bannerbannerbanner
Observations d'un sourd et muèt sur un cours élémentaire d'éducation des sourds et muèts publié en 1779 par M. l'Abbé Deshamps, Chapelain de l'Église d'Orléans
Observations d'un sourd et muèt sur un cours élémentaire d'éducation des sourds et muèts publié en 1779 par M. l'Abbé Deshamps, Chapelain de l'Église d'Orléans

Полная версия

Observations d'un sourd et muèt sur un cours élémentaire d'éducation des sourds et muèts publié en 1779 par M. l'Abbé Deshamps, Chapelain de l'Église d'Orléans

текст

0

0
Язык: Французский
Год издания: 2017
Добавлена:
Настройки чтения
Размер шрифта
Высота строк
Поля
На страницу:
1 из 1

Pierre Desloges

Observations d'un sourd et muèt sur un cours élémentaire d'éducation des sourds et muèts publié en 1779 par M. l'Abbé Deshamps, Chapelain de l'Église d'Orléans

AVERTISSEMENT

DE L'ÉDITEUR

PLUSIEURS Écrivains ont souvent doné à leurs Ouvrages des titres imaginaires, soit pour dérouter les Lecteurs, soit pour anoncer leurs productions d'une manière plus piquante, soit enfin par d'autres motifs particuliers. Le petit Écrit qu'on présente au Public, n'est nulement dans ce cas-là; il a vraiment été composé par un jeune home sourd & muèt, dont j'ai fait la conoissance chez Mr. l'Abbé de l'Épée avec qui j'ai l'avantage d'être lié d'une amitié sincère.

Ce jeune home n'est point un élève de ce célèbre Instituteur: mais ayant fait cet Écrit pour défendre la méthode de Mr. l'Abbé de l'Épée, il a cru devoir lui en faire homage: il vouloit même l'engager à revoir son Ouvrage, & à le mètre en état de paroître. Les grandes ocupations de ce vertueux Écclésiastique, & peut-être plus encore sa modestie, ne lui ont pas permis de prendre ce soin. L'Auteur s'est adressé à moi, & je me suis chargé avec grand plaisir de lui rendre ce petit service.

Voici, dans l'exacte vérité, tout ce que j'y ai mis du mien. J'ai rectifié l'ortographe de ce jeune home, laquelle est assez défectueuse. J'ai suprimé quelques répétitions & adouci quelques termes qui auroient pu paroître ofensans. A ces légères corrections près, l'Ouvrage est en entier de notre Auteur sourd & muèt. Ce sont ses pensées, son stile & ses raisonemens.

J'ai senti que le principal intérèt de cet Ouvrage viendroit de son Auteur; que come c'étoit peut-être la première fois qu'un sourd & muèt avoit mérité les honeurs de l'impression; un semblable phénomène devoit, autant qu'il étoit possible, être présenté au Public dans toute son intégrité. Je me suis donc seulement réservé la liberté d'ajouter au texte quelques notes, dans les endroits qui m'en ont paru susceptibles.

Pour satisfaire davantage la curiosité du Public, j'ai engagé l'Auteur à doner quelques éclaircissemens sur sa persone, sur les causes de son infirmité, sur les idées qu'il peut avoir des sons & du langage, &c. On va le voir s'expliquer lui-même sur tous ces objets dans la petite Préface qui suit.

PRÉFACE

DE L'AUTEUR

LA PLUPART des Auteurs ont coutume de mètre une Préface ou un Avertissement à la tête de leurs Ouvrages, pour solliciter l'indulgence du Public, & pour doner les raisons bones ou mauvaises qui les ont engagés à prendre la plume: quant à moi, voici les motifs qui m'ont déterminé à composer ce petit Écrit.

Le genre de mon travail journalier1 m'oblige d'aler dans beaucoup de maisons: on ne manque jamais de m'y faire des questions sur les sourds & muèts. Mais le plus souvent ces questions sont aussi absurdes que ridicules: elles prouvent seulement que presque tout le monde s'est formé les idées les plus fausses sur notre compte; que très-peu de personnes ont une juste notion de notre état, des ressources qui nous restent, & des moyens que nous avons de comuniquer entre nous par le langage des signes.

Pour mètre le comble aux erreurs du Public, voici qu'un nouvel Instituteur des sourds & muèts (Mr. l'Abbé Deschamps), publie un Livre dans lequel, non-content de condamner & de rejeter le langage des signes come moyen d'institution pour ceux qu'il instruit, il avance les paradoxes les plus étranges, les assertions les plus erronées contre ce même langage.

Semblable à un François qui verroit décrier sa langue par un Alemand, lequel en sauroit tout au plus quelques mots, je me suis cru obligé de venger la miène des fausses imputations dont la charge cet Auteur, & de justifier en même tems la méthode de Mr. l'Abbé de l'Épée, laquelle est toute fondée sur l'usage des signes. J'éssaye en outre de doner une idée plus juste qu'on ne l'a comunément, du langage de mes compagnons sourds & muèts de naissance, qui ne savent ni lire, ni écrire, & qui n'ont jamais reçu d'autres leçons que celles du bon-sens & de la fréquentation de leurs semblables. Voilà en deux mots tout le but du petit Ouvrage qu'on va lire.

Mais come je n'ai pour subsister que mon travail journalier, & pour écrire que le tems que je dérobe à mon someil, j'ai été forcé d'être très-succinct: ainsi il y a beaucoup de choses dans l'Ouvrage de Mr. l'Abbé Deschamps que je n'ai point relevées, quoique je ne les aprouve pas plus que ce que j'ai critiqué. Par la même raison, je me suis borné à présenter une simple esquisse de notre langage, sans prétendre en expliquer à fond le mécanisme. Ce seroit là une entreprise immense & qui demanderoit plusieurs volumes. En effet, tel signe qui s'exécute en un clin d'œil, exigeroit quelquefois des pages entières, pour en faire la description complète. J'ai craint d'ailleurs que ces détails ne devinssent ennuyeux pour des oreilles délicates, acoutumées aux sons flateurs & agréables de la parole: j'ai craint que ce langage, qui a tant de force & d'énergie dans l'exécution, ne s'afoiblît sous ma plume novice.

J'en ai cependant dit assez pour mètre sur la voie les lecteurs qui pensent & qui réfléchissent: sauf à y revenir, & à doner des descriptions plus détaillées des moyens que nous avons de rendre sensibles les idées que nous voulons soumètre à la représentation oculaire, si ce foible éssai avoit le bonheur d'être goûté du Public.

ON a jugé qu'un Auteur aussi étrange que je le suis, pouvoit se permètre de parler un peu de lui-même. Je me suis rendu à cet avis & je vais terminer cette Préface par quelques détails qui me sont personèls.

Je suis devenu sourd & muèt à la suite d'une petite vérole afreuse que j'ai éssuyée vers l'âge de sept ans. Les deux accidens de la surdité & du mutisme me sont survenus en même-tems &, pour ainsi dire, sans que je m'en sois aperçu. Pendant le cours de ma maladie, qui a duré près de deux ans, mes lèvres se sont tèlement relâchées, que je ne puis les fermer sans un grand éfort, ou qu'en y mètant la main. J'ai d'ailleurs perdu presque toutes mes dents: c'est principalement à ces deux causes que j'atribue mon mutisme. Il arive delà que quand je veux parler, l'air s'échape de toutes parts, & ne rend qu'un son informe. Je ne puis articuler les mots un peu longs qu'avec beaucoup de peine, en réspirant sans cèsse un nouvel air qui, s'échapant encore, rend ma prononciation inintelligible pour ceux qui n'y sont pas très-acoutumés. En éssayant de parler la bouche ouverte, c'est-à-dire, sans joindre les lèvres ni les dents, on aura une image assez exacte de mon langage2.

On m'a demandé un million de fois s'il me restoit quelque idée des sons, & nomément de ceux du langage vocal: voici tout ce que je puis répondre là-dessus.

Premièrement, j'entends à plus de quinze ou vingt pas tous les bruits qui sont un peu éclatans, non pas par les oreilles, car elles sont entièrement bouchées; mais par une simple commotion: quand je suis dans ma chambre, je sais distinguer le roulement d'un carosse d'avec le jeu d'un tambour.

Si je mèts la main sur un violon, sur une flûte, &c. & qu'on viène à les metre en jeu, je les entendrai3 quoique confusément, même en fermant les yeux. Je distinguerai aisément le son du violon de celui de la flûte; mais je n'entendrai absolument rien, si je n'ai la main dessus.

Il en est de même de la parole: je ne l'entends jamais à moins que je ne mète la main sur le gosier ou sur la nuque du cou de la persone qui parle. Je l'entends encore les yeux fermés, lors qu'une persone parle dans une boîte de carton vide que je tiendrai dans mes mains; mais de toute autre manière, il m'est impossible d'entendre. Je distingue encore aisément les sons de la voix humaine d'avec tout autre son. J'ai même essayé de voir si je ne parviendrois pas à me former une idée assez distincte des diverses articulations des persones de ma conoissance, pour pouvoir les reconoître dans les ténèbres en mètant la main sur leur gosier ou sur la nuque de leur cou: je n'ai pu encore y parvenir; mais cela ne me paroît pas impossible.

Au reste, ces différentes idées que j'ai des sons, me sont comunes avec mes compagnons, dont quelques-uns entendent beaucoup mieux que moi. Je ne déciderai point si c'est par les oreilles, ou par une simple commotion: car plusieurs n'ont pas les oreilles bouchées comme moi4.

Dans les comencemens de mon infirmité, & tant que je n'ai pas vécu avec des sourds & muèts, je n'avois d'autre ressource pour me faire entendre, que l'écriture ou ma mauvaise prononciation. J'ai ignoré long-tems le langage des signes. Je ne me servois que de signes épars, isolés, sans suite & sans liaison. Je ne conoissois point l'art de les réunir, pour en former des tableaux distincts, au moyen desquels on peut représenter ses diférentes idées, les transmètre à ses semblables, converser avec eux en discours suivis & avec ordre. Le premier qui m'a enseigné cet art si utile, est un sourd & muèt de naissance, Italien de nation, qui ne sait ni lire, ni écrire; il étoit domestique chez un Acteur de la Comédie Italiéne. Il a servi ensuite en plusieurs grandes maisons, & notament chez Mr. le Prince de Nassau. J'ai conu cet home à l'âge de vingt-sept ans, & huit ans après que j'eus fixé ma demeure à Paris…

Je pense que c'est assez parler de moi, & qu'un plus long discours sur un aussi mince sujèt, poûroit lasser à la fin la patience de mes Lecteurs.

OBSERVATIONS

SUR un Cours élémentaire d'éducation des Sourds & Muèts, par Mr. l'Abbé DESCHAMPS, &c

TOUT Paris, l'Europe entière, retentissoient des éloges justement dûs à Mr. l'Abbé de l'Épée & à sa méthode aussi simple qu'ingénieuse, d'instruire les sourds & muèts par le moyen du langage des signes. Ce respectable Instituteur done ses leçons publiquement: ainsi une foule de témoins pouvoit déposer de l'exèlence de cette méthode, qui conduit ses élèves avec une promptitude & une facilité incroyables à la lecture, à l'écriture & à la conoissance de plusieurs langues, ensuite à la prononciation de vive voix & à l'intelligence du langage par l'inspection des mouvemens des organes de la parole. Plusieurs Souverains avoient daigné vérifier par eux-mêmes les merveilles que la Renomée publioit de cette méthode. Un des premiers & des plus augustes Potentats de l'Europe avoit voulu entrer dans les plus petits détails à cet égard. Il s'étoit retiré de chez Mr. l'Abbé de l'Épée pénétré d'admiration, & en disant que de tout ce qu'il avoit vu dans ses nombreux voyages, rien ne l'avoit touché & satisfait autant que le spectacle qu'il venoit de voir. De retour dans ses États, il s'étoit ocupé des moyens d'y introduire un établissement semblable, & avoit envoyé à notre célèbre Instituteur, un Ecclésiastique, home de mérite, pour prendre de ses leçons, & se metre au fait de sa méthode.

Notre auguste Monarque, qui marche si glorieusement sur les traces du bon & grand Henri, n'a pas non plus regardé avec indiférence un art aussi précieux à l'Humanité: sur le compte qu'il s'en est fait rendre, il a pris cet établissement sous sa protection royale, lui a déja assigné des fonds certains, & a pris des mesures pour fonder, en faveur des sourds & muèts, une Maison d'éducation selon la méthode de Mr. l'Abbé de l'Épée…

C'est dans ce moment que paroît un Cours élémentaire d'éducation pour les sourds & muèts, dans lequel l'Auteur rejète ouvertement cette méthode, & prétend qu'on doit lui en substituer une autre qui consiste à rendre les sourds & muèts atentifs aux mouvemens divers des organes de la parole, & à leur aprendre à les imiter; c'est-à-dire, qu'on doit dans cette méthode, comencer avant tout, par aprendre au sourd & muèt, à proférer les diférens sons des langues, en l'habituant à exécuter le diférent mécanisme de ces sons: ensorte qu'il parle réèlement pour ceux qui entendent, & qu'il lise les sons des langues dans les divers mouvemens des organes de ceux qui lui parlent, comme s'il les lisoit dans un Livre. L'Auteur veut qu'on passe ensuite à la lecture & à l'écriture proprement dite; & de-là enfin à l'intelligence de la langue quelconque qu'on a choisie pour base de l'instruction. Voilà du moins l'idée la plus nète que j'aie pu me former de son sistème & de sa marche.

Voyons d'abord ce que l'Auteur pense lui-même de sa méthode: «Le plaisir, dit-il page 4 de son INTRODUCTION, n'acompagne pas nos leçons: loin de-là, elles semblent avoir pour apanage l'ennui & le dégoût; elles sont nuisibles à la santé… A ces désagrémens, ajoutez le dégoût naturel que cette éducation entraîne nécessairement après elle… L'impatience réciproque du Maître & des Elèves, en voyant le peu de progrès que produisent les efforts multipliés, l'atention la plus exacte, la meilleure volonté.»

Il dit ailleurs, page 155: «La répugnance que les sourds & muèts ont à soufrir que nous mètions nos doigts dans leur bouche, & à consentir de mètre les leurs dans la nôtre, ne peut se vaincre qu'avec beaucoup de peine, d'aplication & de patience… On doit y travailler avec d'autant plus de courage, qu'il est impossible de leur rendre autrement l'usage de la parole.» L'Auteur peint ensuite très-naïvement l'embaras extrème qu'on éprouve à leur persuader de se prêter à ces mouvemens, qui doivent leur paroître fort bisares, & auxquels ils ne peuvent absolument rien comprendre.

Enfin, il a la bone foi de représenter par-tout sa méthode come infiniment rebutante, tant pour le Maître que pour les Élèves. Il termine par ces mots sa Lètre préliminaire, page 31: «Ainsi peu à peu j'acoutume mes Élèves à parler & à écrire… Pour parvenir à ce degré de perfection, il faut trouver dans les Élèves un grand désir d'aprendre, de l'esprit, de la mémoire, du jugement; & dans le Maître, une douceur, une complaisance extrèmes… Il est impossible de doner une idée de la patience nécessaire dans les comencemens de l'instruction.»

Je doute qu'une méthode aussi rebutante, de l'aveu de son Auteur; qu'une méthode où l'on renverse visiblement l'ordre naturèl de l'instruction, puisqu'on comence par ce qu'il y a de plus dificile, & que les Élèves travaillent très-long-tems sans pouvoir rien comprendre à tout ce qu'on exige d'eux; qu'une méthode enfin, qui demande pour son succès des qualités extrèmement rares & dans les Maîtres & dans les Disciples, soit faite pour avoir beaucoup de partisans. Je ne suis donc pas surpris de voir l'Auteur désirer, page 4, «que la publication de son Ouvrage puisse procurer une autre méthode plus courte & plus facile».

Coment a-t-il pu s'aveugler au point de ne pas reconoître que cette méthode étoit toute trouvée: que c'étoit celle que Mr. l'Abbé de l'Épée pratique depuis long-tems avec tant de succès?

En effet, cet habile Instituteur ayant conçu le généreux projèt de se consacrer à l'instruction des sourds & muèts, a sagement observé qu'ils avoient une langue naturèle, au moyen de laquelle ils comuniquoient entr'eux: cette langue n'étant autre que le langage des signes, il a senti que s'il parvenoit à conoître ce langage, rien ne lui seroit plus facile que de réussir dans son entreprise. Le succès a justifié une réfléxion aussi judicieuse. Ce n'est donc pas Mr. l'Abbé De l'Épée qui a créé & inventé ce langage: tout au contraire, il l'a apris des sourds & muèts; il a seulement rectifié ce qu'il a trouvé de défectueux dans ce langage; il l'a étendu, & lui a doné des règles méthodiques.

Ce savant Instituteur s'est considéré come un home transplanté tout-à-coup au milieu d'une Nation étrangère, à qui il auroit voulu aprendre sa propre langue: il a jugé que le moyen le plus sûr pour y parvenir, seroit d'aprendre lui-même la langue du Pays, afin de faire comprendre aisément les instructions qu'il voudroit doner.

Je le demande à Mr. l'Abbé Deschamps lui-même: s'il avoit dessein d'aprendre l'Anglois ou quelqu'autre langue qu'il ignorât; coment s'y prendroit-il? Comenceroit-il par prendre une gramaire toute Angloise, dont il ne comprendroit pas un seul mot? Non, assurément: il choisiroit une gramaire Angloise écrite en François; & à l'aide de sa langue maternèle, il aprendroit aisément la langue qui lui est inconue.

C'est précisément la route qu'a pris Mr. l'Abbé De l'Épée. Pouvoit-il rien faire de plus sensé & de plus conséquent? Il ne lui a pas falu, come le croit Mr. l'Abbé Deschamps (page 37) beaucoup de tems, beaucoup de peine & de travaux, pour former son système d'éducation par le secours des signes naturèls. De l'ordre dans les idées, de la justèsse dans les observations, de l'atention à suivre en tout la nature pour guide; voilà les moyens dont il a fait usage, voilà toute la magie de son art.

JE n'ai pas moins que Mr. l'Abbé Deschamps, de vénération pour le langage de la parole, & je conçois parfaitement l'avantage dont il doit être pour les sourds & muèts: c'est pour cela même que je lui reproche de condamner & de proscrire le langage des signes; parce que je suis persuadé que c'est là le moyen le plus sûr & le plus naturèl de les conduire à l'intelligence des langues; la nature leur ayant doné ce langage, pour leur tenir lieu des autres dont ils sont privés.

Mais est il bien certain que le langage des signes soit naturèl aux sourds & muèts?

L'Auteur que je combats, entasse sur cette question les contradictions les plus révoltantes: il dit positivement le oui & le non. «Non-seulement, dit-il page première, un penchant comun porte les sourds & muets à faire des signes; mais tous les hommes en font usage naturellement: notre inclination à nous-mêmes nous détermine à nous en servir, sans que nous nous en appercevions, nous qui jouïssons de la parole & de l'ouïe». Deux pages plus bas on lit: «les signes sont naturels à l'homme: personne n'en disconviendra».

Après une décision aussi formèle; à la page suivante (page 4) il demande sérieusement si les signes sont l'ouvrage de la nature, ou celui de l'éducation. Il répète la même question, p. 8; & enfin, p. 12, il la résout gravement par ces mots: «ainsi donc ce penchant n'est que l'effet de l'éducation & non de la nature

Конец ознакомительного фрагмента.

Текст предоставлен ООО «ЛитРес».

Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию на ЛитРес.

Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.

1

L'Auteur, qui se nome Pierre Desloges, est né en 1747 au Grand-Préssigny près la Haye, diocèse de Tours: il est Relieur de son métier, & coleur de papier pour meubles: il demeure au petit-hôtel de Chartres, rue des mauvais garçons, Faubourg Saint-Germain, à Paris.

2

A la description que l'Auteur done ici de son état, relativement au langage qui lui est resté (description étonante par son exactitude & sa précision), j'ajouterai ce que sa surdité le mèt dans l'impossibilité de conoître. C'est que sa voix est extrèmement foible: ce n'est qu'un petit murmure assez confus, où les articulations dentales sont prodigieusement multipliées, & tiènent lieu de la plupart de celles qu'exigeroit une prononciation régulière. En vain je l'ai excité à doner plus de son & d'éclat à sa voix, il m'a toujours fait entendre que la chose lui étoit impossible: si cela est, il faut que les organes propres de la voix, ainsi que ceux de l'ouïe, aient été afectés par la cruèle maladie qu'il a essuyée dans son enfance.

Je comprends qu'avec beaucoup d'habitude & d'aplication, je serois parvenu, come il le dit, à démêler les sons informes de son langage; je l'ai trop peu vu pour avoir essayé de le faire. La façon la plus comode, est de s'entretenir avec lui la plume à la main: c'est le moyen que j'ai toujours employé. Heureusement qu'il a su conserver les principes de lecture & d'écriture, joints à l'intelligence de la langue, qu'il avoit aquis dans sa première enfance. L'exercice de la lecture a entretenu & fortifié la conoissance qu'il avoit de la langue écrite: sa réflexion & ses talens naturèls ont fait le reste.

3

Ces expériences démontrent ce que c'est qu'entendre pour notre Auteur & pour tous ceux qui ont le malheur de lui ressembler; c'est avoir la perception ou par le tact, ou par la commotion de l'air ambiant, de certains ébranlemens qui s'opèrent dans les corps à portée d'eux. L'audition n'est pour eux que l'exercice & l'effet du tact proprement dit. Je suis très-persuadé que notre Auteur, tout intelligent qu'il est, n'a pas conservé le moindre vestige de l'idée précise que nous atachons au mot entendre. Ses explications, qui d'ailleurs paroîtront infiniment précieuses aux Lecteurs philosophes, le prouvent de reste.

4

Selon l'estimation de Mr. Peyreire & de Mr. l'Abbé de l'Épée, plus de la moitié des sourds & muèts qui leur ont passé par les mains, n'étoient pas entièrement sourds, c'est-à-dire, que leurs oreilles pouvoient être afectées, come les nôtres, d'une véritable audition, par des bruits très-forts & très-éclatans. Mais ces sortes de muèts n'en sont pas plus avances. Il sufit que l'oreille d'un enfant soit obstruée au point de ne pas entendre distinctement les sons de notre langage, pour qu'il éprouve tous les malheurs d'une surdité complète. Ignorant les sons conventionèls de nos langues & les idées que nous y atachons, il devient nécessairement muèt. Pour notre Auteur, il paroît totalement sourd: le siflèt le plus aigu ne fait nulle impression sur ses oreilles.

Конец ознакомительного фрагмента
Купить и скачать всю книгу
На страницу:
1 из 1