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Contes bruns
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Contes bruns

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Язык: Английский
Год издания: 2017
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– Mon pauvre ami, qui donc maintenant te comprendra?..

Puis elle mourut en le regardant.

– Les histoires que conte le docteur, reprit une dame après un moment de silence, me font des impressions bien profondes.

Le médecin salua gravement.

– Oui, elles sont douces et intéressantes; il nous émeut sans employer les atrocités si fort à la mode aujourd'hui…

– Ma réserve, dit-il, n'est certes pas de l'impuissance, et je vous prie de croire, madame, que j'ai ma provision d'horrible tout comme un autre.

– Eh bien! s'écria la maîtresse de la maison, racontez-nous un peu quelque chose d'affreux. Je voudrais voir la couleur de votre tragique, quand ce ne serait que pour le comparer avec celui qui a présentement cours à la bourse littéraire.

– Malheureusement, madame, je ne parle que de ce que j'ai vu.

– Eh bien!

– Mais je dois avoir le dessous avec les gens qui ont sur moi tous les avantages que donne l'imagination. Je ne puis pas vous mettre en scène deux frères nageant en pleine mer et se disputant une planche… ou un homme qui a entrepris de manger un régiment à la croque-au-sel. Je ne puis être que vrai.

– Eh bien! nous nous contenterons de la vérité.

– Je ne veux pas me faire prier, reprit-il, et il se moucha.

– Le hasard, dit-il, me mit autrefois en relation avec un homme qui avait roulé dans les années de Napoléon, et dont alors la position était assez brillante pour un militaire de son grade. Il était capitaine, et occupait à l'état-major de Paris, je crois, une place qui lui valait de quatre à cinq mille francs; en outre il possédait quelque fortune. Où l'avait-il prise, je ne sais. Il était de basse extraction, et pour n'avoir pas d'avancement sous l'empire, il fallait être un traînard, un niais, un ignorant ou un lâche. Cependant il y a aussi des gens malheureux. Mon homme n'était rien de tout cela; c'était le type des mauvais soudards, débauché, buveur, fumeur, vantard, plein d'amour-propre, voulant primer partout, ne trouvant d'inférieurs que dans la mauvaise compagnie et s'y plaisant, racontant ses exploits à tous ceux qui ne savaient pas si une demi-lune est quelquefois entière, enfin un vrai chenapan, comme il s'en est tant rencontré dans les armées; ne croyant ni à Dieu ni au diable; bref pour achever de vous le peindre, il suffira de vous dire ce qui m'arriva un jour que je l'avais rencontré du côté de la Bastille. Nous allions l'un et l'autre au Palais-Royal. Nous cheminâmes par les boulevards. Au premier estaminet qui se trouva:

– Permettez-moi, dit-il, d'entrer là un petit moment; j'ai un restant de tabac à y prendre et un verre d'eau-de-vie.

Il avala le petit verre d'eau-de-vie, et reprit en effet une pipe chargée et un peu de tabac à lui.

Au second estaminet il avait achevé de fumer son restant de tabac, et recommença son antienne. Ce diable d'homme avait des restans de tabac dans tous les estaminets, et c'étaient comme autant de relais pour des pipes et son gosier. Il avait établi dans Paris ses lignes de communication. Je ne vous parlerai pas de ses moustaches grises, de ses vêtemens caractéristiques, de son idiome et de ses tics, ce serait vous en entretenir jusqu'à demain. Je crois qu'il ne s'était jamais peigné les cheveux qu'avec les cinq doigts de la main. J'ai toujours vu à son col de chemise la même teinte blonde. Eh bien! cet homme-là, ce chenapan, avait une assez belle figure, figure militaire, de grands traits, une expression de calme; mais j'ai toujours cru lire au fond de ses yeux verts de mer et tachetés de points orangés quelques-unes de ces aventures où il y a de la fange et du sang. Ses mains ressemblaient à des éclanches. Il était d'une taille médiocre, mais large des épaules et de la poitrine, un vrai corsaire. Par-dessus tout cela il se disait un des vainqueurs de la Bastille. Cet homme rencontra une jeune fille assez folle pour s'amouracher de lui. C'était une grisette, mais un amour de feu. Elle avait nom Clarisse, et travaillait chez une fleuriste. Elle avait tout joli, la taille, les pieds, les cheveux, les mains, les formes, les manières. Son teint était blanc, sa peau satinée. Il n'y a vraiment qu'à Paris que se trouvent ces espèces de produits et ces sortes de passions. Jamais je n'ai vu de contraste aussi tranché que l'opposition présentée par ce singulier couple. Clarisse était toujours mignonne, propre et bien mise. Par amour-propre, le capitaine lui donnait tout ce qu'elle lui demandait, et la pauvre enfant lui demandait peu de choses: c'étaient la partie de spectacle, quelques robes, des bijoux. Jamais elle ne voulut être épousée, et s'il la logea, s'il meubla son appartement, ce fut par vanité. Cette jeune fille était le dévouement même. J'ai souvent pensé que ces pauvres créatures obéissent à je ne sais quelle charitable mission en se donnant à ces hommes si rebutans, si rebutés, aux mauvais sujets. Il y a dans ces actes du coeur un phénomène qu'il serait intéressant d'analyser.

Clarisse tomba malade, elle eut une fièvre putride, à laquelle se mêlèrent de graves accidens, et le cerveau fut entrepris. Le capitaine vint me chercher; je trouvai Clarisse en danger de mort, et, prenant son protecteur à part, je lui fis part de mes craintes.

– Il faut, lui dis-je, avoir une bonne garde-malade au plus tôt; car cette nuit sera très-critique.

En effet, j'avais ordonné de mettre à une certaine heure des sinapismes aux pieds, puis d'appliquer, une demi-heure après l'effet du topique, de la glace sur la tête, et lorsqu'elle serait fondue, de placer un cataplasme sur l'estomac… Il y avait d'autres prescriptions dont je ne me souviens plus.

– Oh! me répondit-il, je ne me fierais point à une garde; elles dorment, elles font les cent coups, tourmentent les malades. Je veillerai moi-même, et j'exécuterai vos ordonnances comme si c'était une consigne.

A huit heures du matin, je revins, fort inquiet de Clarisse; mais en ouvrant la porte, je fus suffoqué par les nuages de fumée de tabac qui s'exhalèrent, et au milieu de cette atmosphère brumeuse, je vis à peine, à la lueur de deux chandelles, mon homme fumant sa pipe et achevant un énorme bol de punch. Non, je n'oublierai jamais ce spectacle. Auprès de lui Clarisse râlait et se tordait; il la regardait tranquillement. Il avait consciencieusement appliqué les sinapismes, la glace, les cataplasmes; mais aussi le misérable, en faisant son office de garde-malade, trouvant Clarisse admirablement belle dans l'agonie, avait sans doute voulu lui dire adieu; du moins le désordre du lit me fit comprendre les événemens de la nuit. Je m'enfuis, saisi d'horreur: Clarisse mourait.

– L'horrible vrai est toujours plus horrible encore!.. dit le sculpteur.

– Il y a de quoi frémir quand on songe aux malheurs, aux crimes qui sont commis à l'armée, à la suite des batailles, quand la méchanceté de tant de caractères méchans peut se déployer impunément!.. reprit une dame.

– Oh! dit un officier qui n'avait pas encore parlé de la soirée, les scènes de la vie militaire pourraient fournir des milliers de drames. Pour ma part, je connais cent aventures plus curieuses les unes que les autres; mais en m'en tenant à ce qui m'est personnel, voici ce qui m'est arrivé…

Il se leva, se mit devant nous, au milieu de la cheminée, et commença ainsi:

– C'était vers la fin d'octobre; mais non, ma foi, c'était bien dans les premiers jours de novembre 1809, je fus détaché d'un corps d'armée qui revenait en France, pour aller dans les gorges du Tyrol bavarois. En ce moment nous avions à soumettre, pour le compte du roi de Bavière, notre allié, cette partie de ses états que l'Autriche avait réussi à révolutionner. Le général Chatler s'avançait même avec un ou deux régimens allemands, dans le dessein d'appuyer les insurgés, qui étaient tous gens de la campagne.

Cette petite expédition avait été confiée par l'empereur à un certain général d'infanterie nommé Rusca, qui se trouvait alors à Clagenfurth, à la tête d'une avant-garde d'environ quatre mille hommes. Comme Rusca était sans artillerie, le maréchal Marmont… avait donné l'ordre de lui envoyer une batterie, et je fus désigné pour la commander.

C'était la première fois, depuis ma promotion au grade de lieutenant, que je me voyais, au milieu d'une brigade, le seul officier de mon corps, ayant à conduire des hommes qui n'obéissaient qu'à moi, et obligé de m'entendre, comme chef d'une arme, avec un officier général.

– C'est bon, me dis-je en moi-même, il y a un commencement à tout, et c'est comme cela qu'on devient général.

– Vous allez avec Rusca?.. me dit mon capitaine, prenez garde à vous, c'est un malin singe, un vaurien fini. Son plus grand plaisir est de mettre dedans tous ceux qui ont affaire à lui. Pour vous apprendre ce que c'est que ce chrétien-là, il suffira peut-être de vous dire qu'il s'est amusé dernièrement à baptiser du vin blanc avec de l'eau-de-vie, afin de renvoyer à l'empereur un aide-de-camp soûl comme une grive… Si vous vous comportez de manière à éviter ses algarades, vous vous en ferez un ennemi mortel… Voilà le pèlerin… Ainsi, attention!

– Hé bien, répliquai-je à mon capitaine, nous nous amuserons; car il ne sera pas dit qu'un pousse-cailloux embêtera un officier d'artillerie.

Dans ce temps-là, voyez-vous, l'artillerie était quelque chose, parce que le corps avait fourni l'empereur…

Me voilà donc parti, moi et mes canonniers, et nous gagnons Clagenfurth. J'arrive le soir; et, aussitôt que mes hommes sont gîtés, je me mets en grande tenue et je me rends chez le Rusca. Point de Rusca.

– Où est le général, demandais-je à une manière d'aide-de-camp qui baragouinait un français mêlé d'italien.

– Le zénéral est à la zouziété, dans oun chercle, au café, à boire de la bière sou la piazza.

Je regarde mon homme en face, et je m'aperçois qu'il n'est pas ivre comme ses incohérences me le faisaient supposer.

– Vous êtes étonné… reprit l'aide-de-camp. Ma s'il est là de si bonne houre, c'est pour oune petite difficoulté quél zénéral il a ou avec les habitanti. Par ché i son di oumor pauco contrariente les Tedesques. Ces chiens-là né se sont-ils pas avisés dé né piou audare boire de la bière all chercle per ché lè zénéral y était…

En ce moment, nous fûmes interrompus par un roulement de tambour, après quoi le crieur de la ville lut en français d'abord, puis en allemand et en italien, une proclamation de Rusca, en vertu de laquelle il était enjoint à tous les négocians et notables habitans de Clagenfurth d'aller, comme par le passé, au cercle, pendant toutes les soirées, sous peine d'être taxés à un contribution extraordinaire.

– Et comment le paieront-ils donc?.. dit le colonel du 20e qui se trouvait auprès de moi, car je m'étais avancé pour écouter; ce serait la quatrième qu'il lèverait sur ces pauvres diables. Ce compère-là est capable de les faire révolter, pour se donner le plaisir de mitrailler une sédition populaire…

– Pourquoi n'allaient-ils plus au café?.. mon colonel, lui demandais-je.

Le colonel me regarda.

– Vous arrivez… à ce que je vois, me répondit-il. Eh bien! voilà le fait. Ce diable de Rusca ne s'amusait-il pas, le soir, à allumer sa pipe, au cercle, devant ces pauvres gens, avec les billets de florins qu'il leur arrachait le matin!.. Il faut que ce soit encore un bien bon peuple, ces Allemands, pour qu'aucun d'eux ne lui ait tiré un coup de pistolet… Heureusement, nous partirons demain; nous n'attendions que vous…

– Il paraît, lui dis-je, que votre général n'est pas commode?..

– C'est un excellent militaire… répliqua-t-il, et il entend particulièrement la guerre que nous allons faire. Il a été médecin dans la partie de l'Italie qui avoisine les montagnes du Tyrol, et il en connaît les routes, les sentiers, les habitans. Il est d'une bravoure exemplaire; mais c'est bien le plus malicieux animal que j'aie jamais connu. S'il ne brûle pas les paysans dans leurs villages, il faudra qu'il soit dans ses bons jours…

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