Murawski ferma sa mallette et dit :
– Alors, faites-en sorte que ça n’arrive pas.
Riley n’en croyait pas ses oreilles.
– Mais ça n’arrivera pas avant quinze ans, dit-elle.
Murawski haussa les épaules et ajouta :
– Comme j’ai dit, faites-en sorte que ça n’arrive pas. Croyez-moi, il restera tranquille jusque-là.
Murawski se tourna pour partir, mais il eut un mouvement de recul en voyant un groupe de personnes approcher. Au lieu de se précipiter vers la sortie, il s'esquiva dans une autre direction. Riley comprit vite pourquoi.
Les quatre parents des deux victimes, Donald et Mélanie Betts ainsi que Ross et Darla Harter, se frayaient un chemin vers la table du procureur. En l’absence de Crivaro ou de Murawski et son équipe, Riley se doutait qu’elle ferait les frais de leur indignation.
Mélanie Betts laissait couler des larmes de fureur.
– On vous faisait confiance, dit-elle à Riley. À vous, votre partenaire et à la défense.
– Comment avez-vous pu nous lâcher comme ça ? ajouta Darla Harter.
Riley ouvrit la bouche, mais elle ne savait pas quoi dire.
Ironiquement, son premier instinct était de répéter à peu près les paroles de Murawski, qu'ils n’auraient pas réussi à avoir deux condamnations pour meurtre avec préméditation, que cet arrangement était mieux qu’il n’y paraissait et que Larry Mullins allait être en prison un long moment.
Mais ces mots n’arrivaient pas à sortir.
Elle déclara simplement :
– Je suis désolée.
– Vous êtes désolée ? demanda Donald Betts incrédule.
– C’est tout ce que vous avez à dire ?
Riley était abasourdie.
Je dois dire quelque chose, pensa-t-elle.
Mais quoi ?
Puis elle se souvint des paroles de Murawski quelques instants plus tôt à propos de la libération de Mullins.
« Faites-en sorte que ça n’arrive pas. »
Riley déglutit. Puis elle parla d’une voix pleine de conviction qui la surprit elle-même.
– Il ne sera pas libéré, dit-elle. Il purgera toute sa peine, les trente ans, s'il vit assez longtemps.
Mélanie Betts l’observa d’un air perplexe.
– Comment le savez-vous ? demanda-t-elle.
– Car je vais personnellement m’en assurer, dit Riley, la gorge serrée par l’émotion. Je ne le laisserai pas sortir en liberté conditionnelle.
Elle s'arrêta et réfléchit intensément aux mots qu’elle s'apprêtait à prononcer.
Puis elle dit :
– Je vous le promets.
Les quatre parents la fixèrent un moment. Riley se demanda s’ils arriveraient à la croire, surtout après ce qu’il venait de se passer durant l’audience. Elle ne leur avait rien promis jusqu’à maintenant, pas même que Mullins serait sévèrement puni par la loi. Elle n’était pas si bête.
Mais maintenant que c’était dit, elle se rendit compte qu’elle y croyait.
Elle ne savait pas ce que tenir sa promesse lui coûterait, mais elle la tiendrait.
Au bout d’un moment, Donald Betts acquiesça. Tout en guidant sa femme et l’autre couple vers la sortie, il regarda Riley et articula en silence.
– Merci
Riley acquiesça en retour.
La salle d’audience était beaucoup moins encombrée à présent, Riley put donc se diriger vers le couloir. Des journalistes entouraient Murawski ainsi que les avocats de Mullins et les assommaient de questions. Riley était soulagée que les journalistes ne la remarquent pas.
En regardant autour d’elle, elle se demanda où était passé son coéquipier. Elle ne l’avait vu nulle part dans le bâtiment et il n’y avait aucune trace de lui devant le tribunal.
Où peut-il bien être ? se demanda-t-elle.
Elle marcha jusqu’au parking où ils avaient garé le véhicule du DSC. Elle avait son propre jeu de clés, elle put donc ouvrir la portière, s'installer au volant et attendre.
Il va sûrement bientôt revenir, pensa-t-elle.
De longues minutes passèrent et elle commença à s’interroger.
Elle savait que Jake avait très mal pris le verdict.
Il ne veut peut-être pas m’affronter, pensa-t-elle.
Elle essaya de l’appeler, mais il ne répondit pas. Elle ne voulait pas alerter le DSC de la disparition de son partenaire. Crivaro reviendrait lorsqu’il sera prêt. Riley resta assise à attendre pendant une heure avant de se décider à partir. Elle quitta le parking et prit seule la route de retour pour Quantico.
CHAPITRE DEUX
Julian Banfield avait l’impression de se réveiller d’un terrible cauchemar.
Ou de ne pas me réveiller du tout, pensa-t-il.
Il était à peine conscient et toujours désorienté. Son crâne lui faisait un mal de chien.
Il ouvrit les yeux ou s’imagina les avoir ouverts puisqu’il était dans le noir complet. En essayant de bouger, il se rendit compte qu’il n’y arrivait pas. Il savait que ce genre de paralysie était un symptôme normal de ses cauchemars, sûrement dû au poids des couvertures au-dessus de lui.
Mais il y a autre chose, réalisa-t-il.
Même si ses membres étaient coincés, il n’était pas allongé.
Respire, se dit-il, comme il le faisait si souvent avec ses patients. Doucement, inspire et expire.
Mais plus il se rendait compte de la situation, moins il arrivait à garder son calme. Il était attaché en position assise, dans l’obscurité totale. Malgré plusieurs respirations profondes, le calme qu’il essayait de s’imposer lui échappait.
Réfléchis, se dit-il. Quelle est la dernière chose dont je me souvienne ?
La mémoire lui revint. Il cherchait Sheila dans son bureau lorsque quelqu'un l’avait attrapé par-derrière et forcé à respirer à travers un morceau de tissu imbibé d’un liquide épais et sucré.
Du chloroforme, se souvint-il, son esprit commençant à céder à la panique.
Puis Julian entendit une voix douce émanant de l’obscurité.
– Bonjour, Dr Banfield.
– Qui est là ? haleta Julian.
– Vous ne reconnaissez pas ma voix ? Ce n’est pas vraiment surprenant. Cela fait bien longtemps. J’étais beaucoup plus jeune. Ma voix a changé.
D’un coup, la lumière s’alluma et Julian fut momentanément aveuglé.
– Voilà, dit la voix. C’est mieux ?
Julian plissa les yeux en essayant de s’adapter à la lumière. Un visage apparut, un homme souriant au visage long et fin.
– Vous devriez me reconnaître maintenant, dit-il
Julian le fixa. La forme de son menton lui paraissait vaguement familière, mais il ne se rappelait rien d’autre. Il ne le reconnaissait pas et en vérité, ce n’était pas sa priorité en cet instant précis. Il commençait seulement à réaliser la situation et de ce qu’il voyait, il était en très, très mauvaise posture.
Son agresseur et lui étaient dans la cave à vin de Julian, entourés d’étagères remplies de centaines de bouteilles de vin. Julian était ligoté ou attaché sur l’une des imposantes chaises qui faisaient partie de la décoration de la pièce.
Un inconnu le fixait en souriant, assis sur une autre chaise.
L’homme tenait un verre et une bouteille à peine entamée.
En se versant du vin, il déclara :
– J’espère que ça ne vous dérange pas. J’ai pris la liberté d’ouvrir une bouteille de vieux Donjon Châteauneuf-du-Pape datant de quelques années. Je suppose que c’était un peu présomptueux de ma part. Après tout, vous le conserviez peut-être pour plus tard. J’ai entendu dire que ce cru était censé se bonifier avec le temps.
Il exposa le verre à la lumière et l’inspecta religieusement.
– J’étais tenté d’ouvrir un Opus One de 1987, mais cela aurait été bien trop pour moi. De plus, je suis très curieux de connaître ce cru.
L’inconnu but une gorgée et la fit tourner dans sa bouche.
– Il est fidèle à sa réputation, dit-il. Des notes de baies de Genièvre, de mûres, de raisins, de noisettes grillées. Un large panel de saveurs osées et riches. Je ne suis pas un expert, mais je dirais que vous en avez eu pour votre argent.
Julian était toujours perdu et confus.
Ne cris pas, se dit-il. Personne ne pouvait l’entendre et ça ne ferait qu’aggraver les choses. Il valait mieux essayer d’utiliser ses compétences de psychologue. Il fallait, par-dessus tout, rester calme ou du moins paraître calme.
– Eh bien, dit-il, maintenant que nous sommes là, vous souhaiteriez peut-être m’en dire un peu plus sur vous.
L’inconnu s'esclaffa.
– Que voulez-vous savoir Docteur ? demanda-t-il.
– Il y a forcément des choses que vous pouvez me dire sur ce qui… mmmh… a entraîné cette situation.
L’inconnu laissa échapper un son rauque qui n’était pas vraiment un rire.
– J’ai bien peur que ce soit une histoire longue et compliquée, répondit-il. Sur ces mots, il se leva brusquement et jeta le verre à pied qui explosa contre le mur. Puis il posa la bouteille de vin sur une petite table décorative.
Se rendant bien compte que son approche professionnelle n’allait pas fonctionner, Julian essaya une autre tactique.
– Ma femme sera bientôt là, lâcha-t-il.
L’inconnu ne semblait pas affecté.
– Vraiment ? Alors, il est temps que je me mette au travail.
– Mais bordel qui êtes-vous ? s’insurgea Julian qui commençait à paniquer.
Une expression peinée traversa le visage de l’inconnu.
– Oh. J’espérais que vous auriez fini par me reconnaître. Tant pis, j’ai été trop exigeant, mais ça va vite vous revenir. J’ai un moyen infaillible de raviver vos souvenirs.
De nouveau, Julian pensa reconnaître certains traits vaguement familiers du menton de l’homme. Mais il était certain de ne pas se souvenir de lui. La seule chose dont il était sûr, c’est qu’il était prisonnier, piégé dans sa propre cave à vin, à la merci d’un homme déséquilibré.
Il ne savait pas comment il avait été attaché, mais c’était extrêmement inconfortable. Il réalisa seulement à cet instant que ses pieds étaient nus et mouillés.
Il baissa les yeux. Même si ses genoux étaient attachés ensemble, il pouvait voir l’un de ses grands plateaux en argent posé au sol. Quant à ses pieds, ils trempaient dans un fond d’eau.
– Ah oui, commenta l’inconnu. J’ai descendu ce magnifique plateau en argent de votre placard à vaisselle. C’est l’idéal. Il peut contenir presque un centimètre d’eau, et l’eau et l’argent sont d'excellents conducteurs.
Excellents conducteurs ? se demanda Julian.
Ses yeux fouillèrent la pièce, essayant de repérer les moindres détails de ce qu’il se passait. Il remarqua que l’inconnu portait une paire de bottes avec des semelles en caoutchouc.
Puis l’inconnu commença à enfiler une paire de gros gants, eux aussi en caoutchouc.
Mais qu’est-ce que… ? De nouveau Julian s’efforça de ne pas crier.
L’homme sortit du champ de vision de Julian un moment. Après quelques claquements venant du tableau électrique de la cave, l’inconnu réapparut avec un gros câble de chantier à la main. Le câble avait été découpé pour en exposer les fils.
Julian sentit son corps sombrer dans la terreur.
L’inconnu s’approcha de Julian et le regarda droit dans les yeux.
– Vous êtes bien sûr de ne pas me reconnaître, Dr Banfield ? demanda-t-il sans perdre son sourire.
Julian fixa le visage de l’inconnu, remarquant de nouveau les traits familiers de son menton. Il réfléchit, essayant de replacer ce visage, alors qu’une montagne de pensées lui traversaient l’esprit.
Électricité… électrodes… conducteur…
D’un coup, la vérité lui sauta aux yeux. Il n’arrivait pas à se souvenir de son nom, mais son visage lui revenait, même après tant d’années.
– Si ! murmura-t-il, surpris. Si, je sais qui vous êtes !
– C’est bien ! dit l’inconnu. Je savais que ça vous rafraîchirait la mémoire
Le cœur de Julian battait violemment.
– Ma femme sera bientôt de retour, dit-il de nouveau.
– Oui, sûrement, répondit l'inconnu. Et elle aura une belle surprise !
Il laissa tomber méthodiquement le câble sur le plateau et Julian hurla tandis que son esprit explosait.
CHAPITRE TROIS
Riley serrait le téléphone sans fil dans sa main, tout en faisant les cent pas dans l’appartement en sous-sol qu’elle partageait avec son fiancé Ryan Paige. Elle essayait de joindre l’agent Crivaro.
Et une fois de plus, il ne décrochait pas. Ça ne faisait que sonner encore et encore.
Je n’ai même pas accès à son répondeur, remarqua-t-elle.
– Toujours injoignable ? demanda Ryan.
Elle ne s’était pas rendu compte qu’il l’observait. Il était assis à la table de la cuisine examinant des dossiers qu’il avait ramenés de Parsons & Rittenhouse, le cabinet d’avocat où il exerçait en tant que collaborateur.
– Oui, répondit Riley. J’ai l’impression de perdre la tête. Je devrais peut-être retourner à Quantico et…
Ryan l’interrompit doucement :
– Non, Riley. Qu’est-ce que ça apporterait de plus ?
Elle souffla. Il avait évidemment raison. Après le procès et la disparition de Crivaro, elle avait ramené la voiture du FBI à Quantico en espérant le trouver au quartier général du DSC, mais il n’y était pas. L’agent spécial en chef Erik Lehl avait terminé sa journée, sûrement aussi joyeuse que la leur. Si Crivaro n’était pas rentré, Riley ne voulait pas être celle qui annoncerait à Lehl la disparition de son partenaire.
Ryan demanda :
– Combien de fois as-tu essayé d’appeler Crivaro ?
– Je ne sais plus.
Ryan eut un sourire compatissant.
– Souviens-toi de la définition de la folie, selon Einstein, dit-il.
Riley haussa les épaules.
– Oui, oui… faire la même chose encore et encore en espérant un résultat différent.
Elle arrêta de faire les cent pas et s’effondra sur le canapé du salon.
– Peut-être que cette histoire me fait perdre la raison, dit-elle.
Ryan se leva de sa chaise et se dirigea vers le placard de la cuisine pour prendre une bouteille de bourbon et deux verres.
– Ça m'embêterait de devoir te faire interner, dit-il. Peut-être qu’un bon verre sera la solution pour te faire retrouver la raison.
Riley rit d’un air résigné.
– Ça ne peut pas me faire de mal, dit-elle.
Ryan remplit deux verres et s’assit sur le canapé près d’elle. Il passa son bras autour de ses épaules.
– Tu veux en parler ? demanda-t-il.
Riley soupira. Ils avaient énormément parlé du procès depuis son retour du travail plusieurs heures auparavant et ils avaient continué à en discuter pendant le dîner. Ryan savait à quel point le verdict l’avait bouleversée. Et bien sûr, ils avaient aussi parlé de la disparition mystérieuse de Crivaro.
– Je ne sais pas quoi dire d’autre, dit-elle en posant sa tête sur l’épaule de Ryan.
– J’aurais peut-être une idée, dit-il. Tu pourrais répondre à quelques questions pour moi.
Riley se rapprocha de lui et dit :
– Oui, essayons ça.
Il prit une gorgée de bourbon et demanda :
– Pourquoi exactement es-tu inquiète pour l’agent Crivaro ?
– Parce qu’il est parti sans prévenir.
– Tu penses qu’il est en danger ?
– Crivaro ? ricana Riley. Non, je ne pense pas. C’est un dur à cuire. Il sait se défendre.
– As-tu peur qu’il soit en colère contre toi ? demanda Ryan.
Elle eu un sursaut de surprise. C’était une très bonne question. Elle leva sa tête de l’épaule de Ryan et prit une gorgée de bourbon. Le goût la réconforta.
– Je… ne vois pas pourquoi il le serait, dit-elle.
– Donc que se passe-t-il, selon toi ? demanda Ryan.
Elle se souvint de son expression furieuse lorsqu'il était sorti en trombe de la salle d’audience.
– Il s’en veut, répondit-elle. Il a l’impression d’avoir échoué.
– Riley, je ne suis pas sûr de comprendre pourquoi vous êtes si déçus par le verdict. Trente ans, c’est une lourde peine. Mullins devra attendre quinze ans avant une possible libération. Ça me semble assez sévère.
Riley eut un flash de sa confrontation avec les parents des victimes.
Elle se souvint de sa promesse.
« Je ne le laisserai jamais sortir sous liberté conditionnelle. »
Elle ne pouvait s'empêcher de se demander si elle tiendrait véritablement sa promesse.
– Nous voulions plus. Les familles des victimes s’attendaient à plus. Mais…
Sa voix se serra.
– Mais quoi ? demanda Ryan.
Riley le bouscula gentiment.
– Tu parles comme un psy, dit-elle
– Mais non, dit-il. Je parle comme un avocat.
– Donc tu m’interroges ? répondit Riley.
– Exactement.
– Alors j’ai une objection. Tes questions sont beaucoup trop orientées.
– Plains-toi au juge, dit Ryan.
– Quel juge ? demanda Riley.
Ils rirent et se rapprochèrent.
Puis Ryan demanda prudemment :
– Et toi Riley ? Es-tu heureuse ?
Elle sentit une chaleur l’envahir.
– Oh que oui, fit-elle.
– Pas simplement dans ton travail, dit Ryan.
– Je sais. Je suis vraiment heureuse, dans tous les aspects de ma vie.
Elle le pensait du fond de son cœur.
Ryan et elle avaient eu des difficultés au début de leur relation. Ils leur étaient même arrivés de penser que leur couple ne survivrait pas à long terme. Le nouveau travail de Ryan lui avait mis une pression énorme et la cadence des affaires de Riley était effrénée. Elle avait passé beaucoup trop de temps loin de lui.
Cependant, Ryan était maintenant dans une position plus confortable au cabinet, lui offrant ainsi davantage de flexibilité. Et les dossiers de Riley s'étaient également considérablement réduits. Crivaro et elle n’avaient pas eu à aller sur le terrain depuis plus de six semaines, depuis cette affaire de tueur en série qui ciblait des femmes vierges dans le Kentucky et le Tennessee.
Depuis ce jour, ils avaient principalement travaillé depuis les bureaux de Quantico, pour faire des recherches et informer les agents sur le terrain. Riley trouvait ces moments un peu ennuyant. Pourtant, elle devait admettre qu’elle était soulagée d’être proche de chez elle et loin du danger.
C’était aussi un soulagement pour Ryan. Il semblait enfin s’habituer à l’idée qu’elle fasse partie du DSC. Du moins, il n’essayait plus de la persuader de démissionner et ils ne s’étaient plus disputés depuis des semaines.
Riley espérait garder cette cadence de travail, plus facile à vivre et moins dangereuse. Elle était certaine que si elle passait plus de temps à la maison, les choses iraient mieux dans leur couple.
C’est dans ce genre de moment qu’elle appréciait le caractère attentionné et bienveillant de son fiancé.
Il est pas mal non plus, pensa-t-elle, en le regardant.
Puis il demanda :
– Tu veux continuer à parler ?
– Non, non, répondit Riley.
– Que veux-tu faire ?
Riley amena son visage vers elle et l’embrassa.
– Je veux aller au lit.
*Le lendemain matin, sur le chemin de Quantico, la journée de Riley paraissait aussi belle et ensoleillée que son humeur. Sa séance de câlins avec Ryan la veille avait été passionnée, parfaite. Maintenant ils étaient tous les deux en route vers un travail qu’ils appréciaient.
Elle n’est pas belle la vie ? se demanda-t-elle.
En y repensant, elle pourrait être encore mieux. En fait, c’était même sûr. Dans un futur proche, Ryan et elle se marieraient et lorsqu’ils seraient prêts, ils fonderaient une famille.
Pour ce qui était de l’Agent Crivaro, Riley était persuadé qu’il se sentirait mieux aujourd’hui.
Hier n’était qu’un mauvais moment à passer, pensa-t-elle.
En se garant à sa place au DSC, son cœur bondit de joie à la vue de Crivaro debout près de sa voiture. Il l’attendait, comme il le faisait souvent.
Tout est revenu à la normale !
Elle gara sa voiture et en sortit.
Pas de câlins, se dit-elle. Ça ne lui plairait pas.
Son humeur s’assombrit en s’approchant de lui. Ses bras étaient croisés et il fixait le bitume, comme s’il ne l’avait pas vu arriver.
Décidément pas d’humeur câline, réalisa-t-elle.
Peu importe ce qu’il avait à lui dire, elle sentait que ça n’allait pas lui plaire.
CHAPITRE QUATRE
Tandis que Riley s’approchait, il levait à peine les yeux. Il était appuyé contre sa voiture et fixait le sol.
– Excuse-moi pour hier. Je me suis comporté comme un con, déclara-t-il
Riley voulut le contredire, lui assurer que ce n’était pas vrai, mais les mots refusaient de sortir.
Je dois quand même lui en vouloir un peu, réalisa-t-elle.
Cette possibilité ne lui avait pas effleuré l’esprit jusqu’à maintenant.
Se plaçant près de lui, elle s’appuya à son tour contre la voiture.
– Pourquoi m’avez-vous évité comme ça ? demanda-t-elle.
Crivaro haussa les épaules.
– Je ne t’ai pas évitée, dit-il. Du moins, je ne pense pas. C’était plutôt…
Il se tut un instant.
Puis il déclara, la voix serrée :
– Je ne pouvais pas affronter les parents. Je n’y serais pas arrivé. Pas après les avoir laissés tomber de cette façon. Il fallait que… je devais m’en aller.
Riley était étonnée. Elle avait cru qu’il ne voulait pas lui parler à elle. En y repensant, son hypothèse était très égocentrique.
– Tu leur as parlé ? demanda-t-il à Riley.
Elle acquiesça.
– Comment ça s’est passé ?
Riley prit une grande inspiration.
– À peu près comme vous l’imaginez, répondit-elle.
– Si mal que ça ?
Riley acquiesça et ajouta :
– Ils étaient en colère contre la décision du juge. Et oui, ils nous en voulaient à nous aussi.
– Je ne leur en veux pas, dit Crivaro. Que leur as-tu dit ?
– Je leur ai présenté mes excuses et…
Riley hésita un instant. Elle avait soudain du mal à répéter ce qu’elle avait dit aux deux couples.
Enfin elle déclara :
– J’ai promis… de faire en sorte que Mullins ne sorte pas de prison avant d’avoir purgé toute sa peine. Je leur ai dit que je ne le laisserai pas bénéficier d’une remise de peine ou d’une libération conditionnelle.
Crivaro acquiesça doucement.
Étouffant un soupir, Riley dit :
– J’espère ne pas avoir fait de promesse que je ne pourrai jamais tenir.
Elle espérait qu’il répondrait par un encouragement, mais il resta silencieux.
– Alors, que se passe-t-il ? demanda-t-elle impatiemment.
– Je voulais te l’annoncer moi-même, dit Crivaro, la voix serrée par l’émotion. Je ne voulais pas que tu l’apprennes par quelqu'un d’autre.
Riley ressentit une vague d'appréhension. Elle attendit en silence qu’il poursuive.
– Je démissionne, lui annonça Crivaro.
– Vous ne pouvez pas faire ça, laissa-t-elle échapper.
– C’est déjà fait.
Elle cherchait ses mots.
– Vous disiez que vous resteriez si j’intégrais le DSC…
– Juste pour t’aider à démarrer, finit-il à sa place. C’était il y a presque un an, Riley. Je t’avais prévenu que je pouvais prétendre à une retraite anticipée.
– Vous ne pouvez pas attendre… ?
– Non, ma décision est prise. Je sors tout juste du bureau d’Erik Lehl. J’ai rendu mon badge et mon arme et j’ai signé et donné ma lettre démission.
– Pourquoi ? demanda-t-elle simplement.
Crivaro laissa échapper un grognement.
– Tu le sais très bien, Riley. Peux-tu honnêtement dire que je suis au top de ma forme ces derniers temps ? Je ne redeviendrais jamais l’agent que j’étais. J’ai dépassé ma date d’expiration. Il m’a même fallu des autorisations spéciales pour rester aussi longtemps en fonction.
Le silence tomba entre eux. Ils restèrent là un long moment, sans s’adresser un regard.
Enfin, Crivaro déclara :
– Tout ça m’est tombé dessus après le verdict. C’était une chose de ne pas obtenir une sentence plus sévère pour Mullins. Mais j’étais incapable de parler aux parents. Je n’avais jamais ressenti ça, je n’avais jamais esquivé cette partie du boulot. À cet instant, j’ai su que c’était terminé. Comment puis-je continuer à pourchasser les criminels si je ne peux plus affronter leurs victimes ? C’est pour ça que je me suis sauvé.
– Je vais parler à Lehl, marmonna Riley.
À peine ces mots prononcés, elle se demanda si elle y croyait vraiment. Allait-elle vraiment essayer de convaincre l’agent spécial en chef Erik Lehl d’ignorer la démission de Crivaro ? Pensait-elle vraiment réussir ?
– Tu devrais le faire, lui dit Crivaro. D’ailleurs, Lehl veut te parler. Il m’a dit que tu devais aller le voir dès ton arrivée. Je pense qu’il a une affaire pour toi.
La bouche de Riley s’ouvrit, mais aucun son n’en sortit.
Comment pouvait-elle exprimer ce qu’elle ressentait ?