suis désolé d’entendre ça. Et le dossier ? Je peux le voir ?

Il me lança un regard noir.

- C’était juste un incident de circulation. Il se frotta l’arrière du cou de la main. Nous avons le rapport d’accident. Je vous en ai fait une copie. Peut-être que le médecin légiste a plus d’information.

Il me tendit le dossier, puis l’ouvrit en le retournant. Une page. Je la pris avec précaution, mes yeux traçant les noms de Frank Connell et Heather Connell. Je parcouru le reste jusqu’à ce que j’arrive au nom de l’officier de police qui avait répondu à l’appel. Tapé proprement, je pouvais lire Michael Jacoby. Signé d’une main ferme et rapide par George Tutein. Jacoby. Mais pas ce Jacoby, parce que ce Jacoby - Darren - était très vivant.

- Walker est un détective privé, le seul de St. Marcos. Tutein dit que Walker connaît tous ceux qu’il doit connaître sur l’île, et qu’il travaille pour quelques-unes des plus grandes entreprises. Peut-être qu’il peut vous aider. Jacoby commença à s’éloigner, puis se retourna.

- Mais vos parents sont morts dans un accident de voiture. On dirait qu’il n’y a pas grand-chose à découvrir pour vous.

- Donc il n’y a personne ici à qui je peux parler ? Une bouffée de colère commençait à m’envahir.

- Juste Michael. Et il est mort. Il regarda Ava.

- Content de te voir. Il tourna les talons et sortit.

Mes joues et mes oreilles brûlaient. Cette conversation avait tiré toutes mes sonnettes d’alarme. J’ouvris la bouche mais Ava porta son doigt à ses lèvres. Je la fermais et je serrais les dents. Elle fit un signe de la tête vers la sortie, puis se dirigea vers la porte, en beuglant à tous ceux qui étaient à portée de voix

- Un agréable bon après-midi à vous.

Un mur de chaleur moite m’attendait à la porte, mais je ne m’arrêtai pas, déjà échauffée par ma frustration. Deux officiers passèrent devant nous et entrèrent dans le bâtiment, et nous fûmes soudainement seules. Je plissai les yeux et cherchai mes lunettes de soleil.

Consciente de leur amitié, je tentais de calmer ma fureur.

- Ava, je sais que c’est ton ami, mais n’as-tu pas l’impression qu’il s’est foutu de moi ? Je sais que je ne suis pas d’ici, tout ça me laisse une mauvaise impression.

Les yeux d’Ava balayaient de gauche à droite.

- Chut, Katie. Les choses se passent différemment ici qu’aux États-Unis.

J’ouvris mon côté de la voiture et déverrouillai les autres portières. Nous montâmes dans la voiture.

- Laisse-moi voir ce rapport, dit Ava.

Je lui tendis l’enveloppe. Il n’y avait pas grand-chose à voir. Un accident de voiture, plongeon d’une falaise, atterrissage dans les rochers en dessous. Le conducteur et le passager décédés. Mes parents.

Sans quitter la feuille des yeux, Ava demanda :

- Pourquoi es-tu si sûre que leur mort n’est pas un accident ?

- Je ne suis pas sûre. Je crois beaucoup à l’intuition, et c’est juste un sentiment que j’ai, à partir de petites choses qui n’ont pas de sens. Comme le fait que ma mère portait toujours l’alliance de ma grand-mère, mais la police ne l’a jamais trouvée. Pas sur elle, ni dans ses affaires à l’hôtel. J’ai trouvé ça bizarre. En plus, j’ai parlé à mes parents cette nuit-là. Ils avaient dîné, et ils étaient sur le chemin du retour à la Fleur de Paon. Ils m’ont appelé pendant qu’ils conduisaient. Ils avaient l’air heureux. Et l’instant d’après, ils étaient morts.

Merde. Mes yeux commencèrent à fuir.

- Okay, okay. Il est dit ici que ton père était ivre. Sa voix était devenue plus formelle. Plus sérieuse.

- Oui, c’est l’autre chose qui me dérange. Mon père était un alcoolique repenti. Il n’avait pas l’air d’être saoul quand je lui ai parlé au téléphone. Et je n’arrive pas à imaginer ma mère restant là à le regarder picoler.

Maman s’était occupée d’enfants de maternelle pendant vingt ans, un travail dont elle aimait à dire que ça l’entraînait à s’occuper de mon père. Elle était à la fois tendre et très déterminée. Seul sa grossesse surprise avec Collin avait fait dérailler ses plans pour devenir avocate.

- Peut-être qu’elle n’avait pas remarqué ? Suggéra Ava.

- Peut-être. Je ne sais pas Tout est possible. Je lui fis une confession.

- C’est ce que pense mon frère. Collin. Il est officier de police. Quand il a appris la mort de mes parents, il a appelé ici et parlé à un officier. Collin a dit qu’il était gentil, qu’il était serviable, et qu’il a dit qu’ils voyaient tout le temps des touristes sur St. Marcos, conduisant en état d’ivresse et se mettant dans de mauvaises situations. Collin pensait que papa avait peut-être rechuté et qu’il le cachait à ma mère.

Ava posa sa main sur mon avant-bras.

- Je déteste dire ça, Katie, mais les touristes et les conducteurs ivres sont la même chose pour nous.

Cela n’aidait pas mes yeux à sécher.

- Mais ton copain a agi si bizarrement. Tu ne crois pas ?

Elle me regarda, et ses yeux étaient doux et tristes.

- L’officier sur cette affaire, celui qui est mort...

- Michael Jacoby ?

- C’était le frère de Darren. Son petit frère.

- Je suis désolée. Oh mon Dieu, je suis tellement désolée. Je me sens égoïste. Je...

Un coup sec sur la vitre derrière ma tête me coupa court. Je poussais un glapissement en sursautant, me cognant la tête contre le toit. Ava pris une goulée d’air.

Je me retournai et me trouvai face à face au large visage de Darren Jacoby dans l’encadrure de la vitre. J’essayais de l’ouvrir mais les boutons ne répondaient pas. Ce n’est qu’à ce moment-là que je me suis rendu compte que nous étions assises dans une voiture en plein soleil, sans vitres baissées ni climatisation. Je tournai la clé et démarrai le moteur, puis je baissai la vitre.

Ava se pencha sur moi, et prit son accent local.

- Jacoby, tu nous as collé la trouille.

Il ne souriait pas.

- Je voulais lui dire... il me regarda directement,

- Pour dire que je suis désolé pour vos parents. Je sais que c’est dur de perdre quelqu’un qu’on aime. Je sais que ça vous fait poser des questions. Mais mon frère était un bon flic, et je lui fais confiance. S’il a dit qu’ils sont morts dans un accident de voiture, c’est ce qui s’est passé.

Il était repassé à l’accent local.

- Je suis désolée pour votre frère, lui dis-je.

Il inclina la tête, baissa les yeux, puis les remonta à nouveau pour rencontrer les miens.

- Bonne journée, Mlle Connell.

Je remontais la vitre alors qu’il s’éloignait. J’étais plus confuse maintenant que je ne l’avais été avant d’arriver à la station. Il aurait été préférable de laisser tomber, de faire confiance au jugement de Collin, de chercher la paix plutôt que les problèmes. Je le savais. Normalement, je faisais aussi entièrement confiance à Collin. Mais il avait eu des problèmes sentimentaux juste avant la mort de maman et papa. Sa fiancée l’avait largué pour une femme, et il n’était tout simplement pas lui-même alors, distrait par ses propres problèmes. Si j’avais des doutes, alors je le devais à mes parents de faire ce que je faisais. Je les avais laissés tomber pendant un an, laissant tout le reste être plus important que mon intuition, qu’eux, et tant qu’une once de doute subsistait en moi, je devais continuer.

Je me dégageai de ma place de parking et pris la route.

Chapitre 9

Taino, St Marcos, USVI

Le 18 mars 2012

Quinze minutes plus tard, Ava et moi étions assises dans le bureau d’un certain Paul Walker au 32 King’s Cross Street. Son bureau était une longue pièce étroite dont les murs et le sol étaient recouvert de briques rouges. Il avait probablement été autrefois une ruelle ou un passage pour piétons. Il était coincé entre une boutique de friperie et un magasin de disques à l’abandon avec des albums couverts de poussière en vitrine et qui dégageait une impression de déchéance, de décrépitude. Je me demandai s’il renfermait des trésors cachés dans ses profondeurs. Probablement pas.

Walker se rendit au fond de son espace jusqu’à un mini-réfrigérateur, duquel il extirpa deux bouteilles d’eau. Il essuya les bouteilles et les bouchons avec la manche de sa chemise en claudiquant sur le sol inégal devant nous. Les murs se resserraient derrière lui, projetant son ombre vers l’avant, du moins c’est ce que mes yeux me disaient. Ça ressemblait au palais des glaces d’une fête foraine de bas étage.

- Parlez-moi donc de l’affaire, Mlle Connell, commença Walker en nous tendant les bouteilles avant de s’asseoir derrière son bureau.

Je n’avais travaillé en étroite collaboration qu’avec un seul autre détective auparavant : Nick. Quel contraste entre Walker et lui. Le ventre de Walker lui donnait l’air d’être enceint de cinq mois sous son t-shirt publicitaire Cruzan Rum. De la sueur perlait sur son front. La pièce empestait la malpropreté. Si j’avais eu un mouchoir sur moi, j’aurais pu y enfouir mon nez, après avoir nettoyé ma bouteille d’eau avec. Je posai la bouteille sur le sol à côté de moi.

- Mes parents ont passé une semaine à St Marcos l’année dernière. Ils sont venus ici pour leur quarantième anniversaire de mariage. Ils passaient un bon moment, et ils m’appelaient chaque jour. Un sentiment de culpabilité me traversa à l’idée de l’irritation que j’avais ressentie en voyant quotidiennement leur numéro sur mon téléphone. Des gens que j’aimais interrompant une vie que je n’aimais pas, et ils m’irritaient.

- Ils ont participé à toutes les activités habituelles pour touristes. Ils ont pris un catamaran pour aller sur l’un des atolls. Ils ont fait de la randonnée dans la forêt tropicale. Ils sont allés sur une plage isolée pour faire de la plongée. C’est comme s’ils avaient retrouvé leur jeunesse. Ils m’ont même appelé un jour pour me dire qu’ils étaient tombés sur deux personnes faisant l’amour sur la plage, littéralement. Ma mère gloussait comme une adolescente en me racontant l’histoire, un grand homme blond aux cheveux touffus et une petite femme noire, m’a-t-elle dit. Mais elle s’amusait bien. Elle a tout aimé de ce voyage.

Va droit au but, Katie. C’est drôle comme je pouvais être éloquente sur les problèmes des autres, mais si maladroite sur les miens. Je terminais le reste de mon histoire sans m’étaler sur des détails non pertinents.

Les yeux de Walker scrutaient mon visage pendant que je parlais. Une fois terminé, il resta silencieux, tapotant lentement son stylo contre ses lèvres.

- M. Walker ? Avez-vous des questions ? Demandais-je.

- Oh. Désolé. Vous me rappelez quelqu’un que j’ai connu, répondit-il. Son commentaire rampa sur ma peau comme un scorpion.

- Oui, juste quelques questions pour m’aider à démarrer. Avant la mort de vos parents, où sont-ils allés dîner ?

Je me souvenais de ça. Ils avaient adoré le restaurant et y sont retournés pour leur dernier dîner.

- Chez Fortuna’s. Vous connaissez ?

- Oui, c’est un endroit très populaire.

Mes yeux s’arrêtèrent sur le certificat encadré des dix ans de service de la police de New York, cloué sur le mur au-dessus de son épaule gauche. À côté, la photo de pêche obligatoire quand on vit sur une île : Walker, un homme noir de la même taille et un homme blond encore plus grand, debout sur le pont arrière d’un bateau nommé Big Kahuna, tous les trois soutenant un énorme marlin.

Ava pris la parole pour la première fois depuis que nous avions échangé nos salutations au début de l’entretien.

- Baptiste’s Bluff pas exactement sur le chemin du restaurant à l’hôtel.

Walker l’ignora et s’adressa à moi.

- A votre connaissance, sont-ils allés ailleurs cette nuit-là ?

- Pas que je sache.

- Le casino ? Une promenade au clair de lune sur la plage, peut-être ?

- Je suis désolée, je ne sais pas. J’ai le rapport d’accident de la police, cependant. Et ils ont dit que le médecin légiste pourrait également avoir un rapport. Je lui tendis le dossier de police, il le saisit, l’ouvrit et le posa devant lui.

- Okay, je vais demander ça au médecin légiste.

- Aussi... J’hésitais, regardais Ava, puis continuais.

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