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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10
Note 7: (retour) Deuxième grade dans les universités anglaises, répondant à celui de licencié.
»Vous voyez, mio carissimo, quelle peste de correspondant je suis; mais, une fois à Newsteadt, vous serez aussi tranquille que vous le voudrez; je ne vous distrairai plus de vos études, comme je fais maintenant. Quand voulez-vous fixer le jour pour que je vienne vous prendre, suivant qu'il a été convenu? Hodgson parle d'entrer en tiers dans notre voyage, mais nous ne pouvons l'admettre, au moins quant à l'intérieur de la voiture. Vous viendrez décidément avec moi, comme il a été dit, et n'allez pas vouloir faire assaut de politesse avec Hodgson à ce sujet. Je trouverai moyen de pratiquer de la place pour vous deux à l'aide de quelque stratagème. Si seulement Hodgson était un peu moins gros, nous nous emballerions plus aisément. A-t-il cessé de boire des spiritueux? c'est un excellent garçon, mais je ne crois pas que l'eau lui soit bonne, au moins intérieurement. Voulez-vous savoir ce que je fais en ce moment? je mâche du tabac.
»Vous ne voyez pas mes deux confédérés, Soupe Davies et Matthews 8; ce ne sont pas vos hommes: et comment se fait-il que moi, qui suis absolument hujusdem farinæ, j'aie pu me maintenir jusqu'ici dans vos bonnes grâces? Bonne nuit, je continuerai demain matin.
Note 8: (retour) Le frère de C.S. Matthews, l'ami qu'il venait de perdre.(Note de Moore.)
9 décembre.
«Le matin, je suis toujours mal disposé, et aujourd'hui le tems est aussi sombre que moi-même. La pluie et le brouillard sont pires qu'un sirocco, surtout dans un pays où l'on ne mange que du bœuf et ne boit que de la bière. Mon libraire, Cawthorne, sort d'ici; il m'a dit, avec une figure bien grave, qu'il est en traité pour un roman de Mme d'Arblay's, dont on demande mille guinées. Il veut que je lise le manuscrit, s'il termine; je le ferai avec plaisir, mais je me garderai bien de donner mon opinion à la légère sur cette dame, car je sais que le docteur Johnson a revu sa Cécilia. Si le libraire me donne ce roman, je le mettrai dans les mains de Rogers et de Moore, qui sont certainement des gens de goût. J'ai rempli la feuille; pardon, je ne le ferai plus. Peut-être vous écrirai-je encore; mais, que je le fasse ou non, croyez, mon cher William, que je suis pour toujours votre, etc.»
LETTRE LXXIX
À M. HODGSONLondres, 8 décembre 1811.
«Je vous ai envoyé, l'autre jour, un conte lamentable, les Trois Moines; maintenant voici quelque chose d'un style tout différent. Je l'ai écrit hier ou avant-hier, en entendant une vieille chanson:
Laissons-là ces accens lugubres, etc., etc.»J'ai dans les mains un livre de sir William Drummond (imprimé, mais non publié), intitulé l'Œdipe Juif, dans lequel il essaie de prouver que la plus grande partie de l'Ancien-Testament est une allégorie, particulièrement la Genèse et Josué. Il se déclare théiste dans sa préface, et traite fort cavalièrement l'interprétation littérale. Je voudrais que vous pussiez le lire. M. W. me l'a prêté, et j'avoue qu'il vaut pour moi vingt traités comme celui de Watsons.
»Il faut que vous et Harness vous fixiez une époque pour votre visite à Newsteadt: pour moi, je suis toujours à votre disposition, à moins qu'il ne survienne quelque chose dans l'intérim…
»Blaud dîne chez moi mardi pour s'y trouver avec Moore. Coleridge a attaqué les Plaisirs de l'Espérance et tous les autres plaisirs. M. Rogers était présent et a eu celui de voir l'orateur jeter aussi indirectement quelques pierres dans son jardin. Nous nous faisons une partie d'aller entendre ensemble le nouvel art poétique de ce schismatique réformé; si j'étais l'un des grands astres de notre Parnasse, ou que j'eusse assez d'importance pour que le professeur s'occupât de moi, je ne l'écouterais certainement pas sans lui répondre. Car vous savez que, si un homme se laisse battre une fois impunément, c'est à recommencer tous les jours. Campbell se désespère, je n'ai jamais vu un homme si sensible; quel heureux naturel! j'en suis fâché, qu'a-t-il à craindre de la critique? Je ne sais si Blaud a vu Miller, qui devait le venir trouver hier.
»C'est aujourd'hui dimanche, jour dans lequel je ne me suis jamais amusé, si ce n'est à Cambridge, encore le souvenir de l'orgue n'a-t-il rien de bien agréable. Les affaires sont assez stagnantes dans la ville; tant qu'elles n'iront pas en arrière, c'est pour le mieux. Harness écrit, écrit, écrit, le voilà devenu auteur. Je ne fais rien que mâcher du tabac. Je voudrais que le parlement fût ouvert pour avoir le plaisir d'entendre les autres et peut-être aussi celui de me faire écouter à mon tour; mais je ne suis pas bien empressé là-dessus. J'ai bien des plans dans la tête: quelquefois je pense à retourner dans le Levant, et à visiter encore cette Grèce bien aimée. Je me porte bien, mais je suis toujours un peu faible. Hier Kinnaird m'a dit que j'avais l'air bien malade, ce qui fait que je suis rentré fort content chez moi.
»Vous ne cesserez jamais de boire du vin? voyez ce que c'est que d'avoir trente ans! si vous étiez de six ans plus jeune, vous pourriez renoncer à toutes les habitudes du monde. Vous buvez et vous repentez, vous vous repentez et buvez. Soupe est-il toujours langoureux et intéressant? Et comment va Hinde avec son infernale chimie? J'ai écrit à Harness, et il m'a écrit, et nous nous sommes écrit, et il ne nous reste plus qu'à nous écrire encore jusqu'à ce que la mort vienne enlever les plumes et les écrivains.
»L'Alfred-club a trois cent cinquante-quatre candidats pour six places vacantes. Le cuisinier a déserté nous laissant dans l'embarras, ce qui ne fait pas rire notre comité. Maître Brook, notre chef de service, a la goutte, et notre nouveau cuisinier n'est pas des meilleurs. Je parle d'après autrui, car qu'importe l'art de la cuisine à un homme qui ne mange que des légumes? Vous en savez maintenant autant que moi sur l'état de nos affaires. Nous avons toujours au club des livres et du repos, et quant à moi je les laisse diriger la cuisine à leur fantaisie. Faites-moi savoir ce que vous avez décidé pour notre partie de Newsteadt et croyez-moi toujours votre, etc.»
Νωαιρων
LETTRE LXXX
À M. HOGDSONLondres, 12 décembre 1811.
«Eh bien, Hodgson! je crains que vous n'ayez renoncé à moi aussi, en renonçant au vin. J'ai écrit, écrit; point de réponse! Mon cher sir Edgar, l'eau ne vous convient pas, buvez-moi du Xérès et écrivez. Une indisposition a empêché Blaud de nous tenir parole; mais M** nous a amplement dédommagés. J'ai quelqu'espoir de l'engager à venir à Newsteadt avec nous; je suis sûr que vous l'aimerez plus à mesure qu'il se livrera davantage, c'est du moins ce qui m'arrive.
»Je ne sais où en sont les affaires de Milles et de Blaud. Cawthorne prétend être en traité pour un nouveau roman de Mme d'Arblay's: s'il l'obtient (au prix de mille guinées), il désire que je lise le manuscrit. Je le ferai avec plaisir, non que je pense à donner jamais mon opinion à cette dame dont le docteur Johnson a revu les ouvrages, mais par pure curiosité. Si mon honorable éditeur voulait avoir un jugement de quelque poids, j'enverrais le manuscrit à Rogers et à M**, comme à des gens du goût le plus épuré. J'ai eu une quantité de lettres de W. Harness; de vous, rien: l'on voit bien que vous n'êtes plus un enfant. Toutefois j'ai la consolation de savoir que vous êtes plus agréablement occupé à faire des articles pour les Revues. Vous ne méritez pas que j'ajoute une seule syllabe, aussi ne l'ajouterai-je pas.
»Tout à vous, etc.
»P. S. Je n'attends que votre réponse pour fixer notre rendez-vous.»
LETTRE LXXXI
À M. HARNESS15 décembre 1811.
«J'ai fait à votre dernière une réponse dont, par réflexion, je ne suis pas plus content que vous ne l'aurez probablement été vous-même. Je n'attendrai donc pas une nouvelle de vous pour vous dire que je viens d'avoir l'avantage d'une épître de ***, pleine de toutes ses petites doléances; et cela au moment où, par suite de circonstances qu'il serait trop long de raconter, je luttais contre le souvenir de douleurs auprès desquelles ses souffrances imaginaires sont comme une égratignure en comparaison d'un cancer. Tout cela combiné m'avait mis de mauvaise humeur contre lui et contre le genre humain. La dernière partie de ma vie s'est passée dans une lutte continuelle contre les affections qui ont empoisonné la première. Quoique je me flatte d'être parvenu à les dompter, il y a cependant de certains momens, et celui-là en était un, où je suis aussi fou qu'autrefois. Je n'en ai jamais tant dit, et je ne vous en eusse pas parlé ici, si je ne craignais d'avoir été un peu trop sauvage dans ma dernière, et si je ne désirais vous en offrir cette espèce d'excuse. Vous savez du reste que je ne suis pas de vos troubadours langoureux; ainsi tâchons de rire maintenant.
»Hier j'allai avec Moore à Sydenham, faire une visite à Campbell 9. Il n'était pas visible; et nous nous en revînmes assez gaîment. Demain je dîne avec Rogers; et nous irons entendre Coleridge, qui fait presque fureur dans ce moment-ci. Hier soir j'ai vu Kemble dans Coriolan; il était superbe, et a joué magnifiquement. Par bonheur, j'ai eu une excellente place dans la meilleure partie de la salle, qui était plus que pleine. Clare et Delaware, qui y étaient aussi, ne furent pas si heureux. Je les ai vus par hasard: nous n'étions pas ensemble. J'aurais voulu que vous fussiez là; avec votre amour pour Shakspeare et la tragédie bien jouée, cette soirée vous eût fait éprouver de bien vives jouissances. La semaine dernière j'éprouvai tout le contraire à Haymarket, en voyant M. Coates jouer Lothario; il fut sifflé à outrance, et le méritait.
Note 9: (retour) Cette promenade me fit connaître d'une manière assez peu rassurante l'une des singularités de Lord Byron. Au moment où nous quittions son logement de Saint-James's-street, vers le midi, il demanda au domestique qui fermait la portière du vis-à-vis: «Avez-vous mis les pistolets dans la voiture?» La réponse fut affirmative. Il était impossible de ne pas sourire de cette précaution prise en plein midi; surtout en égard aux auspices sous lesquels notre liaison avait commencé.(Note de Moore.)
»Je vous ai parlé dans ma dernière lettre du sort de B** et de H**; c'est bien ce que méritent ces sentimentalistes, qui vont se consoler dans des maisons de prostitution de la perte, l'irréparable perte, désespoir d'un attachement si noble, la perte de deux courtisanes! Vous censurez ma manière de vivre, Harness; quand je me compare à ces hommes plus âgés, que moi et dans une position plus brillante, en vérité, je commence à me regarder comme un monument de prudence, une statue ambulante, incapable de sentimens et de faiblesses; et cependant le monde en général m'attribue sur ces hommes-là une orgueilleuse supériorité dans la carrière du vice. Au bout du compte j'aime assez B** et H**; et il ne m'appartient pas, Dieu le sait, de condamner leurs erreurs. Mais j'avoue que je ne puis souffrir de les voir honorer de telles liaisons du nom d'amour… attachemens romantiques pour des choses qu'on peut acheter un écu!
16 décembre.
»Je viens de recevoir votre lettre; je suis pénétré de l'affection que vous me témoignez. La première partie de ma lettre d'hier vous aura parti, j'espère, une explication de la précédente, quoiqu'elle ne suffise pas pour l'excuser. J'aime à recevoir de vos nouvelles… j'aime… le mot n'est pas assez fort. Après le plaisir de vous voir, je n'en connais pas de plus grand. Mais vous avez d'autres devoirs, d'autres amusemens; et je ne voudrais pas vous enlever un moment aux uns ou aux autres. Hogdson devait venir aujourd'hui, mais je ne l'ai point vu. Les faits dont vous parlez à la fin de votre lettre sont de nouvelles preuves à l'appui de mon opinion sur les hommes. Tels vous les trouverez toujours, égoïstes et défians; je n'en excepte aucun. La cause en est dans l'état de la société. Dans le monde, chacun ne doit compter que sur soi; il est inutile et peut-être égoïste d'attendre rien des autres. Mais je ne crois pas que nous naissions ainsi; car il y a de l'amitié au collége, et assez d'amour avant l'âgé de vingt ans.
»Je suis allé voir ***; il me retient en ville, où je ne voudrais pas être actuellement. C'est un homme bon, mais tout-à-fait sans conduite. Maintenant, mon cher William, il faut que je vous dise adieu.
»Croyez-moi pour toujours votre bien affectionné, etc.»
Dès le moment de notre première entrevue, à peine laissâmes-nous passer un jour sans nous trouver ensemble, Lord Byron et moi; et notre connaissance se changea en intimité et en amitié avec une promptitude dont j'ai vu peu d'exemples. Je fus très-heureux dans toutes les circonstances qui marquèrent nos premiers rapports. Pour un cœur aussi généreux que le sien, le plaisir de réparer une injustice aida peut-être beaucoup l'impression favorable que je pouvais avoir faite sur son esprit, tandis que la manière dont j'en demandais réparation, exempte de colère ou de rien qui ressemblât à un défi, ne lui laissa aucun souvenir fâcheux de ce qui s'était passé entre nous. Point de compromis ou de concessions qui pussent blesser son amour-propre, ou diminuer la grâce de cette franche amitié à laquelle il m'admit si cordialement tout d'abord. Ce fut encore un bonheur pour moi que ma liaison avec lui se formât avant qu'il ne fût arrivé à l'apogée de ses succès, avant que les triomphes qui l'attendaient n'eussent mis le monde à ses pieds, et donné à d'autres hommes illustres qui recherchèrent son amitié, des chances bien plus sûres de fixer son estime. Quoi qu'il en soit, la nouvelle carrière que lui ouvrirent ses succès, loin de nous détacher l'un de l'autre, ne fit que nous mettre plus souvent ensemble, et par conséquent rendre notre liaison plus intime. Certaines circonstances m'avaient fait admettre dans cette haute société où l'appelait son rang; et quand, après avoir publié Childe-Harold, il commença à voir le monde, ceux qui étaient depuis long-tems mes amis intimes devinrent les siens. Nous allions généralement dans les mêmes maisons; et dans la saison toujours si gaie d'un printems à Londres, nous nous trouvions, comme il le dit lui-même dans une de ses lettres, embarqués ensemble dans le même vaisseau de fous.
Mais au moment où nous nous vîmes pour la première fois, il était, pour ainsi dire, seul dans le monde. Même ses connaissances de cafés, qui, avant son départ d'Angleterre, lui avaient tenu lieu d'une meilleure société, étaient ou abandonnées ou dispersées. À l'exception de trois ou quatre camarades de collége, auxquels il paraissait fortement attaché, M. Dallas et son avoué semblaient les seules personnes qu'il pût appeler ses amis, et quels amis! Trop fier pour se plaindre de son isolement, qui lui était évidemment pénible, l'état d'abandon dans lequel il se trouva arrivé à l'âge d'homme fut une des sources principales de ce dédain vengeur qu'il affectait pour le genre humain, et que les hommages tardifs qu'il en reçut ne purent parvenir à éteindre. L'effet que produisit sur son caractère adouci le commerce si court qu'il entretint dans la suite avec la société, prouve que son cœur se fût rempli des sentimens les plus doux si le monde lui eût souri plus tôt.
Toutefois, en recherchant ce qu'eût pu être son caractère dans des circonstances plus favorables, n'oublions pas que ses défauts mêmes furent les élémens de sa grandeur; que c'est de la lutte de ce qu'il y avait de bon et de mauvais dans son naturel que son génie tire sa force et son éclat. Un accueil plus flatteur dans le monde eût sans doute adouci et fléchi son caractère acerbe; mais peut-être aussi lui eût-il ôté quelque chose de sa vigueur: la même influence qui aurait répandu plus de charmes et de bonheur sur sa vie aurait pu être fatale à sa gloire. Dans un petit poème qu'il paraît avoir composé à Athènes, en 1811, et que l'on trouve écrit de sa main sur le manuscrit original de Childe-Harold, il y a deux vers qui, à peine intelligibles si on les joint à ceux qui précèdent, peuvent, pris isolément, s'interpréter comme l'expression d'un sentiment prophétique, et de la conviction que de la ruine et du naufrage de toutes ses espérances naîtrait l'immortalité de son nom.
Cher objet d'un attachement malheureux! quoique privé maintenant et d'amour et de toi, il me reste ton souvenir et mes larmes pour me réconcilier avec la vie. On dit que le tems peut détruire la douleur, je sens qu'il n'en est rien; car ma mémoire devient immortelle par le coup même qui tue toutes mes espérances.
Pendant les premiers mois de notre liaison, nous dînions souvent tous les deux ensemble, n'ayant pas de société commune où nous pussions nous trouver. Il n'appartenait alors qu'à l'Alfred, et je ne faisais partie que du Wattier. Nous prenions généralement nos dîners chez Saint-Alban ou chez Steven, dont il était une ancienne pratique. Quoique de tems en tems il bût du vin de Bordeaux assez largement, il persistait dans son système d'abstinence quant aux mets. Il paraît qu'il s'était fait l'idée qu'une nourriture animale avait quelqu'influence sur le caractère. Je me rappelle qu'un jour, étant assis en face de lui, il me regarda quelques secondes manger avec appétit un beefsteak, puis me demanda du ton le plus sérieux: «Moore, ne pensez-vous pas que ces beefsteaks doivent finir par vous rendre féroce?»
Ayant cru que je désirais faire partie de l'Alfred-club, il se hâta de me proposer pour candidat; toutefois, la résolution que j'avais prise, dans l'intervalle, de vivre à la campagne, rendait inutile la souscription à un nouveau club. J'écrivis donc à Lord Byron pour le prier de rayer mon nom; et j'éprouve un plaisir que l'on me pardonnera sans doute, à insérer ici sa réponse, quoique peu intéressante du reste, parce que c'est la première épître familière dont il m'ait honoré.
LETTRE LXXXII
À M. MOORE11 décembre 1811.
Mon Cher Moore,
«Nous laisserons-là, s'il vous plaît, toutes les vaines formules de politesse, et nous nous en tiendrons aux noms qu'il a plu à nos parrains et marraines de nous donner. Si vous le voulez absolument, j'effacerai votre nom; cependant, je n'en vois pas la nécessité, car j'ai, aujourd'hui, ajourné votre élection sine die, jusqu'à ce qu'il vous plaise de nous honorer de votre compagnie. Je ne dis point cela parce qu'il y aurait quelque chose de désagréable pour moi à effacer votre nom de la liste après l'y avoir fait inscrire, mais parce que, plus long-tems il y aura été, plus nous aurons de probabilité de succès, et plus grand sera le nombre des membres qui voteront pour vous. C'est à vous de décider; votre volonté, à cet égard, sera ma loi. Si mon zèle est allé déjà au-delà de la discrétion, pardonnez-le moi en faveur du motif.
»Je voudrais que vous vinssiez avec moi à Newsteadt, Hodgson y sera avec un de mes jeunes amis, Harness, le plus cher et le plus ancien camarade de classe que j'aie eu depuis la troisième forme 10, à Harrow, jusqu'à ce jour. Je puis vous promettre de bons vins; si vous aimez la chasse, un manoir de quatre mille acres; du feu, des livres, la libre disposition de votre tems et mon agréable compagnie: balnea, vina, etc., etc.
Note 10: (retour) La troisième forme anglaise correspond à la classe de quatrième de nos colléges français.(N. du Tr.)
»Je crains que Hodgson ne vous assomme de vers; pour moi je finirai comme Martial, nil recitabo tibi: certainement ce n'est pas là la moins engageante de mes promesses. Pesez ma proposition, et croyez-moi, mon cher Moore,
»Pour toujours, votre, etc.»
BYRON.
Parmi les actes de générosité et d'amitié qui marquaient chaque année de la vie de Lord Byron, il n'en est peut-être pas de plus digne d'être cité, tant pour son opportunité, sa délicatesse et le mérite de l'objet, que celui que je vais rapporter. L'ami assez heureux pour inspirer des sentimens si bien prouvés, est ce même M. Hodgson, auquel sont adressées un si grand nombre des lettres précédentes. Il serait injuste de lui enlever l'honneur de reconnaître lui-même des obligations si signalées; je vais donc mettre sous les yeux du lecteur l'extrait d'une lettre dont il m'a favorisé à l'occasion d'un passage des mémoires autographes de son illustre ami.
»Je pense que c'est un devoir pour moi d'expliquer les circonstances auxquelles ce passage fait allusion, quoiqu'elles touchent à des affaires tout-à-fait particulières; c'est un honneur que je veux rendre à la mémoire de l'ami dont je ne cesserai jamais de déplorer la perte. Me trouvant malheureusement gêné, et même très-embarrassé, je reçus de Lord Byron, à qui j'avais déjà d'autres obligations de la même nature, je reçus, dis-je, de Lord Byron, des sommes qui s'élevèrent à celle de 1,000 livres sterlings. Je n'avais point demandé ce secours, j'étais loin de m'y attendre; mais c'était le projet conçu depuis long-tems, quoique secret, de mon ami, de venir ainsi à mon aide; il n'attendait que le moment de le faire de la manière la plus efficace. Quand je le remerciai de cette faveur inattendue, ses propres paroles furent: J'avais toujours songé à le faire.»
Pendant ce tems, et durant les mois de janvier et de février, il faisait imprimer son poème de Childe-Harold. C'est aux nombreux changemens et aux additions qu'il y fit pendant l'impression, que nous devons plusieurs des plus beaux passages. En effet, en comparant la première ébauche des deux chants avec l'ouvrage tel que nous le possédons aujourd'hui, on sent bien ce don du génie, non-seulement de surpasser les autres, mais de se perfectionner lui-même. Dans le principe, le lecteur faisait connaissance avec le petit page et le valet de chambre, dans les deux stances si faibles que nous allons citer: il est inutile de dire combien le poète a gagné de variété et d'effets dramatiques en étendant la substance de ces deux stances sous la forme si légère et si lyrique, qu'elles ont actuellement:
À sa suite se trouvait un page, jeune paysan, qui servait bien son maître. Souvent son babil charmait Childe-Burun 11, quand son noble cœur était plein de tristes pensées dont il dédaignait de parler. Alors il lui souriait, et le jeune Alwin 12 souriait aussi, quand, par quelqu'innocente plaisanterie, il avait suspendu et séché les larmes prêtes à tomber de l'œil d'Harold…
Note 11: (retour) S'il pouvait rester quelques doutes que Byron ait eu l'intention de se peindre lui-même dans la personne de son héros, l'adoption de l'ancien nom normand de sa famille, qu'il avait d'abord voulu lui donner, suffirait pour les lever tous.
Note 12: (retour) Dans le manuscrit, les noms Robin et Rupert sont tour à tour écrits et raturés ici.
Il n'emmena que ce page et un fidèle serviteur pour voyager avec lui dans le Levant, dans une contrée éloignée. Quoique l'enfant fût d'abord chagrin de quitter les bords du lac, où il avait passé ses premières années, bientôt son petit cœur battit de joie dans l'espoir de voir des nations étrangères, et de voir tant de choses merveilleuses dont nos voyageurs font de si beaux récits; dont Mandeville 13…
Note 13: (retour) Ici le manuscrit devient illisible.
Au lieu de ces strophes si touchantes à Inès dans le premier chant, où se trouvent quelques-uns des traits de la plus sublime mélancolie qui soient jamais sortis de sa plume, il avait été assez peu difficile dans son premier jet, pour se contenter de la chanson suivante:
Oh! ne me parlez plus de pays septentrionaux et de dames anglaises; vous n'avez pas eu le bonheur de voir, comme moi, l'aimable fille de Cadix. Quoique ses yeux ne soient pas bleus, ni ses cheveux blonds comme ceux des jeunes Anglaises, etc., etc.
Il y avait aussi d'abord plusieurs stances pleines de personnalités mordantes, et quelques autres d'un style plus familier et plus libre que la description d'un dimanche à Londres qui défigure encore ce poème. Dans ce mélange du léger et du grave, il avait pour but d'imiter l'Arioste. Mais il est bien plus aisé de s'élever avec grâce d'un style généralement familier à quelques morceaux pathétiques et sublimes, que d'interrompre un récit grave et solennel pour descendre au burlesque et au bouffon 14.
Note 14: (retour) Parmi les taches qu'on est obligé de reconnaître dans le grand poème de Milton, on doit compter une brusque transition de ce genre, en imitation du style de l'Arioste, dans son Paradis des Sots.(Note de Moore.)