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Les épaves de Charles Baudelaire
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Les épaves de Charles Baudelaire

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Язык: Французский
Год издания: 2017
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Les épaves de Charles Baudelaire

LES EPAVES

I

LE COUCHER DU SOLEIL ROMANTIQUEQue le Soleil est beau quand tout frais il se lève,Comme une explosion nous lançant son bonjour!– Bienheureux celui-là qui peut avec amourSaluer son coucher plus glorieux qu'un rêve!Je me souviens!.. J'ai vu tout, fleur, source, sillon,Se pâmer sous son œil comme un cœur qui palpite…– Courons vers l'horizon, il est tard, courons vite,Pour attraper au moins un oblique rayon!Mais je poursuis en vain le Dieu qui se retire;L'irrésistible Nuit établit son empire,Noire, humide, funeste et pleine de frissons;Une odeur de tombeau dans les ténèbres nage,Et mon pied peureux froisse, au bord du marécage,Des crapauds imprévus et de froids limaçons1.

PIÈCES CONDAMNÉES

TIRÉES DES FLEURS DU MAL

II

LESBOS2Mère des jeux latins et des voluptés grecques,Lesbos, où les baisers, languissants ou joyeux,Chauds comme les soleils, frais comme les pastèques,Font l'ornement des nuits et des jours glorieux;Mère des jeux latins et des voluptés grecques,Lesbos, où les baisers sont comme les cascadesQui se jettent sans peur dans les gouffres sans fonds,Et courent, sanglotant et gloussant par saccades,Orageux et secrets, fourmillants et profonds;Lesbos, où les baisers sont comme les cascades!Lesbos, où les Phrynés l'une l'autre s'attirent,Où jamais un soupir ne resta sans écho,A l'égal de Paphos les étoiles t'admirent,Et Vénus à bon droit peut jalouser Sapho!Lesbos, où les Phrynés l'une l'autre s'attirent,Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses,Qui font qu'à leurs miroirs, stérile volupté!Les filles aux yeux creux, de leur corps amoureuses,Caressent les fruits mûrs de leur nubilité;Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses,Laisse du vieux Platon se froncer l'œil austère;Tu tires ton pardon de l'excès des baisers,Reine du doux empire, aimable et noble terre,Et des raffinements toujours inépuisés.Laisse du vieux Platon se froncer l'œil austère.Tu tires ton pardon de l'éternel martyre,Infligé sans relâche aux cœurs ambitieux,Qu'attire loin de nous le radieux sourireEntrevu vaguement au bord des autres cieux!Tu tires ton pardon de l'éternel martyre!Qui des Dieux osera, Lesbos, être ton jugeEt condamner ton front pâli dans les travaux,Si ses balances d'or n'ont pesé le délugeDe larmes qu'à la mer ont versé tes ruisseaux?Qui des Dieux osera, Lesbos, être ton juge?Que nous veulent les lois du juste et de l'injuste?Vierges au cœur sublime, honneur de l'Archipel,Votre religion comme une autre est auguste,Et l'amour se rira de l'Enfer et du Ciel!Que nous veulent les lois du juste et de l'injuste?Car Lesbos entre tous m'a choisi sur la terrePour chanter le secret de ses vierges en fleurs,Et je fus dès l'enfance admis au noir mystèreDes rires effrénés mêlés aux sombres pleurs;Car Lesbos entre tous m'a choisi sur la terre.Et depuis lors je veille au sommet de Leucate,Comme une sentinelle à l'œil perçant et sûr,Qui guette nuit et jour brick, tartane ou frégate,Dont les formes au loin frissonnent dans l'azur;Et depuis lors je veille au sommet de LeucatePour savoir si la mer est indulgente et bonne,Et parmi les sanglots dont le roc retentitUn soir ramènera vers Lesbos, qui pardonne,Le cadavre adoré de Sapho, qui partitPour savoir si la mer est indulgente et bonne!De la mâle Sapho, l'amante et le poëte,Plus belle que Vénus par ses mornes pâleurs!– L'œil d'azur est vaincu par l'œil noir que tachèteLe cercle ténébreux tracé par les douleursDe la mâle Sapho, l'amante et le poëte!– Plus belle que Vénus se dressant sur le mondeEt versant les trésors de sa sérénitéEt le rayonnement de sa jeunesse blondeSur le vieil Océan de sa fille enchanté;Plus belle que Vénus se dressant sur le monde!– De Sapho qui mourut le jour de son blasphème,Quand, insultant le rite et le culte inventé,Elle fit son beau corps la pâture suprêmeD'un brutal dont l'orgueil punit l'impiétéDe celle qui mourut le jour de son blasphème.Et c'est depuis ce temps que Lesbos se lamente,Et, malgré les honneurs que lui rend l'univers,S'enivre chaque nuit du cri de la tourmenteQue poussent vers les cieux ses rivages déserts!Et c'est depuis ce temps que Lesbos se lamente!

III

FEMMES DAMNEESDELPHINE ET HIPPOLYTEA la pâle clarté des lampes languissantes,Sur de profonds coussins tout imprégnés d'odeur,Hippolyte rêvait aux caresses puissantesQui levaient le rideau de sa jeune candeur.Elle cherchait, d'un œil troublé par la tempête,De sa naïveté le ciel déjà lointain,Ainsi qu'un voyageur qui retourne la têteVers les horizons bleus dépassés le matin.De ses yeux amortis les paresseuses larmes,L'air brisé, la stupeur, la morne volupté,Ses bras vaincus, jetés comme de vaines armes,Tout servait, tout parait sa fragile beauté.Etendue à ses pieds, calme et pleine de joie,Delphine la couvait avec des yeux ardents,Comme un animal fort qui surveille une proie,Après l'avoir d'abord marquée avec les dents.Beauté forte à genoux devant la beauté frêle,Superbe, elle humait voluptueusementLe vin de son triomphe, et s'allongeait vers elle,Comme pour recueillir un doux remercîment.Elle cherchait dans l'œil de sa pâle victimeLe cantique muet que chante le plaisir,Et cette gratitude infinie et sublimeQui sort de la paupière ainsi qu'un long soupir.– «Hippolyte, cher cœur, que dis-tu de ces choses?Comprends-tu maintenant qu'il ne faut pas offrirL'holocauste sacré de tes premières rosesAux souffles violents qui pourraient les flétrir?Mes baisers sont légers comme ces éphémèresQui caressent le soir les grands lacs transparents,Et ceux de ton amant creuseront leurs ornièresComme des chariots ou des socs déchirants;Ils passeront sur toi comme un lourd attelageDe chevaux et de bœufs aux sabots sans pitié…Hippolyte, ô ma sœur! tourne donc ton visage,Toi, mon âme et mon cœur, mon tout et ma moitié,Tourne vers moi tes yeux pleins d'azur et d'étoiles!Pour un de ces regards charmants, baume divin,Des plaisirs plus obscurs je lèverai les voiles,Et je t'endormirai dans un rêve sans fin!»Mais Hippolyte alors, levant sa jeune tête:– «Je ne suis point ingrate et ne me repens pas,Ma Delphine, je souffre et je suis inquiète,Comme après un nocturne et terrible repas.Je sens fondre sur moi de lourdes épouvantesEt de noirs bataillons de fantômes épars,Qui veulent me conduire en des routes mouvantesQu'un horizon sanglant ferme de toutes parts.Avons-nous donc commis une action étrange?Explique, si tu peux, mon trouble et mon effroi:Je frissonne de peur quand tu me dis: «Mon ange!»Et cependant je sens ma bouche aller vers toi.Ne me regarde pas ainsi, toi, ma pensée!Toi que j'aime à jamais, ma sœur d'élection,Quand même tu serais un embûche dresséeEt le commencement de ma perdition!»Delphine secouant sa crinière tragique,Et comme trépignant sur le trépied de fer,L'œil fatal, répondit d'une voix despotique:– «Qui donc devant l'amour ose parler d'enfer?Maudit soit à jamais le rêveur inutileQui voulut le premier, dans sa stupidité,S'éprenant d'un problème insoluble et stérile,Aux choses de l'amour mêler l'honnêteté!Celui qui veut unir dans un accord mystiqueL'ombre avec la chaleur, la nuit avec le jour,Ne chauffera jamais son corps paralytiqueA ce rouge soleil que l'on nomme l'amour!Va, si tu veux, chercher un fiancé stupide;Cours offrir un cœur vierge à ses cruels baisers;Et, pleine de remords et d'horreur, et livide,Tu me rapporteras tes seins stigmatisés…On ne peut ici-bas contenter qu'un seul maître!»Mais l'enfant, épanchant une immense douleur,Cria soudain: « – Je sens s'élargir dans mon êtreUn abîme béant; cet abîme est mon cœur!Brûlant comme un volcan, profond comme le vide!Rien ne rassasiera ce monstre gémissantEt ne rafraîchira la soif de l'EuménideQui, la torche à la main, le brûle jusqu'au sang.Que nos rideaux fermés nous séparent du monde,Et que la lassitude amène le repos!Je veux m'anéantir dans ta gorge profonde,Et trouver sur ton sein la fraîcheur des tombeaux!»– Descendez, descendez, lamentables victimes,Descendez le chemin de l'enfer éternel!Plongez au plus profond du gouffre, où tous les crimes,Flagellés par un vent qui ne vient pas du ciel,Bouillonnent pêle-mêle avec un bruit d'orage.Ombres folles, courez au but de vos désirs;Jamais vous ne pourrez assouvir votre rage,Et votre châtiment naîtra de vos plaisirs.Jamais un rayon frais n'éclaira vos cavernes;Par les fentes des murs des miasmes fiévreuxFiltrent en s'enflammant ainsi que des lanternesEt pénètrent vos corps de leurs parfums affreux.L'âpre stérilité de votre jouissanceAltère votre soif et roidit votre peau,Et le vent furibond de la concupiscenceFait claquer votre chair ainsi qu'un vieux drapeau.Lion des peuples vivants, errantes, condamnées,A travers les déserts courez comme les loups;Faites votre destin, âmes désordonnées,Et fuyez l'infini que vous portez en vous!

IV

LE LETHEViens sur mon cœur, âme cruelle et sourde,Tigre adoré, monstre aux airs indolents;Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants

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1

Le mot: Genus irritabile votum, date de bien des siècles avant les querelles des Classiques, des Romantiques, des Réalistes, des Euphuistes, etc… Il est évident que par l'irrésistible Nuit M. Charles Baudelaire a voulu caractériser l'état actuel de la littérature, et que les crapauds imprévus et les froids limaçons sont les écrivains qui ne sont pas de son école.

Ce sonnet a été composé en 1862, pour servir d'épilogue à un livre de M. Charles Asselineau, qui n'a pas paru: Mélanges tirés d'une petite bibliothèque romantique; lequel devait avoir pour prologue un sonnet de M. Théodore de Banville: Le lever du soleil romantique.

(Note de l'éditeur.)

2

Cette pièce et les cinq suivantes ont été condamnées en 1857, par le tribunal correctionnel, et ne peuvent pas être reproduites dans le recueil des Fleurs du Mal.

(Note de l'éditeur.)
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