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Aymeris
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Aymeris

Язык: Французский
Год издания: 2017
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Georges supplie sa mère en l’embrassant:

– Vous me placerez entre M. Fioupousse et M. Maillac, ou je me couche!

Ces deux messieurs semblent s’intéresser à Georges. Ils favorisent ses goûts de peintre, montent dans la chambre-atelier pour voir ses dernières études; ils lui donnent des livres rares et le conduisent au Salon des Champs-Elysées. A la vérité, l’intelligence de Georges les enchante.

Le président Lachertier prie Mme Aymeris de lui faire connaître le menu du jour, il fait claquer sa langue quand elle lui dit: Le potage Crécy, les ris de veau financière, des truffes magnifiques, un cadeau de Fioupousse, mon cher, et des vraies, du Périgord! le turbot sauce crevettes – avec le persil frisé pour vous, mon Président; un rôti… et je ne sais plus quoi!

– Et l’entremets?

– Les profiterolles au chocolat.

A-t-elle «mis» un caneton?

– Animal immonde! proteste M. Aymeris, car Mme Demaille en redoute pour Georges l’indigestibilité; cet animal se nourrit d’excréments, et un usage haïssable l’associa aux petits pois, légume de plomb, ou bien aux navets qui empestent, ou encore à une farce d’intérieurs hachés. Coquin de palmipède lamellirostre!.. Et M. Aymeris menace cette volaille amphibie comme cet autre misérable: le soleil.

Alors Mme Aymeris fait la moue: – Aujourd’hui – dit-elle – le repas va s’éterniser, puisque c’est l’avocat qui officie…

Mais la cloche a sonné. Antonin a ouvert les deux battants de la porte; bras dessus, bras dessous, les premiers couples procèdent à la salle à manger. Mme Demaille fait observer, hebdomadairement, qu’il y aura «des messieurs sans dames; les dames étant trois et les messieurs plus nombreux, chaque dame devrait donc prendre au moins deux cavaliers». M. Aymeris couvre cet ana d’un: – Antonin ne baissez pas trop les carcels, vos lampes vont sentir. – Mme Demaille s’écrie: – Monsieur! Avez-vous mis le pare-étincelles? je retourne voir au salon… la grosse bûche dégringolera… Ah! nous ne faisons pas le feu de même, Alice et moi!

– Allons, madame! Vous savez bien qu’Antonin l’a couvert, dit Mme Aymeris, et elle hausse les épaules.

On s’assied devant douze compotiers de fruits, quatre assiettes de «fours» et une jardinière de plantes vertes. M. Aymeris écarte les revers de son habit, remonte sa serviette à mi-plastron (plastron mol et qui bouffe), et sert le potage, comme d’ailleurs tous les plats; mesure la part de chacun, selon les préférences et l’importance du convive. Mme Aymeris fait des recommandations à Antonin, se penche pour voir, au travers des branches de yucca, si M. Aymeris a fini de palper le petit pain-riche de Mme Demaille, réchauffé dans le four, et s’il épinglera encore la serviette de son amie, ce qui est si ridicule!

C’est, aujourd’hui, «soir de caneton». Il y en a trois sur le réchaud. Avant les canetons, ce furent les paupiettes de veau, les merlans pochés au riz; une poularde au blanc et des pâtes, pour le «patron» et la chère Mme Demaille. Antonin découpe cette volaille de valétudinaires sur un dressoir, tandis que son maître cisèle «au bout de la fourchette», es immondes palmipèdes pour les gourmets: prodigieux tour d’adresse et de force, interrompu par une anecdote de Palais, qui impatiente Mme Aymeris, car ces histoires ne sont point courtes.

– … Et ce misérable confrère dont j’ai honte de prononcer le nom, dégrade l’ordre des avocats! c’est vous, M. le Président, c’est vous mes chers amis, qui l’excusez? cette femme… ce collier de perles… Mme de Païva que j’ai connue me racontait…

– Servez-nous donc, Maître Aymeris, au lieu de balancer cette aiguillette comme un baladin à l’hippodrome! le jus fige dessus! ordonne Mme Aymeris agitée, et elle fait enlever le yucca, qui l’empêche de voir les canetons.

– Vous n’avez encore effilé que quatre morceaux, monsieur Aymeris? C’est comme cela qu’on mange froid. Pierre s’est habitué à la patience de Mme Demaille! Pour moi, un repas n’est jamais assez court.

Les femmes de chambre pouffent de rire.

– Poli pour nous, merci! dit le président Lachertier.

– Pardon, mes amis! je vous aime beaucoup, mais dans le salon! Les histoires du Palais n’en finissent plus!.. M. Aymeris va encore nous attendrir sur quelqu’un… Nous connaissons les chéris de Pierre, n’est-ce pas, mon Président? Tous des saints du Paradis… allons! allons! faites vite, monsieur Aymeris! le caneton, s’il vous plaît! si l’on ne nous sert pas, je retourne à mon fauteuil. Elle trépigne d’impatience.

M. Aymeris s’interrompt encore.

Sa femme décide:

– Allons tous nous asseoir confortablement, mes amis! Notre avocat est comme Deldevez, le chef d’orchestre qui ralentit tous les mouvements. Servons chaud!

Mme Aymeris, d’un trait juste et pittoresque, condamnait et louait implacablement, provoquant des rires approbatifs, des réticences de la part des timides, ou une grimace de Mme Demaille qui glissait au maître de la maison un regard d’entente et de pitié.

– Alice est infernale! murmurait-elle, entre ses dents.

– Ce soir, disait parfois le patron, nous nous passerons du concours d’Antonin: il a sa crise!

Antonin prétendait souffrir de la goutte comme son maître; et Mme Aymeris ajoutait: – Rhumatisme sympathique, goutte par dévouement! Antonin a peur de passer pour le fils de sa dondon de femme, puisqu’il a été assez sot pour épouser Domenica, son Italienne qui a vingt ans de plus que lui… Et ils sont amoureux! c’est ridicule! Elle devrait se calmer, cette goule.

Mme Demaille regardait Mme Aymeris de travers, et lui jetait:

– Ces mots! Antonin est las, ma chère! on ne conserve pas toujours l’aspect des tendrons!

– Parlez pour vous, ma belle, avec vos cheveux noirs! La vie ne creuse pas de sillons dans vos joues. En effet, j’envie votre sérénité!

Mme Demaille s’apprêtait à répondre. Un coup de coude de M. Aymeris voulait dire: – Ma bonne amie, chère bonne… vous écoutez encore Alice?..

Alice levait les yeux au ciel, ou prenait à témoin le Président, tandis que Mlle Sybille toussait, buvait pour feindre de pousser quelque chose qui ne passait pas; nerveuse elle n’avait plus goûté à un poisson, depuis une fameuse arête difficilement extraite de sa gorge par Nélaton, avec des pinces que la vieille demoiselle portait dans un étui, en cas de récidive…

– C’est que nous n’avons plus de chirurgien! disait-elle pendant que les colères grondaient au loin.

– Bataille de dames! Hé là, Môssieur Berryer! Où sont vos confrères? Il y a bien quelque repas de corps, ce soir, à la Galerie Montpensier! On vous y attend… au moins vous ne vous disputeriez pas, là-bas…

C’était le Président, et ses cruelles plaisanteries.

– On m’insulte à ma propre table! grommelait Me Aymeris, en resserrant sa cravate de satin noir qui, en trois tours, pressait un col-carcan dont les coins entraient dans ses bajoues encore grasses.

Lors des «piques» trop vives, le général louait le moelleux sans pareil des sauces, les carpes à la Chambord, les escalopes Vatel, les charlottes russes, mais ne rassérénait point l’atmosphère:

– Vous faites toujours venir de chez Petit, le pâtissier de la place de Passy, ma cousine.

Mme Aymeris s’écriait:

– Mais non! Domenica pinxit! mon cousin, vous n’êtes donc plus connaisseur?

Georges s’ennuyait à mourir, même à côté de M. Maillac et de M. Fioupousse.

Il y avait des dîners réussis; des dîners ternes; il y en avait où des discussions s’élevaient entre Fioupousse et le Président; il y avait les repas où l’irritation silencieuse du maître faisait perdre à Mme Aymeris tout contrôle sur elle-même. Le plus souvent, routines, redites; le Président proposait alors:

– M. Aymeris, rajeunissons les cadres! Qu’en pensez-vous, mon général? et vous mon colonel? Nous avons la jambe cotonneuse!

Ceux-ci amèneraient des sous-lieutenants; on ferait venir les tantes Lili et Caro. Ceci, d’un effet comique toujours sûr.

Après le dîner, le Président jouait avec le Colonel au tric-trac dans le salon rouge; deux bougies à abat-jour verts vacillaient sur la table. Dans le cabinet de l’avocat, infusait la camomille. Mme Demaille et Mlle Lachertier s’endormaient. M. Aymeris faisait une partie de cartes avec les autres. Mme Aymeris regardait la pendule. Georges appelait M. Maillac au piano; c’était une partition à quatre mains, de Wagner; un oratorio de Schumann; ou quelque œuvre nouvelle à déchiffrer. Diogène-Christophe Fioupousse racontait Delacroix, Théophile Gautier, Baudelaire, une visite à son ami Manet, ou les curieux tableaux de théâtre d’un certain Degas. Georges, d’après des descriptions de «peinture au pétrole», à la façon des décors, avait fini par se représenter l’artiste comme un ouvrier, quoique Fioupousse eût dit:

– M. Degas, comme Edouard Manet, un fils de famille.

Vinton-Dufour, du Salon des Refusés, aimait Manet comme un frère, mais, sur sa nouvelle manière, se réservait. Il reconnaissait qu’Edouard avait fait de la bonne peinture jadis, avant que Claude Monet ne le dévoyât. Georges craignait Vinton et l’admirait tout de même, car Léon Maillac l’avait élevé dans le culte de cet «ours», mais Vinton dédaignait trop les études de Georges, ses essais de gamin. On demandait à Vinton: – Avez-vous vu ce que Georges a peint cette semaine, là-haut? Qu’en pensez-vous? Il me semble en progrès.

Vinton-Dufour rechignait à répondre. Une fois il dit au Président: – On devrait décourager Georges; il réussirait mieux dans la carrière diplomatique.

Mlle Sybille Lachertier rapporta le propos à Lili et à Caroline, en prenant une tasse de chocolat, ou «le doigt de Marsala» de ces demoiselles. Elles se réjouirent, souhaitant que Georges servît la France, sinon par les armes, du moins dans la diplomatie qui dispose de leur emploi. Elles attendaient le verdict du prochain conseil de revision: une hantise pour les Aymeris!

Georges fut exempté du service, son genou ayant encore gonflé; le mal s’aggravait à chaque promenade à cheval qu’il s’offrait, en cachette du chirurgien et pour le plaisir d’être seul avec le cher Patrik de Jessie. Un épanchement chronique de synovie le faisait boiter assez bas. Définitivement libre, qu’allait-il faire? Il le savait mieux que jamais, malgré les avis de Vinton-Dufour.

Lili et Caroline ambitionnaient que Georges, s’obstinant à peindre, étudiât avec Detaille ou Alphonse de Neuville – «presque des soldats, ma chère!» Elles s’avisèrent qu’une dame de Versailles, amie du général Du Molé, était la sœur du peintre virtuose, l’Alsacien Beaudemont-Degetz. Elles obtinrent une introduction auprès de lui et se rendirent à son hôtel de la rue Jouffroy.

Un valet de pied, à boutons d’or, introduisit ces demoiselles dans une salle ennoblie d’armures, de drapeaux et d’uniformes, où un canon historique menaçait de sa gueule le traîneau de l’impératrice Joséphine; une esquisse du baron Gros remplissait le fond de la pièce; c’était un musée de souvenirs napoléoniens réunis par le peintre militaire.

Une portière de velours, à aigles d’argent, soulevée par le serviteur, donna passage à un homme, jeune encore, en dolman de peluche noire, la rosette de la Légion d’honneur à la boutonnière; ces demoiselles furent du coup conquises, le maître avait l’air d’un capitaine de chasseurs à cheval! Il n’y aurait pas, chez M. Beaudemont, de ces modèles féminins dont elles appréhendaient pour Georges le commerce; mais d’anciens turcos, peut-être un ex-Cent-Garde, des cuirassiers, de vieux braves. Il parut qu’on trouverait un terrain d’entente, ce Beaudemont voulait être agréable au grand avocat et ferait une exception, puisqu’il ne professait pas. Georges objecta qu’un tel arrangement offrait à un élève peu de chances d’étudier le nu. Mme Aymeris, de même avis, inclina pour la classe de Jullian. Georges s’y fit inscrire, mais le lundi où il s’y rendit, il fut intimidé par les cris que poussaient les rapins. Les brimades étaient terribles; la moindre consistait à vider un baquet sur le «nouveau» quand il dépassait le vestiaire; le cœur manquant à Georges, il s’enfuit.

M. Beaudemont avait plusieurs ateliers dans son hôtel; il en céderait un à mon ami, avec toute licence de prendre des modèles «d’ensemble», que Mme Aymeris paierait. Beaudemont dessinait anatomiquement, ses conseils seraient précieux: avant d’être «peintre militaire», il avait gravi tous les échelons à l’Ecole des Beaux-Arts, jusqu’au prix de Rome; «il connaissait donc son métier et la structure des corps, hommes et animaux».

Restait à choisir: M. Beaudemont, ou rien du tout! Georges accepta Beaudemont; et ce fut un an de «fêtardise» dans l’hôtel, pour le futur peintre, mais une expérience qui tira l’abeille de son alvéole. Beaudemont, comme un chroniqueur parisien, déjeunait au restaurant avec des femmes galantes et des journalistes, – pourquoi n’en était-il pas un? – bavardait au café, puis se rendait dans les salles de rédaction. Georges, attendu par un modèle, rentrait seul, tandis que le patron faisait des visites à des ministres et des conseillers municipaux. Quand est-ce que Beaudemont travaillait?

L’ambitieuse et naïve Mme Aymeris trouva de saison que Georges, à qui l’on aurait défendu un mastroquet du quartier latin, devînt, à vingt et un ans, l’habitué de la Maison d’Or et de «l’Américain»; rien «de chic» n’était indigne de son fils. Et M. Beaudemont était si bien habillé! Il n’avait pas l’air d’un peintre.

Léon Maillac fit de suprêmes efforts pour que Vinton-Dufour autorisât Georges à lui porter les mieux venues d’entre ses études; il ne fallait pas abandonner un «fils de famille» dans les petits hôtels de l’avenue de Villiers. Maillac savait ce que pouvait être l’influence des peintres à la mode, des succès de coterie et des récompenses. Sa petite collection ne comprenait que des morceaux de choix offerts à lui par Vinton-Dufour, Renoir, Claude Monet, Cézanne. Les colorations aigres, les verts saumâtres, les roses et les rouges mats de Cézanne, la gaucherie savoureuse d’une exécution qui parut alors sauvage, Georges les préférait aussi aux mignardises des Beaudemont-Degetz, des Jacquet, des Duez, des Heilbuth et autres propriétaires de la plaine Monceau. Chez Maillac les multiples perspectives de l’art moderne s’ouvraient en même temps à lui; il fut à même de choisir «entre le vice et la vertu» qui se dressaient devant lui comme pour le jeune Hercule. Il comprit que son père et sa mère, cependant plus avertis que tant d’autres bourgeois, avaient confié leur fils à Beaudemont, pour les raisons qui leur eussent fait préférer une banque à une autre: respectabilité, réputation irréprochable, bel immeuble.

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1

Viandes rôties.

2

Livres récréatifs.

3

Veille de Noël.

4

Elle a les manières d’une femme du monde.

5

N’imitez pas, cher, ne regardez pas ces gens grossiers.

6

Fiacre à quatre roues.

7

Cab à deux roues.

8

L’ambassade de France.

9

Trop voyant.

10

Emmenez-le! Je ne permets pas à un garçon de m’embrasser.

11

Douairière.

12

Domestiques supérieurs.

13

Les locataires des maisons dépendant du château.

14

Casquette de voyage.

15

Oui, tout aussi fiers l’un que l’autre.

16

Venez, Jessie! venez! allons nous asseoir au jardin: j’ai tant besoin de vous! Venez tout de suite!

17

A quoi destinez-vous cette drogue? Vous n’allez pas la prendre: vous êtes bien portant, vous, monsieur.

18

Laissez-moi la donner à ma sœur: elle est très malade, elle.

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