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L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793
L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793

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L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793

Язык: Французский
Год издания: 2017
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Les astronomes ne connaissaient que des rapports. Ils savaient très-exactement que la distance de Mars au soleil est une fois et demie celle de la terre au soleil, mais on n’avait sur la grandeur absolue de l’une d’elles que d’insignifiantes conjectures. Anaxagore, en supposant le soleil aussi grand que le Péloponèse, évaluait sa distance à la terre à mille ou douze cents lieues tout au plus. Aristarque, par des mesures ingénieuses mais fort grossières, l’avait portée à douze cents rayons terrestres; Descartes n’en supposait que sept à huit cents; Kepler au contraire avait triplé le nombre d’Aristarque. Les observations de Richer devaient sextupler celui de Kepler.

Mars alors approchait autant que possible de la terre, et l’on espérait pouvoir mesurer l’angle formé par deux rayons visuels dirigés vers lui au même instant, l’un de Paris, l’autre de Cayenne. Rien de plus facile en théorie que la détermination d’un tel angle. Les difficultés sont toutes d’exécution, mais elles sont considérables.

Devant la distance des étoiles, le diamètre de la terre disparaît en quelque sorte et s’évanouit; les rayons dirigés vers l’une d’elles par deux observateurs éloignés sont rigoureusement parallèles, et l’on peut par suite rapporter à une même direction et comparer par là l’un à l’autre deux rayons dirigés vers Mars de deux points éloignés du globe. Malheureusement la terre tourne et se déplace. Mars lui-même n’est pas immobile, et une seconde de retard dans une observation peut dévier de plus de quinze secondes le rayon dirigé vers lui; si l’on songe qu’un angle de vingt-cinq secondes fait tout le dénoûment du problème, on perd l’espoir d’obtenir, à deux mille lieues de distance, deux observations réellement simultanées. Il faut s’affranchir de cette condition, et la marche régulière de la planète, soumise à des lois bien connues, permet de calculer d’après la position observée celles qui la précèdent ou qui la suivent; on doit enfin dans une recherche aussi délicate prévoir toutes les causes d’erreur et en corriger les effets.

L’événement trompa d’abord toutes les espérances. Les erreurs d’observation, en compensant fortuitement les différences de direction, assignèrent une valeur nulle à l’angle qu’on voulait mesurer; mais Cassini, en recherchant jusqu’à la source la cause possible d’un résultat aussi inacceptable, fut conduit à soupçonner un quart de minute d’erreur, en assignant à l’angle une valeur de vingt-cinq secondes que donnaient ses propres observations et qui est exacte. Cassini en effet avait résolu le problème sans employer les observations de Cayenne. Le principe de sa méthode est ingénieux; puisque la comparaison des observations n’exige pas qu’elles soient simultanées, on peut choisir pour les comparer deux observations faites à six heures de distance dans un seul et même observatoire. La terre, dans son mouvement bien connu, emporte l’observateur plus loin de sa position primitive que Paris ne l’est de Cayenne, et la différence de temps peut remplacer la distance des lieux.

C’est l’observation du pendule qui devait immortaliser surtout le nom de Richer et le souvenir de son expédition. Le pendule qui bat les secondes est plus court à l’équateur qu’à Paris, et ce fait bien observé nous montre par une conséquence très assurée que la pesanteur y est moindre. Huyghens, en évaluant la force centrifuge produite par la rotation de la terre, fit connaître une cause considérable mais non pas unique de cette diminution qui se rattache avec certitude à la forme aplatie de la terre. Mais la suite de ces déductions est accessible aux seuls géomètres, et les autres savants n’y virent pendant bien des années qu’une ingénieuse conjecture qu’ils discutaient sans s’entendre. Il restait donc beaucoup à faire pour fixer les esprits et rendre la démonstration convaincante. Cinquante ans plus tard les deux partis jugeaient nécessaire une nouvelle expédition académique qui, pour les mettre d’accord, dut chercher des preuves évidentes et irréfragables dans des mesures directes et précises.

Le roi Jacques II, dans une visite à l’Observatoire de Paris le 27 avril 1690, avait rapporté l’opinion de Newton sur l’aplatissement de la terre. Les académiciens dans leur réponse invoquent assez singulièrement les observations de Richer pour repousser une théorie dont elle fournit la preuve la plus assurée. «On répondit, dit le procès-verbal, que cette idée était venue à quelques-uns à l’occasion de quelques observations de Jupiter qui a paru quelquefois n’être pas parfaitement sphérique, mais que la partie de l’ombre de la terre qui tombe sur la lune paraissait assez circulaire pour persuader que la figure de la terre ne s’éloigne pas sensiblement de la sphérique, que cette conjecture avait été assez fortifiée par les observations de la longueur des pendules faites par les personnes envoyées par l’Académie des sciences à Cayenne, au cap Vert et aux Antilles, où le pendule à secondes s’est trouvé constamment sensiblement plus court que dans notre climat, mais que cette différence pouvait être attribuée aux températures de l’air, puisque dans un même lieu nous trouvons une petite différence entre l’été et l’hiver.» Cette explication est inacceptable, et une température de 200 degrés au moins serait nécessaire pour produire les effets observés.

Les expériences sur la transfusion du sang faisaient grand bruit en Angleterre. L’Académie prit soin de les reproduire et de les varier. Les Anglais remplaçaient hardiment le sang d’un homme par celui d’un sujet plus robuste ou mieux portant, en espérant par là changer non-seulement le tempérament mais le caractère du patient. Le sang d’un lion par exemple devait enflammer l’homme le plus timide et lui donner avec une noble fierté un courage invincible. Les savants de Londres pour guérir un fou avaient remplacé la plus grande partie de son sang par celui d’un homme sain d’esprit; mais le malade, continuant à déraisonner sur tous les points sauf sur un seul peut-être, courait les rues de Londres en se disant le martyr de la Société royale. Les académiciens français opérèrent seulement sur des chiens. Ils ne furent pas heureux. L’animal qui donnait son sang se rétablissait assez bien, l’autre languissait et mourait presque toujours. Le parlement informé de ces résultats défendit par arrêt la transfusion comme inutile et dangereuse.

La machine pneumatique, inventée à Magdebourg par Otto de Guéricke et apportée par Huyghens devant l’Académie, fut aussi pour elle un sujet d’études et l’instrument d’expériences très nombreuses. Parmi les singularités observées on peut signaler l’effet produit sur un poisson qui, placé sous le récipient dans un vaisseau plein d’eau, tomba au fond sans pouvoir remonter, même après la rentrée de l’air. Sa vessie natatoire s’était vidée d’air et ne fonctionnait plus.

C’est Huyghens également qui annonça le premier à l’Académie la force expansive de la glace, en profitant pour la rendre sensible du rude hiver de 1668.

Le phosphore de l’urine, découvert par Brandt, fut également mis sous les yeux de l’Académie et préparé par Homberg dans le laboratoire. L’Académie ces jours-là devenait une école, et l’un de ses membres transformé en professeur donnait l’enseignement à tous les autres.

Colbert pendant toute sa vie se montra favorable à la compagnie qu’il avait fondée. Plein de ménagements et de prévenances pour elle, soigneux de ses intérêts comme de sa dignité, facile à ses projets et à ses entreprises, il se plaisait à lui rendre de bons offices. Informé des travaux commencés, attentif en même temps aux recherches particulières et animant chacun dans ses propres desseins, il savait soutenir sans diriger; habile à juger les hommes et les éprouvant au besoin, il se faisait le protecteur et l’appui, non le guide de ceux qu’il avait appréciés et choisis. Sa mort fut un grand malheur pour les savants. L’impérieux Louvois, second protecteur de l’Académie, s’occupa fort peu d’elle et fort mal. L’esprit qui l’animait n’était pas celui de la science. Les intérêts du roi étaient pour lui la loi suprême, et le soin de sa grandeur la seule affaire de conséquence. Les bienfaits et la faveur dont il daignait les honorer imposaient aux académiciens l’obligation de se tenir toujours sous sa main prêts à servir ses projets en s’y appliquant tout entiers.

Le 16 février 1686 un M. de La Chapelle, délégué par Louvois et interprète de ses volontés, vint proposer à l’Académie une distinction fausse et grossière entre les recherches utiles et la science de pure curiosité, comme s’il existait deux lumières, l’une pour guider les hommes, l’autre pour charmer leurs yeux. «J’ai déjà eu l’honneur de dire à l’Académie, dit M. de la Chapelle, que Mgr de Louvois demande ce que l’on peut faire au laboratoire; il m’a ordonné d’en parler encore. Ne peut-on pas considérer ce travail ou comme une recherche curieuse ou comme une recherche utile? J’appelle recherche curieuse ce qui n’est qu’une pure curiosité ou qui est pour ainsi dire un amusement des chimistes; cette compagnie est trop illustre et a des applications trop sérieuses pour ne s’attacher ici qu’à une simple curiosité. J’entends une recherche utile celle qui peut avoir rapport au service du roi et de l’État.» Le nouveau protecteur prétendait, on le voit, retrancher les curiosités inutiles et les amusements de l’esprit; où la curiosité n’est pas admise pour elle-même, il ne faut pas espérer cependant que la science se développe et reste en honneur. Mais l’Académie, accoutumée à s’incliner au moindre signe venu de si haut, n’avait pas à discuter avec un ministre tout-puissant.

M. de La Chapelle avait fait connaître quelques-uns des problèmes utiles dont on désirait la solution. Ne serait-il pas permis, disait-il, d’examiner les effets du mercure, de l’antimoine, du quinquina, du laudanum et du pavot selon les différentes préparations, et de faire des analyses exactes du thé, du café et du cacao dont l’usage se rend si commun, soit comme remède, soit comme aliment?

M. Bourdelin, qui naguère distillait des crapauds, se distingua par son empressement. Quelques semaines après la visite de M. de La Chapelle, il apportait à l’Académie l’analyse de trois livres d’excellent café. «Ces 3 livres ont donné, dit-il, 20 onces 7 gros de liqueur qu’on a tirée par la cornue. La première, de 4 onces un peu austère a rougi le tournesol. La seconde, avec un peu d’acidité, a fait couleur de vin de Châblis avec le vitriol. La troisième a fait couleur de minium en mettant une portion de vitriol sur sept de cette liqueur. La quatrième, d’odeur de cumin austère et amère, a rendu laiteuse la solution du sublimé. Une partie de vitriol sur deux a fait couleur de minium. La cinquième partie fort acide et mêlée de sulfuré, a précipité le sublimé. Une partie de cette liqueur avec deux de vitriol a fait couleur de minium fort foncée. La sixième de 3 onces a fait effervescence avec l’esprit de sel, et il reste 8 onces 2 gros figés. La tête morte avait plus de volume que le café.»

Une telle analyse échappe à la classification de Louvois; elle n’est ni curieuse ni utile. «Bourdelin, dit Fontenelle, aimait tant le café que sur la fin de sa vie quand les médecins le lui interdirent, il se flatta longtemps d’être désespéré pour pouvoir sans scrupule en prendre tant qu’il voudrait.» Son analyse, s’il en est ainsi, ne peut suggérer qu’une réflexion: puisque le café était excellent, il aurait mieux fait de le boire.

L’Académie reprit plus d’une fois sans succès l’étude du café. Dans un mémoire lu en 1715, on y signale des principes salins et sulfureux, en terminant par quelques indications plus pratiques. «L’expérience, dit l’auteur qui n’est autre que le premier académicien de la célèbre famille de Jussieu, a introduit quelques précautions que je ne saurais blâmer touchant la manière de prendre cette infusion. Telles sont celles de boire un verre d’eau auparavant de prendre le café, de corriger par le sucre l’amertume qui pourrait le rendre désagréable, et de le mêler de lait ou de crème pour en étendre le soufre, embarrasser les principes salins et le rendre nourrissant.» M. Purgon n’aurait pas mieux dit.

Perraut affecta plus de déférence encore aux vues de Louvois en apportant à l’Académie une invention fort bizarre pour doubler la vitesse d’un boulet de canon. Le projectile ordinaire, dans le projet de Perraut, serait remplacé par un second canon qui doit lancer le boulet pendant son trajet dans l’intérieur de la grande pièce, en lui imprimant outre sa vitesse propre celle que lui communique l’action de la poudre. Pour ne rien perdre enfin, on doit disposer à petite distance un anneau assez fort pour retenir le petit canon au passage, sans être endommagé par le choc. Malgré la juste considération qui entourait Perraut dans l’Académie, on n’ordonna pas la réalisation d’un projet dont la naïve hardiesse, en faisant sourire plus d’un homme de guerre, dut montrer à Louvois que les académiciens ne sont pas des artilleurs et que le mieux est de laisser chacun à ses travaux naturels.

Le départ d’Huyghens après la révocation de l’édit de Nantes, la mort de Picard et la retraite de Rœmer en Danemark furent pour l’Académie des pertes irréparables. Elle se trouva privée tout à coup de ses lumières les plus précieuses. Quoique pour la chimie la stérile abondance de Duclos eût été heureusement remplacée par l’activité plus fructueuse de Homberg, le zèle des autres membres s’affaiblissait; le travail en commun devenu une gêne pour tous était abandonné peu à peu, et l’on avait peine bien souvent à occuper les deux heures de la séance. Les procès-verbaux qui naguère remplissaient chaque année deux volumes, l’un pour les samedis, l’autre pour les mercredis, se réduisirent au point que les comptes rendus des années 1688 à 1691, toujours écrits par Duhamel avec la même exactitude, n’occupent plus ensemble qu’un seul volume qui les réunit sans distinction. L’activité renaît ensuite, il est vrai, mais elle se déplace; chacun veut user de son initiative et déserte les routes tracées à l’avance.

La lutte entre les deux systèmes, commencée dès les premières années de l’Académie, s’était renouvelée à plusieurs reprises et se déclarait de plus en plus. L’Académie, dans l’intention des fondateurs, devait absorber complétement en elle l’individualité de ses membres, produire l’unité des esprits dans la science et dans la doctrine et paraître seule au dehors, non-seulement pour prendre part aux découvertes de chacun et s’en glorifier, mais en se les appropriant sans citer aucun nom.

Avant de publier pour la première fois ses travaux, la Compagnie se demanda si elle devait nommer dans la préface les particuliers qui avaient fait quelques découvertes; on fut d’avis de ne les point nommer, et il fut décidé qu’on se contenterait de dire que les découvertes ont été faites dans l’Académie. Cette étrange égalité, décrétée mais non obtenue, n’était pas sans précédent, et les expériences des académiciens del Cimento à Florence sont restées leur propriété commune. L’Académie de Paris, en s’appropriant ainsi les travaux de ses membres, déniait à chacun d’eux le droit de les inscrire dans ses propres ouvrages.

On lit au procès-verbal du 18 août 1688: «La Compagnie, pour éviter que dorénavant les personnes qui la composent n’insèrent dans leurs ouvrages particuliers les observations et les nouvelles découvertes qui sont faites dans les assemblées, a statué d’un commun consentement qu’à l’avenir chacun de ceux qui voudront faire imprimer de leurs ouvrages sera obligé d’en donner avis à la Compagnie et d’y apporter son manuscrit pour y être examiné, ou par l’Académie en corps, ou par les commissions qu’elle nomme pour cet effet. A l’égard des ouvrages qui ont été imprimés par ceux qui la composent, la Compagnie a résolu de revendiquer ce qui lui appartient toutefois et quand l’occasion s’en présentera. La compagnie a prié M. de La Chapelle de savoir la volonté de Mgr de Louvois, protecteur de l’Académie, avant que d’insérer le présent règlement dans les registres.»

Ce passage est très-remarquable. On y voit clairement l’état intérieur de l’Académie et les causes d’un affaiblissement qui frappait tous les yeux. Les mathématiciens empiétaient peu à peu sur tout le reste. Cassini, l’Hôpital, Varignon, La Hire et Homberg, sans s’astreindre plus longtemps à chercher la vérité en commun, produisent isolément et sans grand éclat, d’instructifs et nombreux travaux; mais ils ont peine à remplir les séances. Les sciences d’observation n’y occupent plus qu’une très-petite place; tout semble aller à l’abandon. Le laboratoire est délaissé, l’Académie n’a plus de règle, et l’assiduité de ses membres diminue sensiblement. Un grand changement était nécessaire; l’abbé Bignon, neveu du troisième protecteur Pontchartrain, eut le mérite de le comprendre. Après s’être fait donner par son oncle la direction de l’Académie, il obtint de la renouveler par un règlement qui, en accroissant le nombre de ses membres et lui donnant le droit de se recruter elle-même, la rendit à la fois plus forte et plus libre, plus florissante et plus féconde.

L’ORGANISATION DE 1699

L’Académie des sciences, en 1699, reçut un grand accroissement; l’organisation nouvelle élevait de seize à cinquante le nombre de ses membres et les partageait en trois classes: celles des honoraires, des pensionnaires et des associés; la première composée de dix membres et les deux autres chacune de vingt. A chaque pensionnaire enfin était attaché un élève qui, formé par lui et instruit près de l’Académie à laquelle il appartenait par avance, devait en s’y dévouant tout entier mériter successivement le titre d’associé et les avantages des pensionnaires. Les membres honoraires étaient en quelque sorte les médiateurs de l’Académie auprès du roi et de ses ministres; ils devaient aider leurs confrères de leur crédit, les honorer par leur présence et les encourager par leur attention. Les plus grands seigneurs recherchèrent ce rôle et tinrent souvent à honneur d’ajouter à leurs titres celui d’académicien. Le règlement affirmait leur intelligence et leur savoir dans les mathématiques et dans la physique, mais une grande bienveillance pour les savants et le désir exprimé d’entrer en commerce familier avec eux étaient souvent la plus grande preuve qu’on leur en demandât et la seule marque qu’ils en pussent fournir. La prééminence leur appartenait de droit dans l’Académie, et le roi chaque année choisissait pour président et pour vice-président deux des membres honoraires.

Les anciens académiciens furent presque tous admis dans la classe des pensionnaires. On les partagea en six sections de trois membres chacune: celles de géométrie, d’astronomie, de mécanique, de chimie, d’anatomie et de botanique. Le secrétaire et le trésorier complétaient le nombre de vingt.

Douze des associés étaient Français et habitaient Paris. Répartis comme les pensionnaires entre les six sections, ils portaient à cinq le nombre de leurs membres. L’Académie, pour attirer à elle toutes les gloires, pouvait choisir les huit autres associés parmi les savants étrangers. On décida par un très-sage conseil que, désignés par l’éclat non par la nature de leurs travaux, ils n’appartiendraient à aucune section. En cas de vacance parmi les honoraires, l’Académie devait proposer un candidat à l’agrément du roi. Pour les places de pensionnaires, elle en présentait trois parmi lesquels deux au moins déjà associés ou élèves. La nomination des associés se faisait comme celle des pensionnaires, et sur les trois candidats présentés, deux au moins devaient être choisis parmi les élèves; mais la règle fut renversée, et en 1716, un règlement nouveau imposa au contraire l’obligation d’inscrire sur la liste présentée au roi un candidat au moins étranger à l’Académie, afin que Sa Majesté pût à chaque élection si elle le jugeait utile rajeunir et fortifier l’Académie par l’adjonction d’un membre nouveau.

Les associés prenaient part à tous les travaux de l’Académie, mais ils n’opinaient que sur les questions de science. En cas de doute sur un de leurs droits, les honoraires et les pensionnaires en décidaient en dernier ressort à la majorité des suffrages.

Chaque pensionnaire choisissait son élève et le faisait agréer par la Compagnie, qui le proposait à la nomination du roi. Plusieurs choix se portèrent, comme on devait s’y attendre, sur des fils, des neveux ou des frères qui furent admis sans opposition. Les élèves ne votaient jamais; ils ne devaient parler que sur l’invitation du président et ne partageaient dans les premières années aucun des droits des académiciens; mais l’apprentissage peu à peu devint un surnumérariat accepté et brigué par des candidats d’une science déjà éprouvée. Galois proposa Ozanam plus que sexagénaire qui conserva, jusqu’à l’âge de soixante-quinze ans, avec le titre d’élève, la situation presque humiliante qu’il lui attribuait dans la compagnie; plusieurs autres, en se distinguant par leurs découvertes, prirent dans l’Académie une légitime influence. Le titre d’élève mettait une trop grande différence entre des savants égaux souvent par le talent comme par la renommée; on le supprima en 1716 en créant douze adjoints auxquels une plus grande part fut accordée dans les délibérations et dans les travaux. L’institution des associés libres est de même date; sans appartenir à aucune section et sans cultiver spécialement une des branches de la science, ils devaient par leurs lumières générales prêter à l’Académie un précieux concours. C’est à cette classe qu’ont appartenu le chirurgien Lapeyronie, l’ingénieur Belidor, le magistrat astronome Dionis du Séjour et l’illustre Turgot, qui cependant aurait si bien tenu sa place parmi les honoraires.

L’Académie renouvelée et agrandie fut solennellement installée au Louvre, et un logement spacieux et magnifique remplaça la petite salle de la bibliothèque du roi. Les séances, comme par le passé, furent fixées au mercredi et au samedi, mais aux recherches en commun condamnées par trente années d’épreuves médiocrement fructueuses devaient succéder les efforts individuels, et la libre inspiration de chacun remplacer les programmes qui, trop exactement suivis, avaient rompu souvent les idées originales. Plusieurs fois déjà, il est vrai, l’ancienne Académie avait réuni en un seul volume les recherches personnelles et isolées de quelques académiciens, en s’excusant alors en quelque sorte d’une dérogation aux vrais principes.

«Quelque application que l’on ait aux desseins principaux que l’on a entrepris, il est difficile, disait Fontenelle, de ne s’en pas laisser détourner de temps en temps pour travailler à d’autres petits ouvrages, selon que l’occasion en fournit de nouveaux sujets et que l’on y est porté par son inclination particulière. Ces interruptions de peu de durée sont toujours permises lorsqu’on s’est occupé de desseins de longue haleine, et il est même important de ne pas laisser échapper les conjonctures favorables pour trouver certaines choses qu’il serait impossible de découvrir en d’autres temps. Il arrive souvent à ceux qui composent l’Académie des sciences de faire de ces petites pièces, pour profiter des occasions qui se présentent et pour se délasser des longs ouvrages à qui ils sont assidûment appliqués.»

Ces petites pièces, rassemblées dans le désordre de leur production, forment la collection des mémoires, monument durable et œuvre par excellence de l’Académie. Chaque académicien, marchant librement dans sa voie sous la seule inspiration de son propre génie, signait son écrit, comme il était juste, et en demeurait responsable. Tout était permis excepté le repos; l’Académie, dépôt non-seulement mais foyer de la science, avait pour maxime que vivant pour elle seule, un savant doit, sans jamais s’en distraire, inventer et perfectionner incessamment et sans fin ni relâche faire paraître au moins de nouveaux efforts. Tout pensionnaire, associé ou élève qui s’éloignait pour un temps de l’étude et du travail, cessait par cela même d’être académicien. Chacun devait communiquer à jours fixes et à tour de rôle le résultat de ses recherches et de ses essais; le président avertissait et pressait les retardataires en les privant en cas de récidive d’une partie de leurs droits académiques. Sans prévoir ni admettre aucune excuse, le règlement, plus d’une fois appliqué dans sa rigoureuse dureté, excluait même à jamais comme infidèles à la science les membres assidus ou non aux séances, qui restaient trop longtemps sans y prendre la parole. Cette loi sévère et aveugle, gardienne du nombre et non de la qualité des productions, semblait dénier aux académiciens le droit de se dévouer à une œuvre de longue haleine et de suivre de grands desseins. On devait heureusement s’en relâcher bien vite, mais plus d’une exclusion fut prononcée et maintenue.

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